Sociologie - Thème 1 – Classes, stratification et mobilité

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A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
Sociologie - Thème 1 – Classes, stratification et mobilité sociales
Questionnement 1 : Comment analyser la structure sociale ?
Les attentes du programme officiel
Notions
Inégalités économiques
Inégalités sociales,
Classes sociales,
Groupes de statut,
Catégories
socioprofessionnelles.





Indications complémentaires
On mettra en évidence le caractère multiforme des inégalités économiques et sociales ainsi que leur aspect parfois
cumulatif. On procédera à des comparaisons aux niveaux européen et international en utilisant les principaux indicateurs
et outils statistiques appropriés. On présentera les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition
sociologique (Marx, Weber) ainsi que leurs prolongements contemporains et on s'interrogera sur leur pertinence pour
rendre compte de la dynamique de la structuration sociale. On mettra en évidence la multiplicité des critères de
différenciation sociale dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie).
Acquis de première : salaire, revenu, profit, revenus de transfert, groupe social.
Le plan du cours
I.
Comment caractériser les inégalités économiques et sociales aujourd’hui ?
A.
1.
2.
Les inégalités sont-elles uniquement économiques ?
Qu’est-ce qu’une inégalité ?
Les différentes formes d’inégalités et leur mesure
1.
2.
L’aspect cumulatif des inégalités
Les inégalités économiques se renforcent entre elles
Les inégalités économiques et sociales cohabitent et se cumulent
B.
II. Des inégalités à la stratification sociale
A.
1.
2.
Comment la tradition sociologique analyse-t-elle structure sociale et stratification sociale ?
La vision de Karl Marx
La vision de M. Weber
1.
2.
Quels sont les prolongements contemporains des analyses sociologiques fondatrices ?
Bourdieu : Classes dominantes et classes dominées
Un outil pour l’analyse de la structure sociale : la nomenclature des PCS
1.
2.
Rendre compte de la structure sociale aujourd’hui.
Fin ou transformation des classes sociales ?
La multiplicité des critères de différenciation sociale
B.
C.
Quelques exemples de sujets possibles 1
-
-
-
-
Dissertation
Comment
rendre
compte
aujourd'hui de la structure
sociale en France ? (bac 2013)
EC – Partie 1
- Montrez que les inégalités
économiques et sociales peuvent
se cumuler. (bac 2013)
Vous analyserez la pertinence du
concept de classes sociales pour
comprendre
la
société
d’aujourd’hui.
- Montrez à partir d'un exemple
comment
les
inégalités
économiques peuvent être à
l'origine d'inégalités sociales. (bac
2013)
La multiplicité des critères de
différenciation sociale brouille-telle les frontières de classe ?
- Montrez le caractère multiforme
des inégalités. (bac 2013)
Comment expliquer le maintien
des inégalités dans les pays
développés ?
- Quelles sont les caractéristiques
des groupes de statut selon Max
Weber ? (bac 2013)
- Comment Marx
classes sociales ?
définit-il
les
-
-
EC – Partie 2
Vous présenterez le document
puis vous caractériserez les
inégalités de patrimoine qu'il met
en évidence. (bac 2013)
Vous présenterez le document
puis vous caractériserez les
inégalités qu'il met en évidence.
(bac 2013)
-
Vous comparerez les structures
socioprofessionnelles de ces pays
européens.
-
Vous montrerez en quoi le
document permet de caractériser
les
inégalités
d’accès
au
logement.
- Distinguez l’approche des classes
sociales chez Karl Marx et Max
Weber.
- Comment peut-on mesurer les
inégalités économiques ?
1
1
Les sujets sont issus des premières sessions du baccalauréat ou des principaux manuels de SES de la classe de Terminale
-
EC – Partie 3
Vous montrerez que les
inégalités peuvent avoir un
caractère cumulatif. (bac 2013)
-
Les classes sociales ont-elles
disparu ?
-
Montrez que les inégalités sont
dues à des facteurs multiples.
-
En quoi les inégalités peuventelles se cumuler ?
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
Sensibilisation
Document 1 - Approcher le caractère multiforme des inégalités
Vidéo mise en ligne par Médecins du monde autour des débats européens sur l’accès aux soins des migrants
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=3uNO9rTAevo
Questions :
1. Quelle est l’inégalité principale mise en évidence par ce reportage ?
Inégalités d’accès aux soins. Entre des personnes qui d’un côté sont dans une situation administrative régulière et de l’autre sont sans papier, et se trouvent donc
illégalement sur le territoire européen.
2. A quel autre type d’inégalités ce reportage fait-il également référence ?
Inégalité entre les hommes et les femmes (on parle principalement de l’accès aux soins des femmes, notamment pour les soins obstétriques)
Inégalité économique qui semble être la matrice d’un grand nombre d’inégalités selon la députée grecque
Inégalité en fonction de l’âge : entre d’une part les enfants et d’autre part les adultes
3. Quelle est la caractéristique des populations migrantes par rapport à l’ensemble des inégalités évoquées ?
Les populations migrantes ont pour caractéristiques de cumuler l’ensemble de ces inégalités :
économiquement, ils sont plus pauvres
politiquement, leur droit sont réduits
socialement ils n’accèdent pas aux mêmes soins que les populations autochtones.
Les inégalités sont multiformes : elles peuvent être économiques, sociales, politiques, symboliques (ce que ce reportage ne nous a pas permis d’appréhender) et
ont un caractère parfois cumulatif. Définir ces phénomènes, les mesurer, en évaluer la réalité dans les sociétés développées et notamment en France… tel sera
l’un des objectifs de ce chapitre.
Nous verrons également que dès lors que ces inégalités se systématisent à l’échelle de groupes sociaux, de catégories sociales, leur appréhension nécessite d’être
capable d’analyser la structure sociale, c’est-à-dire de décoder l’organisation de la société en groupe. La sociologie traditionnelle nous sera ici d’une grande aide
et nous fournira des clés de lecture intéressantes, même si on pourra en discuter la pertinence contemporaine.
I.
Comment caractériser les inégalités économiques et sociales aujourd’hui ?
A.
Les inégalités sont-elles uniquement économiques ?
1.
Qu’est-ce qu’une inégalité ?
Document 2 – Différence ou inégalité ? Manuel Hachette - Doc 2 – page 308 - Question 1, 2
1. Pourquoi diversité des apparences physiques = différences et non inégalités ?
Les différences physiques sont des caractéristiques individuelles qui relèvent de la loterie génétique. Elles ne sont pas a priori associées à des avantages ou à des
désavantages dans l’accès aux ressources valorisées.
Une inégalité est communément définie comme une différence d’accès à des ressources rares  Une différence ne devient une inégalité que si elle concerne un
accès différencié à des ressources socialement valorisées. L’inégalité désigne la situation dans laquelle une différence entre deux individus est source
d’avantages ou de désavantages. Cette inégalité devient sociale lorsque des individus disposant de la même caractéristique différentielle partagent le même
avantage ou désavantage.
Une inégalité n’est donc pas simplement une différence. Il faut que cette différence ait des conséquences sur l’accès à certaines ressources, et si l’on va plus loin,
qu’une partie suffisante de la population juge cette différence comme intolérable, inacceptable. Par exemple, les enfants n’ont pas accès à la consommation
d’alcool. Il y a bien une différence (l’âge), qui entraîne des difficultés d’accès à certaines ressources, mais la société ne juge pas cela intolérable  ce n’est pas
considéré comme une inégalité.
Cet exemple nous permet également de nous rendre compte que les idées sur ces sujets évoluent au cours du temps, ou d’une société à l’autre. Il existe une
dynamique des inégalités : les inégalités d’hier ne sont pas toujours celles d’aujourd’hui qui ne seront pas nécessairement celles de demain. Par exemple, la
couleur de peau aux Etats-Unis d'Amérique qui était source d’une inégalité politique avant les lois sur la fin de la ségrégation en 1968.
2. Que met en évidence le document ?
Le document montre que ces caractéristiques physiques ne sont pas neutres au regard de la réussite professionnelle : les salariés au physique disgracieux gagnent
15 % de moins que la moyenne, les hommes de petite taille 5 % de moins. Le physique apparaît ainsi comme la source d’inégalités qui s’apparentent ici à des
discriminations. Une discrimination suppose une différence de traitement entre individus placés dans des conditions comparables, à partir de critères interdits
par la loi (sexe, origine, handicap, apparence physique, orientation sexuelle…). Ces discriminations se traduisent par des inégalités. Mais toute inégalité n’est pas
forcément une discrimination.
2.
Les différentes formes d’inégalités et leur mesure
 Les inégalités économiques
A préparer si possible à la maison
Document 3 – Les inégalités économiques en France
L’histoire de l’inégalité des salaires n’est pas un long fleuve tranquille. Que l’on utilise des indicateurs comme la part des hauts salaires (décile supérieur, centile
supérieur, …) dans la masse salariale totale ou comme le rapport entre le décile le plus élevé et le décile le plus bas de la distribution, on observe une longue
phase d’alternance de phases d’élargissement et de compression de la hiérarchie, au gré des ruptures économiques et politiques de l’histoire propre à chaque
pays. (…) Le phénomène le plus frappant est que chacune des phases [d’évolution du niveau des inégalités de salaires] a eu tendance à compenser les effets
de la précédente, si bien que l’on n’observe aucune tendance claire sur longue période. Par exemple, la part des 10% des salariés les mieux rémunérés (le
décile supérieur de la hiérarchie des salaires) a oscillé entre 25-28% de la masse salariale tout au long du 20ème siècle, sans trend de long terme, ni à la hausse
ni à la baisse. Il en va de même des autres indicateurs : la part des 10% les moins bien rémunérés (le décile inférieur) a toujours gravité autour des 4-5%, la
part des 1% les mieux payés (le centile supérieur) autour des 6-7%, etc. (…)
Cet exposé serait très incomplet si l’on omettait de mentionner le très rapide accroissement des inégalités salariales observé depuis la fin des années 1990. Si
l’on compare les différents fractiles de la hiérarchie des revenus, on constate en effet pour la première fois que les gains de pouvoir d’achat ont été répartis
de façon extrêmement inégalitaire entre 1998 et 2006. Pour les 90% des foyers les moins riches, la hausse cumulée de pouvoir d’achat sur toute la période a
atteint tout juste 10%. Mais si l’on monte à l’intérieur des 10% des foyers les plus riches, on constate des hausses de revenus de plus en plus importantes,
dépassant 60% pour les 0.01% des foyers les plus riches, soit 3500 foyers sur 35 millions, qui en 2006 disposaient d’un revenu moyen supérieur à 2 millions
d’euros.
T. Piketty, « Les inégalités économiques sur longue période », in P. Combemale (dir.), Les grandes questions économiques et sociales, La Découverte, 2013
2
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
T. Piketty, « Les inégalités économiques sur longue période », in P.
Combemale (dir.), Les grandes questions économiques et sociales, La
Découverte, 2013
2013 - 2014
Source : Insee, « Enquête Patrimoine 2010 » France métropolitaine, 2010
Questions :
1. Quels indicateurs proposent T. Piketty pour analyser les inégalités de salaires ?
2 indicateurs sont proposés :
La part d’un fractile de la population dans le revenu total, ou dans la masse des salaires distribués  « la part des 10% des salariés les mieux rémunérés
(le décile supérieur de la hiérarchie des salaires) a oscillé entre 25-28% de la masse salariale tout au long du 20ème siècle »
Le rapport entre le décile de revenu le plus haut et le décile de revenu le plus faible, que l’on appelle également le rapport interdécile  L’auteur
n’évoque pas cet indicateur, mais il se lirait ainsi : les 10% les plus riches ont un salaire en moyenne 4.5 fois supérieurs aux 10% les plus pauvres.
 TD : Fiche outil n°6 p. 432 (à préparer à la maison) pour que les élèves approfondissent les problématiques de mesure des inégalités
2. Quel constat T. Piketty fait-il sur l’évolution des inégalités de salaires ?
Le constat général lorsque l’on observe l’évolution des inégalités de salaire sur le long terme est une relative stabilité tout au long du 20ème siècle et un creusement
des inégalités au début du 21ème siècle. Ce constat est toutefois à préciser. Cette stabilité dans le long terme est en fait le résultat de période de montée des
inégalités et de baisse des inégalités, mais qui se sont compensées sur un siècle.
3. Donnez la signification des chiffres pour la période 1900-1910 et l’année 1997 dans le graphique 1. Le constat posé par T. Piketty dans le texte se vérifiet-il ? Comment l’expliquez-vous ?
En 1900-1910, selon T. Piketty, les 10% de ménages les plus riches percevaient environ 45% de l’ensemble des revenus en France. Ce chiffre est de 32% en 1997,
soit une baisse de 12 points de %.
Le constat de T. Piketty n’est clairement pas vérifié. Cela s’explique simplement par le fait que dans le texte, Piketty ne s’intéresse qu’aux inégalités de salaires,
alors que le graphique inclut l’ensemble des revenus, c’est-à-dire prend en compte les revenus du capital.
Quelques rappels :
4.
-
3
A partir du graphique 1, déterminez 5 périodes dans l’évolution des inégalités de revenus en France.
De 1900 à 1935, les inégalités, bien que subissant des fluctuations importantes, se maintiennent à un niveau très élevé. La part des 10% les plus riches
dans l’ensemble des revenus oscille entre 40 et 46%
De 1935 à 1945, on constate une très forte baisse des inégalités, la part des 10% les plus riches dans l’ensemble des revenus chute de 17 points pour
atteindre 29%
De 1950 à 1968 : dispersion des salaires s’est accrue dans la mesure où le SMIG était indexé sur l’évolution des prix (et non sur celle de la croissance)
et que les retraités ne bénéficiaient que de pensions limitées.
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
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Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
De 1968 et 1984, les inégalités se réduisent sous les effets de l’indexation du SMIC sur la croissance économique, de l’augmentation des pensions
retraites et de la mise en place de minima sociaux.
A partir de 1984, les inégalités se remettent à croître lentement. La part des 10% les plus riches dans l’ensemble des revenus atteint 32% en 1997
En synthèse, on peut dire que si on prend en considération l’ensemble des revenus, les inégalités économiques se sont clairement réduites au cours du 20ème
siècle. Les inégalités de salaires étant restées stables, cette réduction des inégalités s’explique principalement par les chocs subis par les revenus du capital au
cours du 20ème siècle (guerre, inflation...)
5. Donnez la signification des trois valeurs entourées dans le tableau statistique.
En 2009, selon l’Insee le niveau de vie moyen des 10% d’individu dont le niveau de vie est le plus faible est de 7 910 euros. Pour les 10% d’individus dont le niveau
de vie est le plus élevé, celui-ci atteint en moyenne 53 220 euros, soit 6.73 fois plus que les premiers cités.
Point rapide sur la notion de niveau de vie :
Pour mesurer les inégalités, on ne peut pas se contenter de connaître le revenu disponible d’un ménage. Avec un revenu identique, un ménage composé d’un
couple et de trois enfants n’aura pas le même niveau de vie qu’un ménage sans enfants. C’est pourquoi il faut calculer le revenu par unité de consommation. Dans
un ménage, un certain nombre de biens et services sont consommés collectivement (automobile, logement…). L’arrivée d’une personne supplémentaire dans la
famille n’entraînera donc pas une diminution du niveau de vie par personne d’une unité supplémentaire. C’est la raison pour laquelle, les économistes attribuent
des coefficients à chaque membre du ménage :
Coefficient 1 pour le premier adulte ;
Coefficient 0,5 pour les autres adultes et les enfants de 15 ans et plus ;
Coefficient 0,3 pour les enfants de moins de 15 ans.
Ainsi, avec un revenu annuel de 40 000 €, une famille composée d’un couple et d’un enfant de 10 ans aura un niveau de vie par individu de (40 000/1,8) 22 222 €
alors qu’avec le même revenu une famille de deux enfants de plus de 15 ans et d’un enfant de moins de 15 ans disposera de (40 000/2,8) 14 285 € par individu.
6. Ce tableau vous paraît-il confirmer la thèse d’une hausse des inégalités au début du 21ème siècle ? Justifiez votre réponse.
Entre 2003 et 2009, le rapport interdécile D9/D1 a augmenté de 11%, ce qui corrobore la vision défendue par T. Piketty, même si on n’est pas exactement sur le
même indicateur.
7. A partir du graphique intitulé « Courbe de Lorenz », donnez la signification du chiffre 14.
En 2010, selon l’Insee, les 60% des ménages français les moins bien dotés en patrimoine possèdent 14% de l’ensemble du patrimoine. Patrimoine : C’est l’ensemble
des actifs possédés (biens immobiliers, entreprise, actifs financiers…) par un individu ou un ménage à un moment donné. Le patrimoine peut être mesuré en valeur
nette c’est-à-dire après déduction de la valeur des actifs possédés celui des dettes, ou brut, c’est-à-dire sans déduction de la valeur des dettes (exemple de l’achat
d’un logement)
8. Montrez que ce graphique met en évidence une répartition inégale du patrimoine des français.
D’après cette courbe, on peut tirer une première conclusion forte : les 10% des ménages français les mieux dotés en patrimoine possèdent près de la moitié du
patrimoine total (48% = 100-52). Les 50% des ménages les moins bien dotés en patrimoine possèdent eux environ 7% du patrimoine total. On voit donc bien que
le patrimoine total est très inégalement réparti entre les ménages.
Question complémentaire à l’oral : quelle allure aurait la courbe dans une société complètement égalitaire ? Ce serait la bissectrice (représentation rapide au
tableau)
9. A partir de l’ensemble de ces documents, quelle définition pouvez-vous proposer d’inégalités économiques ?
Les inégalités économiques sont les inégalités l’accès aux ressources proprement économiques (revenu et patrimoine notamment, mais aussi emploi par
exemple).
Document 4 - L’évolution des inégalités de revenu dans les pays riches
Questions :
1. Donnez la signification des valeurs pour la France et
l’Allemagne
2. Comment ont évolué les inégalités au sein des pays de
l’OCDE sur les 25 dernières années ? Justifiez votre
réponse et comparez le cas de la France à celui de
l’Allemagne.
La dynamique de réduction des inégalités économiques s’arrête à
compter du milieu des années 80 dans la quasi-totalité des pays de
l’OCDE. Elle se manifeste toutefois à des niveaux et à des rythmes
différents. L’accentuation des inégalités est en particulier plus
précoce parmi les pays anglo-saxons. Les inégalités de revenu sont
plus faibles parmi les pays nordiques et les pays d’Europe
continentale et plus élevées parmi les pays anglo-saxons et les pays
du Sud de l’Europe. En France, les inégalités sont inférieures à la
moyenne de l’OCDE, et progressent moins vite depuis 1995 qu’en
Allemagne par exemple
NB : Le coefficient de Gini se calcule à partir de la courbe de Lorenz,
qui elle représente la concentration d’une ressources (revenus,
patrimoine) au sein d’une société.
Plus le coefficient de Gini est proche de 1, plus les
inégalités dans la répartition de la ressource analysée
sont fortes.
Plus le coefficient de Gini est proche de 0, plus les
inégalités sont faibles.
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Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
 Les inégalités sociales
Document 5 – Quelles sont les différentes formes d’inégalités sociales ?
Les inégalités sont nombreuses, même si les plus visibles sont économiques. À ces inégalités économiques se superposent d’autres types d’inégalités sociales
affectant n’importe quelle espèce de possessions (richesse, instruction, information, etc.), de qualités (prestige, âge, état de santé, etc.) et de réalisations (diplôme,
performance physique, autorité, etc.).
En termes clairs, on peut repérer les inégalités de statut entre hommes et femmes (dans le travail ou la politique), les inégalités scolaires et culturelles (selon les
milieux sociaux), les inégalités ethniques et raciales (pour l’accès à l’emploi et au logement), sans parler des inégalités face à la santé, à la mortalité, sans oublier
les inégalités affectives et enfin physiques, qui sont aussi réelles : les beaux, les affreux, les bien-portants, les handicapés 4. Tout cela pose le fondement même
de ce mot « égalité » !
Les inégalités sociales [traduisent] un phénomène social de différenciation entre les individus que chaque société interprète à sa manière : « Chacun commença à
regarder les autres et à vouloir être regardé » ; dès cet instant, « l’estime publique eut un prix ». Depuis Rousseau, Tocqueville, voire Karl Marx, le thème des
inégalités est au centre du débat tant en sociologie qu’en philosophie. Rousseau [se demande] « pourquoi les uns naissent avec une cuillère en or dans la bouche
et les autres dans la misère ? » (…) Si, au départ, ces inégalités sont nées suite à des accidents historiques et se sont maintenues par convention, c’est-à-dire par
un arbitraire social, Rousseau pense qu’elles peuvent disparaître parce que « ce que la société a fait, la société peut le défaire… »
D’après E. Prieur et E. Jovelin, « État providence, inégalités sociales et travail social en France. Un combat des titans », Pensées plurielles, n°10, 2005
Questions :
1. Etablissez la différence entre une inégalité sociale et une inégalité économique
Les inégalités sociales s’expliquent par des différences sociales qui se traduisent par des avantages ou des désavantages dans la société. On peut les définir comme
différences de conditions de vie entre les individus, en fonction du sexe, du travail, de la santé, du logement, de l’éducation, de la situation familiale…
Les inégalités économiques ne sont pas seules à exister. Il y a aussi des inégalités sociales qui peuvent prendre différentes formes : possessions (par exemple,
l’information sur la qualité des établissements scolaires), qualités (par exemple, la santé) ou réalisations (par exemple, détention d’un diplôme valorisé sur le
marché du travail).
2. Donnez des exemples pour les inégalités citées dans la première partie du texte
Inégalités de statut : les femmes sont sous-représentées à l’Assemblée nationale par rapport à leur poids dans le corps électoral.
Inégalités scolaires : les enfants issus des milieux défavorisés ont moins de chances d’obtenir un bac S que les autres.
Inégalités culturelles : les enfants issus des milieux supérieurs fréquentent davantage les théâtres que les autres.
Inégalités ethniques et raciales : le taux de chômage des enfants d’immigrés est plus élevé que celui des autres Français.
Document 6 – Les inégalités face à la santé - Manuel Hachette - Doc 4 – page 313 - Question 1 à 4
1. Comparaison cadre / ouvrier
Espérance de vie à 35 ans systématiquement supérieure pour les cadres par rapport aux ouvriers :
Autour des 6 années d’espérance de vie supplémentaire pour les hommes
Autour de 3 années d’espérance de vie supplémentaire pour les femmes
2. Facteurs
Plusieurs facteurs : Ces écarts s’expliquent, chez les ouvriers, par
des conditions de travail plus pénibles physiquement (station debout, manipulation de charges lourdes, exposition au froid, à la chaleur)
plus d’exposition aux risques (surdité, maladies respiratoires, cardiovasculaires, cancers),
des modes d’alimentation différents, une consommation de tabac plus élevée dans les catégories populaires,
une moindre attention à la santé et aux soins.
3. Explications de la montée des inégalités face à la santé
Les inégalités face à la santé s’accroissent avec le développement de la précarité. La précarité rend plus difficile l’accès aux soins en raison des faibles revenus. Par
ailleurs, les conditions de travail sont parfois aussi plus pénibles et plus dangereuses pour les travailleurs précaires que pour les travailleurs stables.
4. Vérification de l’augmentation des inégalités face à la santé
Relative stabilité des inégalités en termes d’espérance de vie à 35 ans
Document 7 - Les inégalités hommes-femmes - Manuel Hachette - Doc 5 – page 313 - Question 1, 2 et 4
1. Lecture de données
En France, en 2008, l’indice des femmes diplômées de l’enseignement supérieur s’élève à 123 pour un indice 100 concernant les hommes ; ainsi, le nombre de
femmes diplômées est supérieur de 23,3 % à celui des hommes. En 2009, les femmes représentent 19 % des élus du Parlement, et 10 % des élites dirigeantes des
entreprises cotées.
2. Lien sphère privée / insertion pro
Les femmes prennent largement en charge le travail domestique, l’éducation des enfants, ce qui peut expliquer un taux d’emploi plus faible pour les mères de
jeunes enfants, mais aussi le choix d’emploi à temps partiel (qui concerne plus d’un quart des femmes en emploi). Les carrières plus discontinues et le temps
partiel important contribuent à expliquer les écarts de rémunération entre hommes et femmes.
3. Performance de la France
Les performances françaises en matière d’inégalités hommes/femmes sont plutôt moyennes. On peut cependant relever que, en ce qui concerne les inégalités
salariales, c’est en France que ces dernières sont les plus faibles. En revanche, c’est aussi en France, en Hongrie et en Irlande que la représentation des femmes
en politique est la plus faible.
B.
L’aspect cumulatif des inégalités
1.
Les inégalités économiques se renforcent entre elles
Document 8 – Inégalités de revenus, épargne et inégalités de patrimoine
Le taux d’épargne progresse en fonction de son revenu : nul, voire négatif dans le premier quartile, il avoisine 20% dans le quartile le plus élevé. A ce phénomène
s’ajoute un effet de cycle de vie qui accroît encore la concentration du patrimoine. En effet, le patrimoine moyen croît avec l’âge de la personne de référence
pour atteindre un maximum vers 55 ans en 1998.
Les inégalités de patrimoine, rapport du CAE 2001
Question : Complétez le schéma ci-dessous, qui explicite les liens entre inégalités de patrimoine et inégalité de revenus. A partir du schéma, rédigez un paragraphe
explicatif.
5
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
Précisez aux élèves que le fait que le niveau de l’épargne augmente à mesure que le revenu augmente : la propension marginale à épargner croît avec le niveau
de revenu. Préciser les différences entre propension moyenne, propension marginale, propension à consommer et propension à épargner.
Les revenus de patrimoine sont une source importante d’augmentation du revenu.
On a donc le cycle cumulatif des inégalités économiques : les inégalités de revenus vont conduire aux inégalités de patrimoine en raison du taux d’épargne
différent, qui conduisent à des inégalités de revenu plus importantes.
2.
Les inégalités économiques et sociales cohabitent et se cumulent
Document 9 - Le système des inégalités
Questions :
1. Entourez en rouge les inégalités économiques.
2.
Numérotez les flèches du schéma ci-contre (certaines flèches ont
plusieurs légendes, d’autres aucune)
a) Pénibilité du travail, risque d’accident du travail
b) Héritage
c)
Diplôme et qualifications
d) Discriminations à l’embauche
e) Relations sociales (capital social)
f)
Connaissance du système éducatif, ambition scolaire
g) Inégalités du partage du travail domestique
h) Recours aux médecins spécialistes
i)
Prix du m2 selon quartier
j)
Recours à des employés domestiques
k) Rapport au corps
l)
Capital culturel familial
m) Capital culturel scolaire
3.
Rédigez un paragraphe explicitant la flèche en pointillé
Source : A. Bihr, R. Pfefferkorn, Repères La Découverte
Version corrigée du schéma :
Aspect logement : Le logement crée des inégalités scolaires à double titre, d’abord parce que disposer d’une chambre ou d’un coin à soi est un atout pour
pouvoir travailler, ensuite parce que les établissements scolaires accueillent les élèves d’une même zone géographique (principe de la carte scolaire), les cités où
se concentrent les populations pauvres économiquement et culturellement donnent naissance à des écoles ghettos.
6
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
Aspect accès aux biens : exemples des cours particuliers ou de l’accès aux matériels informatiques
Aspect loisirs et culture : accès aux livres, aux expositions qui viennent compléter la culture générale nécessaire pour réussir scolairement
Exercice 1 – Synthèse
Complétez le texte ci-dessous à l’aide du vocabulaire suivant : cumulatif, inégalités, symboliques, économiques, réduction, sociales ou politiques, patrimoine,
inégalités sociales
L’espace des inégalités est multidimensionnel. Les inégalités concernent tout à la fois l’accès aux ressources proprement économiques (revenu, patrimoine…),
aux ressources sociales ou politiques (conditions d’existence, éducation, santé, accès au pouvoir…) et symboliques (titres scolaires, pratiques langagières…). Elles
prennent donc des formes multiples et se renouvellent constamment selon les mutations structurelles de la société (sociales, économiques, technologiques,
idéologiques…).
Les inégalités spécifiquement économiques ont une place particulière car elles constituent souvent une matrice – sans être la seule – sur laquelle se développe
une multiplicité d’inégalités sociales. Par exemple, les inégalités de revenu et de patrimoine donnent naissance à des inégalités d’accès au logement, d’accès à la
santé, etc. Les inégalités sont donc interactives.
Plus encore, elles sont liées entre elles par des processus cumulatif qui alimentent la polarisation de la structure sociale : les avantages des uns s’additionnent
pendant que les désavantages des autres se renforcent mutuellement. Une autre caractéristique des inégalités économiques et sociales est qu’elles ont tendance,
comme le démontrent les études sur la mobilité sociale, à se reproduire d’une génération à l’autre.
En ce qui concerne l’évolution des inégalités, on observe incontestablement sur le long terme un mouvement de réduction des inégalités économiques.
L’impression est plus contrastée en ce qui concerne les inégalités sociales : sans être exhaustif, on peut dire que si certaines inégalités persistent (inégalité hommes
/ femmes, inégalité face à la santé…), on assiste clairement à un mouvement d’homogénéisation des modes de vie et à la généralisation de l’accès au système
éducatif.
II.
Des inégalités à la stratification sociale
Rappel de l’introduction : dès lors que ces inégalités se systématisent à l’échelle de groupes sociaux, de catégories sociales, leur appréhension nécessite d’être
capable d’analyser la structure sociale, c’est-à-dire de décoder l’organisation de la société en groupe. La sociologie traditionnelle nous sera ici d’une grande aide
et nous fournira des clés de lecture intéressantes, même si on pourra en discuter la pertinence contemporaine.
Document 10 – La notion de classe sociale
La notion de classe apparaît comme l’une des plus célèbres mais également l’une des plus polémiques de la sociologie. Cette dernière s’est justement constituée
comme discipline, au 19ème siècle, à un moment où l’ordre social a été profondément remis en question dans l’ensemble des pays européens. Les fondements de
la société traditionnelle ont été ébranlés au point de saper la base de la stratification sociale : les ordres s’effacent progressivement devant les classes.
(…) Si l’étude des classes ne s’est jamais réduite à une pure description objective des groupes composant la société, ont été progressivement mis en place, à
l’initiative de l’Etat, à l’image des professions et catégories socioprofessionnelles, de l’INSEE, des instruments susceptibles de rendre compte de l’évolution
morphologique de la société française. Ils ne dispensent pas pour autant sur les logiques qui conduisent à l’agrégation des personnes dans un groupe, dans lequel
celles-ci sont censées se reconnaître. Il est alors nécessaire de se pencher sur les mécanismes qui participent à la construction et à la consolidation des groupes
sociaux comme de leur effritement, voire de leur effondrement.
Un intérêt particulier doit être accordé aux relations instaurées entre les classes sociales : celles-ci peuvent prendre différentes perspectives au cours du
temps (antagonisme, concurrence, coopération…).
P. Riutort, Précis de sociologie, Puf, 2004
Questions :
1. Quels étaient les fondements d’une société organisée autour de la notion d’ « ordre » ?
La société féodale est organisée autour de 3 ordres :
Le clergé
La Noblesse
Le Tiers-Etat
Les groupes en présence sont figés : très peu de mobilité sociale, c’est-à-dire de passage d’un ordre à l’autre. Par ailleurs, la structure sociale, dans les sociétés
d’ordres comme dans les sociétés de castes, a une traduction légale. On parle de classes lorsque la division de la société en groupes n'a justement pas d'existence
légale. Les classes sociales sont des groupements de faits et non de droit.
2. En vous appuyant sur la phrase soulignée, rappelez la définition d’un groupe social (programme de 1ère).
Groupe social : ensemble d’individus partageant des caractéristiques communes, étant en interaction les uns avec les autres (de façon directe ou indirecte) et
ayant conscience d’appartenir au même groupe.
La structure sociale correspond à la répartition de la population en groupes sociaux différenciés au sein d’une société donnée.
3. A quelle condition passe-t-on d’une analyse en termes de structure sociale à une analyse en termes de stratification sociale ?
Si ces groupes sociaux sont hiérarchisés selon le pouvoir qu'ils détiennent, la richesse économique qu'ils concentrent et/ou le prestige qu'ils dégagent, on parlera
de stratification sociale. Il existe donc tout un ensemble possible de stratification sociale selon les époques et les pays. Au sens large, la stratification sociale
désigne les différentes façons de classer les individus dans une société en fonction de la position sociale qu'ils occupent. La stratification dépend alors des critères
que l'on adopte pour classer les individus.
Au sens étroit, la stratification consiste à graduer de façon régulière les individus dans une échelle sociale en fonction de d'un ou plusieurs critères simples comme
le revenu, la profession, le pouvoir ou encore le prestige.
A.
Comment la tradition sociologique analyse-t-elle structure sociale et stratification sociale ?
1.
La vision de Karl Marx
Document 11 – « Classe en soi », « Classe pour soi », classes en lutte
Karl Marx est certainement l’auteur auquel la notion de classe sociale est spontanément attachée. (…) Il lui confère une place centrale dans l’évolution sociale,
comme dans les conflits qui traversent irrémédiablement les sociétés humaines. La formule de K. Marx et F. Engels extraite du Manifeste du Parti communiste
(1848) : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes », rend bien compte de l’importance accordée aux classes sociales
dans les processus historiques et sociaux. (…) L’évolution des sociétés humaines oppose ainsi, dans un conflit majeur, deux groupes sociaux antagonistes :
patriciens et plébéiens dans la société antique, seigneurs et serfs dans la société féodale, bourgeoisie et prolétariat dans la société capitaliste.
Le critère objectif défini par Marx (…) est la place occupée dans le processus de production : les propriétaires des moyens de production s’opposent aux non
propriétaires, tels les salariés dans les sociétés industrielles contraints de vendre leur force de travail pour survivre. Si le critère économique conduit Marx a adopté
une approche réaliste des classes sociales (les classes existent dans la réalité, et le sociologue ne fait qu’en rendre compte), un reproche classique de
réductionnisme extrême a été adressé au marxisme, l’économique paraît primer sur les autres domaines de la vie sociale.
Marx complète (…) son analyse en accordant une importance au critère subjectif, le sentiment d’appartenance à la classe sociale. (…) Marx est ainsi conduit à
formuler une distinction entre la classe en soi et la classe pour soi. Une classe en soi existe à partir du moment où un ensemble de personnes occupent la même
position dans le processus de production (…) alors qu’une classe pour soi exige une conscience de classe, c’est-à-dire l’apparition d’intérêt commun à défendre
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A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
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contre d’autres classes. Le passage de l’une à l’autre, [de la classe en soi à la classe pour soi], ne peut s’effectuer que par la médiation de la lutte qui fait naître,
chez les classes dominées, une prise de conscience progressive de leur exploitation (…). En dépit de la concurrence qui met aux prises les ouvriers entre eux dans
la société industrielle, et notamment l’usage de l’armée de réserve industrielle formée des travailleurs privés d’emploi, Marx fonde ses espoirs sur la formation
du groupe ouvrier. La naissance et le développement de la fabrique conduit à regrouper ensemble, sur un même lieu de travail (l’usine) et de vie (la cité ouvrière),
une population toujours plus nombreuse. Cette force lui semble en mesure de faire triompher à terme, le prolétariat qui prend, peu à peu (avec l’aide du
développement du syndicalisme ouvrier), conscience de lui-même. Le mode de production capitaliste lui paraît donc condamner également les autres classes –
notamment la petite bourgeoisie (artisan, commerçant…) – et ne laisse place qu’à un affrontement binaire entre bourgeoisie et prolétariat.
La polarisation semble s’imposer inéluctablement et conduire à un antagonisme qui ne cessera qu’avec la transformation complète (la révolution, puis le
communisme) du système historique formé par le capitalisme.
P. Riutort, Précis de sociologie, Puf, 2004
Questions :
1. Pourquoi l’analyse mariste est-elle qualifiée de réaliste ?
Karl Marx a une conception réaliste des classes sociales. Marx considère que les classes sociales existent véritablement dans la société et qu’il revient au sociologue
de les mettre en évidence. Les classes ont donc une réalité objective et ne sont pas uniquement des catégories construites par le sociologue. Une classe existe en
soi, avant même sa construction intellectuelle.
2. Quel est le critère qui permet de distinguer les classes sociales entre elles selon Marx ?
C’est la position dans le processus de production qui définit l’appartenance à la classe sociale : dans le cadre du mode de production capitaliste, il existe une
séparation radicale entre les possesseurs des moyens de production (la bourgeoisie) et le prolétariat, qui ne dispose que de sa « force de travail ».
La classe ouvrière (le prolétariat) ne possède que sa force de travail qu’elle loue au capitaliste contre un salaire de subsistance. Elle seule produit des
richesses matérielles (« travail productif ») qu’elle ne récupère qu’en partie en recevant un salaire.
La bourgeoisie (les capitalistes) possède les moyens de production (outils, machines, usines) et emploie les ouvriers pour en extraire de la plus-value,
c’est-à-dire la différence entre la valeur du bien produit et la valeur du travail nécessaire pour le produire. Cette plus-value se transformera en profit
lorsque le bien sera vendu sur le marché. Elle servira aux capitalistes à accumuler du capital, c’est-à dire des moyens financiers et de nouveaux moyens
de production.
3. Comment peut-on qualifier les relations entre les classes sociales dans l’analyse marxiste ?
Les classes sociales sont des groupes sociaux réels en conflit. Les classes sociales ont, du fait de leur position différente dans le processus de production, Des
intérêts antagonistes : les rapports de classes sont des rapports de domination et d'exploitation. La classe des propriétaires exploite et domine celle des non
propriétaires. Ces deux classes ont donc des intérêts contradictoires et entrent en lutte pour les défendre. La lutte des classes est constitutive du système de
classe.
« La définition des classes n'est pas séparable de la lutte des classes. On forcerait à peine les termes en disant que la définition des classes, c'est qu'elles sont en
lutte » Mendras.
4. L’analyse de Marx est-elle uniquement fondée sur le critère objectif de la position occupée dans le processus de production ?
Marx ajoute un critère subjectif : la conscience d’appartenir à une classes sociale, de partager les mêmes intérêts que les autres membres de la classe et la nécessité
(prise de conscience de l’exploitation.
Distinction classe en soi / classe pour soi :
La classe en soi qui est définie à partir de la place que l’on occupe dans le processus de production et qui distingue les propriétaires des non propriétaires
des moyens de production.
La classe pour soi qui est un groupe social qui a pris conscience de ses intérêts et de son opposition aux autres classes. Les membres de cette classe
vont donc se mobiliser et participer à une lutte de classe pour défendre leurs intérêts.
Le glissement de la classe en soi, constituée par un rapprochement objectif des positions économiques, à la classe pour soi, nécessite en effet le
développement de liens sociaux et d’une capacité de mobilisation.
5. Expliquez la phrase soulignée
Le développement du capitalisme amène progressivement à une polarisation de la société en deux grandes classes sociales par la concentration des entreprises
capitalistes et la prolétarisation des catégories inférieures comme les petits artisans.
2.
La vision de M. Weber
Document 12 – Une analyse tridimensionnelle de la structure sociale
Une analyse en termes de stratification sociales qui refuse les postulats de Marx est proposée par M. Weber dans Economie et Société (1920). L’approche de
Weber ne se réduit pas aux classes sociales, qui ne constituent pour lui que l’un des éléments de la stratification sociale. Sa classification retient trois sphères
d’activité sociale conduisant, chacune, à l’établissement d’une hiérarchie spécifique : la classe correspond à l’ordre économique, le statut à l’ordre social et le parti
à l’ordre politique.
La classe sociale, comme d’ailleurs les autres éléments, est abordée d’un point de vue nominaliste : autrement dit, si elle n’existe pas nécessairement en tant que
groupe sociale « réel » (l’existence d’une loi historique conduisant à un affrontement inéluctable est ainsi étranger à M. Weber), le sociologue peut se servir de ce
concept pour rendre compte d’une dimension de la réalité. Les classes sociales rassemblent des individus ayant en commun une situation de classes mesurables
Par l’accès différencié à un ensemble de biens (classe de possession), la possession ou non des moyens de production (classe de production). La classe sociale
regroupe chez Weber les deux dimensions précédentes et se conjugue à l’évolution des positions occupées par un individu au fil du temps, notamment en
comparaison avec celles de ses ascendants et de ses descendants : Weber s’intéresse ici implicitement au phénomène de mobilité sociale. Le statut social de
l’individu peut également être fondé sur le prestige attribué à tel ou tel groupe [on parle alors de groupe de statut]. Comme le souligne Weber la considération
sociale n’est pas étroitement liée à la position économique : dans certaines sociétés, la possession d’un niveau d’instruction élevé (prêtre, professeur...), d’un
honneur, en raison de la naissance (un titre de noblesse), l’exercice d’une profession prestigieuse (savant, artiste…) sont valorisés et peuvent contribuer à
rapprocher des individus, à leur faire prendre conscience de leur appartenance à un même ensemble : une certaine homogamie peut renforcer leur cohésion. Au
sein de l’ordre politique, une adhésion à un groupement (le parti) peut permettre à l’individu d’obtenir certaines gratifications matérielles ou symboliques (poste,
estime de soi…) et dans certaines situations, la possibilité d’y faire carrière et d’avoir accès aux ressources publiques (un « contact » au gouvernement, la possibilité
de se faire entendre par un professionnel de la politique)
Weber insiste, à la différence de Marx, sur le fait que les différents ordres possèdent leur propre autonomie et, qu’a priori, aucun d’entre eux ne saurait triompher
des autres.
P. Riutort, Précis de sociologie, Puf, 2004
Questions :
1. Quelles sont les trois dimensions de l’analyse de la stratification sociale selon Weber ?
L’analyse de Marx est unidimensionnelle : la stratification se structure autour de la sphère économique.
Weber ne nie pas que la sphère économique soit un élément de la stratification sociale (classes sociales), mais il a une vision tridimensionnelle de cette
stratification qui se structure aussi autour du prestige (groupes de statuts) et du pouvoir (partis politiques). L’approche de Weber ne se réduit pas aux classes
sociales, qui ne constituent pour lui que l’un des éléments de la stratification sociale.
Ces trois dimensions étaient réunies dans la classe sociale chez Marx alors que ces trois ordres de hiérarchies peuvent se recouper chez Weber (l’ordre politique
est ainsi fréquemment lié aux deux autres ordres, les membres de l’élite économique sont souvent au sommet de l’échelle politique et statutaire), mais ne se
recouvrent pas nécessairement. On peut se trouver tout en haut dans une échelle et plus bas dans une autre. Trois sphères d’activité sociale conduisant à
l’établissement, chacune, d’une hiérarchie spécifique.
2. Pourquoi peut-on qualifier l’approche de Weber de nominaliste ?
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Les classes sociales ne sont qu’une construction de l’observateur et non une représentation de la réalité. Elles sont le produit de ce que le sociologue nomme
(nominaliste) et n’ont pas nécessairement une existence « réelle » dans la société.
3. En vous appuyant sur le texte et le document 4 p. 207 de votre manuel, complétez le schéma suivant :
A noter que Weber n’accorde pas, ni à l’économie, ni à la politique, ni au prestige social une priorité dans l’explication des formes de société. Trois sphères
d’activité sociale conduisant à l’établissement, chacune, d’une hiérarchie spécifique. Chaque ordre a une certaine autonomie par rapport aux deux autres : la non
congruence de statut  la position détenue par un individu sur une échelle ne détermine pas forcément sa position sur les autres échelles.
4. Placez sur chaque échelle hiérarchique du schéma précédent les individus suivants : Barak Obama, Zinedine Zidane, Bill Gates, Liliane Bettencourt, un
médecin, un ouvrier vainqueur du loto, un docteur en sociologie, un titulaire du RSA, un trader.
5. L’analyse de Weber vous paraît-elle fonder sur un conflit de classes ?
Contrairement à l’analyse de Marx, les rapports de classe ne conduisent pas nécessairement à la lutte des classes Les conflits de classes ne visent pas toujours la
transformation radicale de la société. En fait, Weber n’a aucune visée totalisante. Il ne cherche pas à expliquer une fois pour toutes ce qui détermine les places
des individus. Il ne cherche pas non plus une cause unique à la forme que prend une société à tel ou tel moment de son histoire.
Travail à la maison : demandez aux élèves de construire un tableau comparatif mettant en évidence les points communs et les différences d’analyse entre les
deux approches.
9
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
B.
Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
Quels sont les prolongements contemporains des analyses sociologiques fondatrices ?
1.
Bourdieu : Classes dominantes et classes dominées
Document 13 – L’espace social chez P. Bourdieu
Pierre Bourdieu propose une analyse des classes sociales qui souhaite intégrer et dépasser les apports de Marx et de Weber. Il distingue ainsi le volume et la
structure des capitaux possédés par un agent social. Le volume correspond sur le graphique à l’axe vertical et renvoie à la hiérarchie sociale objective entre
agents et groupes d’agents : les professions libérales possèdent incontestablement davantage de capitaux que les salariés agricoles. La structure qui se lit
horizontalement distingue les agents sociaux à partir du type de ressources sociales possédées. Bourdieu distingue ainsi trois types de capitaux :
Le capital économique : il réunit l’ensemble des revenus et du patrimoine (…)
Le capital culturel : il existe sous trois formes : institutionnalisé (un diplôme universitaire (…)) ; objectivé (une collection de peinture, de disques, de
bandes dessinées… des meubles de style, une bibliothèque) ; intériorisé (l’intérêt que l’on manifeste pour l’art ou la culture sous toutes ses formes
est étroitement lié à la possession d’un code culturel transmis le plus souvent par la famille d’origine et/ou par l’école).
Le capital social comprend l’étendue de la surface sociale (réseaux, relations…) mobilisable par un agent. (…)
P. Riutort, Précis de sociologie, Puf, 2004
Ce double principe de différenciation est utilisé par Bourdieu à deux fins : rendre compte de la genèse des dispositions en matière de comportements, de
consommations et de goûts esthétiques et esquisser une configuration contemporaine des classes sociales. Dans La Distinction (1979), la structure sociale
pourrait être schématisée comme suit :
les classes supérieures sont différenciées autant par le volume de capital global que par les positions de pouvoir. Sont distinguées « fractions
dominées » (cadres du public et professeurs) et « fraction dominante » (professions libérales, patronat, cadres du privé) avec à son sommet la «
Noblesse d’Etat » ;
comme de nombreux sociologues, Bourdieu oppose classes moyennes traditionnelles et classes moyennes salariées. Parmi ces dernières, il distingue
une « petite bourgeoisie d’exécution » (cadres moyens des entreprises, certaines couches d’employés) et une « petite bourgeoisie nouvelle »
(professions intermédiaires de l’appareil d’Etat, de la santé, du système éducatif et de la culture)
les classes populaires, enfin, regroupant les ouvriers, les personnels de service et une partie des employés. Ce qui rassemble ces catégories est
autant leur faible capital économique que leur situation dominée dans l’ordre culturel et la sphère politique.
Serge Bosc, Stratification et classes sociales Cursus, Armand Colin, 2011
Questions :
10
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
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1. Quelles sont les trois formes de capitaux mises en évidence par P. Bourdieu ?
- le capital économique : ensemble des ressources (revenus et patrimoine) d'un ménage qui lui permet de défendre ou d'améliorer sa position sociale
- le capital culturel est composé par l'ensemble des ressources culturelles (diplômes, biens culturels, rapports à la culture et à l'école)
- le capital social désigne l'ensemble des facilités sociales qu'un ménage ou un individu peut mobiliser, cad son réseau de relations/connaissances (cas extrême :
le piston).
D’un point de vue plus global, la société est constituée de classes inégalement dotées et relativement fermées. Les groupes sociaux se reproduisent et se
distinguent en transmettant des capitaux, qui sont des ressources pour agir dans la société.
2. Comment Bourdieu distingue-t-il un professeur du supérieur d'un chef d'entreprise ?
Les professeurs d'université et les chefs d'entreprise font partie des classes dominantes car ils ont un fort capital total. Mais Bourdieu repère si les individus ont
davantage de capital économique que culturel ou l'inverse : bien que disposant d'un capital global équivalent, ils ne seront pas comparables.
Ainsi, certains individus ont un capital global très élevé malgré un capital économique relativement modeste (ex profs de fac) alors que d'autres ont des revenus
élevés sans forcément avoir un capital culturel élevé (petits patrons).
De plus, Bourdieu distingue les styles de vie des groupes sociaux : ainsi, les pratiques sportives, culturelles, de consommation... diffèrent selon la plus ou moins
grande possession des différents types de capitaux.
Pour Bourdieu, les styles de vie des individus sont donc le reflet de leur position sociale. Ainsi, Bourdieu s’efforce de faire apparaître une forte corrélation entre
les manières de vivre, sentir et agir des individus, leurs goûts et leurs dégoûts en particulier, et la place qu’ils occupent dans les hiérarchies sociales.
3. Combien Bourdieu dénombre‐t‐il de classes sociales. Nommez-les.
La classe dominante / supérieure : groupe très hétérogène (opposition entre catégories à fort capital culturel, profs, cadres administratifs, et catégories
à fort capital éco, industriels, professions libérales) : groupe qui met en œuvre la distinction, dans la mesure où ses pratiques visent à l’entre-soi, et à
l’exclusion des autres (clubs privés, réseaux sociaux très forts etc.).
Petite bourgeoisie : instits, employés de bureau, petits commerçants, artisans etc. Groupe motivé par l’ascension sociale, rigoriste, caractérisé par la
bonne volonté culturelle, i.e la volonté de maîtrise des pratiques légitimes, pour rejoindre la classe dominante. Donc grande révérence envers la Culture,
les normes légitimes, mais en les maîtrisant mal. Ils entretiennent alors avec la culture un rapport complexé, puisqu’ils n’ont pas l’aisance de la classe
dominante.
Catégories populaires : Manœuvres, contremaîtres, ouvriers, agriculteurs : dominés, ces catégories ont pour caractéristiques de « faire nécessité vertu
» ; groupe qui subit le plus la violence symbolique, dans le sens où il se résigne à des pratiques contraintes, qui lui sont imposées par leur place de
dominé, en adaptant ses valeurs pour simuler une certaine volonté de s’y conformer (éviter la frustration).
4. Pourquoi peut-on dire que les travaux de Pierre Bourdieu sont une synthèse de l'approche de Marx et de Weber ?
Pour Bourdieu, comme pour Marx, l'espace social est structuré entre dominants et dominés et il distingue des classes dominantes et des classes populaires (ainsi
qu'une classe moyenne). Mais pour Bourdieu, comme Weber, la position dans le processus de production n'est qu'une dimension de la position sociale ; Bourdieu
a une analyse multidimensionnelle de l'espace social.
2.
C.
Un outil pour l’analyse de la structure sociale : la nomenclature des PCS
 Cf. TD : Les professions et catégories socioprofessionnelles
Rendre compte de la structure sociale aujourd’hui.
1.
Fin ou transformation des classes sociales ?
Document 14 – La thèse de la moyennisation
Henri Mendras et plusieurs sociologues français [...] critiquent la représentation pyramidale
Le modèle de la toupie selon Mendras.
traditionnelle de la société telle qu'elle découle de l'analyse marxiste. En effet, cette dernière
est inadaptée à la société française actuelle, car elle ne prend pas en compte l'importance des
classes moyennes dans les processus de changements sociaux. Plutôt que des classes, il y
aurait des ensembles qui s'agenceraient pour former la société. Cela évoque l'image d'une
constellation. [...] Cette perception introduit une dynamique : "Les groupes sont des galaxies
qui grossissent ou réduisent, qui deviennent brillantes, s'illuminent et illuminent leurs voisins,
ou au contraire s'affaiblissent et peuvent s'éteindre. Et ces galaxies s'organisent en deux
constellations principales : populaire et centrale, et quelques constellations de moindre
importance : les indépendants, les techniciens, l'élite dirigeante, les pauvres, etc."
Fondamentalement, deux mouvements remettent en question la vision d'une société divisée
en classes sociales. D'un côté, le sentiment d'appartenance à une classe sociale s'affaiblit
puisque de moins en moins de gens se disaient appartenir à la classe ouvrière ou à la
bourgeoisie, et ceux qui se situaient dans la classe moyenne deviennent plus nombreux,
jusqu'à être majoritaires dans l'ensemble de la population. D'un autre côté, les catégories
sociales intermédiaires se multiplient.
Ces deux éléments aboutissent à l'effacement de la classe moyenne elle-même, puisque,
n'étant plus intermédiaire entre deux classes fortes et antagonistes, elle perd sa
caractéristique propre d'être "moyenne". Comme chez Marx, il y a un mouvement
d'absorption, mais sa nature est radicalement différente : ce n'est pas le prolétariat qui
absorbe les classes moyennes mais l'inverse. Or, le gonflement de cette constellation centrale
Selon l’auteur, la constellation populaire rassemblerait 50%
annonce sa disparition [...] : il n'y a plus de "classe moyenne", puisque personne ne s'intercale
de la population et la constellation centrale 25% ; l’élite 3% et
entre le peuple et la bourgeoisie. On assisterait donc à une moyennisation de la société.
la pauvreté 7%
Patrice Bonnewitz, Classes sociales et inégalités, Bréal, coll. Thèmes et débats, 2004
Questions :
1. Pourquoi certains sociologues parlent-ils de moyennisation de la société ?
Plutôt qu'une société polarisée autour de deux classes antagoniques comme dans l'analyse marxiste, Henri Mendras et de nombreux auteurs contemporains
considèrent qu'il y a au contraire une “constellation centrale” qui se développe au cours des Trente Glorieuses, cad les catégories intermédiaires, les “classes
moyennes” se développent.
Il y aurait ainsi moyennisation de la société, ce qui remettrait en question la pertinence du concept de classe sociale.
2. Quelles sont les causes principales de cette moyennisation selon vous ?
La moyennisation est principalement le fruit de l’enrichissement de la population et de la réduction des inégalités. En France, malgré la crise, le pouvoir d’achat
moyen progresse. Entre 1979 et 2009, le revenu disponible brut moyen par ménage a augmenté de 46%. En 2009, le niveau de vie moyen des classes moyennes
s’élève à 1806€ par mois pour une personne; il était de 1287€ par mois en 1979 à prix constant.
L’Etat-providence en redistribuant les revenus aurait favorisé les classes moyennes, en permettant notamment à une partie importante des populations précaires
de rejoindre les classes moyennes grâce aux prestations sociales.
3. Quel est d’après-vous la manifestation principale de cette moyennisation ?
Homogénéisation des modes de vie : la consommation de masse a rendu accessible aux catégories populaires des biens et services autrefois réservés aux classes
dominantes, les modes de vie bourgeois et ouvrier ont eu tendance à se rapprocher, certains sociologues ont parlé d'embourgeoisement de la classe ouvrière. Le
taux d’équipement des ouvriers en lave-vaisselle, automobile… tend à se rapprocher voire dépasser celui des cadres.
11
A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
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Document 15 – A quelle classe pense-t-on appartenir ? Manuel Hachette - Doc 4 – page 215 - Question 1 à 3
1. Ils se lisent en ligne.
2. On voit que les deux colonnes des classes moyennes sur chaque ligne regroupent les plus forts suffrages ou la majorité d’entre eux, parmi les PCS (excepte pour
les ouvriers qu’ils soient qualifiés ou non, encore que même les ouvriers non qualifiés, pour un tiers d’entre eux, se déclarent appartenir a la classe moyenne
inferieure).
3. Données paradoxales :
– 13 % des industriels/gros commerçants ne se reconnaissent dans aucune classe ;
– 3 % des cadres se déclarent défavorises ou exclus, et seulement 5% d’entre eux se disent appartenir aux classes supérieures/gens aises ;
– 4 % des ouvriers non qualifiés déclarent appartenir aux classes moyennes supérieures.
Explication possible : Parce qu’en dépit de leur PCS actuelle, ils se réfèrent à leur milieu social d’origine ou à celui de leur conjoint ?
Il est nécessaire de nuancer l'analyse de la moyennisation et de ne pas proclamer la fin des classes sociales. Il existe toujours des rapports collectifs de domination,
des inégalités entre groupes sociaux : même si les frontières entre les groupes sont moins nettes, les groupes existent toujours. Certains auteurs considèrent
même qu'on assiste à un retour des classes sociales.
Document 16 – Le retour des classes sociales
Dans les démocraties développées, la disparition des classes sociales semblerait un acquis et une évidence sur laquelle il est incongru de revenir. Cette question
serait tranchée. […] Pour conclure à l’existence ou à la disparition des classes sociales, la mesure des inégalités économiques et sociales est stratégique : elle est
la seule démarche permettant de diagnostiquer leur stabilité, leur diminution ou leur amplification, ainsi que leur structuration. [...] Si certains critères mettent
en évidence un recul de la réalité des classes, soit dans la période 1965-1980, soit pour les générations de l’entre-deux-guerres jusqu’aux premières générations
du baby-boom, nous assistons depuis lors à une pause, voire à un regain de certaines inégalités. Le passage de la croissance rapide à la stagnation (ou croissance
molle) a eu, en soi, un impact inégalitaire : la croissance permet de projeter un rattrapage à l’horizon de la vie ou d’une génération à l’autre, alors que la stagnation
offre une vision d’immobilité. [...] Un certain nombre d’arguments permet donc de parler de maintien, voire de retour, des classes sociales. Pour autant, dans ce
diagnostic, un élément demeure manquant : celui concernant les identités collectives, autrement dit la conscience de classe. [...] L’identité collective telle que l’on
pourrait la définir se révèle à tout un ensemble de critères : le sentiment d’appartenir à une classe sociale, la mobilisation animée par des syndicats spécifiques,
l’unité d’action politique au travers de partis structurés sont, sans aucun doute, les points centraux de l’analyse. Il est indubitable qu’entre 1949, où 40 % des
salariés étaient syndiqués et aujourd’hui, où ils ne sont plus que 10 %, une perte de mobilisation est évidente. Au long des Trente glorieuses, le PCF a représenté
de 20 à 25 % des votes, contribuant à une activation permanente de la classe ouvrière. A 30 ans de distance, tout cela évoque un monde englouti. [...]
Objectivement visibles mais subjectivement désarticulées, les classes sociales sont porteuses d’un avenir plus ouvert qu’on ne le conçoit généralement.
Louis Chauvel, « Le retour des classes sociales ? », Revue de l'OFCE, n°79, octobre 2001
Questions :
1. Pourquoi Louis Chauvel ne remet-il pas complètement en cause la thèse de la moyennisation ?
Louis Chauvel ne remet pas en cause l'effacement des classes sociales durant les Trente Glorieuses, lié à l’homogénéisation des modes de vie : la hausse
généralisée du pouvoir d'achat a permis un rattrapage, notamment par la diffusion à l'ensemble de la population de la consommation de masse (télévision,
réfrigérateur, lave-linge...).
2. Pourquoi peut-on parler d'un retour des classes sociales ?
La fin des Trente Glorieuses, donc le ralentissement de la croissance, s'est accompagné d'un renforcement des inégalités (hausse du chômage et des emplois
précaires). Cela contribue à recréer des conditions objectives différenciées permettant de parler d'un retour des classes sociales.
Alors que la tendance des TG était propice à faire perdre de leur pertinence aux analyses en termes de « classes sociales », la nouvelle dynamique qui s’esquisse
pourrait contribuer, bien au contraire, à un regain d’intérêt pour celles-ci selon Louis Chauvel.
De plus, les travaux de Chauvel tendent également à renforcer l'analyse en termes de polarisation : ses travaux montrent que les classes moyennes sont en crise
actuellement. Il parle de “grand retournement” (après l'avènement des classes moyennes, leur crise, fragilisation), d'où se rapprochent des catégories
populaires conformément aux prévisions de Marx.
3. Reformulez la phrase soulignée en utilisant le vocabulaire marxiste
Le retour en force de différences objectives permettant de repérer des classes sociales ne s'est pas traduit par un retour d'une conscience d'appartenance à une
classe commune, il n'y a pas de sentiment subjectif d'appartenance à des classes
Retour des classes en soi mais pas, pour le moment, des classes pour soi. Louis Chauvel estime ainsi que les théories annonçant la fin des classes sociales se
trompent, ou plus exactement qu'elles ont considéré à tort que l'histoire était linéaire : ce n'est pas parce que les classes se sont effacées à un moment de l'histoire
(TG) qu'elles ont disparu, qu'elles ne peuvent pas réapparaître.
2.
La multiplicité des critères de différenciation sociale
 Une différenciation selon statut professionnel
Document 17 – CSP, statut professionnel et style de vie ? Manuel Hachette - Doc 1 – page 216 - Question 1 à 4
1. La profession, le secteur d’activité, le statut de l’entreprise (publique ou privée), la qualification… On remarquera que le revenu n’est pas un critère de
différenciation.
2. La variété des statuts fragilise certains emplois, a des conséquences sur les salaires versés et sur les modes de vie. Vaut-il mieux être ouvrier en CDI ou employé
en CDD ? La situation d’un ouvrier ou d’un employé du secteur public qui a la garantie de son emploi est-elle la même que celle d’un salarié du privé soumis a la
concurrence internationale ?
3. Un retraité appartient-il à la classe que déterminait son emploi du temps où il était actif, ou bien la condition de retraité (la baisse de revenu qui s’en suit, les
comportements qui changent au fur et à mesure du vieillissement) le fait-il changer de catégorie ?
4.
Le vieillissement de la population a des effets sur la répartition entre population active et inactive (voir question 3).
L’augmentation du temps libre fait diminuer la part consacrée au travail durant la vie active, or les classes sociales se sont construites a partir d’un
rapport au travail.
L’apparition de nouveaux métiers et fonctions (on peut aussi penser au télétravail) qui change le rapport du salarié au collectif de travail, au
développement des auto-entrepreneurs qui cumulent une activité salariale et leur activité entrepreneuriale sont-ils salariés ou chefs d’entreprise ?).
 Une différenciation selon l’âge et la génération
Document 18 – Vers une lutte des âges ?
Pour L. Chauvel, la solidarité intergénérationnelle est mise à mal. Durant les Trente glorieuses, le «système de l'escabeau » assure la dynamique sociale suivant le
principe suivant : les nouveaux arrivants sur le marché du travail sont payés à un salaire supérieur à celui auquel étaient embauchés leurs aînés. Ils gagnent moins
que leurs pères toujours actifs, mais leur progression salariale fait qu'en fin de carrière, ils ont un salaire beaucoup plus élevé que la génération précédente. Cette
dynamique est doublement intégratrice au niveau de l'entreprise (respect mutuel intergénérationnel) et au niveau familial (potentialité d'autonomie plus forte
chez les jeunes).
Mais si pendant les Trente glorieuses la génération n'était pas un facteur de discrimination, elle le devient à partir des années 1980. L. Chauvel montre en effet
que la loi du progrès générationnel de long terme est devenue obsolète : les actifs qui entrent sur le marché du travail au début des années
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A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille
Sciences économiques & sociales
2013 - 2014
1980 sont confrontés à des rémunérations plus faibles et à une précarité accrue par rapport à leurs aînés. On peut donc se poser la question de l'existence d'une
nouvelle « gérontocratie » et d'une « lutte des âges » qui se substituerait à une lutte des classes.
A. Beitone et alii, Sciences sociales, Sirey, coll. Aide-mémoire, 4e édition, 2004
Questions :
1. Pourquoi, pendant les Trente Glorieuses, peut-on parler de système de l'escabeau ?
Les individus de la génération du baby-boom (celle qui est née après la Seconde guerre mondiale) étaient quasiment assurés de gagner, au même âge, davantage
que leurs parents (d'où métaphore de l'escabeau) : pendant les Trente Glorieuses, il y avait donc un progrès de génération en génération en terme de niveau de
vie.
2. Pourquoi peut-on dire qu'il y a une lutte des âges aujourd'hui ?
Les baby-boomers ont cumulé les avantages (postes les plus valorisés et rémunérés, avantages de l'Etat-Providence) tandis que les jeunes générations connaissent
des conditions de vie moins favorables : les jeunes gagnent moins que la génération de leur père, ils sont confrontés au chômage et à la précarité, ils ont plus de
chance d'avoir un emploi ne correspondant pas à leur formation, ils ne sont pas sûrs de profiter de l'Etat-providence...
Chauvel parle de lutte des âges pour désigner ces intérêts opposés entre générations : la nouvelle génération est en concurrence avec la précédente pour occuper
les postes valorisés (emplois de direction mais aussi responsabilités politiques).
Document 19 – Les différences en fonction de l’âge : l’exemple du vote Manuel Hachette - Doc 4 – page 216 - Question 1 à 3
1. Quelle que soit la date considérée, le vote de 18-24 ans s’oriente plus souvent à gauche qu’à droite.
2. Non, puisque a contrario les plus de 65 ans votent plutôt pour les candidats de droite, quelle que soit la date considérée.
3. Il peut y avoir un effet d’âge qui renvoie aussi à la détention d’un patrimoine et de revenus qui ont tendance à s’accroitre avec l’âge (On pourra à ce sujet
rappeler la distinction entre effet d’âge et effet de génération).
 Une différenciation selon le sexe
Document 20 – Les inégalités hommes/femmes Manuel Hachette - Doc 2 – page 215 - Question 1 à 3
1. En fait, cela dépend du thème abordé :
– en termes de présence des femmes dans les assemblées, les inégalités entre hommes et femmes sont plus fortes en France ;
– en ce qui concerne le travail (chômage, salaire, emploi), les écarts entre hommes et femmes sont plus forts en France, mais les niveaux sont plus élevés en
Europe pour les dates considérées ;
– pour la pauvreté : même écart entre les hommes et les femmes en France et en Europe, mais avec des niveaux de pauvreté sont plus élevés en Europe.
2.
– La qualification des hommes et des femmes n’est pas la même.
– Elles occupent plus souvent que les hommes des emplois à temps partiel : leurs salaires mensuels sont donc en moyenne inferieurs.
– Les carrières ne sont pas les mêmes (les femmes ont plus d’interruption de carrières du fait de leurs grossesses, ce sont elles qui majoritairement prennent des
congés quand leurs enfants sont malades).
3. Oui, en ce qu’elles ne sont pas liées à une lecture en termes de classes sociales, elles s’en distinguent. Mais en même temps elles n’invalident pas totalement
la lecture en termes de classes : si les femmes vivent plus longtemps que les hommes en moyenne, les femmes cadres ont une espérance de vie supérieure à celle
des femmes ouvrières…
Conclusion : il existe donc de nombreux critères de différenciation sociale. Certains ne sont pas liés à la notion de classe sociale, ne sont pas superposables sur la
dimension économique (il y a des jeunes bourgeois et populaires, idem pour les femmes), d'autres au contraire renforcent les frontières entre les classes sociales
(la ségrégation spatiale se fait entre quartiers riches et pauvres).
La notion de classe sociale est donc toujours pertinente pour analyser la structure sociale, mais d'autres dimensions participent à la position sociale des individus.
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