Sabastien Lebrec Existe-t-il des caractéristiques cliniques et

publicité
Sabastien Lebrec
Existe-t-il des caractéristiques cliniques et psychopathologiques des
agresseurs sexuels ?
1 / Pédophiles intra et extra familiaux.
La différence entre ces deux catégories sera mentionnée dans cet exposé lorsqu’elle
est clairement précisée par les auteurs.
L’étude de CRASSATI 1067-449, prend en compte des facteurs contextuels et stigmatise
l’hétérogénéité des pédophiles. De nombreuses typologies ont été proposées pour classifier
ces délinquants et c’est celle de Groth qui semblait la plus utilisée VANGIJSEGHEN. Le
premier critère de classification dans cette taxinomie est fonction du niveau de violence
utilisée par l’agresseur. Il permet de différencier les attentats à la pudeur des viols. Ces
derniers sont motivés par la colère, le sadisme ou le désir de puissance. Dans le cas des
attentats à la pudeur, l’approche se fait par la séduction ou la persuasion avec la recherche
d’une relation pseudo-affective. Il en existe deux sous types : fixé ou régressé. Quatre
vingt treize de ces agresseurs ont été récemment évalués par une approche cognitive qui
retrouve cette dichotomie dans les attitudes et les cognitions JOHNSTON 361 451 ;
-Sous type fixé : problématique qui évolue depuis l’enfance avec une orientation
préférentielle sur l’enfant, comme simple compagnon ou objet sexuel.
Prédominance d’homosexuels. Personnes distantes et méfiantes avec très peu de
contacts sociaux.
-Sous type régressé : l’attirance est apparue à l’age adulte avec une orientation
plutôt hétérosexuelle. Sujets socialement adaptés.
A l’heure actuelle une nouvelle classification a vu le jour. Si les anciennes avaient un
support empirique celle-ci fait appel à une analyse statistique par cluster permettant
d’individualiser des groupes plus fiables. Taxinomie en deux axes KNIGHT ;
-Axe 1 : implique une dichotomie en fonction du degré de fixation sur les enfants
puis sur les compétences sociales des pédophiles.
-Axe 2 : hiérarchie décisionnelle prenant en considération ;
-le volume de contacts avec les enfants
-les motivations de ce contact
-le degré de violence
-la présence ou non de sadisme
Dans une étude se préoccupant du style d’attachement et de relation à autrui JAMIESON
retrouve un manque d’assurance chez les agresseurs sexuels qui ne semble pas spécifique
de cette population mais un facteur de vulnérabilité chez les délinquants en général( p non
significatif entre une population de 20 incestueux et de 20 pédophiles extra- familiaux
comparée à 20 délinquants non sexuels) De plus alors qu’aucune différence n’est
retrouvée chez les incestueux il existerait 5 fois plus d’évitants craintifs chez les
pédophiles extra-familiaux par rapport au groupe témoin, après calcul de l’odds- ratio.
PROULX 117 474 retrouve 3 dimensions chez ces pédophiles, la solitude, les distorsions
cognitives et la faible estime de soi tant au niveau de la personnalité que de l’image
corporelle.
FALLER 1994 551 retrouve une attirance primaire pour les enfants et en fonction de la
préférence sexuelle de 182 de ces délinquantsFIRESTONE 303 708 note une différence à
la PCL-R avec une plus forte prévalence de psychopathie chez les bisexuels part rapport au
homosexuels ou aux hétérosexuels(score moyen à la PCL-R respectivement de 23,00 ;
16,99 et 17,91 avec p<0,042)
WILSON 33 470 tente de montrer que les pédophiles homosexuels sont plutôt
immatures et interagissent avec les enfants sur un mode puéril. Dans le cas de l’inceste, la
victime est le plus souvent élevée au rang d’adulteVANDER 82 534 dans sa revue de la
littérature retrouve la nécessité d’une dynamique familiale favorable à la réalisation d’un
inceste avec un père dominant, autoritaire et socialement distant. Cette pauvre habilité
sociale est retrouvée dans l’étude de BALLARD
RAVIART cite l’existence d’un déficit des processus cognitifs mis en oeuvre dans les
situations impliquant les autres adultes et BLUMENTHAL 99 381 cite les déformations
des attitudes et croyances des pédophiles concernant les relations sexuelles entre enfants et
adultes. Dans ce même registre cognitivo-comportemental, MARSHALL 17 477 met en
évidence l’utilisation de stratégies de coping défaillantes chez les pédophiles, focalisées
essentiellement sur l’émotion. Ceci augmenterait la probabilité d’engager des conduites
déviantes PROULX 117 474.
LEVIN 1987 160 dans sa revue de la littérature concernant l’utilisation du MMPI chez
les pédophiles, ne peut conclure à un profil particulier. Il retrouve cependant un score plus
élevé à l’échelle de schizophrénie chez les pédophiles utilisant la violence. Celle ci
contrairement aux idées reçues serait utilisée avec une grande fréquence. STERMAC
1989 208 sur une population de 66 pédophiles la retrouve chez 100% des incestueux
(N=29) et 78,4% des non incestueux (N=37)
HAYWOOD 1233 450, utilisant le MMPI, compare 45 pédophiles et 40 sujets normaux à
une population cléricale composée de 48 témoins et de 24 pédophiles. Il conclut que les
pédophiles laïques sont plus influencés dans leurs conduites abusives par des désordres
psychopathologiques retrouvant un score élevé à l’échelle de schizophrénie (56% des
pédophiles laïques versus 13% des curés) et de psychopathie(71% versus 13%) Ce profil
n’est pas retrouvé dans une autre étude incluant 48 patients LANGEVIN 535 466.
Deux études récentes BRIDGE 365 425 et GACONO 757 443 utilisent l’épreuve de
Rorschach dans son système intégré (Exner 1991 et 1993). La première qui compare 60
pédophiles à 60 délinquants non sexuels retrouve dans la population des pédophiles
- une anomalie de la vision d’autrui avec introspection douloureuse et pauvre estime de soi.
- des signes d’anxiété et d’impuissance face aux événements
- une tendance imaginative
- une opposition chronique avec hostilité
- des traits relevant de la personnalité narcissique.
La seconde compare 3 populations composées de 32 psychopathes, 38 meurtriers sexuels
et 39 pédophiles. Alors que les psychopathes se distinguent par leur manque d’intérêt et
d’attachement aux autres ainsi qu’un monde intérieur dénué de conflit, les deux autres
groupes se caractérisent par leurs préoccupations pour autrui et leurs ruminations
dysphoriques. De plus le pédophile se présenterait comme un coléreux rigide et inadapté.
2/ Les pédophiles femmes
Les études concernant les auteurs d’agressions sexuelles de sexe féminin sont peu
nombreuses, basées sur de faibles échantillons ou des études de cas. Elles ne peuvent être
la source d’une généralisation sur une population aussi hétérogène mais représentent une
première approche pour la compréhension de ces pédophiles WAKEFIELD 1991 5253.
Une première revue de la littérature réalisée en 1991 par ce même auteur retrouve certains
éléments communs chez ces femmes incestueuses :
- l’isolement social
- une faible estime de soi
- peu de pathologie psychotique
- peu de paraphilies diagnostiquées au DSM 3 R, hormis le sadisme.
Une seconde revue effectuée par GRAYSTON 1999 221 fait mention d’une plus grande
fréquence de dépression, d’idées suicidaires, de conduites addictives ou de troubles
cognitifs chez ces femmes. Elles présenteraient un trouble de la personnalité marqué par
une impulsivité exacerbée, trait à rapprocher des personnalités borderlines ou antisociales.
De façon unanime on retrouve dans ces deux revues une donnée significative concernant
l’accomplissement du délit. En effet de 50 à 70 % de ces femmes agressent leur victime à
l’aide d’un complice avec une plus grande proportion de femmes qui agissent de façon
passive ou indirecte c’est à dire qui observent sans intervenir.
Selon TRAVIN 90 201 les femmes incestueuses reconnaissent le caractère inapproprié de
leur conduite mais nient une implication de leurs fantasmes ou de leurs désirs sexuels dans
la genèse de l’agression.
2/ viol sur majeur
En préambule il est important de préciser que le viol ne fait pas parti de la
classification des troubles mentaux. Cependant il peut être sous tendu par une pathologie
comme celle des paraphilies et notamment du sadisme sexuel BALLIER 1999 276,
CORDIER 1999 292.
Les troubles mentaux sont retrouvés chez les violeurs à des taux variables, selon les études
de 2 à 20 % TAYLOR. Dans leurs revues de la littérature, WARD 39 491 et
POLASCHEK 1997 13 ne retrouvent pas une plus grande prévalence de pathologie de
l’axe 1 chez les violeurs. En revanche il existe une grande proportion de troubles de la
personnalité chez ce type d’agresseurs dont les traits dominants relèvent de la personnalité
antisociale. BERKOWITZ 92 156 dans un modèle intégratif, issu d’une revue de la
littérature, surenchérit en stipulant que le manque de conscience sociale, le besoin de
dominance et l’agressivité vis à vis des femmes sont des facteurs prédisposant au viol.
THOMAS 1996 514 note une forte implication de la colère et de l’agressivité chez les
violeurs mais estime qu’elle se retrouve de façon identique chez les criminels non sexuels.
LEVIN 1986 160 reprenant des études utilisant le MMPI retrouve un score élevé à
l’échelle de la schizophrénie chez les auteurs d’agressions avec violence tout en précisant
que ces études ignorent les caractéristiques du crime et que le MMPI est une mesure de
psychopathologie et non d’un déterminisme de personnalité.
D’un point de vue cognitif, de nombreuses études ont échoué à identifier chez les violeurs
des distorsions concernant leurs conduites BLUMENTAL 99 381 mais il faut souligner le
manque de transparence des échelles de cognition.
La taxinomie la plus récente à été réalisée par PRENTKY et KNIGHT et permet à l’aide
d’un outil statistique par cluster d’obtenir une classification des violeurs comportant deux
niveaux de décision. Le premier considère les motivations premières de l’agresseur tandis
que le second prend en compte les compétences sociales de celui ci. Il en résulte donc une
typologie en 9 types :
- opportuniste ou impulsif
- vindicatif
- sexuel non sadique
Avec faible ou forte compétence sociale pour ces trois types.
- sadique manifeste ou différé
- pervers coléreux
Ce système est en évaluation, 25% des sujets restant inclassables.
Comparant deux populations appariées composées de 19 médecins violeurs et de 19
violeurs LANGEVIN 1999 304 ne met pas en évidence de différence significative entre
ces deux populations.
3 /les meurtriers sexuels
MELOY 538 et MYERS 1993 11 dans leurs revues de la littérature ne retrouvent pas
une plus grande prévalence de pathologie de l’axe 1 chez les meurtriers sexuels hormis
celui de sadisme sexuel ou de trouble de l’humeur (sur un échantillon de38 meurtriers
sexuels 68% avaient une histoire de dépression) Ils insistent sur l’absence d’une
augmentation de prévalence des troubles schizophréniques chez ces meurtriers. Ils
retrouvent cependant des troubles de la personnalité avec une grande fréquence de traits
appartenant au cluster B avec notamment des personnalités antisociales et narcissiques.
MELOY 538 insiste sur la dimension psychopathique relevée à la PCL-R, trouble
souvent corrélé au sadisme. Il propose une taxinomie en individualisant deux populations ;
- compulsive où le crime est organisé et effectué par des individus souffrant d’un
trouble de personnalité associé à un sadisme sexuel. Ils sont plutôt psychopathes
et présentent un détachement émotionnel chronique
- catathimique où le crime est désorganisé et l’agresseur présente un trouble de
l’humeur avec des traits de personnalité évitants ou schizoïdes.
Ce même auteur met en évidence l’existence d’un lien substantiel entre ces deux
populations et des pathologies relevant des paraphilies : 54% de travestisme, 54% de
voyeurisme et 23% d’exhibitionnisme sur un échantillon de 13 meurtriers sexuels et 40%
de ces mêmes pathologies sur un échantillon de 28 meurtriers sexuels.
4/ exhibitionnistes.
Reprenant différents articles utilisant le MMPI, LEVIN 1997 160 ne retrouve pas
de profil particulier chez les exhibitionnistes exclusifs. Les traits de personnalité
cliniquement admis comme la timidité, la passivité, l’introspection ou le manque
d’assurance ne transparaissent pas aux différentes échelles du MMPI.
Dans une étude rétrospective sur 477 patients ayant présenté un traumatisme crânien
SIMPSON 1999 366 retrouve 6,5% d’offenses sexuelles. Parmis celles-ci 65% de
frotteurisme et de toucherisme et 22% d’exhibitionnisme.
De façon générale, ont peu conclure que les études faisant partie de cette
bibliographie sont peu informatives, les revues de la littérature sont non explicites et les
avis d’experts nombreux. De plus l’utilisation systématique d’échelles d’évaluation
psychologique sans données informatives les concernant rend les résultats difficilement
interprétables.
Bibliographie supplémentaire :
KNIGHT R.A. Annals New York academy of sciences
JAMIESON, MARSHALL. Journal of sexual aggresion 2000
TAYLOR L. Counselling psychology quarterly vol 6 N4 1993
PRENTKY, KNIGHT. Annals New York academy of sciences
BALLAR, BLAIR, DENERVEAUX. Profils and identification
RAVIART.L’harmattan
VAN GIJSEGHEN. Méridien 1988
Téléchargement