la communication marketing contre la fiabilité des

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PROPOSITION POUR LE 3e COLLOQUE INTERNATIONAL
SUR LE COMMERCE EQUITABLE
14-16 MAI 2008
LA COMMUNICATION MARKETING
CONTRE
LA FIABILITÉ DES LABELS
Introduction
On observe qu'un nombre croissant de produits labellisés commerce équitable, qui en fait ne le sont pas.
Mais alors comment accroitre la fiabilité des labels? Au delà des questions de méthodologie se pose la
question de la communication et de la transparence.
Face à cette interrogation, plusieurs courants s'affrontent. Il y a les partisans de la communication
dénonciatoire des mouvements sociaux visant à fiabiliser les labels en dénonçant les faux. De l'autre, il y a
ceux qui usent de la communication marketing des entreprises privées et des pseudo-ONG. Cette dernière
stratégie inclue la prolifération de la régulation procédurale, c'est à dire la course en avant vers de nouveaux
labels et procédures, lorsque les anciens ont été mis en cause. Entre ces deux courants dominants nous
chercherons à savoir lequel gagne et gagnera la bataille de la communication au sein de l'espace public.
Pour répondre à la question du conflit entre la communication marketing et la fiabilité des labels, nous
choisirons une approche qualitative, fondée sur l’analyse d’exemples symboliques et significatifs. L’analyse
de certains, organisations, telles Max Havelaar, seront tirées d’investigations bibliographiques, d’autres telles
Step seront issues d’études et d’entretiens que nous avons réalisés nous mêmes en Inde et en Europe
(Brugvin, 2007).
Le manque de fiabilité des labels
On relève un nombre croissant de produits labellisés commerce équitable qui ne le sont pas en réalité. La
coopérative UCIRI (Mexique) est labellisée par Max Havelaar, pourtant les producteurs, travaillant au sein
d'UCIRI, sont payés 2$/jour en dessous du salaire minimum en vigueur à Mexico qui est de 3,3$/jour (VD
Hoff, 2002). On peut donc supposer que les salariés des producteurs sont encore moins bien payés. La
coopérative COAGROSOL (Brésil) est certifiée par Flo-cert (Max Havelaar), alors que les salariés ne sont
pas payés plus que ceux de la région (Jacquiau, 2006 : 370). FEDECOCAGUA (Guatemala) est aussi
labellisée Max Havelaar, mais comme l'explique Mauro Garcia, coordinateur national du projet International
Coffee Partners (ICP), les prix ne sont pas équitables, il n'y a pas d'aide aux producteurs, ces derniers se
retrouvent très endettés et ceux qui désirent sortir de la coopérative sont menacés de procès (Jacquiau, 2006 :
359). COSURCAS (Colombie) a été labellisée Max Havelaar, bien que 75 millions de pesos (28 000 euros
environ) aient été détournés et que cette coopérative ne disposait pas de cahier de comptabilité (Jacquiau,
2006 : 342).
Lorsqu'une organisation (une ONG) rencontre, dialogue, collabore avec une autre organisation (une
entreprise transnationale (ETN)), il s'effectue un transfert de réputation. Celle qui dispose de la moins bonne
notoriété se voit tirée vers le haut, tandis que la notoriété de l'autre tend à baisser (Richter, 2004).C'est le cas
de Max Havelaar qui a labellisé certains produits de grandes entreprises transnationales tels Nestlé, Dagris,
ou qui vend du café équitable, dans les Mac Donald Suisse, chez Accor, ou Starbucks (Jacquiau, 2006). Les
ETN rémunèrent des experts en communication et en relations publiques d'entreprise, qui connaissent
parfaitement ce type de techniques de transfert de réputation, ce qui n'est pas toujours le cas des associations.
Le second risque, relève cette fois, d'un transfert de notoriété, couplé à un effet masquant d'une technique
de nature marketing, relavant de la manipulation. Ainsi, labelliser un produit du commerce éthique ou
équitable permet de redorer son image, pour une ETN ou pour un distributeur qui ne dispose que de deux ou
trois produits labellisés "équitable" ou "social". Même si, parallèlement, ils continuent à vendre des milliers
de produits ne respectant pas ce label.
Quel que soit le mode de vérification et de sanction qui sera mis en oeuvre, sa privatisation comporte le
risque de laisser aux seuls acteurs économiques privés (les sociétés d'audit) la charge de la vérification, voire
de la sanction des questions liées au travail. Or, les sociétés d’audit manquent d'indépendance au plan
1 Docteur en sociologie, Largotec, auteur du livre Les mouvements sociaux face au commerce éthique, Hermès/Lavoisier,
2007.
économique puisqu'elles sont rémunérées par ceux qu'elles jugent. Cela représente donc un obstacle majeur à
une vérification indépendante.
Par conséquent, seul, un système de vérification par un organisme public peut posséder potentiellement
deux conditions qui sont indépendance et action à large échelle. Cependant, actuellement, les pouvoirs
publics manquent parfois d’indépendance, lorsqu’ils sont inféodés aux acteurs économiques dominants ou
plus ou moins corrompus. Les ONG et les syndicats s’approchent quelque peu des critères d’indépendance
minimum, mais ils ne peuvent exercer une vérification indépendante réelle sur une large échelle, en l’absence
de financement conséquent.
Dans le cadre des projets pilotes de commerce éthique, la campagne Clean Clothes Campain, des sociétés
d'audit sont financées par les pouvoirs publics et contrôlé par des ONG. Ce dispositif tripartite pourrait
remédier aux limites des dispositifs de la seule régulation privée.
La concurrence entre distributeurs peut pousser ceux-ci à abaisser les coûts, donc aussi le rapport
qualité/prix (durée de l'audit/prix de l'audit) et donc sa qualité. Il en est déjà ainsi pour les différents auditeurs
de Max Havelaar, de Step, ou de la Socam de C&A, qui sont déjà poussés à réaliser des audits trop
rapidement et qui deviennent très peu fiables, lorsqu'ils existent, comme nous l'avons mis en évidence
précédemment.
Par exemple au Pays-Bas, le café Ahold labellisé Utz Kapeh (Certification du café) a conquis 12% des
parts de marché et a supplanté Max Havelaar, qui plafonne à 3%, d'après Alternatives Internationales
(novembre, 2004) (Jacquiau, 2006 : 174-176).
En fait en 2006, Flo-Cert disposait de 50 certificateurs, au plan international, pour un million de
producteurs. Cela correspond donc, à 20 000 producteurs par certificateurs, soit 54 producteurs à auditer, par
jour, chaque année, comme s'engage à le faire Flo-cert (sans compter les jours de congé et les temps de
déplacement des auditeurs), ce qui est réellement insuffisant. Le Mexique, par exemple, ne dispose que 2
auditeurs (Jacquiau, 2006 : 340). Or, dans son référentiel, c’est annuellement que Flo-cert s'engage à visiter
les coopératives. Effectivement, cela s'avère un minimum pour une certification sérieuse. A la lumière de ces
éléments, on comprend mieux, pourquoi la certification Flo-Cert a été remise en cause, à plusieurs reprises,
concernant des coopératives exportant des produits labellisés Max Havelaar.
Finalement il existe d’un côté des labels qui affirment être rigoureux (Max Havelaar, Step), mais qui ne
le sont pas véritablement par manque de vérification vraiment indépendante et d’un nombre d’audits
insuffisants. De l'autre côté, il y a des labels pas vraiment fiables, mais presque revendiqués comme tel, à
l'instar de Minga.
Dans ces conditions les consommateurs risquent à terme de rejeter le commerce équitable, s'ils estiment
que les labels ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. En l'absence d'un dispositif de vérification vraiment
indépendant, le développement des labels paraît donc condamné à l'échec. Sauf si les consommateurs ne sont
pas trop regardants.
C’est pourquoi à moyen terme le commerce éthique et équitable (en tout cas comme action de démocratie
économique participative) risque de perdre sa crédibilité, donc sa force principale qui se fonde sur la
confiance, la transparence, la croyance en l'indépendance et l'impartialité des labels.
Marketing, partenariat, revendication ?
Il est difficile de concilier une collaboration avec la grande distribution et en même temps une action
revendicative, visant à en dénoncer les limites ou les violations des entreprises. Parce qu'il est difficile d'être
avec et contre, d'être collaborateur et en même temps adversaire. Nous avons vu, auparavant, que c'était la
raison pour laquelle Max Havelaar avait quitté le collectif ESE. C'est aussi une des causes qui a empêché le
collectif ESE, de parvenir à implanter un label social, dans la grande distribution.
En effet, une organisation doit souvent choisir entre ces deux types d'action. La raison principale réside dans
le fait qu'elle change de nature, de fonction. Lorsqu'une association exerce un partenariat de nature
économique (en se rémunérant par des taxes, licences, redevances pour vendre des produits labellisés) elle
devient alors, progressivement, un acteur économique privé. Si elle entend rester une association civique, son
action relève donc de l'interpellation, de la sensibilisation et cela s'accommode mal avec un partenariat
économique et donc une dépendance financière.
Les campagnes de dénonciation des mouvements sociaux se heurtent aux campagnes de communication et
de relations publiques des entreprises qui s'appuient sur une expertise et des ressources financières largement
plus conséquentes. Les relations publiques sont ainsi qualifiées dans les années 1920 "d'industrie du
consentement" (Richter, 2004 : 149). Les relations publiques des entreprises sont, selon Harold D. Laswell,
un de ses théoriciens, "la découverte que la propagande est moins coûteuse que la violence, la corruption, et
autres techniques de contrôle" (Laswell, 1935: 524).
Quant au marketing, il est défini par Keegan et Leersnyder comme une "une démarche qui consiste à
concentrer les ressources et les moyens d'une organisation sur les opportunités et les besoins environnants
(...)". "L'objectif est le profit" (...) grâce "à la politique de produit, de prix, de communication et de
distribution (Keegan et Leersnyder, 1994 : 5). Un des moyens utilisés par le marketing est donc la
communication. Nous qualifierons pour notre part, de communication marketing, les pratiques de
communication des entreprises qui visent à organiser le consentement du public, en s'appuyant sur des
campagnes publicitaires, le packaging des produits et les relations publiques pour atteindre leurs fins, c'est à
dire la maximisation de leur profit.
Fiabilité des labels: Logique technico-juridique (procédurale) contre logique de communication
marketing
La labellisation par Max Havelaar concernant les produits d'ETN, a d'ailleurs suscité une vive opposition,
au sein de certains membres de FLO. Ainsi, le Fair Trade Transfer Italie estime que "le développement du
commerce équitable ne devrait pas impliquer des entreprises sous le coup de campagnes internationales de
boycott, comme c'est le cas pour Nestlé" (Jacquiau, 2006 : 156).
Cependant, même en cherchant à appliquer une telle déclaration, une entreprise, labellisée pour un produit
spécifique, peut quelques mois plus tard subir des boycotts sur d'autres produits ou unités de production. On
constate donc à quel point les labels (ou logo) sont l'objet d'un enjeu au plan marketing, des relations
publiques d'entreprise (Richter, 2004 : 151) de l'image et du politique. Or la question marketing doit être
dissociée de celle de la vérification. Bien que cela relève de deux processus différents, il y a des liens
dangereux qui les unissent qui nuisent à la transparence, donc à la démocratie économique. Un mauvais
résultat au plan juridique pouvant ensuite être compensé par une action de nature marketing et un bon plan
de communication. C'est déjà le cas actuellement pour les grandes ETN, telles Nike ou C&A qui sont
fréquemment attaquées (CCC, 1996), ou encore de Max Havelaar (Jacquiau, 2006). Alors est-ce aux ONG,
telle Max Havelaar, de redorer illégitimement l'image des ETN à peu de frais? On observe donc que la
régulation privée des normes sociales et environnementales repose sur une lutte au sein des arènes de l'espace
public, entre le pouvoir technico-juridique des acteurs économiques privés et en partie des pouvoirs publics
contre le pouvoir communicationnel des mouvements sociaux. On peut supposer qu'à long terme c'est donc
deux logiques qui vont venir s'affronter, la logique technico-juridique fondée sur la fiabilité des procédures
qualités, les normes ISO, la certification, sur les procédures de vérification telle que la décrit Mispelblom
(1999), contre le pouvoir communicationnel au sein de la démocratie, la théorie communicationnelle, telle
que le décrit Habermas (1996). C'est à dire une délibération, une lutte entre acteurs, dans les différentes
arènes de l'espace public, permettant la progression de la démocratie.
Dans le secteur de l'éthique, sur le plan de la lutte communicationnelle, les entreprises disposent de
puissants moyens d’information des consommateurs et des pouvoirs publics (marketing, publicité, relations
publiques, lobbying). Les mouvements sociaux s'appuient pour contrecarrer cette force de communication
(souvent de désinformation), sur leur capacité d'initier des campagnes de sensibilisation des citoyens, des
consommateurs, d'interpellation des entreprises dénonçant les labels non fiables.
De plus, dans la mesure où les médias sont eux mêmes la propriété de la plupart d'intérêt privés de
grandes ETN, cela ne facilite pas la diffusion des campagnes d'opinion des mouvements sociaux. Malgré ces
obstacles, des actions très médiatiques (à forte dimension symbolique et visuelle), où la masse des individus,
dans de grandes manifestations, parviennent généralement à faire imposer des idées dans les médias qui sont
des relais vers l'opinion publique et les consommateurs. Cependant ce type d'actions ne peut que rester
qu'exceptionnel, tant il est lourd à mettre en oeuvre. Donc, finalement en dehors de quelques actions d'éclats
très médiatiques, une large gamme de labels privés peut foisonner en toute impunité et donc abuser le
consommateur.
La prolifération et la course en avant du pouvoir procédural contre le pouvoir communicationnel
Lorsque la "communication dénonciatrice" des mouvements sociaux parvient à contrecarrer la
communication marketing des entreprises, c'est in fine, la masse des labels, leur prolifération qui gagnent. En
effet, il n'est pas possible pour les mouvements sociaux de dénoncer, chaque nouveau label, chaque mauvaise
certification. Or, c'est la stratégie habituelle des dirigeants d’entreprises: lorsqu'un label ou une certification
est dénoncé par les associations, ils le changent en prétextant que le nouveau va tout changer. Ce fut le cas du
passage du label PEFC au FSC, ou de l'ancien système d'audit de Flo-cert remplacé par un nouveau, le cas du
nouveau code de conduite de Nike... C'est une course en avant qui cherche à masquer le problème
fondamental de la régulation privée: son manque d'indépendance économique. Par conséquent, la force des
structures, la régulation privée procédurale (l'assurance qualité), l'emportent sur la régulation privée par la
communication des mouvements sociaux notamment, en l'enfouissant sous la masse de nouveaux instruments
(codes, labels...).
On observe ainsi, que le foisonnement des normes ISO, des codes de conduite des labels viticoles ou
encore de la certification de la comptabilité des entreprises continuent de se développer malgré les
nombreuses dénonciations dont ils font l’objet.
Logique d'interpellation contre logique humanitaire ou économique
D'une part on observe, une opposition entre la logique technico-juridique et la logique marketing (et celle
des relations publiques d'entreprise), mais bien vite nous relevons aussi un conflit entre la légitimité fondée
sur l'interpellation et celle portant sur la légitimité de l’opérateur économique privé du développement ou de
l’acteur l'humanitaire. En effet, tandis que la première opposition ne relève que d'un conflit entre fiabilité et
réputation notamment, le second relève de la nature, du rôle sociétal choisi par une organisation. Sans y
prêter attention, une organisation risque donc de changer de rôle à son insu.
D'après Perlas (2001), le premier pouvoir des associations elles celui des idées. Dans la perspective de N.
Perlas elles devraient donc se limiter à un rôle d'interpellation ou de propositions d'idées nouvelles avec les
acteurs économiques et publics. Car, devenir un acteur économique de la certification c'est courir le risque de
perdre sa fonction d'interpellation (acteurs appuyant leur pouvoir sur les idées et la dimension
socioculturelle).
Dans un premier temps, le Collectif ESE a choisi de mettre en oeuvre un système opérationnel de
vérification, de certification et de labellisation. D'une part parce qu'aucun n'existait, mais ensuite, parce qu'il
voulait aussi se former par la pratique concrète. Cependant, ce dispositif de labellisation, n'a jamais
véritablement abouti, car le collectif ESE est resté vigilant et a conservé son rôle d'interpellation (régulation
par l'orientation) sans se laisser absorber complètement par son ses actions d'ONG de développement
(régulation opératoire ou par la vérification).
Lorsqu'une association telle Max Havelaar, consacre la grande majorité de son temps à des activités de
nature développementaliste ou opératoire, tel que l'audit, qu'elle se finance très largement par des taxes sur
produits labellisés, la recherche de nouveaux débouchés pour ces produit, l'accréditation (FLO-Max
Havelaar), la certification (FLO-cert), alors elle change de nature. Elle devient essentiellement un acteur
économique privé. Or, elle perd ainsi une de ses ressources: la légitimité morale et l'indépendance qui
caractérisent une association citoyenne ou un syndicat.
Or, les associations qui souhaitent conserver leur légitimité par l'indépendance économique et leur
légitimité morale sont contraintes à se limiter à un rôle d'interpellation et à laisser aux organismes privés et
publics la charge de la régulation par la vérification. Sinon elles changent tout simplement de nature. Les
associations citoyennes, qui souhaitent conserver cette fonction, limitent à dénoncer le non respect des labels
et des codes de conduite, à travers des campagnes d'opinion : d'une part, parce que labelliser l'ensemble des
produits d'une ETN s'avère quasi-impossible pour une ONG qui souhaite rester indépendante
économiquement et politiquement.
La concurrence au sein du marché dominée par le pouvoir communicationnel
Les partisans de la régulation par la marché considèrent que la concurrence entre labellisateurs et aussi
entre certificateurs offrira une meilleure fiabilité et qualité des labels. Ces derniers devenant plus rigoureux
concernant le processus préalable de certification et dans l'exigence de leur référentiel. A l'inverse, il y a ceux
qui estiment que la concurrence entre labellisateurs nuira à la qualité des labels, en tirant les prix vers le bas
pour la certification (gain de temps, donc d'argent mais pas de qualité), en limitant la rigueur des normes
(pour obtenir plus facilement le label). Ce n'est l'intérêt ni de l'auditeur, ni de l'audité, d'accroître la fiabilité
de la certification. En effet, chacun d'eux perd du temps donc de l'argent si l'audit est long, systématique,
fouillé, détaillé.
C'est surtout le consommateur qui trouve un intérêt à un audit rigoureux, mais celui-ci ne dispose
généralement pas du temps suffisant pour s'informer sur la qualité du label.
Or, il existe un facteur qui est plus déterminant que la concurrence vertueuse et vicieuse, c'est le pouvoir
communicationnel c'est à dire la qualité de l'information du consommateur autour des labels (transparence,
traçabilité contre communication marketing). La concurrence, sera vertueuse ou vicieuse en fonction de
l'information diffusée.
La régulation par le pouvoir de la communication marketing, risque de l'emporter sur la régulation par le
pouvoir procédural. Par conséquent, c'est aussi le pouvoir de la communication marketing qui l'emportera sur
le pouvoir de la "communication dénonciatrice" des mouvements sociaux (les campagnes). Dans ce contexte,
la concurrence vertueuse ne peut véritablement se développer par manque de transparence, du fait d'une
asymétrie d'information entre les agents (les consommateurs sont à la fois mal et inégalement informés). C'est
donc la concurrence vicieuse, le moins disant qui l'emporte.
En effet, en l'absence de capacité de communication équilibrée, et d'information fiable, il devient inutile,
voir impossible, pour les certificateurs et les labellisateurs, de mettre en avant leurs avantages comparatifs.
Le facteur clé pour gagner la bataille de la concurrence n'est plus la qualité du label, mais la qualité des
informations du consommateur. En ce qui concernant la qualité de l'information sur les labels, il dépend du
pouvoir communicationnel des mouvements sociaux qui sera probablement insuffisants face à la puissance de
la communication marketing et des relations publiques des entreprises. De plus la communication
dénonciatrice peine à lutter contre le pouvoir procédural (l’incapacité à vérifier la multitude des
certifications, la prolifération de nouveaux labels).
Conclusion
D’une certaine façon, c’est seulement dans les secteurs réunissant une micro-production plus facilement
contrôlable et un financement suffisant et indépendant (donc public) que les labels peuvent disposer d’une
réelle crédibilité. Or ce sont deux conditions que l’on ne rencontre quasiment jamais, car d’une certaine façon
elles sont antinomiques, puisque les pouvoirs publics par nature ont prioritairement pour attribution de
travailler pour l’ensemble de la collectivité, donc à grande échelle.
Concernant les dispositifs de régulation privée (certification, labels...), la communication marketing et la
prolifération de la régulation procédurale (non indépendante) l'emporteront probablement sur la capacité de
communication dénonciatoire des mouvements sociaux. Ainsi le pouvoir procédural tend à dominer le
pouvoir communicationnel des mouvements sociaux, tandis que le pouvoir de la communication marketing
tend lui même, à dominer ces deux autres pouvoirs.
Par contre si la voie de la régulation tripartite se développe, les auditeurs privés pourront gagner en
indépendance économique grâce au financement des pouvoirs publics et les associations citoyennes pourront
continuer à exercer leur actions dénonciatoires afin d'y exercer un contrôle démocratique.
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