Maurice Hauriou

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« Puissance publique et chose publique ».
« Il n’est donc que temps de saisir le régime de l’an VIII. Le droit administratif est âgé d’un
siècle, la loi du 28 pluviôse an VIII[17 février 1800)], la grande charte administrative
centralisatrice et niveleuse rêvée par Richelieu, rédigée par Napoléon a eu cent ans le 17
février 1900(…)
Taine l’a bien caractérisé lorsqu’il l’a nommé régime de « la Puissance publique », j’ajouterai
de la « Chose publique » Admettons le postulat suivant que les seuls intérêts des hommes
dont l’Etat doive tenir compte sont ceux qui, communs à tous importent également à tous,
faisons abstraction des intérêts différentiels et notamment des professionnels, supposons que
les hommes en tant que différents sont hors de l’Etat, qu’ils n’en font partie que comme
semblables et égaux. De tous les intérêts communs aux citoyens égaux formons une masse qui
s’appellera la « chose publique », nous avons le fondement de l’Etat, le trésor de la cité, qu’il
s’agit de garder et d’administrer. La garde et l’administration seront confiées à la Puissance
publique. Celle-ci sera faite de toute la force de la volonté nationale supposée unanime.
Cette Puissance publique, sous le nom de souveraineté nationale deviendra rationnellement
absolue, elle n’admettra aucun voisinage dans l’Etat, aucun partage de compétence ni avec
aucune Eglise ni avec aucune organisation corporative, elle n’aura devant elle qu’une
poussière d’individus matriculés et encadrés dans les seules circonscriptions administratives
dans l’Etat aura sa juridiction propre dont relèvera tout son contentieux. Ce régime
despotique, à le juger impartialement, n’a eu de résultats fâcheux que par son étroitesse et son
exclusivisme, parce qu’il a empêché de se reconstituer certains organes nécessaires à la
solidarité nationale amputés par la révolution ; dans son œuvre positive il a été plutôt le bon
tyran que le mauvais. L’administration française s’est montrée honnête, habile et active, elle
a doté ce pays de cette police, de cette voirie, de cette culture classique, dans lesquelles se
résument au fond les intérêts communs et la chose collective. Le régime n’a pas été trop dur
aux individus, du moins à ceux de la classe possédante. Il a d’ailleurs été supporté et rendu
supportable, malgré son insuffisance, grâce à certaines qualités du tempérament français. Je
relève d’abord une tournure d’esprit idéaliste qui pendant de nombreuses années a fait oublier
même aux déshérités les incommodités pratiques du système à cause des satisfactions
morales de l’égalité et de la simplicité démocratiques. Il convient ensuite de faire une large
part à l’esprit de contradiction (…).
Le problème grave est de savoir comment se feront ces transformations de l’avenir, de quelle
façon la complexité réelle des intérêts se réintroduira dans une vie publique trop simplifiée.
La Puissance publique consentira-t-elle à partager les charges, mais aussi le pouvoir, avec des
organisations réelles des intérêts, leur fera-t-elle une place dans l’Etat, ou bien, pour ne pas
partager on pouvoir, s’obstinera-t-elle à assumer des charges au dessus de ses forces et alors
entrerons nous dans la voie douloureuse des impôts publics pour les charges privées
Régime d’Etat défini « par rapport aux éléments sociaux internes de l’Etat » « La participation
des libertés particulières et de la souveraineté en vue de la réalisation de la chose publique,
c’est-à-dire dans des fins d’égalité individuelle » chapitre II : Le régime d’Etat. Section I :
Définition du régime d’Etat.
Maurice Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public général à l’usage des
étudiants en licence et en doctorat es-sciences politiques, Paris, Maisonneuve et Larose, 4ème
édition, 1900. « Extrait de la Préface p. 2-3.
Livre II Les existences sociales dans le régime d’Etat. Chapitre I le droit public individuel Section préliminaire :
Définition, détermination et garantie des droits individuels.
Définition des droits individuels :
*Cette loi est l'une des plus importantes votées sous le Consulat de Napoléon Bonaparte.
Elle organise l'administration du territoire français, qu'elle confie aux préfets.
La Constituante s'est illustrée par les réformes de structures qu'elle a engagées. La création des départements
compte parmi ses réussites les plus éminentes. Au désordre de l'organisation administrative de l'Ancien Régime,
succédait, par la loi du 22 décembre 1789, un découpage administratif clair et rationnel. Avec le département, la
France comptait désormais une circonscription de base bien adaptée aux besoins de l'administration locale.
Il restait à en assurer la direction et l'animation. La loi du 28 pluviôse an VIII, en instituant dans chaque
département un préfet "seul chargé de l'administration", fixa le paysage administratif de la France
contemporaine. Les instructions de Napoléon Bonaparte et de son frère Lucien qui s'ensuivirent précisèrent leurs
pensées : "Il était temps d'appeler à la défense et au maintien de la République tous les courages ; à son
Administration toutes les lumières ; à sa décoration tous les talents" (circulaire de Lucien Bonaparte, ministre de
l'Intérieur, du 7 nivôse an VIII). L'institution préfectorale était un élément essentiel de cette fonction publique
dont ils voulaient "dater le bonheur des Français". Selon la Constitution de l'an VIII qui venait d'être adoptée,
l'adoption de la loi passa par trois étapes : la préparation et la rédaction d'un projet par le Conseil d'Etat, la
défense du texte devant le Corps Législatif par trois conseillers d'Etat : Roederer, Cretet et Chaptal, le vote par le
Tribunat. La discussion commença le 23 Pluviôse et s'acheva le 26 Pluviôse, par l'adoption de la loi par 71 voix
contre 25.
Le Conseil d’Etat remplit trois missions principales sous le Consulat et l’Empire. La Constitution de l’an VIII en
fixe la base, sans toutefois en exprimer le contenu exact : rôle législatif : préparation des lois et des codes, avis
du Conseil ; action juridictionnelle en matière d’affaires contentieuses ; rôle administratif : attributions diverses.
Louis Cormenin, auditeur au Conseil d’Etat à partir de 1810, le décrit comme "une immense fabrique d’avis,
d’interprétations, de décrets, de lois déguisés sous forme de décrets et de règlements d’administration publique."
Cormenin fait là allusion à la pratique courante sous l’Empire de régler par décret des matières qui, en raison de
leur nature, auraient dû faire l’objet de lois. Rédaction et présentation des projets de lois devant le corps législatif
Le rôle législatif du Conseil est défini par l’article 52 de la Constitution de l’an VIII. Les conseillers d’État
préparent les lois importantes mais aussi les règlements proposés par Bonaparte. Une importante minorité au
Tribunat, se défiant de Bonaparte à partir de l’an IX, n’hésitera pas à parler des " projets de lois du Conseil
d’État. "Sous le Consulat et l’Empire, le gouvernement a l’initiative exclusive de la loi, que ni le Tribunat, ni le
Corps législatif ne peut amender. Le Conseil d’État est non seulement chargé de l’aspect technique de la
rédaction des projets de lois, mais est aussi consulté sur leur contenu politique et social. L’activité législative du
Conseil ne comprend pas seulement la préparation des cinq codes et des grandes lois sur l’organisation
administrative, financière ou judiciaire, mais concerne aussi l’élaboration de certains sénatus-consultes, de
nombreuses lois d’intérêt local, de règlements, de décrets, d’arrêtés, etc. La seule matière que le Conseil d’État
n’eut pas à connaître fut celle des traités. Dans le domaine législatif, certains conseillers (3 au maximum) choisis
par le gouvernement sont chargés d’une tâche complémentaire : présenter puis soutenir devant le Corps législatif
chaque projet de loi du gouvernement (art. 53 de la Constitution). Le Tribunat, saisi, en discute, et émet un vœu
favorable ou non. Quelques jours après, les législateurs, sans discussion, entendent conseillers d’État et tribuns
puis votent l’adoption ou le rejet du projet proposé. Les positions souvent contraires entre conseillers et tribuns
lors de ces présentations nourrissent entre eux un certain antagonisme.
Rédaction des Codes
Le rôle législatif le plus visible du Conseil d’État sous le Consulat et l’Empire fut sans doute la préparation, en
un temps remarquablement court, des cinq grands codes napoléoniens : Code civil (1804), Code pénal (1810),
Code de procédure civile (1806), Code d’instruction criminelle (1808), Code de commerce (1807). Le
mouvement de codification de l’époque impériale avait pour ambition d’intégrer dans un ensemble unitaire un
corpus de règles anciennes et un apport de règles inédites exprimant les principes d’organisation d’une société
nouvelle. Cette entreprise juridique de grande ampleur était rendue possible par la conjonction de circonstances
exceptionnelles : la rupture sociale provoquée par la Révolution, la forte volonté politique de Napoléon et une
hauteur de vue suffisante pour susciter l’accord général. Le Code Civil fut la réalisation la plus remarquable de
l’entreprise de codification du Premier Empire : déjà étudié par Cambacérès pendant la Convention, le projet fut
relancé par Bonaparte le 24 thermidor an VIII (12 août 1800). Il établissait une commission de quatre membres
composée de deux conseillers d’État (Portalis et Bigot de Préameneu) et de deux juristes (Tronchet et Maleville)
chargés de rédiger une proposition de Code. Cet avant-projet fut rendu en quatre mois puis soumis à l’examen du
tribunal de Cassation et des tribunaux d’appel. Conformément à la Constitution, l’avant-projet et les propositions
des tribunaux furent soumis au Conseil d’État, d’abord à la section de Législation puis en assemblée générale
dont Napoléon présida en personne 57 séances sur les 102 nécessaires à l’achèvement du travail. Le "Code Civil
des Français" fut publié le 21 mars 1804.La rédaction des autres codes a également été préparée par la section de
législation du Conseil d’État : l’Empereur participa peu aux discussions.
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