LE MARIAGE DE FIGARO, V,3 du début à « qui redoutent les petits

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LE MARIAGE DE FIGARO
rassied) »
V,3
du début à « qui redoutent les petits écrits. (Il se
INTRODUCTION
A force de ruse, Figaro a déjoué les projets de son maître, le comte Almaviva, qui voulait
séduire Suzanne, sa future épouse. Mais il surprend Fanchette qui cherche Suzanne pour lui
remettre la réponse du Comte (une épingle) à un rendez-vous qu’elle avait sollicité. C’est en
fait la Comtesse qui sera au rendez-vous, mais Figaro n’est pas au courant de ce complot
contre le comte et se croit trahi. Sous les arbres du parc, Figaro attend le comte et Suzanne.
Persuadé de l’infidélité de sa femme, il se lance dans une diatribe contre les femmes, contre la
noblesse, qui se transforme en une longue méditation sur « la bizarre suite d’événements » qui
composent sa vie.
Nous n’étudierons que le début de ce long monologue, sa fonction et sa structure tout d’abord,
ses procédés d’écriture dynamique ensuite, et enfin son objet : une satire du pouvoir.
PLAN :
1. Un monologue autobiographique
2. Une écriture dynamique
3. Une satire du pouvoir et de la censure
1. Un monologue autobiographique
Un monologue est l’occasion pour un personnage de théâtre de dire sans contraintes ce qu’il
ressent, de réfléchir sur soi. Figaro médite tout haut et dévoile l’épaisseur de son expérience et
de sa psychologie.
A. La structure du monologue
 Un fiancé jaloux. Figaro lance une triple imprécation généralisante : O
femme !femme !femme ! Figaro se croit trahi par Suzanne et se lance dans une diatribe
contre l’éternel féminin : créature, animal, instinct qui se mêle avec un résumé rapide,
interrompu, des derniers événements Après m’avoir obstinément refusé…il riait…. La
didascalie initiale exprime le ton de Figaro et son état d’esprit : du ton le plus sombre
(superlatif) qui montre le désarroi dans lequel il se trouve.
 Le défi. Puis, au comte, son rival, il lance un défi : non, M. le comte, vous ne l’aurez
pas ! La portée de ce défi dépasse le cas particulier de Figaro et rappelle le thème
fondamental de cette moralité : la naissance ne vaut pas le talent
 Le passé. Alors, le tribun s’assied sur un banc et rentre en lui-même. Dans cette
posture méditative, il fait un retour sur sa vie, son passé, dans un mouvement
rétrospectif : Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ?
 L’exaltation. Au souvenir de ses déboires et notamment d’un emprisonnement
arbitraire, Figaro se lève, lance un trait de satire contre l’autorité politique puis se
rassied.
B. Figaro, un héros picaresque
Figaro, dans le récit de son existence, présente tous les traits du « picaro », héros espagnol du
roman picaresque (comme Gil Blas, de Lesage): personnage aux origines douteuses,
cherchant toujours un expédient pour subsister, servant plusieurs maîtres, faisant plusieurs
métiers, en quête d’identité et de reconnaissance sociale. Du reste, tous deux sont espagnols.
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Les personnages de théâtre ont rarement un passé. Figaro, lui, plonge dans un passé, dans une
mémoire qui en font un personnage de roman égaré dans la comédie. Il évoque ses origines
obscures fils de je ne sais pas qui, son éducation dissolue volé par des bandits, élevé dans
leurs mœurs, ses études et leur résultat décevant peut à peine me mettre à la main une lancette
vétérinaire. Il s’étend sur ses tentatives d’ascension sociale, sur ses ambitions et ses déboires
d’auteur : au théâtre, sa comédie est censurée voilà ma comédie flambée ; un mémoire, un
essai économique lui vaut la prison à l’entrée duquel je laissai l’espérance et la liberté.
C. Figaro, un personnage émouvant
Jusque là Figaro s’imposait comme beau parleur et homme d’intrigues plein d’imagination.
Ici, il nous touche par son désarroi, sa combativité ; il devient attachant. Figaro souffre. Sa
souffrance est fondée sur un double sentiment de trahison et d’humiliation. Figaro se croit
trahi par Suzanne et voit une fois de plus s’écrouler l’espoir de trouver une place dans le
monde et partout je suis repoussé !Il souffre aussi de se retrouver dans la position ridicule du
cocu me voilà faisant le sot métier de mari. Le fait que le comte lui prenne sa femme a un
retentissement social qui va bien au-delà de l’humiliation personnelle ; cela signifie à nouveau
la défaite de l’homme humble face au grand seigneur. L’humiliation présente réveille et avive
les humiliations passées. Figaro est un homme blessé, faillible et sensible qui éveille une forte
sympathie chez le spectateur.
D. Les allusions autobiographiques de Beaumarchais
Beaumarchais avait été emprisonné arbitrairement en 1773. Auteur dramatique, il a dû
franchir le barrage de six censeurs successifs pour parvenir à faire jouer le Mariage de Figaro.
Beaumarchais n’a été ni vétérinaire, ni banquier de pharaon, mais il a commencé sa carrière
en étant horloger, il a servi d’agent secret… le personnage comme son auteur ont des vies
passionnantes.
2. Une écriture dynamique
Un monologue marque un temps d’arrêt dans le développement de l’action. Le risque, surtout
dans le cas de ce monologue exceptionnellement long, est que l’attention du spectateur se
relâche. Beaumarchais résout cette difficulté en conjuguant ampleur et dynamisme.
A. Les gestes animent le discours
Beaumarchais se sert des déplacements, des changements d’attitudes corporelles de Figaro
pour ponctuer le monologue, en souligner les principales articulations. Figaro se lève, s’assied
à plusieurs reprises et toujours à des moments décisifs (cf didascalies).
B. La vivacité du récit
 L’emploi des temps. L’essentiel du passage rétrospectif est raconté au présent ce qui
a pour effet d’actualiser des événements lointains, de les donner à voir comme s’ils
se déroulaient sous nos yeux : j’apprends, je me jette, je broche, j’écris…
 Les raccourcis narratifs. Ils donnent beaucoup de vitesse au récit, enchaînant les
actions de façon accélérée. Les phrases inachevées, lourdes de sous-entendus,
impriment au début du monologue un rythme brisé, presque incohérent qui traduit
l’égarement de Figaro, submergé par la jalousie, la colère. L’énumération noblesse,
fortune, un rang, des places accélère le débit tandis que l’ellipse du verbe permet des
raccourcis frappants : et moi comme un benêt ; du reste, homme assez ordinaire qui
procèdent de cet art de la concentration des effets caractéristique du style de
Beaumarchais.
 La modalité exclamative. L’abondance des exclamations permet de glisser de
l’indignation au défi en passant par le trouble, l’hésitation, la colère et illustrent les
différents états par lesquels passe Figaro.
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C. Plusieurs interlocuteurs
Le monologue est aussi rendu vivant parce que Figaro s’adresse à plusieurs interlocuteurs qui
ne sont présents que dans son esprit. Figaro apostrophe Suzanne : femme… le tien est-il donc
de tromper ?…Il interpelle pareillement le comte, et longuement non, monsieur le comte, vous
ne l’aurez pas…
D. Les sentences
Figaro a le sens de la formule qui frappe. Différentes sentences émaillent son discours : elles
sont centrées autour d’un mot. Grand : grand seigneur/grand génie. Petit : petits
hommes/petits écrits. Elles frappent par leur assise rythmique : 2 phrases, presque 2
octosyllabes sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; parce que vous êtes un
grand seigneur, vous vous croyez un grand génie.
Ce morceau de bravoure qu’est le monologue de Figaro devient par les procédés qui l’animent
un véritable spectacle, qui a aussi une fonction satirique.
3. Une satire du pouvoir et de la censure
A. La satire sociale
La pittoresque évocation de la vie de Figaro est un prétexte à une critique virulente de la
société inégalitaire de l’Ancien régime et de l’arbitraire qui le caractérise. Figaro critique
l’injustice de l’organisation sociale dont la hiérarchie ne repose pas sur le mérite individuel.
Le roturier doit compenser le hasard de sa naissance humble par des efforts et des mérites
considérables : il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister. Et il n’est
même pas assuré de les voir récompensés par une place conforme à son talent : j’apprends la
chimie, la pharmacie, la chirurgie……peut à peine me mettre à la main une lancette
vétérinaire. Figaro met en parallèle le comte vous vous êtes donné la peine de naître, et rien
de plus à lui-même par le biais d’une conjonction adversative tandis que moi morbleu. Il
décrit le comte comme un homme assez ordinaire et raconte ensuite sa vie qui est
extraordinaire. Audacieuses revendications qui rejoignent celles des Philosophes.
B. Critique de la censure
Figaro développe également un véritable manifeste contre la censure des écrits : expérience de
la comédie interdite pour plaire aux princes mahométans, essai économique qui le conduit en
prison. Une formule lapidaire présente sous forme de maxime générale la leçon à tirer de son
expérience personnelle : Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant. Un terme
moral (avilir) est mis en parallèle avec un terme se rapportant au physique (maltraiter) relayé
par l’évocation qui suit Mes joues creusaient. Ce glissement met en valeur la souveraine
liberté de l’esprit que célèbrera la chanson finale de la pièce V, 19 7ème couplet « L’esprit seul
peut tout changer ». La formule qui clôt l’extrait Sans le liberté de blâmer, il n’est point
d’éloge flatteur est désormais l’étendard de la liberté de la presse et figure tous les matins à la
une du Figaro.
C. L’ironie
L’ironie est une arme efficace pour servir une satire et Figaro ne s’en prive pas.
L’énumération la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute
l’Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc introduit une
disproportion entre les faits (une comédie) et leurs conséquences. L’euphémisme pour
évoquer la prison je vois, du fond d’un fiacre, baisser pour moi le pont d’un château fort, à
l’entrée duquel je laissai l’espérance et la liberté est une allusion à la Bastille et une critique
de l’arbitraire du pouvoir politique.
CONCLUSION
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