ORTHODOXIE ET HETERODOXIE EN ECONOMIE ET EN BD

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ORTHODOXIE ET HETERODOXIE EN ECONOMIE ET EN BD
PARTIE I
Pour une bonne partie du grand public, les économistes seraient tous semblables et diraient
tous la même chose ; en tout cas c’était l’idée fréquemment exposée avant la crise de 2008 lorsqu’on
parla de « pensée unique ». En fait, il aurait mieux valu parler de « pensée dominante » car le monde
des économistes est en réalité très varié : néoclassiques, néoclassiques de la synthèse, keynésiens, néo
keynésiens, post keynésiens, nouveaux classiques, cambridgiens, marxistes, autrichiens,
régulationnistes , économistes des conventions, socio économistes, etc…
Pourquoi existe-t- il une telle variété d’écoles ? S’agirait il uniquement d’idéologie et/ou de questions
d’intérêt comme on le suppose souvent ? En fait, cela vient avant tout de la difficulté que les
économistes ont à accéder au réel.
L’analyse des questions économies rencontre un gros obstacle, c’est qu’un problème
économique est toujours la résultante d’un nombre extrêmement élevé de causes dont il est difficile de
déterminer l’importance respective. Ainsi l’incontestable crise des subprimes de 2008 où des milliers
d’américains ont perdu leur maison à la suite de la probablement plus grosse bulle immobilière de
l’histoire est elle due à l’aveuglement et à l’imprévoyance de ménages qui se sont considérablement
endettés, ou qui on été trompés par des courtiers sans foi ni loi ? Ou bien à des politiques monétaires
inadéquats ? Ou bien est ce du à la dérégulation des marchés financiers ou au contraire à la trop grande
régulation du système bancaire ? Ou encore au trop fort développement d’inégalités … ?
Pour accéder au réel nous avons en gros, deux solutions à notre disposition : soit on prend
d’emblée l’ensemble de ces déterminations et on essaie de se débrouiller avec, soit on essaie de
trouver des fondements indiscutables des comportements économiques. Dans le premier cas, on prend
en compte au mieux l’ensemble des facteurs en cause mais on risque de se perdre dans l’ampleur de la
tâche. Avec la deuxième démarche, on est obligé d’abandonner le contexte extra économique dans
lequel les évènements se sont déployés. Dit ainsi, cela semble bien abstrait mais, heureusement, en
2013 ont paru deux bandes dessinées illustrant bien chacune de ces démarches.
« Economix – La première histoire de l’économie en bande dessinée » de Goodwin et Burr
aborde les problèmes économiques sous l’angle de leur histoire alors que« L’Economie en bande
dessinée » par Yoram Bauman, économiste du développement et le dessinateur Grady Klein
correspond vraiment à la première démarche, celle d’une analyse logique deshistoricisée (qui
correspond par ailleurs à la démarche dominante en économie).
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Le plus amusant c’est qu’on peut retrouver ces différences d’approche dans des bandes
dessinées qui n’ont pas objectif ouvertement pédagogique mais se servent de l’économie pour nous
amuser. Je me servirai donc également des ouvrages de deux géants de la bande dessinée, Michel Greg
et René Goscinny (et Albert Uderzo).
Par où commence-ton ?
Bauman et Klein, auteurs de « l’économie en bande dessinée » adopte clairement la démarche
dominante dans la recherche économique qui consiste à calquer l’analyse économique sur la physique
classique, permettant de dégager des lois universelles et incontestables. Evidemment, l’observation de
la réalité économique traversée de relations de pouvoirs et de réactions passionnelles ne permet guère
de dégager ces fameuses lois. Mais comment faire si l’homme est un être imparfait, passionné,
colérique, capable des pires folies ? Il faut travailler sur une figure idéalisée de l’individu, un individu
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plutôt raisonnable qui pèse le pour et le contre de ses décisions, voit ce qu’il risque et où sont ses
avantages (ce que, heureusement, nous sommes aussi assez souvent). C’est un individu rationnel et
maximisateur qui cherche à augmenter sa satisfaction, son plaisir ou son profit.
Il est amusant de voir que ce sont des
scientifiques en blouse blanche qui sont censés
présenter la « science économique ».
Goodwin et Burr, dans « Economix »,
choisissent de commencer par des
questionnements qui nous semblent beaucoup
plus habituels,
C’est par cet individu que Bauman ouvre son
livre
(Source : Goodwin-Burr « Economix » - Les Arènes –
2013)
Questions qui émanent de monsieur et
madame « tout le monde ». On se trouve plutôt
dans le cadre de ce qu’on appelait autrefois
l’économie politique.
(source : BaumanKlein »L’économie en BD » -Eyrolles-2013)
Individu ou Société ?
L’individu maximisateur est censé résumer les comportements de base de tout individu,
comportements universels qui sont donc exempts de toute influence de valeurs ou normes propres à
une société. C’est donc un individu désocialisé. La manière la plus fréquente de le représenter, et qui
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est adoptée par Bauman, est d’en faire un Robinson sur son île (c’est une métaphore également utilisée
par les économistes sérieux et on parle à ce titre de « robinsonnade »)
(source : Bauman-Klein « L’économie en BD » -Eyrolles-2013)
Godwin, lui, va prendre d’emblée la perspective historique
(Source : Goodwin-Burr « Economix » - Les Arènes – 2013)
L4 individu maximisateur de Bauman n’est donc pas gêné par la société (même pas par Vendredi)
mais, même s’il est seul, il doit prendre des décisions et faire des choix car ses ressources et son temps
disponible sont limités. Ainsi s’il passe trop de temps à construire sa cabane, il devra en passer moins
à pêcher. Il lui faut donc calculer au mieux le temps à passer à chaque activité afin d’obtenir les
résultats les plus satisfaisants possibles
(source : Bauman-Klein « L’économie en BD » -Eyrolles-2013)
Ca l’oblige donc à faire de savants calculs pour savoir comment occuper au mieux ses disponibilités.
Les économistes qui utilisent ce Robinson seul sur île apprécient par-dessous les mathématiques et les
probabilités (mais pas seulement).
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(source : Bauman-Klein « L’économie en BD » -Eyrolles-2013)
Les autres espèces d’économistes ne dédaignent pas non plus les mathématiques mais pas à ce pont là.
Certains ouvrages d’économies ne sont que des suites d’équation.
Si l’individu type de ces économistes est souvent représenté par un naufragé sur une île, c’est
pour bien indiquer que quel que soit le contexte à prendre en compte l’individu développe toujours les
mêmes capacités de calcul. Du coup, on peut supposer que l’individu a té de tout temps le même
calculateur et maximisateur que celui qu’il est supposé être aujourd’hui. Ainsi, Bauman présente dans
son livre un homme et une femme préhistorique qui n’ont rien de réaliste sinon les clichés courants sur
le Néandertalien et sur les différences entre hommes et femmes.
(source : Bauman-Klein « L’économie en BD » -Eyrolles-2013)
Toute autre est la démarche de Goodwyn dans « Economix ». Dans cette perspective, on ne peut pas se
contenter de la seule analyse logique de l’homo oeconomicus et il faut utiliser d’autres disciplines que
l’économie (« économie » telle que l’entendent Bauman et Kein)
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(Source : Goodwin-Burr « Economix » - Les Arènes – 2013)
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