EDITORIAL. « Le plus important : prendre son destin en main, comprendre que le seul escalier menant au ciel est celui qu’on se construit soi-même, sur terre » Terry Hayes. Cette phrase m’a fort interpellée parce que je crois qu’elle est très vraie. Cet escalier ne se construit pas d’un coup avec une grue, une bétonneuse et un bulldozer, il faut le réaliser marche par marche, un taillant chaque pierre à la main afin qu’elles soient lisses, s’emboîtent et se superposent parfaitement, ensuite il faut les cimenter. Cet escalier s’élève petit à petit, jour après jour grâce à toutes les petites choses de notre vie quotidienne. C’est à chacun personnellement de faire le choix de sa vie et de la mener comme il l’entend. Qui mieux que soi-même est capable de louvoyer entre les méandres de la vie, de grimper jusqu’au sommet des montagnes de respirer l’air pur et de regarder le merveilleux panorama ou d’affronter la mer et tous ses dangers pour profiter du calme après la tempête, d’être sensible à la détresse d’autrui, mais aussi de saisir les mains tendues pour nous venir en aide ? Chacun a la liberté de choisir ce qu’il fera de sa vie. Il y aura des hauts et des bas, de grandes joies et des déceptions, des épreuves et des bonheurs, mais nous avons tous au fond de nous la faculté de surmonter ces expériences positives et négatives. Bien sûr, il n’est pas toujours évident de garder le cap, mais si l’on s’accroche au gouvernail et que l’on croit à la vie et à l’amour, rien n’est impossible ! C’est à chacun qu’il revient d’emmagasiner tout l’amour que l’on nous donne pour le faire rayonner autour de nous. Chacun est libre de s’ouvrir au monde, à la vie et à l’amour, ou de rester fermé comme une huître et d’être hermétique à l’autre. L’amour, c’est donner, mais avant tout donner de soi : de son temps, de son écoute, de sa compassion, de ses conseils, de son énergie et de sa joie de vivre. C’est notre but et notre challenge à au Fonds Vanessa Bolle. Lorsque nous voyons le sourire revenir chez ceux qui souffrent d’anorexie et que nous sentons qu’ils reprennent confiance et qu’ils retrouvent le respect d’euxmêmes, cela nous donne tant de joie ! Je vous souhaite une merveilleuse année 2017, une année remplie d’amour et de paix ! Virginie BOLLE L’Anorexie : une nouvelle addiction Il est probable que l’on se soit trompé sur les critères diagnostiques de l’anorexie mentale : les patientes n’auraient pas peur de grossir, mais prendraient plutôt plaisir à maigrir. Laure, 18 ans, brillante élève, perfectionniste et très efficace dans tout ce qu’elle entreprend, a peur de grossir. À la maison, la jeune fille cherche tous les prétextes – appel de sa meilleure amie, travail à terminer, etc. – pour ne pas se mettre à table ou ne pas finir son assiette. Elle mange de moins en moins. Sa famille s’en rend compte, mais la jeune fille, devenue maigre, rétorque 2 qu’elle va très bien. Jusqu’au jour où elle doit être hospitalisée à cause de sa maigreur, sa vie étant désormais en danger. Laure souffre d’anorexie mentale. Aucun médicament efficace n’existe à ce jour. Un pour cent des patientes décèdent chaque année (par suicide ou dénutrition) : c’est la pathologie psychiatrique la plus mortelle. Mais la recherche sur cette maladie piétine. Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle n’est pas correctement définie. C’est du moins l’hypothèse émise par Philip Gorwood et ses collègues du Centre de psychiatrie et de neurosciences de l’Hôpital SaintAnne, à Paris. Ils viennent en effet de montrer que les anorexiques n’auraient pas peur de grossir, mais prendraient plutôt plaisir à maigrir. Selon le Manuel « Diagnostique et statistique des troubles mentaux », l’anorexie mentale repose sur trois critères : une restriction alimentaire menant à la perte de poids ; une perception déformée de son poids et de son corps ; et une peur intense de grossir. Les chercheurs ont testé ces critères directement auprès de 70 patientes. Ils leur ont montré des images de personnes maigres, avec un poids « normal » et en surpoids, tout en évaluant leurs émotions à l’aide d’un test de « conductance cutanée » qui mesure la transpiration de la peau. Les photographies des personnes de poids normal ou en surpoids provoquaient chez les patientes la même réaction émotionnelle que chez les sujets témoins non anorexiques. En revanche, les images de personnes maigres déclenchaient chez les anorexiques des émotions positives. En d’autres termes, pour les patientes, la maigreur serait « agréable ». De plus, les jeunes malades estimaient très bien le poids des silhouettes qui leur étaient présentées et savaient donc que les images qui suscitaient chez 3 elles des émotions positives correspondaient à une grande maigreur. L’anorexie mentale serait dont associée au plaisir de maigrir. D’autres études vont dans ce sens. On a montré que la ghréline, l’hormone qui nous pousse à nous alimenter et dont la concentration est très élevée chez les anorexiques, s’associe à la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le « plaisir » (l’effet récompense), et en augmente ainsi la quantité dans le striatum, une région cérébrale profonde appartenant au circuit de la récompense (qui intervient aussi dans les addictions). Une autre étude a même révélé par IRM fonctionnelle que le striatum des patientes regardant des images de maigreur s’activait fortement. Récapitulons : les anorexiques ne semblent pas avoir de mauvaise perception du poids, elles n’ont pas peur des images d’obésité et apprécient la maigreur. Deux des trois critères de diagnostic seraient-ils faux ? Gorwood n’hésite pas à répondre « oui ». Comme lui, plusieurs chercheurs et médecins pensent désormais qu’il ne faudrait pas considérer l’anorexie comme une pathologie du registre de la phobie, mais plutôt comme une maladie du même type que les addictions. De sorte que la prise en charge ne serait pas la même ! Laure est soignée pour son évitement « phobique » des aliments caloriques : on lui réapprend progressivement à accepter la nourriture. Or il est probable qu’il faudrait plutôt la « désintoxiquer ». La remédiation cognitive qui permet d’améliorer la flexibilité mentale (les patientes étant souvent 4 « obsédées » par l’envie de maigrir) pourrait être efficace, ainsi que la thérapie de pleine conscience, pour « réapprendre » le plaisir à manger. Bénédicte Salthun-Lassalle « Jamais seule… » Sur quoi je m’appuie pour être heureuse de vivre, pour me réjouir d’être vivante, pour m’émerveiller quand je pense à mon existence, au fait d’être vivante, à mon corps, cette « machine » inimaginable, incroyable, tellement extraordinaire, à mon intelligence, ma sensibilité, ma profondeur intérieure ? Sur quoi est-ce que je m’appuie pour me lever le matin, pour m’élancer dans ma journée, pour prendre mes responsabilités, m’engager là où il est bon que je le fasse ? Sur quoi je m’appuie pour dépasser les forces d’inertie en moi... ? Sur moi, rien que sur moi ? Si je ne compte que sur mes propres fores, la tâche pourra paraître bien lourde lorsque je traverserai un moment difficile, lorsque je manquerai de confiance en moi, lorsque le doute m’étreindra, lorsque des peurs m’envahiront, lorsque je ne trouverai pas de sens à ma vie…. Comment ne pas me laisser déborder alors par des idées négatives, quand je me sentirai fragile, seule, pas reconnue, oubliée, abandonnée, pas écoutée, pas comprise, quand je n’aurai qu’une image négative de moi-même…… ? Cela peut arriver à un moment ou un autre d’un parcours de vie. Dans ces moments de traversées douloureuses, comment me faire confiance pour avancer ? Impossible, semble-t-il…. 5 J’ai connu de tels moments et ai appris à oser prendre le risque de regarder ma vie avec une bonne dose d’humilité. Je ne suis pas à l’origine de ma propre existence…. Et si je fais une relecture objective du cours de l’Histoire, je me dois de consentir au fait que La Vie n’est pas créée par l’Homme seul…. Elle est reçue. Il y a bien sûr un processus d’évolution, puisque nous sommes le produit d’une longue et lente évolution de l’espèce. Mais au départ, au commencement de la vie - et quelle que soit l’interprétation que nous donnions à ce « départ » -, il faut reconnaître que la vie, le « vivant », est donné, qu’il n’est pas fabriqué par une quelconque intelligence ou volonté humaine. A partir de ce constat objectif, il est bon de prendre le temps d’intégrer ce fait historique, de le laisser prendre de la place en soi : « ma vie m’est donnée ». Chacun donnera une signification qui lui est personnelle à ce don : je reçois ma vie de La Vie, je reçois ma vie de l’Energie, je reçois ma vie de Dieu, Allah…. Mais toujours est-il qu’il y a un mouvement vivant qui est à l’origine de la vie en moi. Il y a en moi comme une source de Vie qui coule en moi, me donne d’être un(e) vivant(e), donne vitalité à mon corps, me permet de faire des choix libres, de donner une direction positive à mon existence, d’entrer en relation. Faire le pas de reconnaître cette Source de vie en soi-même est capital. D’abord pour ne pas se sentir seul et abandonné à soi seul aux heures difficiles lorsque la tristesse, la désespérance, l’angoisse, le manque de confiance en soi se font lourds à porter. Je peux alors rentrer en moi-même et chercher à entrer en contact avec La Source en moi, descendre en moi-même et chercher les traces dans mon corps de ce mouvement vital originel (la respiration par exemple : je n’ai jamais rien fait de moi-même 6 pour respirer dès le premier moment). A certains moments, il y aura à dépasser le scepticisme qui peut se dresser en obstacle et revenir à un constat objectif, intellectuel : je ne suis pas la source de ma vie. Ce constat important me force à me rendre au réel. Je peux alors entrer dans une gratitude pour tout ce possible en moi. La gratitude est une attitude qui donne l’élan, la joie, le souffle. Faire ce chemin est d’autant plus important si l’on réalise que l’anorexie est de nature addictive. Si je deviens dépendant d’un mécanisme de privation de nourriture qui me donne l’illusion que je peux contrôler, comme je l’entends, le parcours de ma vie en faisant fi des lois naturelles de la vie du corps, je vais alors à contre-courant de ce cadeau de vie qui m’est fait. Je suis prisonnier de l’illusion que j’ai tout pouvoir sur mon existence, que je suis au-dessus des lois de la nature. Je me prends alors pour l’origine de moi-même, ce qui va à l’encontre d’un constat purement objectif et n’est donc qu’illusion. Face à un processus d’addiction, il faut de manière répétée et systématique opposer ce constat : je ne suis pas la source de ma propre vie. Me le répéter encore et encore…. L’addiction me rend dépendant d’une illusion, d’une tromperie ; se rendre à l’évidence d’une vie reçue me rend à ma source qui n’a jamais cessé de couler en moi depuis le premier instant…. Il faut m’accrocher à ce réel de toutes mes forces, encore et encore et demander le soutien de personnes qui peuvent m’aider à reconnaître cette vie en moi. Le comportement addictif est une prison ; la source de vie me rend libre. Bernadette Lemaire 7 A propos de certaines causes pouvant entraîner l’anorexie Notre société est une société d’image. Et l’image de la femme qui nous est proposée est mince, voire plus, représentation associée à un mode de vie valorisant et actif. Les images sont retouchées, les mannequins sont elles-mêmes d’ailleurs souvent anorexiques. Les tailles des vêtements dans les magasins sont également en décalage par rapport à la réalité. Phénomène qui crée là encore frustration, sensation d’anormalité… Le souci essentiel est que la plupart des femmes ne peuvent atteindre ces critères. Il y a une part de génétique dans la morphologie ou la stature. Il est par ailleurs étonnant de constater que culturellement, la relation particulière entre une femme et son poids s’installe très tôt. Statistiquement, les bébés de sexe féminin sont moins nourris que ceux de sexe masculin. La mentalité « régime et restriction » est très vite présente, car là où les garçons sont peu éduqués, on insiste très précocement sur l’attention qu’elles doivent porter à leur alimentation. Il y a déjà les prémisses d’une désorganisation alimentaire où satiété, les besoins naturels sont déjà négligés ou absents. En dehors du point de vue strict de l'alimentaire et de l'image, de manière plus psychologique et générale, la jeune fille ou la jeune femme est également victime d'un conditionnement, le même d'ailleurs que celui contre lequel les féministes montent 8 régulièrement au créneau. Voici quelques éléments de ces stéréotypes culturels, proprement judéo chrétiens : - Les garçons ont le droit de prendre des risques, de faire des bêtises. Les filles doivent être dans la retenue, la raison et la précaution : anxiété et contrôle. - Dans la vie relationnelle, le garçon a souvent le droit d'exposer, d'agir en fonction de ses besoins et émotions. La jeune fille est encouragée à la diplomatie, à s'effacer pour entretenir le lien familial : inhibition et hyper empathie. A ces phénomènes culturels viennent s'ajouter des éléments contemporains : la femme travaille, participe activement à la vie économique tout en gardant ses prérogatives familiales (ménage, organisation...). Il y a un cumul dangereux qui vient augmenter la pression et l'excès de contrôle. Aujourd’hui, la femme moderne doit être à la fois : - indépendante (subvenir à ses besoins) - forte (lutter contre le sexisme, professionnel et social) - sensible (être à l'écoute) - séduisante (correspondre aux canons de l'époque) - active (manger vite) - libérée (être gourmande et se faire plaisir) - maman (cuisinière et nourricière) - au centre du lien familial - mince (produits allégés…) - naturelle (manger des produits sains) - diététique (consommer des produits équilibrés) - maitresse de ses affects négatifs 9 - maîtresse de son corps (activité physique et sportive) - maîtresse de son image (esthétique…) Autre élément important, la femme moderne a également l’opportunité de modeler son corps de manière artificielle (chirurgie esthétique). La femme moderne est sous contrôle : contrôle de sa vie, de soi, de son image, de son alimentation, de ses émotions, de son corps, de ses désirs, de sa liberté... Tout est contrôle : l'anorexie en est l'expression paroxystique. Voici donc un réel et micmac identitaire qui favorise le développement de désordres alimentaires au gré de toutes ces informations contradictoires et de l’impossibilité bien entendu de s’y conformer intégralement. L’anorexique a perdu toute confiance en elle. Si elle arrive à retrouver cette confiance en elle, elle est sauvée. C’est ce qu’essaye de faire le Fonds Vanessa Bolle. Personne ne réalise à quel point faire confiance à une anorexique et croire en elle peut l’aider à sortir de l’enfer de la maladie ! Une perception de soi déformée Les patients anorexiques se perçoivent souvent comme étant bien plus gros qu'ils ne le sont réellement ce qui représente un grand mystère pour les médecins. Cela pourrait être lié au 10 fonctionnement de certaines zones du cerveau atteintes par la maladie. EMDR Un traitement qui pourrait venir en aide aux anorexiques et aux boulimiques C’est par hasard, lors d’une promenade en mai 1987, que la psychologue américaine Francine Shapiro découvrit que ses « petites pensées négatives obsédantes » disparaissaient quand elle faisait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite. Il ne lui en fallut pas davantage pour proposer l’exercice à ses collègues, l’expérimenter auprès de ses patients et créer l’EMDR, avec des résultats éclatants – notamment pour les états de stress posttraumatique (ESPT) subis par les victimes de conflits, d’attentats, de violences sexuelles ou de catastrophes naturelles. Devenue chercheuse au Mental Research Institute de Palo Alto, le docteur Shapiro a reçu en 2002 le prix Sigmund Freud, plus haute distinction mondiale en psychothérapie. Entre-temps, soixante mille praticiens avaient été formés à l’EMDR dans plus de quatre-vingts pays, une association humanitaire était née pour intervenir après les grandes catastrophes. Les études, dont celles sur les ESPT menées par l’administration américaine chargée des anciens combattants, ont confirmé l’efficacité de l’EMDR. Les personnes traitées se comptent aujourd’hui par centaines de milliers, avance Francine Shapiro (aux Etats-Unis, chaque 11 victime directe ou indirecte d’une catastrophe -attentat, accident d’avion… - a la possibilité d’être traitée rapidement par EMDR). QUAND ? Après un traumatisme La méthode ne s’applique pas qu’aux grands chocs, mais aussi aux plus petits traumatismes, comme les expériences pénibles laissant un souvenir trop empreint de souffrance. « Venue consulter pour des angoisses et des paniques auxquelles je ne trouvais aucune cause, raconte Cécile, la quarantaine, j’ai choisi un souvenir pénible où j’avais pris la fuite. Après une série de “balayages”, j’ai senti une douleur très forte dans mes jambes. Mon thérapeute m’a alors demandé de regarder ses doigts et a répondu : “OK, on va faire partir ça !” La douleur et l’émotion liées au souvenir ont disparu en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais scotchée ! Puis, nous avons installé une croyance positive à la place de la croyance négative en rapport avec cette émotion. “Je suis nulle” devait être remplacé par “Je suis quelqu’un de bien”. Soudainement très calme, je me suis sentie respirer comme jamais. » L’EMDR peut aussi se révéler efficace dans d’autres types d’affections, comme la toxicomanie, l’anorexie ou la dépression. « Cette méthode voit s’ouvrir sans cesse de nouvelles perspectives, telles la dépression sans cause traumatique ou la schizophrénie à ses débuts », explique Jacques Roques, psychologue, psychanalyste et vice-président d’EMDR-France. Seuls les cas de psychose, les états suicidaires et les troubles cardiaques récents figurent parmi les contre-indications 12 COMMENT ? Dissocier émotion et souvenir Souvenir et émotion négative contre croyance positive. Le secret serait-il dans la tension entre ces représentations contradictoires, dans leur évaluation plusieurs fois par séance, ou réside-t-il dans les mystérieux balayages des yeux ? Marie, institutrice trentenaire, en livre les détails : « Je devais, en restant dans mon souvenir et dans l’émotion qu’il suscitait, fixer les mouvements que la thérapeute faisait avec sa main, de gauche à droite. Une quinzaine d’allers-retours cadencés, amples et précis, larges de un mètre environ. Ensuite, nous avons fait une pause en reparlant de la scène et de mon émotion. J’avais le sentiment qu’elle cherchait à m’y faire rentrer tout à fait. Après la deuxième séquence de mouvements, je me sentais différente, plus calme. Nous avons recommencé encore deux fois, avec des pauses où l’on évaluait le degré de l’émotion. A la fin, j’étais apaisée. » L’EMDR reprend certains éléments de l’hypnose, de la sophrologie, de la psychanalyse, de la gestalt-thérapie, mais aussi et surtout des sciences cognitives. Si, dans la majorité des cas, le souvenir traumatique ne s’évanouit pas, sans pouvoir expliquer précisément le pourquoi, il arrive parfois que le patient soit incapable de retrouver l’image correspondant au moment le plus aigu du trauma ! Le réconfort ne vient pas par suggestion ou la relaxation, et encore moins par immersion avec « visite » des lieux du drame. Il ne repose pas sur des mots, des images ou des sons, comme dans la majorité des thérapies. « C’est différent, explique Marie. On est au cœur d’une émotion qui nous emporte, et petit à petit elle nous quitte, ou du moins va se blottir quelque part où elle ne fait plus mal. On sait qu’elle est là, qu’on l’a 13 vécue, mais c’est un souvenir. » « Je regarde le passé autrement, précise Claire, 50 ans, consultante. Au lieu de subir, je me sens protégée et plus dynamique. » POURQUOI ? Désactiver l’émotion Même si l’EMDR pose en postulat que l’esprit possède, comme le corps, une capacité à s’auto guérir, on peut s’interroger sur une telle simplicité. La réponse réside dans une conception nouvelle du traumatisme, qui fait appel à la neurologie. « Chaque événement douloureux laisse une marque dans le cerveau, précise le psychiatre David Servan-Schreiber, qui a introduit la méthode dans l’Hexagone, et qui a fondé l’association EMDRFrance. Celui-ci effectue alors un travail de “digestion” permettant aux émotions qui accompagnent le souvenir de se désactiver. A moins que le traumatisme ait été trop fort ou ait frappé à une période où nous étions vulnérables. Dans ce cas, les images, les pensées, les sons et les émotions liés à l’événement sont stockés dans le cerveau, prêts à se réactiver au moindre rappel du traumatisme. Dans l’EMDR, le mouvement oculaire “débloque” l’information traumatique et réactive le système naturel de guérison du cerveau pour qu’il complète son travail. » Sans afficher de certitudes, Francine Shapiro propose un rapprochement entre l’EMDR et le sommeil à mouvements oculaires rapides, ce moment où l’on rêve mais où s’effectue également la répartition mémorielle. Car évidemment, tout repose sur la mémoire, sur l’encodage du souvenir et des émotions qui l’accompagnent. Ce qui soignerait, dans l’EMDR, c’est de « reformater » cet encodage. Replongé dans son passé 14 afin d’être au plus près des perceptions sensorielles éprouvées au moment de l’événement, le patient est conduit, grâce à une stimulation sensorielle, à concentrer son activité cérébrale sur le présent. De cette polarisation naîtrait la possibilité de retraiter le traumatisme par dissociation de l’émotion et du souvenir. D’où le fait que celui-ci ne disparaisse pas. Il se délivre de sa charge émotionnelle, comme après un deuil. INDICATIONS L’EMDR s’adresse à toute personne présentant des symptômes post-traumatiques tels que décrits dans le DSM IV : toute personne ayant été victime d’un traumatisme au cours duquel sa vie, ou celle de quelqu’un d’autre, a été mise en danger (une catastrophe naturelle, un accident de la route, un hold-up, un abus sexuel, un viol ou encore un rejet ou une humiliation de la part d’un frère ou d’un copain de classe, un regard ressenti comme méprisant ou dégradant…). Nous pouvons distinguer 2 types de traumas : Traumas uniques et récents comme les accidents de voiture, catastrophes naturelles, agressions, viols,… (résolution rapide). Traumas répétitifs et datant de l’enfance : maltraitance, abus, négligences affectives… L’EMDR a longtemps été considéré comme la thérapie de l’Etat de Stress Post-Traumatique. Aujourd’hui, cette même méthode est également et le plus souvent d’ailleurs utilisée pour traiter des troubles de l’estime de soi, des troubles de l’adaptation comme les deuils, divorces, difficultés au travail… 15 D’une manière plus générale, cette méthode s’applique à tous les cas où notre système de croyances a été remis en question, où notre relation au monde et aux autres a été bouleversée. La découverte brutale de sa propre fragilité et de l’insécurité du monde est la conséquence du traumatisme. Ce qui produit une blessure psychologique qui se manifeste par une baisse de l’estime de soi, un sentiment de responsabilité par rapport à l’événement traumatique, l’impression de manquer de contrôle et de sécurité. (Ces symptômes peuvent aussi être significatifs) Blessures souvent bien enfuies et néanmoins bien présentes chez les personnes souffrant d’anorexie ou de boulimie. LA MÉTHODE Celle-ci est bien codifiée et comprend plusieurs étapes. Après avoir une bonne alliance thérapeutique avec le patient, le thérapeute va s’assurer que le patient possède les ressources nécessaires pour aborder le travail de désensibilisation du trauma. Il cible ensuite l’événement traumatique en utilisant un protocole rigoureux qui garantit la bonne conduite du traitement. Le thérapeute invite le patient à réaliser des séries de mouvements oculaires en même temps qu’il pense au souvenir traumatique. Ceci amène une désensibilisation du traumatisme et donc une diminution significative des symptômes désagréables jusqu’à ce que l’événement traumatique n’amène plus ou peu de perturbations. Vient ensuite la phase de consolidation du travail thérapeutique en stimulant la confiance du patient dans sa capacité de « faire face » et lui permettre ainsi d’intégrer 16 l’événement traumatique dans son passé d’une manière acceptable. L’AVANTAGE DE LA MÉTHODE Il réside dans son efficacité et sa rapidité. En effet, un trauma unique peut être résolu en trois séances. Dans les cas de trauma complexe qui demandent une préparation plus importante et un travail plus long, l’EMDR s’intègre comme outil dans une approche psychothérapeutique plus large en alternance avec d’autres techniques .Les résultats restent constants et durables dans le temps. En effet, les études montrent que 84 à 90% des personnes ayant subi une situation traumatisante (viol, accident, perte d’un être cher, guerre) ne présentent plus de symptômes après le traitement par l’EMDR. AVEC QUI ? Choisir un thérapeute agréé Cette réactivation traumatique n’est pas sans risque. « Beaucoup de choses remontent entre les séances, raconte Cécile. J’ai eu par exemple un flash concernant un gros traumatisme subi dans ma petite enfance, dont j’avais complètement oublié l’existence. » Un traumatisme pouvant en cacher un autre, il est indispensable de pratiquer l’EMDR avec un psychiatre ou un psychologue dûment formé. Ils sont actuellement plus d’une centaine en France. DE QUOI S’AGIT-IL ? EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing, ou désensibilisation et reprogrammation par des mouvements oculaires. 17 LE PRINCIPE : « Si un événement douloureux a été mal “digéré” explique le psychiatre David Servan-Schreiber, les images, les sons et les sensations liés à l’événement sont stockés dans le cerveau, prêts à se réactiver au moindre rappel du traumatisme. Le mouvement oculaire débloque l’information traumatique et réactive le système naturel de guérison du cerveau pour qu’il complète le travail. » « Jusqu’à présent, la psychothérapie était fondée sur une idée : seules l’écoute et la parole guérissent, explique Jacques Roques, vice-président d’EMDR-France. On parlait des problèmes psychiques uniquement en termes de sémantique – la rencontre de la mort pour les états de stress posttraumatique, par exemple. Or on se rend compte maintenant de l’importance du fonctionnement cérébral. La psyché est indissociable de son substrat neurologique : on peut restimuler le traitement de l’information de manière parfois fulgurante, contredisant l’idée reçue selon laquelle il faut du temps pour guérir». Néanmoins, l’accueil et l’écoute de type analytique et rogérienne sont précieux si ce n’est indispensable, en particulier pour les personnes souffrant de troubles alimentaires. Il s’agit en effet de développer un niveau de contact et de confiance suffisant pour que la personne laisse entrevoir ce qu’il en est de ses blessures précoces ayant porté atteinte à sa sécurité de base, sa capacité de canaliser ses émotions, mais aussi et surtout à l’estime d’elle-même. Le travail sera ensuite axé sur les défenses mises en place, tout particulièrement les troubles dissociatifs (cfr. Le soi hanté de O. van der Hart). 18 C’est assez méconnu mais, dans la thérapie EMDR, la question de l’attachement occupe une place très importante. C’est en effet à travers l’éprouvé (dès la vie intra-utérine) et les expériences précoces que se constitue notre socle et, à partir de là, notre capacité de régulation des émotions ainsi que nos compétences ou angoisses face à autrui et au monde. A la suite de Freud, Shapiro considère que quasi toutes les pathologies psychiques sont la conséquence de traumas précoces (parmi lesquels les troubles de l’attachement occupent une place importante). Souvent, les patients sont effrayés et/ou honteux de leur profond désir, de leur profond besoin d'amour et de contact, soit parce que ce désir et ce besoin n'ont pas reçu de réponse adéquate, soit parce que leur besoin était tellement intense qu’ils n’ont pas reçu autant d’attention et d’amour qu’ils en avaient besoin. Les choses se cristallisent, s’enfuissent, et lorsque les patients en ont conscience ils ont le sentiment qu’ils n’ont plus l’âge, qu’ils n’ont pas le droit de demander ce dont ils ont besoin. En conséquence, ils nient leur besoin pour prévenir la honte, la culpabilité et le rejet. Le travail le plus difficile en thérapie est souvent d'aider les patients à reconnaître et à apprivoiser cette part d’eux-mêmes afin de d’apaiser la haine d’eux-mêmes et le sentiment de ne pas être digne… d’être aimé et de vivre tranquille. Vous l’aurez compris, si l’EMDR permet parfois d’obtenir une totale résolution en une à trois séances (dans le cas de traumas bien circonscris comme un accident de la route, un licenciement violent ou un échec sentimental), pour ce qui concerne le traitement de l’anorexie, il faut s’attendre à un travail plus long. L’ambivalence du patient (désir et à la fois incapacité ou refus de prendre une place dans la vie) et les résistances inconscientes font de ce trouble un des plus grands défis rencontrés par les 19 thérapeutes de tout bord. Soyez donc attentif, si vous vous intéressez à cette approche thérapeutique, à choisir une personne expérimentée et ayant une bonne connaissance des troubles dissociatifs. A LIRE : “Des yeux pour guérir” de Francine Shapiro et Margot Silk Forrest. Aidée d’une journaliste, la créatrice de l’EMDR livre enfin ses secrets en français, avec nombre d’explications et d’exemples à l’appui (Seuil, 2005). “Guérir” de David Servan-Schreiber. Dans son livre best-seller, le docteur David Servan-Schreiber consacre plusieurs chapitres à l’EMDR, qu’il définit comme une « auto guérison des grands traumatismes » (Pocket, 2005). “EMDR, une révolution thérapeutique” de Jacques Roques. En s’adressant au grand public comme aux professionnels, ce psychanalyste, ex-praticien au CHU de Nîmes, fait œuvre didactique et offre un portrait complet de l’EMDR : troubles, traitement, développements cliniques (Desclée de Brouwer, 2003). « Le soi hanté, dissociation structurelle et traitement de la traumatisassions chronique », de Onno Van der Hart, Kathy Steele et Ellert R.S. Nijenhuis. Un livre un peu exigent, mais mondialement reconnu comme La Référence en la matière (de Boek, 2010) « L’EMDR, préserver la santé et prendre en charge la maladie », Cyril Tarquinio and Pascale Tarquinio. (Elsevier Masson 2015) Françoise Henry Rue Victor Lefèvre 14 à 1030 Bruxelles Tel 0496 10 28 24 emdrbruxelles.com 20 Numéro vert à l’écoute des anorexiques et des boulimiques 067 22 21 20 Lundi, mardi et mercredi de 12h à14h 1250 nouveau cas par an 2e cause de décès chez les jeunes après les accidents de la route 5% de la population souffre d’anorexie boulimie Plus on agit vite et tôt, meilleur est le pronostic ! A Lire Jamais assez maigre. Journal d’un top model Victoire Maçon Dauxerre Ed. Les Arènes 2016 Un témoignage poignant de vérité, décrivant la lente descente aux enfers d’un jeune top model, forcée à l’anorexie pour survivre dans ce milieu révoltant de la haute couture où les jeunes filles sont considérées comme des « cintres ». Ce livre est outre une mise en garde envers ce dangereux métier de mannequin qui fait rêver, un grand message d’espoir pour les jeunes souffrant d’anorexie et de boulimie. Il montre l’énorme importance de l’amour et du soutien des parents, grands-parents et frères et sœurs dans le combat de l’anorexique contre la 21 maladie, ainsi que la nécessité d’avoir un médecin ouvert et encourageant dans un cadre accueillant et un traitement multidisciplinaire avec de très nombreuses activités. Témoignage Je vais vous montrer qu’on peut toujours s’en sortir ! Bonjour les filles ! Voilà, je reviens enfin. Je voulais m'excuser pour tout le mal que je vous ai fait, je n'avais pas conscience que l'anorexie était une maladie et que je vous influençais avec mes propos. Comme vous avez pu le constater j'ai supprimé tous mes anciens post, je ne voulais pas vous faire souffrir plus longtemps. C'est donc dans cette optique que j'ai envie de créer un nouveau blog. Je ne sais pas encore si je change de blog ou si je reste ici mais ce que je peux vous dire, c'est que ce sera un blog d'entraide. On pourra tous venir ici pour parler de ses problèmes en restant anonyme, je ferai mon maximum pour vous donner des conseils qui m'ont permis de m'en sortir. Je fais un dernier paragraphe pour vous dire qu'être pro ana n'est pas un jeu ni un mode de vie, c'est une maladie. Si vous voulez maigrir, je peux très bien le comprendre, mais ne vous affamez pas, faites du sport mangez à votre faim, mais de manière saine, mais n'arrêtez pas de manger pour ana, elle n'en vaut pas la peine. 22 Voilà, je vous souhaite bon courage pour la suite, prenez bien soin de vous ! On se retrouve très vite. Clarou Témoignage sur le blog d’une jeune fille « pro ana » sortie de l’anorexie. Ce petit mot vaut de l’or parce qu’il démontre avec beaucoup de lucidité le mal que peuvent faire les sites « pro ana » Bravo et merci Clarou, poursuis ton chemin, la vie est si belle et vaut la peine d’être vécue ! Bienvenue au cirque… au cirque de la vie… Tout commence par une naissance Se grandir dans l’espace des rires Apprendre à se laisser surprendre Comprendre que tout peut attendre Lire et relire autant qu’on respire Regarder et voir par-delà le miroir Aimer à volonté sans perdre pied Décrocher lune ou étoile de brume Semer des grains de folie en poésie… LE CIRQUE DES COULEURS Découvrir les nuances d’espérance Colorer de patience l’expérience Apprivoiser doucement les pigments Distinguer et fusionner les ombres 23 Orienter les lueurs d’un projecteur Ravir le public de tons magiques…… LE CIRQUE DES AROMES Que sont devenus ces parfums Qui distinguent l’un de chacun Que sont devenues ces senteurs Qui épicent nos riantes humeurs Eclats de délices à chaque repas Nous laissant un palais sans voix Que reste-t-il de nos grands-mères Et de leurs recettes héréditaires ? LE CIRQUE DES SENTIMENTS Jongleurs de pluie et de beau temps, Ils allument nos cœurs adolescents Promesses de moments intimes Ou synonymes de pantomimes Dans l’arène ils nous entrainent Sans prévision de quelque peine Chacun libre de trouver l’équilibre Entre rêve et figures libres LE CIRQUE DES ESPOIRS Parfois déçus souvent vécus Ils sont notre pain quotidien Guide de nos multiples chemins 24 Ils nous font vivre et conspirent Au gré de leurs discrets soupirs A nous de les garder en forme En les nourrissant sans norme Et en y croyant follement, Car c’est cela, le cirque de la vie. Anita Vaxelaire Toute l’équipe de la rédaction du petit journal du Fonds Vanessa Bolle, vous souhaite une Année 2017 parsemée de petits bonheurs ! Si vous désirez… - nous écrire… envoyez votre courrier à l’adresse suivante : Fonds Vanessa Bolle Av. Winston Churchill 254 1180 Bruxelles Belgique - nous téléphoner formez le numéro : 00 32 2 346 48 54 - soutenir l’action du Fonds et lui permettre de développer l’aide qu’elle tente d’apporter aux jeunes victimes d’anorexie ou 25 de boulimie, vous pouvez manifester votre générosité en versant votre don sur le compte n° IBAN BE10 0000 0000 0404 BIC BPOTBEBI de la Fondation Roi Baudouin Rue Brederode 21 1000 Bruxelles Avec la mention : 181/2550/00046 : Fonds Vanessa Bolle Le Fonds Vanessa Bolle a besoin de vous ! Les dons faits à la Fondation Roi Baudouin pour le FONDS VANESSA BOLLE donnent droit à une attestation fiscale à partir de 40 € (art.145/33). 26 Editeur responsable : Fondation Roi Baudouin pour le Fonds Vanessa Bolle. Rédaction : Bernadette Lemaire, Virginie Bolle, Dimitri vanden Abeele, Françoise Henry, Gaëtane Bolle. Mise en page et impression : Marc Dewalque 27