Les PME et la création d’emplois décents et productifs Le monde est confronté à de graves problèmes économiques caractérisé, malgré quelques signes positifs, par une lente sortie de la crise économique, une inégalité croissante, un manque flagrant de créations d’emplois, des taux de chômage élevés, notamment le chômage des jeunes, et des situations budgétaires désastreuses de nombreux états. Les politiques menées ne semblent en effet pas à même pour ramener l’économie sur le chemin de la croissance durable avec, à la clé, la création d’emplois décents en nombre suffisant. Alors que le discours politique prépondérant semble prôner des solutions à court terme, un véritable retour de la situation ne peut être atteint que si l’on s’oriente vers des politiques de moyen et de long terme visant, notamment, la création d’entreprises et la promotion de l’esprit d’entreprise avec, à la clé, une augmentation de la création d’emplois décents par et dans les PME. Les PME signifient emploi et croissance ! Il faut pour cela que les partenaires sociaux réunis au sein de l’AICESIS contribuent à donner aux décideurs politiques à travers le monde les orientations nécessaires pour assurer la croissance, la prospérité et la stabilité du secteur économique le plus important, les PME. Sans eux, il n’y aura pas de reprise ni de stabilité économique, sans eux, il n’y aura pas de création d’emplois productifs, sans même parler d’emplois décents. Le rôle des PME dans l’économie et la société On peut dire que 99,9% des entreprises sont des PME. Pourquoi alors se soucier autant des grandes entreprises ? En effet, presque toutes les législations tant économiques que sociales et ayant trait à la vie des entreprises prises à travers le monde semblent inspirées par le souci de vouloir réglementer des aspects de la vie des grandes entreprises (finances, gouvernance, fiscalité, droits sociaux…) alors que la logique voudrait qu’on traite d’abord le cas de la PME pour ensuite éventuellement rajouter des couches au niveau législatif concernant les seules grandes entreprises. En Europe, parmi les plus de 20 millions d’entreprises, il n’y a que 43.700 entreprises de plus de 250 employés. Par contre, plus de 19 millions d’entreprises occupent moins de 10 personnes (micro-entreprises). L’entreprise-type en Europe occupe 6 personnes, y compris le propriétaire-entrepreneur, les PME comptent pour 2/3 de l’emploi privé et environ 60% de la valeur ajoutée. 80% des emplois créés au cours des dix dernières années l’ont été dans les PME1. Ces chiffres sont même davantage en faveur des PME dans d’autres régions du monde. L’Europe politique se plaît de parler d’un « Small Business Act » ou encore du principe du « thinking small first » pour aussitôt oublier ces adages et retourner à la normale quand il s’agit de fixer un cadre normatif, législatif et réglementaire. Et ce malgré toutes les 1 EC – Annual report on European SMEs évidences quand il s’agit de promouvoir les PME avec leurs avantages quasi-naturels : esprit d’entreprise, proximité, création d’emplois, de valeurs et de richesses. Promouvoir la croissance économique et la création d’emplois décents à travers les PME équivaut tout d’abord à respecter certains principes législatifs : Penser petit d’abord ; Rien qu’une fois ; Proportionnalité ; Prise en compte des études d’impact. La récente crise économique a encore une fois démontré que les PME sont les stabilisateurs par excellence en cas de revers économique. Ce sont encore les PME qui jouent un majeur rôle dans la formation professionnelle initiale et continue, deux facteurs de grande importance pour assurer la transition de l’école vers l’emploi et pour assurer la qualification des travailleurs. Les PME assurent l’innovation, même en l’absence de programmes formels de R&D au sens classique. En effet, l’innovation dans les PME se met en place en coopération avec les salariés et les fournisseurs et les clients, sur le tas, et leur compétitivité dépend largement de leur faculté d’améliorer constamment leurs produits et services. La transition vers une économie durable, vers une économie « verte », sera assurée par les PME, grâce à l’intégration de stratégies d’efficience énergétique et le développement de produits et services répondant à des critères de durabilité. Les PME sont au cœur-même de la stabilité économique et sociale régionale et locale, avec une forte implication dans la vie sociale, en fournissant les produits et services journaliers et en assurant une présence au cœur des villes et villages tout comme dans les régions rurales. Avec leurs salariés, les propriétaires-entrepreneurs ont des visions stratégiques et entrepreneuriales de long terme en ce qui concerne le développement de leur entreprise au niveau local et régional là où actionnaires et managers ne verront que profits à court terme et parts de marché. PME, création d’entreprises et emploi décent Les PME ont le potentiel de sortir l’économie de la crise et de contribuer au développement de l’emploi à travers le monde. Mais ils ne peuvent pas accomplir tout cela tout seuls, la politique doit les accompagner et mettre en place le cadre économique et social favorisant l’éclosion de l’esprit d’entreprise, la création d’entreprises et le développement de l’emploi décent et productif. Formalisation des structures et gouvernance Les entrepreneurs ont besoin de structures bien établies telles que les organisations d’employeurs ou encore les chambres professionnelles. Cette formalisation des structures des entreprises est essentielle, car favorisant la gouvernance des états, des communautés et des PME et contribuant notamment à la mise en place de programmes communs p.ex. dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue. Les organisations d’employeurs constituent le pendant naturel des organisations des travailleurs, ensemble ils constituent les deux faces d’une même médaille. Les états devront donc veiller à garantir la liberté d’association et à favoriser la mise en place de ces structures des partenaires sociaux. Limitation du secteur informel Pour les PME, à côté de l’aide pratique que peuvent offrir ces structures, elles sont indispensables pour limiter la concurrence du secteur non formel. Le travail illégal, illicite, le travail noir, l’économie « grise » constituent autant de facteurs empêchant la mise en place ordonnée d’entreprises et ce à fortiori dans des économies émergentes ou en développement. Le secteur informel, en empêchant la prise de bénéfices, rend illusoire les investissements et les gains de productivité y liés, empêche la mise en place de relations de travail stables et de systèmes de formation professionnelle qualifiante. Le secteur informel va même jusqu’à asphyxier toute fiscalité juste, pourtant à la base des états. D’où l’intérêt vital que devraient avoir les états à éviter tant que faire se peut l’éclosion d’un secteur informel rendant impossibles les progrès économiques et sociaux en provenance des PME. Formation professionnelle Les économies les plus performantes à travers le monde se caractérisent notamment par un système de formation en alternance, par le concours de l’entreprise et de l’école. Ces systèmes dits de formation duale sont idéalement encadrés par des organisations bien établies des partenaires sociaux dans un souci de qualité, de reconnaissance des certificats et d’adaptation continue. Cette formation duale peut jouer un rôle moteur dans la formation à l’entrepreneuriat, comme le démontre l’exemple de la formation duale allemande et à fortiori celle du « Handwerk » - artisanat – où le triptyque « Geselle (compagnon) – Meister (maître) – Niederlassung (établissement) » peuvent servir d’exemple à travers le monde. En effet, le système, par la forte implication des entrepreneurs directement intéressés à former leurs collaborateurs ainsi que, le cas échéant, leur propre successeur potentiel peut être cité comme exemple du genre. Par ailleurs, la forte décentralisation du système par la formation en entreprise permet aux états la mise en place d’un système performant de formation professionnelle ayant des incidences financières relativement limitées par rapport à d’autres systèmes éducatifs. Les partenaires sociaux sont encore les mieux placés pour mettre en place de systèmes de formation professionnelle continue grâce à leur implication dans les entreprises. Grâce à ces structures, les partenaires sociaux peuvent effectivement promouvoir la productivité des entreprises, créant par-là également les bases pour l’amélioration soutenable des conditions de travail. Accès au financement Tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement les PME éprouvent des difficultés en relation avec l’accès au financement de leurs investissements. Pour promouvoir le développement des PME il est ainsi primordial de soutenir le secteur bancaire avec un accent particulier sur le développement d’initiatives bancaires régionales et locales. A côté des instruments bancaires traditionnels tels les prêts les états et les institutions internationales devraient promouvoir la mise en place de systèmes de capitalrisque ou de cautionnement et de garanties (société coopératives ou mutualités), et ce notamment pour la couverture de risques financiers plus importants. Dans cet ordre d’idées la simplification des règlementations ayant trait à la bourse constituerait certainement moyen pour les PME dans de nombreux pays de faciliter l’accès aux investissements. Dans les pays en voie de développement avant tout l’accès à la micro-finance peut constituer un élément-clé de développement des PME. Accès aux marchés Garantir l’accès des PME aux marchés est primordial pour assurer leur développement. Plusieurs points se doivent d’être adressés dans ce contexte : Simplification administrative ; Coûts des licences et des droits liés à la propriété intellectuelle ; Service public de qualité ; Marchés publics et soumissions ; Réciprocité en matière d’accès aux marchés de fournitures ; Crime organisé (contrefaçon, pratiques de dumping social...) Internationalisation des activités des PME. Les états peuvent ainsi contribuer dans une large mesure au développement des PME en assurant une prise en compte suffisante de ces aspects substantiels pour les PME. Les marchés publics revêtent une importance particulière dans ce contexte. En effet, les états peuvent organiser les marchés publics de façon à soutenir activement le développement des PME en instaurant et en respectant effectivement certains principes comme la séparation en lots pour l’achat de produits ou encore la soumission par corps de métiers séparés en matière de services. La prise en considération de critères de durabilité (apprentissage, formation continue, respect de certaines normes sociales, aspects écologiques, bilan CO2…) à côté des seuls aspects financiers peut permettre de favoriser l’accès aux marchés publics des PME et, partant, la création d’emplois décents et productifs dans ces entreprises. Énergie Un dernier point particulièrement important pour permettre le développement des PME et la création d’emplois décents et productifs est celui de l’accès à l’énergie, et plus particulièrement à l’énergie électrique. Ce point peut paraître dérisoire pour les pays développés – bien que le problème de l’accès équitable à l’énergie reste posé eu égard aux distorsions de concurrence qui peuvent y être liés – il se pose avec d’autant plus d’acuité dans les pays en voie de développement où l’énergie électrique est soit totalement absente, soit soumise à des fournitures irrégulières et erratiques ne permettant pas son utilisation rationnelle dans un processus de production. Il est ainsi primordial pour les états et les institutions internationales de développer l’accès à des réseaux d’énergie (électrique) pour permettre justement aux entreprises de fonctionner efficacement et de promouvoir ainsi le développement sociétal. Cela va de pair avec un contrôle pour ne pas dire une mainmise des états (à bonne gouvernance) sinon des institutions sur les réseaux pour garantir une énergie propre, écologiquement soutenable, un service universel et des prix abordables pour l’ensemble des populations et des PME. Tout est question de gouvernance Les PME constituent la colonne vertébrale de toute économie, indépendamment de son état d’avancement. Les états doivent partant veiller à garantir un environnement favorable à l’éclosion d’entreprises en assurant avant tout leur légitimation démocratique et les droits de l’homme tout comme une bonne gouvernance du fonctionnement étatique. Infrastructures, éducation, énergie constituent autant de préalables au bon fonctionnement de la société et de l’économie, tout comme à la création d’entreprises. Les entrepreneurs doivent eux-aussi veiller à leur propre gouvernance et assumer leurs responsabilités. On ne peut pas jouer sur tous les tableaux, mêlant à sa guise statut d’entrepreneur, économie informelle et népotisme dans le seul but d’enrichissement personnel et éviter toute contribution à la société, fût-ce sous forme d’impôts ou de création d’emplois. Les entreprises sont à la base de la création de richesses, mais elles doivent accepter le partage de ces richesses dans un souci de durabilité. La mise en place d’organisations d’employeurs peut dans ce contexte constituer un moyen efficace pour garantir cette structuration. Ensemble avec les organisations des travailleurs ils sont les meilleurs placés pour mettre en place les institutions et programmes nécessaires au bon fonctionnement des relations de travail. L’implication de la société civile dans les processus démocratiques constitue enfin le dernier maillon pour assurer une bonne gouvernance politique et économique. Dans un tel environnement propice à la création d’entreprises les PME pourront alors prospérer et se développer librement, créer des richesses et des emplois durables et de qualité.