4. la medicalisation de l`avant

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LA MEDICALISATION DE L'AVANT
Une catastrophe est un événement destructeur brutal, bouleversant le déroulement de la vie
sociale et caractérisée par l'inadéquation des moyens de secours aux besoins ressentis.
L'organisation des secours y est difficile. La confusion règne généralement dans les premiers
instants. Mais l'engagement des moyens de secours permet progressivement de mettre en place
un dispositif cohérent et organisé, comprenant deux structures fonctionnelles complémentaires
:

Les secours incendie et sauvetage, chargés de rechercher, localiser et dégager en urgence
les victimes de la zone dangereuse

Les secours médicaux, organisés pour prendre le relais à l’aide d’une chaîne médicale des
secours, fondée sur la sécurité et la sûreté, comprenant plusieurs maillons successifs et
complémentaires :

le ramassage, ensemble des techniques de déplacement d'une victime de la zone
sinistrée jusqu'au poste médical avancé (PMA),

le triage et la mise en condition réalisés au PMA,

l'évacuation vers une structure hospitalière appropriée à l'état des victimes.
L'Avant est la traduction d'une donnée topographique et d'un principe fonctionnel, et
la dénomination de la zone sinistrée, dite zone rouge. Y gisent les victimes et y interviennent
secouristes bénévoles et professionnels, personnels paramédicaux et médicaux intégrés aux
manœuvres de ramassage.
La médicalisation de l'Avant est une nécessité technique et logistique :

Technique, car elle prodigue des soins médicaux "au plus près", sur les lieux du sinistre et
avant tout relevage aux victimes qui n'atteindraient pas le poste médical avancé sans soins
médicaux préalables,

Logistique, car la chaîne médicale des secours doit être organisée dans les meilleurs délais
par des médecins formés et entraînés.
La médicalisation de l'Avant a d'abord vu le jour par la volonté de chefs d'armées, en
vue de maintenir le moral de leurs troupes, puis dans le but de conserver les effectifs de leurs
armées. Cette notion a longuement évolué avec le temps, passant du simple brancardage par
les camarades de combat à une réanimation pré hospitalière en situation d'exception ou de
catastrophe.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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1. HISTORIQUE
C’est la guerre, catastrophe sociologique, qui a poussé l’homme à réfléchir sur l’assistance
aux victimes. Elle a donné ses lettres de noblesse à la médecine militaire, dont les
connaissances ont été transposées en médecine d’urgence et de catastrophe.
A l’époque d’Ambroise PARE, les blessés ne sont pas relevés, mais ils peuvent
espérer être soignés s’ils arrivent jusqu’aux barbiers-chirurgiens, qui s'intéressent déjà aux
qualités de soins ; Paré perfectionne les techniques d'amputation et conseille l'application d'un
onguent sur le moignon, au lieu de la traditionnelle cautérisation, génitrice de sepsis et de
douleur.
Pendant les guerres napoléoniennes une importance nouvelle est accordée à la
conservation des effectifs et au moral des troupes, ce qui fait progresser significativement les
secours sur le champ de bataille. Le Baron LARREY crée une ambulance volante en 1797.Le
Baron PERCY met au point le "Wurtz", mis au point à partir d'un caisson d’artillerie qui
permet de conduire jusqu'au "cœur de la bataille" huit chirurgiens à califourchon sur la partie
centrale, accompagnés de quatre aides montant les chevaux et de quatre autres assis sur des
coffres pour assurer des soins précoces à 1200 soldats blessés.
PERCY met également au point un brancard démontable, constitué avec les lances des
brancardiers. Il est le rédacteur de la première convention de neutralisation des hôpitaux en
1800,qui fut reprise par Henri DUNANT.
Pendant la première guerre mondiale, la brutalité des combats dépasse le Service de
Santé des Armées qui doit faire face à un afflux massif de blessés ; la zone conflictuelle est
alors déblayée hâtivement en évacuant les blessés au plus loin. La surcharge des ambulances
hippomobiles ou motorisées aboutit rapidement à la création de formations de triage et à la
catégorisation des blessés. Mais les soldats brancardés par des auxiliaires sanitaires ou par
leurs camarades de combat arrivent souvent en agonisant au poste de secours ; ce qui amène à
instaurer l’enseignement du secourisme aux combattants, afin qu’ils prodiguent des soins
élémentaires à leurs camarades blessés avant de les brancarder.
En 1918, un médecin allemand, nommé ELMENDORFF, est le premier à pratiquer une
autotransfusion à un blessé présentant un hémothorax .
Pendant les bombardements de Londres en 1941, le docteur BYWATERS décrit le
syndrome de compression prolongée ou “ crush syndrom ”, responsable du décès secondaire
des victimes ensevelies, dégagées en l’absence de soins médicaux précoces.
Plus près de nous, ce sont les conflits en Orient et au Proche-Orient qui vont à leur tour
permettre de définir des règles importantes de prise en charge sur le terrain et démontrer
l’indispensable intrication des soins et du ramassage.
La médecine de catastrophe est l'héritière de la Médecine de guerre. Les victimes
doivent bénéficier d'une chaîne logique des secours, allant du lieu du sinistre à l'hôpital, via le
poste médical avancé et le centre médical d'évacuation . Les soins doivent être efficaces,
adaptés aux contraintes, allant des gestes élémentaires de survie à une réanimation
préhospitalière, en respectant un principe immuable en situation de catastrophe :
" les soins les plus simples au profit du plus grand nombre"
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2.QUELQUES RAPPELS
RAMASSAGE
Ramasser consiste, selon le dictionnaire, à réunir des choses éparpillées en différents
endroits. Appliqué aux secours, le ramassage consiste au regroupement des victimes d’un
événement vulnérant. Il comprend l’ensemble des techniques de déplacement d’une victime
du lieu où elle est trouvée jusqu’à un point de rassemblement où elle pourra bénéficier de
soins appropriés.
Il est commencé par les premiers intervenants de la chaîne de secours, pour qui l’évacuation
d’une victime d’une zone dangereuse est prioritaire sur toutes les autres opérations. Le relais
est pris par des équipes de secouristes qui peuvent être renforcées, sur décision du directeur
des secours médicaux, par une ou plusieurs équipes médicales. Mais en situation d’urgence
collective, il n’est guère envisageable d’affecter un médecin pour chacune des personnes à
dégager.
Le ramassage se termine à l’arrivée au poste médical avancé (PMA) où s’effectuent les étapes
suivantes : le triage et la mise en route d’un traitement adapté.
Cette action peut être décomposée en plusieurs temps, rapidement successifs : dégagement,
relevage, brancardage, et s’accompagne éventuellement de gestes de survie indispensables.
DEGAGEMENT
Le dégagement d’une victime est un ensemble de manœuvres destinées à extraire une
victime du milieu agressif dont elle est prisonnière tout en assurant sa survie. On peut
distinguer :
 le sauvetage, opération qui vise à retirer d’un péril direct et imminent, une personne dans
l’impossibilité de s’y soustraire elle-même ;
 la mise en sécurité, dégagement d’une zone potentiellement dangereuse ;
 le dégagement complexe avec manœuvres de désincarcération ou de déblaiement pour les
personnes coincées ou ensevelies.
RELEVAGE
Le relevage est destiné à installer une victime sur un support qui permettra son
déplacement : brancard, civière, matelas coquille. Il peut aussi se résumer à une aide au
déplacement de la victime : soutien, transport à bras... Certains emploient les termes de
cueillette ou de relève.
BRANCARDAGE
C’est l’ensemble des manœuvres de portage destinées à assurer, en l’absence de véhicule, le
déplacement d’une victime sur un support.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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PREMIERS SOINS
On résume sous le terme de premiers soins les gestes effectués sur la victime avant son
évacuation. Ils sont réalisés durant les opérations de secours, selon une hiérarchie gestuelle
adaptée à l’état des victimes, aux contraintes du ramassage et aux possibilités techniques :
gestes élémentaires de survie, mesures permettant de faire face à une atteinte grave des
fonctions vitales ; ils comprennent les techniques d’arrêt des hémorragies externes, la position
latérale de sécurité, la ventilation artificielle et le massage cardiaque externe, des techniques
secouristes simples comme l’emballage des plaies et des brûlures, l’immobilisation provisoire,
la protection thermique, l’oxygénothérapie...
installation, avant ou après relevage, dans une position d’attente qui permet d’effectuer les
soins, de prévenir des complications et de procurer le meilleur confort : décubitus dorsal,
position demi assise...
En cas de médicalisation de l’intervention, on parle plutôt de mise en condition, qui inclut les
abords techniques (voie veineuse, contrôle des voies respiratoires...) et les actions
pharmacologiques.
3. LES PRINCIPES DE LA MEDECINE DE L'AVANT
La médecine de l'Avant est une médecine d'équipe, multidisciplinaire, fondée sur la
complémentarité et sur la coordination des moyens de secours.
S'adressant au plus grand nombre et non aux plus graves victimes, elle doit adopter
une éthique différente de celle qui est mise en œuvre en pratique médicale courante ; elle opte
donc pour une éthique collective.
La médecine de l'Avant est une médecine d'urgence collective, qui vise la prise en
charge du plus grand nombre de victimes, le plus vite et le mieux possible. Ses indications
thérapeutiques sont fondées sur le seul caractère urgent des lésions, sur la simplification et la
standardisation des techniques de soins.
Il s'agit d'une médecine de terrain, avec une médicalisation réfléchie sur les lieux
même de l'accident, où une stratégie d'action permet d'allier initiative médicale et rigidité du
dispositif des secours.
4. LA MEDICALISATION DE L'AVANT
L'action médicale a deux objectifs :

Logistique, par l'organisation de la chaîne médicale des secours

Technique, en assurant la stabilisation des victimes pour permettre leur survie pendant le
ramassage, et en conseillant les techniques de sauvetage déblaiement et une priorité de
relève, selon les contraintes liées au sinistre.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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5. LES MISSIONS DU MEDECIN DE L'AVANT
5.1.LE PREMIER MEDECIN
Le médecin n’est généralement pas préparé par ses études à se trouver en position de
premier intervenant sur le site même d'une catastrophe. Son rôle est pourtant déterminant.
Travaillant en étroite collaboration avec des secouristes ou d'autres professionnels, il doit
savoir prendre ou faire prendre les premières mesures visant à limiter la gravité de
l'événement et préparer la montée en puissance des secours.
Il faut tout spécialement, à la phase initiale de la catastrophe, faire preuve d'improvisation et
anticiper :

Prendre les mesures nécessaires à la protection du site,

Évaluer rapidement le type d'événement, sa gravité et son ampleur, le nombre et la qualité
des victimes et les moyens nécessaires aux secours,

S'opposer à toute évacuation intempestive,

Reconnaître un point de recueil pour y concentrer les blessés par catégorie (PMA), en
respectant les quatre critères suivants:

La sécurité: distance de tout risque de suraccident,

L'accessibilité: pour tous les intervenants et les vecteurs,

La proximité du lieu du relevage et des voies d'évacuation,

L'espace autorisant une prise en charge aisée.

Tenter de limiter les phénomènes de panique,

Rechercher toutes personnes qui, par leur profession, peuvent constituer une aide ou une
structure d'encadrement,

Attribuer aux sujets valides ou aux autres intervenants, selon leur compétence, une mission
de balisage, de reconnaissance ou de sauvetage,

Rappeler aux premiers sauveteurs les gestes élémentaires de survie à pratiquer et donner les
directives pour que les soins se limitent à l’essentiel et au profit du plus grand nombre:
arrêt des hémorragies, libération des voies aériennes, immobilisation et protection des
foyers de fracture et des gros délabrements, position d'attente et protection thermique,

Préparer l'arrivée des secours par l'amorce d'un balisage de la zone sinistrée et des
itinéraires d’accès,

Contacter ou faire prévenir les secours (sapeurs-pompiers) pour donner un bilan
d'ambiance: type de catastrophe, situation géographique, bilan sommaire du nombre et de
la gravité des victimes, et toute information utile à l'alerte des moyens qualitativement et
quantitativement nécessaires aux opérations de secours.
En attendant les renforts, et en particulier l'arrivée du directeur des secours médicaux,
le premier médecin organise, dirige et contrôle la chaîne médicale des secours et ne doit donc
avoir aucune activité de soins.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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5.2. AUTRES MISSIONS DU MEDECIN DE L’AVANT
Placés sous l’autorité d’un directeur des secours médicaux, les personnels médicaux
peuvent être sollicités pour décider quelle est la meilleure technique à employer, conseiller ou
corriger les intervenants ou agir lui-même directement.
décider
Les techniques utilisées en situation de catastrophe ne diffèrent pas fondamentalement
de celles qui sont classiquement utilisées sur le terrain, aussi bien en secourisme qu’en
médecine d’urgence. La véritable différence est liée au nombre des victimes. L'éthique
médicale classique, basée sur la technique à apporter au profit de l'individu pris isolément,
doit être accordée à la notion de soins collectifs, reposant sur la pratique de gestes les plus
simples possibles au profit du plus grand nombre. Il faut donc une adaptation entre les besoins
et les capacités d’intervention.
C’est au médecin, techniquement le plus compétent, qu’incombe de décider en relation
avec les équipes non médicales de la tactique qui permettra une meilleure efficacité dans la
prise en charge de l’événement dans les domaines tels que :

L'ordre de dégagement des victimes (notion de pré-triage),

La meilleure façon d’aborder la victime pour faciliter l’action médicale,

La nécessité ou non d’une prise en charge médicale préalable au dégagement

La qualité des gestes médicaux essentiels pour assurer la survie immédiate des victimes.
Il lui appartient aussi de décider l’utilité des manœuvres de réanimation chez les
victimes trouvées en arrêt cardio-respiratoire en fonction des circonstances d’intervention.
conseiller
Le directeur des secours médicaux participe à l'élaboration d'une stratégie
interventionnelle. L'organisation des opérations de secours dépend en effet d'un travail de
recueil des données et de réflexion appelé Méthode de Raisonnement Tactique (MRT).
Cette MRT comprend l'étude des données de la catastrophe et conduit à l'établissement :

De listes des moyens de secours, d'hébergement, de restauration....

D'un découpage de la zone sinistrée, appelé Zonage et Sectorisation.
Il existe trois zones ; la zone rouge est le secteur détruit, dont l'accès n'est autorisé
qu'aux sauveteurs ; la zone orange, d'accès réglementé, voit les structures de commandement,
de soins et d'hébergement s'y implanter ; la zone verte est une zone indemne libre d'accès.
Si les secouristes maîtrisent la technique des opérations de ramassage, il faut parfois
les aider à choisir la meilleure méthode à employer en fonction de la position du blessé, des
lésions qu’il présente ou des contraintes liées à la médicalisation :

Déplacement des segments de membres traumatisés,

Position d’attente,

Délai d’exécution de la manœuvre de dégagement,

Possibilités d’inclinaison de la victime par rapport au plan horizontal.
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contrôler
Le médecin doit diriger et contrôler l'action des sauveteurs sur les priorités de
dégagement et sur la nature des gestes élémentaires de secours avant d'entreprendre le
brancardage.
Il contrôle les opérations de brancardage et le transfert des victimes vers les premiers
relais médicaux installés sur les lieux.
intervenir
Le médecin peut aussi participer de façon active au ramassage en mettant en route un
traitement spécifique pour traiter la ou les victimes. L’action médicale doit s’intégrer
harmonieusement dans la manœuvre de l’ensemble des intervenants. Selon la situation, son
intervention doit précéder le dégagement, s’insérer dans le cours de la manœuvre ou en être la
phase finale.
6. LES CONTRAINTES INFLUENCANT L'ACTION MEDICALE
Un certain nombre de contraintes conditionnent le choix des techniques utilisées pour le
dégagement et la décision de médicaliser l’intervention.
6.1. LIEES A L'EVENEMENT
L’événement causal, les risques secondaires et l’ambiance dans laquelle se déroulent
les opérations de secours influent sur la mise en route et l’organisation du ramassage.
Selon l'aspect chronologique
On décrit classiquement trois phases après un événement catastrophique :
-
La phase de sidération ou d’improvisation, précoce, où les secours organisés ne sont
pas encore mis en place, et pendant laquelle le ramassage se limite aux initiatives des
impliqués et des blessés, dans un climat très émotionnel. Elle se caractérise par un
mouvement anarchique et centrifuge d’assistance à victimes : les soins sont dispensés au
hasard, n’importe où ; des évacuations sont effectuées sans coordination. L’effort des
premiers intervenants devra limiter les phénomènes de panique et s’opposer à toute
évacuation intempestive vers une structure sanitaire non désignée.
-
la phase de recherche des victimes et d’organisation des secours, où tous les moyens
de secours requis ou disponibles sont mis en œuvre selon une stratégie de gestion de crise,
adaptée à l’événement et à ses conséquences. Le ramassage est alors intégré dans l’action
globale de la chaîne médicale des secours et pratiqué par des personnels initiés.
-
la phase de réorganisation sociale, dans les jours qui suivent l’événement, est centrée
sur le règlement des problèmes logistiques et épidémiologiques de la collectivité.
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Selon le type d’accident
Chaque catastrophe a ses caractéristiques propres. Elles doivent être prises en compte
par les autorités qui dirigent les secours pour adapter les moyens et les techniques aux besoins.
Le ramassage sera en effet différent selon qu’il s’agit :
-
d’un événement catastrophique à effets limités, intéressant moins de dix victimes, et
dont la prise en charge fait appel à des moyens de secours existants, généralement en
nombre suffisant et d’emblée organisés.
-
d’un accident technologique, nucléaire ou chimique qui requiert des procédures et des
équipes spécialisées ; le ramassage y est compliqué par le port de tenues de protection et la
réalisation de gestes spécifiques : protection des voies aériennes, décontamination
d’urgence...
-
d’une catastrophe de grande ampleur avec des destructions importantes et un nombre
élevé de victimes éparpillées sur un grand espace ; les moyens de secours ont des délais
d’action allongés et ne peuvent, au moins à court terme, gérer l’événement et ses
conséquences ; la chaîne médicale, embryonnaire au début des secours, va
progressivement se structurer pour atteindre une organisation optimale qui peut nécessiter
la mise en œuvre de plusieurs chantiers différents et de plusieurs postes médicaux
avancés ; on peut par contre limiter les effets de certaines catastrophes prévisibles comme
cyclones et inondation par la mise en alerte préventive des secours et de la population.
-
de sinistres à risques évolutifs, comme l’effondrement d’immeubles, la fuite de gaz,
l’incendie, qui requièrent des sauvetages rapides et exempts de gestes médicaux.
Selon le milieu de l’événement
La qualité du milieu conditionne le degré d’accessibilité aux victimes et le délai de
réalisation du ramassage :
-
le dégagement d’un blessé incarcéré dans une structure rigide entraîne des contraintes qui
ne se posent pas chez la victime en surface ;
-
dans un incendie, priorité doit être donnée au sauvetage immédiat des personnes confinées
dans un local menacé par les flammes et les fumées ;
-
en cas de naufrage, d’ensevelissement sous avalanche ou dans des habitations effondrées,
le ramassage est retardé par les opérations de recherche et de dégagement et doit d’emblée
prendre en compte les pathologies induites par l’ambiance thermique négative et la
compression prolongée.
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6.2. LIEES AUX VICTIMES
Les secours à nombreuses victimes en situation d’exception ne permettent pas
d’apporter à tous l’assistance conventionnellement admise. L’éthique médicale est modifiée
au profit du plus grand nombre. Le ramassage et les soins sont adaptés à la situation et
planifiés sur décision de l’autorité technique compétente, le directeur des secours médicaux.
La population sinistrée peut être homogène ou hétérogène par l’âge, l’origine géographique,
ou les caractéristiques socio-économiques. Sans aborder les contraintes sociales, ethniques ou
religieuses qui compliquent parfois l’organisation des secours, un accident collectif génère des
victimes dont les différents aspects conditionnent le ramassage.
Selon les pathologies présentées
Les lésions ont des étiologies variées (chute, projection, explosion, écrasement) et
leurs types sont très nombreux : contusions, plaies hémorragiques ou non, fractures fermées
ou ouvertes, broiements ou compressions de membres, brûlures, intoxications, contamination
radiologique, chimique ou bactériologique, hypothermie, déshydratation, etc..
L’association de plusieurs pathologies (polytraumatisés, polyagressés) ou l’existence de tares
préexistantes aggravent l’état des sinistrés mais les conditions d’examen sur le terrain sont
limitées par le temps et les moyens techniques pouvant être mis en œuvre.
Selon la gravité des blessures
Urgences absolues
Ces victimes présentent une détresse d’une ou de plusieurs fonctions vitales et doivent
bénéficier de soins immédiats ou dans un délai inférieur à six heures, pour assurer leur survie
à court terme et permettre leur transport vers une structure de traitement
Citons les détresses ventilatoires aiguës, d'origine centrale ou périphérique, les
détresses cardio-circulatoires, d'origine hypovolémique ou hypoxique, les plaies cranio
cérébrales avec apparition ou aggravation de signes neurologiques, les blessés asphyxiques,
les plaies des gros vaisseaux, les tamponnades et les pneumothorax suffocants.
Urgences potentielles
Parmi les urgences potentielles: les plaies abdominales, les polycriblages, les blessés
chimiques, à décompensation retardée requérant une surveillance "armée".
Urgences dépassées
Une catastrophe justifie une action de secours simple au profit du plus grand nombre et
impose des choix thérapeutiques. Lorsque les circonstances l’exigent, il faut savoir décider de
ne pas traiter certaines victimes dont le pronostic est gravissime ; c’est le cas par exemple du
blessé retrouvé en arrêt cardio-circulatoire, d'un état ventilatoire préagonique accompagnant
des lésions graves, ou de victimes exposées à une irradiation majeure (supérieure à 4 grays),
qui ne bénéficiera que de soins simples et palliatifs.
Les agonisants ne doivent pas être négligés, et une cellule d'aide psychologique
médicalisée peut être mise en place à cet effet.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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Urgences relatives
Les victimes présentent Des lésions dont le traitement peut être reporté dans un délai
supérieur à huit heures, sous réserve de soins particuliers réalisés au PMA: pansements,
immobilisation provisoire des lésions, réconfort psychologique...
Urgences fonctionnelles
Elles intéressent principalement les yeux, le visage et les extrémités, et ne sont pas
prises en compte à l'Avant en cas d'afflux massif de blessés.
Impliqués
Le terme d’impliqué est en général réservé à la population touchée par l’événement
mais indemne sur le plan physique. Ces personnes qui ont peut-être perdu des biens ou des
membres de leur famille sont en proie à un choc émotionnel intense. Lorsque leur nombre est
important, il faut les évacuer jusqu’à un point proche mais différent du poste médical avancé,
pour ne pas encombrer inutilement les structures fonctionnelles et ne pas gêner le travail des
sauveteurs et des équipes médicales.
Victimes décédées
Les personnes retrouvées mortes sur les lieux de l’accident ne doivent pas être
déplacées sans motif urgent comme, par exemple, l’accès à une autre victime ; mieux vaut
laisser le corps en place pour faciliter l’enquête judiciaire et les opérations d’identification.
Celles qui décèdent après prise en charge seront amenées sur un dépôt mortuaire spécialement
aménagé à proximité du PMA.
Selon la répartition des victimes dans l’espace
Dans les accidents de trafic, les attentats, les explosions ou les incendies, la dispersion
des victimes est souvent très réduite ; elle peut être plus importante mais localisée à certains
axes comme dans le cas de l’épandage d’un nuage toxique ; la zone de dispersion est par
contre très étendue lors de séismes, de cyclones ou d’inondation.
La localisation et l’accessibilité conditionnent la prise en charge des blessés :
- les personnes totalement et immédiatement accessibles, appelées victimes de surface,
peuvent être ramassées sans difficulté,
- pour les victimes partiellement accessibles, le ramassage doit être décomposé en plusieurs
séquences successives et complémentaires : accès à la victime, bilan et gestes élémentaires
d’urgence, puis surveillance jusqu’à extraction, relevage et brancardage,
- quant à celles qui sont totalement inaccessibles, dépistées par une recherche cynophile ou
qui se manifestent par des appels ou des signaux sonores, le maintien du contact est
indispensable pour évaluer la survie en attendant la progression des opérations de
dégagement.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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6.3.LIEES AUX INTERVENANTS
Plusieurs intervenants sont susceptibles de participer à la phase de ramassage en cas de
catastrophe : secouristes, maîtres-chiens, spécialistes en sauvetage-déblaiement, conducteurs
d’engins de levage, médecins, infirmiers, bénévoles...
Les secouristes, comme les équipes médicales, viennent d’horizons divers : corps de sapeurspompiers, SAMU, Croix Rouge française, Sécurité et Protection Civile, Armées, organismes
privés, organisation non gouvernementales...
Toutes ces personnes ne sont pas habituées à intervenir en temps de catastrophe ni à
travailler ensemble. Le bon déroulement de l’intervention nécessite pourtant une excellente
coordination des équipes. En cas de médicalisation de la manœuvre, le médecin doit avoir une
vue d’ensemble et déterminer les priorités d’intervention entre chacune des équipes en
fonction de l’état de la victime et des informations techniques données par les spécialistes du
dégagement.
6.4. LIEES AUX MATERIELS
Les contraintes matérielles pèsent également sur le ramassage. Le poids et
l’encombrement des bouteilles d’oxygène et des dispositifs de monitorage limitent leur emploi
en dehors du PMA. L’approche des victimes n’est parfois possible qu’avec des équipements
adaptés qui peuvent requérir un entraînement ou une aptitude particulière.
La médicalisation précoce suppose aussi la capacité de ravitailler les équipes engagées ce qui
n’est guère envisageable dans les situations de catastrophe habituelles.
Le ramassage et la médicalisation de l'Avant imposent donc des adaptations qui portent sur les
effectifs, les équipements individuels de sécurité et les moyens d’intervention collectifs de
type éclairage, matériels de désincarcération, vecteurs de transport...
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7. LA CHRONOLOGIE DE L'ACTION MEDICALE
7.1.AU COURS DES RECONNAISSANCES
Première phase d’une intervention sur le terrain en situation de catastrophe, les
reconnaissances permettent d’établir un bilan de la situation et de son évolutivité ; une des
priorités de cette action est la recherche des victimes.
En principe, le médecin n’y participe pas directement mais doit rester informé et, conscient
des risques évolutifs, savoir conseiller utilement les intervenants pour la mise en œuvre des
mesures de prévention. Il peut ainsi, par exemple, être amené à prescrire le port d’un appareil
isolant en ambiance potentiellement délétère.
7.2. LORS DE L'ABORD DES VICTIMES
Les victimes doivent être rapidement examinées au fur et à mesure de leur découverte
et peuvent nécessiter, avant tout déplacement, la pratique de premiers soins.
Lorsqu'elles sont découvertes, il appartient au médecin sur place d’effectuer un bilan
fonctionnel et lésionnel rapide afin d’effectuer un pré-triage et décider de la conduite à tenir
immédiate. Il ne s’agit pas, en situation de catastrophe, d’être obnubilé par la première victime
trouvée et de lui donner des soins mais au contraire de limiter l’action médicale au strict
nécessaire. Mieux vaut examiner rapidement chacune des victimes et donner aux autres
intervenants des consignes de prise en charge comme un ordre de priorité d’intervention,
d’évacuation.
En l’absence de difficulté de dégagement ou d’atteinte vitale, le ramassage ne doit pas être
médicalisé mais laissé à l’initiative des secouristes pour deux raisons : d’une part à cause de
l’inadéquation entre les matériels et les besoins, définition même de l’ambiance de
catastrophe, et d’autre part pour ne pas retarder l’évacuation sur le PMA.
La médicalisation des victimes ne se justifie que dans deux situations :
- l’état de la victime est trop grave pour supporter un transport vers le PMA sans
intervention thérapeutique immédiate ;
- la victime est incarcérée et le temps de dégagement risque d’être long et défavorable à
l’évolution de l’état du patient.
7.3. PENDANT LE DEGAGEMENT
La phase de dégagement peut être plus ou moins longue en fonction de la situation
(accessibilité) et de l’état de la victime (gravité).
Le dégagement peut être complexe dans le cas des victimes prisonnières de l’environnement :
incarcération, ensevelissement. S’il n’y a pas de risque évolutif, la présence d’une équipe
médicale est souhaitable pour la surveillance de la victime et la prévention des complications
de l’écrasement prolongé. La médicalisation peut commencer dès qu’une partie de la victime
est accessible.
Capacité de Médecine de Catastrophe. Bordeaux janvier 2005
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L’évolution et les risques pour la victime et les sauveteurs peuvent amener à décider des
gestes de sauvetage : mise en place d’un garrot artériel, amputation de dégagement, choix de
techniques rapides de désincarcération.
Dans certaines situations particulièrement dramatiques, il peut s’avérer nécessaire de procéder
à des nécrotomies pour accéder à des victimes vivantes incarcérées derrière des cadavres...
7.4. LORS DU RELEVAGE ET DU BRANCARDAGE
Les soins médicaux sont poursuivis pendant le relevage et le brancardage, avec le
même souci d’économie que dans les autres étapes : tout ce qui n’est pas du domaine de
l’indispensable ne doit pas être fait sur le site mais laissé à l’initiative des médecins du PMA.
7.5. A LA PHASE DE TRANSPORT AU PMA
La victime est acheminée vers le PMA par un moyen adapté aux conditions locales et
aux lésions traumatiques : transport à bras, brancard, véhicule. Elle doit être surveillée par
l’équipe de brancardiers tout au long de son transport pour déceler une éventuelle aggravation
et pouvoir prendre les mesures qui s’imposent.
En situation de catastrophe, le transport vers le PMA est rarement médicalisé, faute de
médecins, sauf pour les victimes graves qui ont été complètement prises en charge par une
équipe médicale.
8. LES TECHNIQUES DE BASE
Pour assurer efficacement ses différentes missions, le médecin de l’avant se doit de
connaître les techniques de base permettant le dégagement et le relevage des victimes. On ne
peut ici qu’en définir rapidement les principes.
Ces manœuvres sont réalisées par plusieurs sauveteurs et coordonnées par un chef d’équipe.
Elles seront ou non médicalisées selon la situation d’urgence collective, l’importance des
moyens, l’état de la victime et les contraintes logistiques de la chaîne médicale des secours. Le
choix de la technique est conditionné par l’état de la victime et par l’environnement.
8.1.DEGAGEMENTS
Dégagement d’urgence
C’est une manœuvre de sauvetage qui est exécutée lorsqu’un danger grave et
incontrôlable de suraccident menace une personne incapable de se soustraire elle-même au
péril : atmosphère toxique, incendie, menace d’explosion, d’effondrement...
Le dégagement d’urgence est un geste exercé sans délai, avec célérité, et le plus souvent sans
matériel. Il est potentiellement dangereux pour la victime, qui est déplacée avant tout bilan de
ses lésions, mais aussi pour le(s) sauveteur(s) qui partage(nt) avec elle le risque de suraccident
tout le temps que dure l’opération.
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Trois techniques de base peuvent être employées :
 Portage ou dégagement à bras, indiqué lorsque le site est d’accès difficile et la distance à
parcourir est de 20 à 50 mètres ; il s’adresse à des victimes qui ne sont pas susceptibles de
présenter une lésion rachidienne ;

Traction sur le sol, lorsque le sol est plat ou peu accidenté et la distance à parcourir très
faible. Elle peut être réalisée en effectuant une traction par les chevilles d’une victime sur
le dos, en l’absence de lésion grave des membres inférieurs, ou en saisissant par les
poignets ou la ceinture une personne préalablement assise pour la tirer en arrière.

Dégagement avec installation préalable sur un moyen de portage, technique qui peut être
employée par des secouristes professionnels qui consiste à effectuer le sauvetage à l’aide de
sangles, de portoirs particuliers (civière, nacelle, harnais) voire de moyens de fortune
(bâche, couverture).
Dégagement simple
Lorsque rien ne s'oppose au dégagement, la manœuvre utilise des techniques simples
qui tiennent compte des lieux et des matériels disponibles. Elle peut faire appel à des
techniques variées et complémentaires : dégagement simple à bras, installation sur moyen de
portage, cordages, nacelles, échelles...
Des soins préalables peuvent être indiqués pour traiter une détresse vitale ou prévenir
l’aggravation de la victime qui est examinée entre chaque étape de la manœuvre.
Dégagement compliqué
Il intéresse toutes les situations où la victime est dans une zone difficile d’accès. Les
procédés de dégagement comprennent des manœuvres de désincarcération et des techniques
d’assistance médicales ou paramédicales, exigeant une parfaite coordination entre sauveteurs
et équipes médicales.
Après avoir été découverte par des opérations de détection acoustique, cynophile ou de
recherche de surface (ratissage), la victime ensevelie peut être dégagée selon plusieurs
modalités.
dégagement sans médicalisation préalable
Ce sera le cas lorsque les soins ne peuvent être réalisés (accessibilité de la victime
avant le dégagement, ambiance toxique) ou si les soins ne sont pas justifiés (état général est
satisfaisant, durée de dégagement très courte).
dégagement après réalisation des gestes élémentaires de survie
Le nombre élevé de blessés ou l’insuffisance des moyens ne permet pas une
médicalisation, ou bien la pratique de gestes simples suffit.
La prise en charge doit alors respecter les mesures suivantes, après avoir évalué la situation et
effectué le bilan de la victime :
- privilégier l’accès à la tête de la victime,
- libérer les voies aériennes,
- assurer une assistance psychologique en maintenant un contact permanent verbal,
- mettre dès que possible dans une position d'attente adaptée, sous couvert d’une protection
thermique.
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dégagement après médicalisation préalable
La suspicion d'un syndrome de compression prolongée justifie une prise en charge
médicale pour traiter ou prévenir les complications vitales ; elle permet également de réaliser
une sédation-analgésie de confort en cas de dégagement difficile avec emploi de moyens de
levage ou de découpe. La coordination des équipes médicales et des sauveteurs permet de
hiérarchiser les gestes, de définir les priorités et le mode de dégagement (réglé ou d’urgence).
dégagement en zone contaminée
Lors d’un accident chimique, un ramassage rapide est effectué après réalisation de
gestes de survie ne retardant pas l’évacuation : mise en place de cagoules ventilées ou de
masques respiratoires munis d’une cartouche filtrante, décontamination sommaire à l’aide de
gant poudreur en cas d’exposition à un toxique liquide visible, protection des plaies par des
pansements étanches, voire utilisation de seringues auto-injectantes adaptées au traitement des
intoxications par les neurotoxiques, mise en position d’attente adaptée...
En cas de catastrophe radiologique, un irradié en bon état général initial ne justifie aucun geste
thérapeutique spécifique et ne représente aucun risque pour l’entourage. Un contaminé doit
bénéficier d’une décontamination d’urgence postérieure au ramassage.
8.2. GESTES ELEMENTAIRES DE SURVIE
Dès que la victime est en sécurité, il faut effectuer un bilan d’urgence pour connaître sa
gravité et effectuer les gestes de premiers secours dont elle a éventuellement besoin : état des
grandes fonctions vitales (neurologique, respiratoire, circulatoire) et bilan “lésionnel” qui fait
le point des atteintes traumatiques.
Les gestes entrepris doivent être poursuivis et surveillés tout au long de l’évacuation vers le
PMA.
Hémostase
La plupart des hémorragies externes sont susceptibles d’être arrêtées par une
compression locale, qu’elle soit manuelle ou appliquée par l’intermédiaire d’un pansement
compressif. Dans le cas contraire, le garrot artériel peut s’avérer indispensable, en particulier
en situation de catastrophe du fait du manque de personnels disponibles.
Le point de compression artériel, qui immobilise au moins un sauveteur au profit d’une seule
victime, est rarement utilisé en situation de catastrophe.
Rétablissement d’une ventilation, d’une circulation efficaces
Après l'arrêt de l'hémorragie menaçante, les mesures suivantes peuvent être nécessaires
pour pallier une insuffisance ventilatoire ou circulatoire :
-
désobstruction des voies aériennes,
-
inhalation d’oxygène, bien que rarement réalisée dans la phase de ramassage en situation
de catastrophe
-
ventilation artificielle,
-
massage cardiaque externe...
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Protection des voies respiratoires en cas de coma
En l’absence d’un abord trachéal d’urgence, toute victime présentant des troubles de la
conscience doit être mise en position latérale de sécurité dans les meilleurs délais.
C’est dans cette position que s’effectuera le relevage et le transport sur le PMA.
Immobilisation
En dehors du dégagement d’urgence, la victime ne doit pas être déplacée sans
immobilisation provisoire préalable des lésions susceptibles de s’aggraver du fait du relevage :
-
immobilisation de segments de membres à l’aide d’écharpes, d'attelles du commerce ou
improvisées, lien des deux membres inférieurs ensemble ;
-
immobilisation du rachis cervical par un collier ou une minerve ;
-
immobilisation générale sur un brancard, dans un matelas coquille...
8.3. RELEVAGE
La victime relevée peut être déposée sur plusieurs types de portoirs dont les plus
couramment employés sont :
-
le brancard de toile ; trouvé dans tous les lots pour catastrophe, c’est le moyen le plus
couramment employé dans cette circonstance, en l’absence de traumatisme du rachis ;
-
le matelas à dépression ou matelas coquille ; il permet de réaliser à la fois immobilisation
et portage mais son utilisation en temps de catastrophe est limité par son coût et sa
fragilité ;
-
la planche Olivier ; plan dur muni de sangles, c’est un moyen particulièrement utile pour
relever une victime trouvée dans un lieu difficile d’accès ou jonché de débris dangereux ;
il est également utile pour le relevage d’un blessé chez lequel on suspecte une lésion
rachidienne.
Relevage partiel
C’est une assistance au déplacement autonome des personnes qui ont une autonomie
réduite : victimes légèrement handicapées par des blessures, impotence prééxistante,
désiorentation temporo-spatiale ou réaction de panique...
Relevage simple
Il correspond au relevage des victimes sur un support et il est indiqué pour toute
victime qui ne peut se relever seule du fait de ses lésions ou qui risque une aggravation en cas
de déplacement ou de mouvement intempestif.
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Les techniques de relevage les plus communes sont :


le pont néerlandais, qui utilise trois sauveteurs pour déplacer par translation une victime
du sol jusque sur le brancard placé à côté d’elle ;

le pont simple, avec trois sauveteurs qui soulèvent le blessé pendant qu’un quatrième
pousse le brancard entre leurs jambes ;

la cuillère, plus complexe, qui est utilisée pour effectuer la relève et le déplacement d’une
personne allongée par trois ou quatre sauveteurs jusqu’à l’endroit où se trouve le brancard ;
le pont amélioré est la seule technique permettant d’assurer vraiment la rectitude de l’axe
tête-cou-tronc en cas de suspicion de fracture du rachis ou de tout accident susceptible
d’avoir provoqué un traumatisme rachidien ; il est toujours précédé par la pose d’un collier
cervical.
La surveillance des opérations de dégagement et de relevage obéit à des règles strictes.
On veillera en particulier à respecter les mesures communes à tous les types de manœuvres
telles que le respect de l’axe tête cou tronc, les mobilisations lentes et prudentes, la
surveillance attentive des gestes pratiqués par tous les intervenants (position, thérapeutique) et
de l'évolution de la victime, la protection thermique.
Relevage complexe
Les manœuvres de relevage peuvent être compliquées par les conditions de
dégagement. Il faut savoir choisir le support le mieux adapté aux conditions locales, accorder
une attention particulière à la sécurité des sauveteurs et veiller à la coordination des actions
médicales et de sauvetage.
8.4. POSITIONS D'ATTENTE
Les lésions ou les signes présentés conditionnent la façon d’installer les victimes ;
c’est une position qui permet d’aider à lutter contre une détresse ou de limiter les risques de
complication.
Les principales sont :
-
la position latérale de sécurité (PLS) qui doit être adoptée, en l’absence d’un contrôle
des voies aériennes par intubation trachéale, devant des troubles de la conscience, de la
déglutition ou de la toux menaçant la liberté des voies aériennes .
-
la position demi assise ou "transat", confortable pour la plupart des victimes conscientes
et utile pour les blessés thoraciques ou présentant des signes respiratoires prédominant ;
-
la position allongé jambes fléchies ou surélevées en cas d’atteinte abdominale, de
collapsus, d'hémorragie.
-
Si la victime a été installée en position adéquate avant relevage, celui-ci doit utiliser autant
que possible une technique conservant la position pendant toute la manœuvre.
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8.5. PROTECTION THERMIQUE ET MICROBIENNE
L’emballage sommaire des plaies et des brûlures et l’installation d’une couverture sur la
victime terminent la mise en condition générale de la victime. En temps de pluie, la
couverture isothermique sert aussi de protection contre l’humidité.
8.6. BRANCARDAGE
Le transport de la victime s’effectue dans la position où elle a été installée. Il doit être
réalisé en assurant en permanence :
-
le confort de la victime : éviter les à-coups, respecter l’horizontalité du portoir ;
-
sa surveillance continue, d’où le principe de la tête en avant et du chef d’équipe en
arrière ;
-
la sécurité du transport : arrimage si nécessaire, en particulier lorsque la victime est agitée
ou pour le passage d’obstacles...
En temps de catastrophe, la médicalisation des victimes est en général commencée au PMA.
Lorsque le ramassage est médicalisé, l’action de l’équipe médicale doit être limité au strict
minimum.
C’est le médecin qui détermine quand et comment il peut intervenir. L’action thérapeutique
peut être immédiate, dès la découverte d’une victime en détresse vitale ; elle doit parfois
précéder les opérations de désincarcération, en particulier pour prévenir les complications
d’une compression prolongée ; il s’agit plus rarement de stabiliser une aggravation secondaire
avant l’arrivée au PMA.
9. LES GESTES MEDICAUX
9.1. LE BILAN
Les victimes sont abordées par des sauveteurs, qui les examinent afIn d'établir un bilan
secouriste, dont vont découler, par ordre de priorité, des gestes de survie, permettant la
sauvegarde des fonctions vitales.
Lorsque la situation le requiert et le permet, les victimes gravement blessées et
menacées d'aggravation par le ramassage sont médicalisées à l'Avant, sur les lieux du sinistre.
La médicalisation commence par un bilan, comprenant trois parties complémentaires
abordées dans le même temps par le médecin de l'Avant, mais abordées successivement dans
notre exposé pour ne pas alourdir le propos.
Un bilan circonstanciel peut être utile, notamment en cas de blast où l'on recherche la
position de la victime au moment de l'explosion; de même, le blast primaire (effets directs de
l'onde de choc) peut être compliqué d'un blast secondaire (polycriblage,amputation de mine)
ou tertiaire (projection de la victime dans l'espace).
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Le bilan fonctionnel examine le plus rigoureusement possible, malgré de fréquentes
conditions ambiantes difficiles ,les fonctions neurologique, respiratoire et circulatoire.
L'utilisation de scores traumatologiques ( Score de Champion, Score de Lindsey ) peut être
utile, mais s'avère souvent trop compliqué pour effectuer un prétriage à l'Avant. Seul le score
de Glasgow, Utilisé en pratique quotidienne, est immédiatement utile à l'indication d'une
protection des voies aériennes par intubation endotrachéale.
Le bilan lésionnel doit suivre un ordre immuable, en abordant successivement le
revêtement cutané, l'extrémité céphalique, l'axe cervico dorso lombaire, le thorax et
l'abdomen, le bassin et la région périnéo fessière, les quatre membres.
Il est certain que les meilleures conditions d'examen sont rarement réunies pour
permettre un abord aussi "académique" des victimes; c'est pourquoi la formation et
l'expérience sont indispensables à ce difficile exercice technique.
Le critère de médicalisation d'urgence repose plus sur le retentissement physiologique
du traumatisme que sur le siège anatomique. Les gestes doivent être simples et limités afin de
suffire à une survie, dans l'attente d'un triage et d'une prise en charge au PMA.
Le pronostic vital prime toujours sur le pronostic fonctionnel.
9.2. PROTECTION DES VOIES AERIENNES ET HEMOSTASE
L’action se limite le plus souvent à la désobstruction des voies aériennes.
Lorsque les circonstances l’imposent, en particulier en cas de désincarcération longue
et difficile, on peut être amené à pratiquer des gestes plus agressifs sur les lieux même de
l’accident : intubation endotrachéale, ponction ou drainage d’un épanchement thoracique
compressif.
Les indications de l’ oxygénothérapie sont limitées, car le ravitaillement en oxygène ne peut
être assuré par la seule production de terrain (extracteurs, oxygène chimique).
9.3. ABORD VEINEUX
L'abord veineux doit être simple, périphérique, de bon calibre, bien fixé et réalisé avec
la meilleure asepsie. C'est un geste de nécessité en situation de catastrophe, et non plus de
sécurité comme en réanimation conventionnelle.
Un état de choc par hémorragie est traité par un remplissage avec des gélatines fluides,
tandis qu'une plasmorragie est pris en charge par la perfusion de Ringer Lactate.
La prévention des complications d’un crush fait appel au remplissage vasculaire par
ringer lactate et à une alcalinisation précoce ; la pose d’un garrot artériel y est discuté en
fonction de la durée de compression, de la gravité des lésions locales et de l’état général de la
victime.
Les circonstances d’une catastrophe se prêtent difficilement à des techniques de
restauration volémique plus sophistiquées comme la pose d’un pantalon antichoc ou la
réalisation d’une autotransfusion
Le liquide de remplissage est de type Ringer lactate ou gélatines fluides ; il peut être
intéressant de s’affranchir de la gravité pour la perfusion en utilisant un dispositif de pression
agissant sur les poches souples ou en plaçant des poches souples sous les fesses des victimes.
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9.4. SEDATION ET ANALGESIE
L'analgésie sédation permet de combattre l'agitation, le stress et facilite la mise en
condition des victimes. La sédation fait appel à :
-
des mesures non spécifiques: immobilisation des foyers de fracture, lutte contre
l'hypothermie, lutte contre l'hypoxie et l'hypovolémie, l’installation dans une position
adaptée et la prise en charge psychologique.
-
des mesures spécifiques pharmacologiques: la sédation médicamenteuse peut être
réalisée par voie locale (anesthésie locale ou loco régionale) ou intraveineuse.
L’anesthésie générale n’est induite que dans les situations exceptionnelles comme
l’amputation de désincarcération.
9.5. SURVEILLANCE
Les moyens de surveillance sont souvent limités dans ce type de circonstances. Ils sont
essentiellement cliniques : conscience (score de Glasgow), ventilation, pouls, pression
artérielle, coloration cutanéo-muqueuse. Dans des cas plus rares, on peut avoir accès à des
appareils de monitorage comme un scope, un appareil de mesure de la saturation en oxygène.
La surveillance clinique permet d’adapter les soins selon l’évolution et pendant la durée du
dégagement :anesthésie générale, intubation endotrachéale, drainage d’épanchement
compressif.
La surveillance thérapeutique contrôle les mesures prises et vérifie l’absence d’effet délétère :
qualité de la ventilation mécanique, vitesse et quantité des liquides perfusés, délais
d’oxygénothérapie en fonction des volumes disponibles et du débit utilisé.
9.6. FICHE MEDICALE DE L'AVANT
Le bilan clinique initial, les thérapeutiques et l’évolution doivent être consignées de
façon succincte sur une fiche qui accompagne la victime et permet son suivi ultérieur.
En général ces fiches sont distribuées à l’arrivée au PMA mais il est souhaitable, en cas de
médicalisation du ramassage, que la mise en place des fiches soit contemporaine à la première
action médicale.
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10.CONCLUSION
L’action de l’équipe médicale sur le site d’une catastrophe n’est pas la même que dans
le cadre de la médecine pré-hospitalière traditionnelle.
Le médecin de l'Avant est un thérapeute, un organisateur et un décideur, dont l'action
dépend des contraintes opérationnelles et de la disponibilité des équipes médicales.
A l'Avant, le médecin doit d'abord superviser le travail des équipes de secours et
décider le bien fondé d'une médicalisation, en respectant la règle des soins élémentaires au
profit du plus grand nombre.
Selon les circonstances, il peut réaliser la mise ne condition médicale de victimes pour
stabiliser un état précaire, prévenir les complications, ou faire céder une agitation
préjudiciable à la manœuvre.
Mais là aussi, l’action médicale est limitée aux gestes essentiels qui ne peuvent être
différés : liberté des voies aériennes, abord veineux pour remplissage vasculaire ou sédationanalgésie.
Il peut encore avoir un rôle préventif en conseillant au chef de chantier de faire adopter
par ses hommes une mesure de protection individuelle ou en commençant la médicalisation
d’une victime dont le dégagement risque d’être long et délicat.
Dans tous les cas, il doit être conscient qu’il n’agit pas seul. L’efficacité de son action dépend
de son intégration au sein d’équipes venant de divers horizons professionnels et de la bonne
coordination de l’ensemble. Il intervient aussi dans le cadre plus vaste d’une organisation des
secours dont les responsables ont défini les règles de fonctionnement pour les adapter à la
situation particulière. Il doit mener à bien la mission qui lui a été confiée et savoir rendre
compte à l’autorité supérieure pour lui permettre de prendre des mesures adaptées en temps
utile.
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