Percy Aldridge GRAINGER Né à Melbourne, Australie, 8 juillet 1882 /mort à White Plains, New York, le 20 février 1961 Compositeur et pianiste australien. Pianiste virtuose, collectionneur et "arranger" de chansons folkloriques, compositeur d'œuvres grandioses, de "titbits" (petits riens), et de musique expérimentale d'avant-garde, théoricien mais pragmatiste, Grainger fut touché par le génie dans beaucoup de domaines. Sa vitalité d'esprit (et de corps, même à 70 ans) était légendaire, même si parfois ses contemporains ne voyaient pas le musicien sérieux caché derrière le clown. Il était capable, même à 70 ans, de se comporter comme un gamin de 12 ans, arrivant sans prévenir chez ses amis habillé en costume fait de serviettes de bains, un turban sur la tête. Il n'a jamais marché quand il avait la possibilité de courir. Comme soliste dans un concerto pour piano, il avait l'habitude de ne pas assister au début de la pièce (très souvent dans les concerti le piano ne commence pas tout au début mais après une introduction par l'orchestre). Il arrivait en courant pendant cette introduction (peut-être après une journée de marche dans les montagnes), sautant sur le tabouret juste à temps pour sa première note. L'auteur de sa biographie définitive avoue qu'il était tout simplement fou : et ce ne sont pas les détails de sa vie privée qui vont contredire cette estimation. Mais en même temps, il était un "original" dans le meilleur sens du terme, qui n'hésitait jamais à remettre tout (absolument tout) en question, aussi bien dans la musique que dans la vie. Il aurait été sans doute très à l'aise dans le monde moderne des "célébrités". On peut dire qu'il fut un homme né en dehors de son temps, même si "son temps idéal" ne serait pas forcément facile à identifier… Biographie Sa mère lui enseigne le piano à partir de cinq ans, et il devient rapidement un enfant prodige. Dès l'âge de dix ans, Grainger participe à plusieurs concerts publics. En 1894, il se rend en Allemagne, à Francfort, où il travaille avec Karl Klimsch, qui lui propose l'étude de chansons folkloriques comme source d'inspiration. C'est en Angleterre, où il fait ses débuts comme pianiste en 1901, que Grainger commence à collectionner sérieusement la musique folklorique. En 1905 il entre à la Folk Song Society et recueille plus de 500 airs en quatre ans en utilisant essentiellement le phonographe à cylindre de cire. Ensuite il les retranscrit méticuleusement, incluant, par exemple, toutes les petites variations d'une strophe à l'autre, détails jamais relevés auparavant. La plupart de ces compositions les plus connues sont des arrangements de ces chansons datant de cette période. Il s'intéresse également aux chansons folkloriques scandinaves, surtout de Norvège et du Danemark. A cette époque il rencontre le norvégien Edvard Grieg et l'anglais Frederick Delius (deux compositeurs qu'il admirait beaucoup) qui l'encouragent à faire interpréter ses propres œuvres, qu'il craignait trop d'avant-garde pour le public de son époque. Il les fait entendre aux concerts à Londres à partir de 1911, et commence à les faire publier. En 1914 Percy Grainger s'installe (avec sa mère) aux Etats-Unis où il fait des débuts sensationnels à NewYork le 11 février 1915. Il s'engage pour la durée de la Première guerre mondiale dans l'Armée américaine comme "bandsman" (joueur d'instrument à vent), et devient citoyen des Etats-Unis en 1918. Il y vit jusqu'à sa mort en 1961, donnant des concerts jusqu'au bout, mais uniquement pour financer sa carrière de compositeur. Il avoua "détester" le piano. Son goût pour l'extravagance ne diminue pas. En 1928 Grainger compose pour Ella Viola Ström To a Nordic Princess, œuvre qu'il dirige à Hollywood Bowl devant un public de 20.000 spectateurs, le concert se terminant par leur propre cérémonie de mariage ! Il continue de réviser ses œuvres folkloriques, mais le centre de sa créativité devient sa "musique libre", dans laquelle le temps, le rythme et la structure sont libérés des limites habituelles de la gamme, du battement de la mesure et de l'harmonie. L'expérimentation d'instruments inhabituels a été l'une des préoccupations constantes de sa vie, accompagnée par les expériences de procédés électroniques et les recherches sur les nouvelles méthodes d'écriture - par exemple en 1933 il écrit un quatuor pour instruments électroniques en notant la hauteur à l'aide de "zizags" et de courbes. Grainger est surtout connu d'un vaste public pour ses courtes pièces, gaies et dansantes, pour orchestre comme Country Gardens, Shepherd's Hey et The Children's March. Beaucoup de ces pièces ont commencé leur vie en tant que partitions pour piano. Grainger soutenait la conception de "musique élastique", c'est-à-dire la possibilité d'adapter ses œuvres pour toutes sortes de formations : Room Music, Large Room Music, petit orchestre, grand orchestre, etc. Par exemple, Country Gardens existe en pas moins de 16 versions différentes, pour 1 à 4 pianos (2 à 16 mains) et toutes sortes de combinaisons instrumentales. The Lost Lady Found peut être chanté par grand chœur, ou petit chœur, ou par une chorale à l'unisson (de femmes, d'hommes ou les deux), ou par une voix soliste, accompagnée par grand orchestre ou petit orchestre ou piano. Grainger a écrit que, à condition que l'équilibre entre les différentes parties soit maintenu, sa musique pouvait être interprétée par 4, 40 ou bien 400 musiciens, ou tout autre nombre. Il est donc revenu sur ces pièces sans cesse, surtout pour les adapter aux nouvelles exigences. Sa démarche évolutive est donc assez personnelle, voir chaotique, mais toujours informée par une recherche de l'insolite et du goût de l'étrange. Son étude approfondie de la musique traditionnelle est à la base de la structure mélodique et rythmique de sa propre musique. Lié à son habitude de tout questionner, il a introduit des formes originales de notation et d'orchestration, rejetant la terminologie italienne courante de tempo et de nuance au profit d'expressions anglaises familières. Par dessus tout, il a cherché l'expressivité par des procédés harmoniques complexes. Malgré la joie de vivre – voire truculence - de certaines de ses œuvres (Country gardens, Spoon River, The Lost Lady Found, I'm Seventeen come Sunday), c'était pour lui le chagrin et la peine qui comptaient : "La valeur de ma musique ne sera jamais comprise jusqu'à ce qu'on l'approche comme un pèlerinage vers la tristesse… le but de ma musique n'est pas de divertir, mais de déchirer." De ses procédés harmoniques, il dit : "Dès ma jeunesse, mon but était d'émouvoir les cœurs de mon auditoire avec des accords. C'est un procédé subtile qui ne se fait pas seulement par des dissonances … c'est le contraste entre le doux et le dur qui déchire le cœur." Dans des pièces comme Brigg Fair, My Love's in Germanie, Soldier soldier et The Three Ravens on trouve des exemples saisissants de ce pouvoir. Ce n'est pas pour rien que Benjamin Britten, en grand admirateur, a déclaré : "en tant qu'adaptateur des chansons folkloriques, il est le maître de nous tous". Graham O'Reilly