Derrida HEIDEGGER Enfer des philosophes

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HEIDEGGER, L’ENFER DES PHILOSOPHES[i]
Jacques Derrida
Vos deux livres paraissent quelques jours après celui de Victor Farias[ii]qui rappelle avec vigueur
quelles ont été les positions et les activités politiques de Heidegger. Que pensez-vous de ses
conclusions ?
J. Derrida : Pour l’essentiel des « faits », je n’ai encore rien trouvé dans cette enquête qui ne fût
connu, depuis longtemps, de ceux qui s’intéressent sérieusement à Heidegger. Quant au
dépouillement d’une certaine archive, il est bon que les résultats en soient disponibles en France.
Les plus solides d’entre eux étaient déjà accessibles en Allemagne depuis les travaux de Bernd
Martin et de Hugo Ott, que l’auteur met largement à contribution. Au-delà de certains aspects
documentaires et de questions factuelles, qui appellent la prudence, on discutera surtout - il importe
que la discussion reste ouverte - l’interprétation, disons, qui rapporte ces « faits » au « texte », à la
« pensée » de Heidegger. La lecture proposée, s’il y en a une, reste insuffisante ou contestable,
parfois si grossière qu’on se demande si l’enquêteur lit Heidegger depuis plus d’une heure. On dit
qu’il fut son élève. Ce sont des choses qui arrivent. Quand il déclare tranquillement que Heidegger,
je cite, «traduit» «un certain fonds proprement national-socialiste» en «des formes et dans un style
qui certes lui appartiennent»[iii], il montre du doigt un gouffre, plus d’un gouffre, un sous chaque
mot. Mais il ne s’en approche pas un instant et ne semble même pas les soupçonner.
Y a-t-il là matière à sensation ? Non, sauf dans les lieux où l’on s’intéresse trop peu à d’autres
travaux plus rigoureux et plus difficiles. Je pense à ceux qui, surtout en France, connaissent
l’essentiel de ces «faits» et de ces «textes», condamnent sans équivoque et le nazisme et le silence
de Heidegger après la guerre, mais cherchent aussi à penser au-delà de schémas convenus ou
confortables, et justement à comprendre. Quoi ? Eh bien, ce qui assure ou n’assure pas un passage
immédiat selon tel ou tel mode de ladite «traduction» entre l’engagement nazi, sous telle ou telle
forme, et le plus esentiel et le plus aigu, parfois le plus difficile d’une œuvre qui continue et
continuera de donner à penser. Et à penser la politique. Je songe aux travaux d’abord de LacoueLabarthe, mais aussi à certains textes, fort différents entre eux, de Lévinas, Blanchot, Nancy.
Pourquoi l’archive hideuse paraît-elle insupportable et fascinante ? Précisément parce que
personne n’a jamais pu réduire toute l’œuvre de pensée de Heidegger à celle d’un quelconque
idéologue nazi. Ce « dossier » n’aurait pas un grand intérêt autrement. Depuis plus d’un demisiècle, aucun philosophe rigoureux n’a pu faire l’économie d’une «explication» avec Heidegger.
Comment le nier ? Pourquoi dénier que tant d’œuvres «révolutionnaires», audacieuses et
inquiétantes du XXe siècle, dans la philosophie et dans la littérature, se sont risquées, voire
engagées dans des régions hantées par ce qui est le diabolique pour une philosophie assurée dans
son humanisme libéral et démocratique de gauche ? Au lieu de l’effacer ou d’essayer de l’oublier,
ne faut-il pas tenter de rendre compte de cette expérience, c’est-à-dire de notre temps ? sans croire
que tout cela est désormais clair pour nous ? La tâche, le devoir et en vérité la seule chose nouvelle
ou intéressante, n’est-ce pas d’essayer de reconnaître les analogies et les possibilités de rupture
entre ce qui s’appelle le nazisme, ce continent énorme, pluriel, différencié, encore obscur dans ses
racines, et d’autre part, une pensée heideggérienne aussi multiple et qui restera longtemps
provocante, énigmatique, encore à lire. Non parce qu’elle tiendrait en réserve, toujours cryptée,
une bonne et rassurante politique, un «heideggérianisme de gauche», mais parce qu’elle n’a opposé
au nazisme de fait, à sa fraction dominante, qu’un nazisme plus «révolutionnaire» et plus pur !
Votre dernier livre De l’esprit porte également sur le nazisme de Heidegger. Vous inscrivez la
problématique politique au cœur même de sa pensée.
J. Derrida : De l’esprit fut d’abord une conférence prononcée à la clôture d’un colloque organisé
par le Collège international de Philosophie sous le titre «Heidegger, questions ouvertes». Les Actes
en paraîtront bientôt[iv]. La question dite «politique» fut abordée de façon analytique au cours de
nombreux exposés, sans complaisance : ni pour Heidegger ni pour les arrêts sentencieux qui, du
côté de la «défense» autant que du côté de 1’«accusation», ont si souvent réussi à empêcher de lire
ou de penser, qu’il s’agisse de Heidegger, de son nazisme, ou du nazisme en général. Au début du
livre, et dans certains textes de Psyché, je m’explique sur les trajets qui m’ont conduit, là aussi
depuis fort longtemps, à tenter cette lecture. Encore préliminaire, elle cherche à nouer autour du
nazisme une multiplicité de motifs au sujet desquels j’ai toujours eu du mal à suivre Heidegger :
les questions du propre, du proche et de la patrie (Heimat), du point de départ de « Etre et temps
», de la technique et de la science, de l’animalité ou de la différence sexuelle, de la voix, de la
main, de la langue, de «l’époque» et surtout, c’est le sous-titre de mon livre, la question de la
question, presque constamment privilégiée par Heidegger comme «la piété de la pensée». Sur ces
thèmes, ma lecture a toujours été, disons, activement perplexe. J’ai marqué des réserves
danstoutes mes références à Heidegger, aussi loin qu’elles remontent. Chacun des motifs
d’inquiétude, c’est évident, a une portée qu’on peut appeler rapidement «politique». Mais au
moment où l’on s’explique avec Heidegger de façon critique ou déconstructrice, ne doit-on pas
continuer à reconnaître une certaine nécessité de sa pensée, son caractère à tant d’égards inaugural
et surtout ce qui reste à venir pour nous dans son déchiffrement ? C’est là une tâche de la pensée,
une tâche historique et une tâche politique. Un discours sur le nazisme qui s’en dispense reste
l’opinion conformiste d’une « bonne conscience ».
J’essaie depuis longtemps de déplacer la vieille alternative entre une histoire ou une sociologie
«externes», en général impuissantes à se mesurer aux philosophèmes qu’elles prétendent
expliquer, et, d’autre part, la «compétence» d’une lecture «interne», aveugle cette fois à
l’inscription historico-politique et d’abord à la pragmatique du discours. Dans le cas de Heidegger,
la difficulté d’articuler les deux est particulièrement grave. Elle l’est dans son enjeu : le nazisme,
d’avanthier à demain. Elle l’est aussi dans la mesure où la «pensée» de Heidegger déstabilise les
assises profondes de la philosophie et des sciences de l’homme. Je cherche à éclairer certaines de
ces articulations manquantes entre une approche externe et une approche interne. Mais cela n’est
pertinent, efficace, que si l’on prend en compte la déstabilisation dont je parlais à l’instant. J’ai
donc suivi le traitement pratique, «pragmatique» du concept et du lexique de l’esprit, aussi bien
dans les «grands» textes que par exemple dans le Discours du Rectorat, J’étudie avec le même
souci d’autres motifs connexes dans « La main de Heidegger » et d’autres essais rassemblés
dans Psyché.
On ne manquera pas de vous poser la question : à partir du moment où vous situez le nazisme au
cœur même de la pensée de Heidegger, comment est-il possible de continuer à lire cette œuvre ?
J. Derrida :La condamnation du nazisme, quel que doive être le consensus à ce sujet, n’est pas
encore une pensée du nazisme. Nous ne savons pas encore ce qu’est ou ce qui a rendu possible
cette chose immonde mais surdéterminée, travaillée par des conflits internes (d’où les fractions et
les factions entre lesquelles Heidegger s’est situé - et sa stratégie retorse dans l’usage du mot
«esprit» prend un certain sens quand on pense à la rhétorique générale de l’idiome nazi et aux
tendances biologisantes, style Rosenberg, qui ont fini par l’emporter). Enfin, le nazisme n’a pas
poussé en Allemagne ou en Europe comme
un champignon...
De l’esprit est donc autant un livre sur le nazisme que sur Heidegger ?
J. Derrida : Pour penser le nazisme, il ne faut pas s’intéresser seulement à Heidegger, mais il
faut aussi s’y intéresser. Croire que le discours européen peut tenir le nazisme à distance comme
un objet, c’est dans la meilleure hypothèse une naïveté, dans la pire, un obscurantisme et une faute
politique. C’est faire comme si le nazisme n’avait eu aucun contact avec le reste de l’Europe, avec
les autres philosophes, avec d’autres langages politiques ou religieux...
Ce qui est frappant dans votre livre, c’est le rapprochement que vous opérez entre les textes de
Heidegger et ceux d’autres penseurs, comme Husserl, Valéry...
J. Derrida : Au moment où son discours se marque de façon spectaculaire du côté du nazisme (et
quel lecteur exigeant a jamais cru que le moment du rectorat était un épisode isolé et facilement
délimitable ?), Heidegger reprend le mot «esprit» qu’il avait prescrit d’éviter, il lève les guillemets
dont il l’avait entouré. Il limite le mouvement déconstructeur qu’il avait auparavant engagé. Il tient
un discours volontariste et métaphysique qu’il suspectera par la suite. Dans cette mesure au moins,
en célébrant la liberté de l’esprit, son élévation ressemble à d’autres discours européens
(spiritualistes, religieux, humanistes) qu’en général on oppose au nazisme. Écheveau complexe et
instable que j’essaie de démêler en y reconnaissant les fils communs au nazisme et à l’antinazisme,
la loi de la ressemblance, la fatalité de la perversion. Les effets de miroir sont parfois vertigineux.
Cette spéculation se met en scène à la fin du livre...
Il ne s’agit pas de tout mélanger. Mais d’analyser les traits qui interdisent la coupure simple entre
le discours heideggérien et d’autres discours européens, qu’ils soient anciens ou contemporains.
Entre 1919 et 1940 (mais ne le fait-on pas encore aujourd’hui?) tout le monde se demande : «Que
va devenir l’Europe ?» et cela se traduit toujours en «Comment sauver l’esprit ?». On propose des
diagnostics souvent analogues sur la crise, sur la décadence ou la «destitution» de l’esprit. Ne nous
limitons pas aux discours et à leur horizon commun. Le nazisme n’a pu se développer qu’avec la
complicité différenciée mais décisive d’autres pays, d’États «démocratiques», d’institutions
universitaires et religieuses. A travers ce réseau européen s’enflait alors et s’élève toujours cet
hymne à la liberté de l’esprit qui consonne au moins avec celui de Heidegger, précisément au
moment du «Discours du Rectorat» et d’autres textes analogues. J’essaie de ressaisir la loi
commune, terriblement contaminante, de ces échanges, partages, traductions réciproques.
Rappeler que Heidegger lance sa profession de foi nazie au nom de «la liberté de l’esprit» est une
manière assez cinglante de répondre à tous ceux qui vous ont récemment attaqué au nom de la
«conscience», des «droits de l’homme», et qui vous reprochaient votre travail de déconstruction
de «l’humanisme» et vous taxaient de...
J. Derrida : De nihilisme, d’anti-humanisme... On connaît tous les slogans. J’essaie au contraire de
définir la déconstruction comme une pensée de l’affirmation. Parce que je crois à la nécessité
d’exhiber, si possible sans limites, les adhérences profondes du texte heideggérien (écrits et actes)
à la possibilité et à la réalité de tous les nazismes, parce que je crois qu’il ne faut pas classer la
monstruosité abyssale dans des schémas bien connus et somme toute rassurants, je trouve certaines
manœuvres à la fois dérisoires et alarmantes. Elles sont anciennes mais on les voit réapparaître.
Certains prennent prétexte de leur récente découverte pour s’écrier : 1) «Lire Heidegger est une
honte !» 2) «Tirons la conclusion suivante — et l’échelle : tout ce qui, surtout Heidegger, l’enfer
des philosophes en France, se réfère à Heidegger d’une manière ou d’une autre, voire ce qui
s’appelle“déconstruction” est du heideggérianisme!» La deuxième conclusion est sotte et
malhonnête. Dans la première, on lit le renoncement à la pensée et l’irresponsabilité politique. Au
contraire, c’est depuis une certaine déconstruction, en tout cas celle qui m’intéresse, que nous
pouvons poser, me semble-t-il, de nouvelles questions à Heidegger, déchiffrer son discours, y
situer les risques politiques et reconnaître parfois les limites de sa propre déconstruction. Voici un
exemple, si vous voulez bien, de la confusion affairée contre laquelle je voudrais mettre en garde.
Il s’agit de la préface à l’enquête de Farias dont nous venons de parler. A la fin d’une harangue à
usage évidemment domestique (c’est encore la France qui parle !) on lit ceci : «Sa pensée [celle
de Heidegger] a pour de nombreux chercheurs un effet d’évidence qu’aucune autre philosophie
n’a su conquérir en France, hormis le marxisme. L’ontologie s’achève en une déconstruction
méthodique de la métaphysique comme telle[v].» Diable ! s’il y a de l’effet d’évidence, c’est sans
doute pour l’auteur de ce salmigondis. Il n’y a jamais eu effet d’évidence dans le texte de
Heidegger, ni pour moi, ni pour ceux que j’ai cités tout à l’heure. Sans quoi, nous aurions cessé de
lire. Et la déconstruction que j’essaie de mettre en œuvre n’est pas plus une «ontologie» qu’on ne
peut parler, si on l’a un peu lu, d’une «ontologie de Heidegger», ni même d’une «philosophie de
Heidegger». Et la «déconstruction» - qui ne s’«achève» pas - n’est surtout pas une «méthode».
Elle développe même un discours assez compliqué sur le concept de méthode que M. Jambet serait
bien inspiré de méditer un peu. Etant donné la gravité tragique de ces problèmes, cette exploitation
franco-française pour ne pas dire provinciale, ne paraît-elle pas tantôt comique, tantôt sinistre ?
Cette confusion tient peut-être au fait que vos livres sont difficiles à lire. On dit souvent que pour
lire Derrida il faut avoir lu tout Derrida. En l’occurrence, il faut avoir lu aussi Heidegger, Husserl,
Nietzsche...
J. Derrida : Mais c’est vrai de tant d’autres ! C’est une question d’économie. Elle se pose, si on ne
la leur pose pas, à tous les chercheurs scientifiques. Pourquoi la poser seulement aux philosophes
?
C’est tout particulièrement vrai pour vous.
J. Derrida : Pour déployer l’implicite de tant de discours, il faudrait chaque fois une dépense
pédagogique qu’il n’est pas raisonnable de demander à chaque livre. La responsabilité doit ici se
démultiplier, se médiatiser, la lecture faire son œuvre et l’œuvre son lecteur.
De l’esprit est tiré d’une conférence, et son style est assez démonstratif. Mais vos précédents
ouvrages, comme Parages ou Ulysse gramophone[vi]ressemblaient plutôt à des tentatives
littéraires sur des textes littéraires.
J. Derrida : Je m’efforce d’être toujours aussi démonstratif que possible. Mais il est vrai que les
démonstrations sont prises dans des formes d’écriture qui ont leurs propres règles, parfois
nouvelles, le plus souvent produites et montrées. Elles ne peuvent pas répondre, de part en part,
aux normes traditionnelles que justement ces textes interrogent ou déplacent.
Votre livre sur Joyce était tout de même un peu déroutant.
J. Derrida : Il s’agissait de Joyce. Il serait triste d’écrire alors dans des formes qui ne se laissent en
rien affecter par les langues de Joyce, par ses inventions, son ironie, la turbulence qu’il introduit
dans l’espace de la pensée ou de la littérature. Si on veut prendre en compte l’événement nommé
« Joyce », il faut écrire, raconter, démontrer autrement, risquer une aventure formelle.
Vous adaptez votre style à chaque objet auquel vous vous attachez ?
J. Derrida : Sans mimétisme, mais en incorporant en quelque sorte la signature de l’autre. Si la
chance vient, un autre texte peut s’annoncer, un autre événement, irréductible à l’auteur ou à
l’œuvre dont il faudrait pourtant parler aussi fidèlement que possible.
Il vous faut donc à chaque livre inventer un nouveau «ton», comme dirait Robert Pinget?
J. Derrida : Oui, le plus difficile, c’est l’invention du ton, et avec le ton, de la scène qu’on peut
faire, qu’on se laisse faire, la pose qui vous prend autant que vous la prenez.
Vous vous considérez comme un écrivain ?
J. Derrida : L’attention portée à la langue ou à l’écriture ne relève pas nécessairement de la
«littérature». À s’interroger sur les limites de ces espaces, la «littérature» ou la «philosophie», je
me demande si on peut encore être tout à fait un «écrivain» ou un «philosophe». Je ne suis sans
doute ni l’un ni l’autre...
On a l’impression que vous avez, au cours des dernières années, déserté la France au profit d’une
carrière américaine. Est-ce un choix de votre part ?
J. Derrida : Non, je n’émigre pas ! Il n’y a aucune « carrière » américaine ! Comme d’autres,
j’enseigne chaque année, quelques semaines à peine, aux États-Unis. Mon travail est en effet
généreusement traduit, reçu ou discuté à l’étranger. Mais je n’ai pas choisi cette situation. Je vis,
j’enseigne et je publie en France. S’il y a déséquilibre, je n’en suis pas responsable.
Et vous le regrettez ?
J. Derrida : Du côté français, oui. Les débats et les travaux qui m’intéressent ou me concernent
sont plus développés à l’étranger. Cela n’est pas seulement vrai pour moi ou pour le champ dans
lequel je travaille. Autour des choses dites difficiles, même et surtout quand elles se lient
étroitement à l’idiome français, les débats sont plus riches et plus ouverts à l’étranger.
Quelle explication en donnez-vous ?
J. Derrida : Cela tient à l’état de l’Université française, notamment en philosophie. Pour une autre
part, cela tient à ce qu’on appelle le champ culturel, avec ses filtres médiatiques, il faut le dire,
avec l’espace parisien, ses chapelles et ses groupes de pression. Et puis, comme nous le disions,
cela tient aussi à la façon dont ces textes sont écrits. Ils supposent une formalisation, une
potentialisation d’acquis antérieurs qui ne se déchiffrent pas immédiatement. Si certains textes
sont surcodés, si la traduction culturelle en reste malaisée, cette situation ne tient, d’aucun côté, à
quelque mauvaise volonté délibérée...
Dans Psyché, on trouve un texte sur Mandela et l’apartheid[vii]. C’est l’un de vos rares textes
politiques...
J. Derrida : Et si quelqu’un s’amusait à montrer que ces deux livres sur l’âme et l’esprit sont aussi
des livres de militant ? Que les essais sur Heidegger et le nazisme, sur Mandela et l’apartheid, sur
le problème nucléaire, l’institution psychanalytique et la torture, l’architecture et l’urbanisme, etc.,
sont des «écrits politiques» ? Mais vous avez raison, je n’ai jamais été, comme vous me le disiez,
un «militant ou un philosophe engagé au sens de la figure sartrienne ou même foucaldienne de
l’intellectuel». Pourquoi ? Mais il est déjà trop tard, non ?
[i] [Entretien avec Didier Éribon paru dans Le Nouvel Observateur, Paris, 6-12 novembre 1987.
L’entretien fut précédé par cette notice : « Le livre de Victor Farias, Heidegger et le nazisme, paru
le mois dernier aux éditions Verdier, a relancé brutalement la polémique sur le passé politique du
grand penseur allemand. Le dossier est accablant. Certains posent la question : peut-on encore lire
Heidegger, commenter son œuvre ? Jacques Derrida publie cette semaine deux ouvrages aux
éditions Galilée : De l’esprit et Psyché. Dans le premier, il montre que le nazisme s’inscrit au cœur
même de la philosophie de l’auteur d’Etre et temps. Pourtant, nous ne devons pas renoncer à lire
cette œuvre dérangeante, déclare-t-il dans l’entretien qu’il a accordé à Didier Eribon. Car il nous
faut bien continuer à penser le nazisme. Et à penser tout court. »]
[ii] [Victor Farias, Heidegger et le nazisme, trad. de l’espagnol et de l’allemand par M. Benarroch
et J.-B. Grasset, Lagrasse, Verdier, 1987.]
[iii] [Loc. cit., p. 20.]
[iv] [Cf. Collège International de Philosophie (éd.), Heidegger, questions ouvertes, ...
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