ECONOMIE APPROFONDIE MONTREZ COMMENT DES BARRIERES A L’ENTREE PERMETTENT A DES ENTREPRISES DE BENEFICIER D’UN POUVOIR DE MARCHE (page 70 du manuel Hatier) Notions essentielles qui doivent apparaître dans votre démonstration : barrières à l’entrée et faiseur de prix (donc, pouvoir de marché). Le pouvoir de marché est la capacité d’une entreprise à influencer le prix du marché. Une entreprise qui dispose d’un pouvoir de marché est « faiseuse de prix » (price maker). Elle peut alors fixer un prix supérieur au coût marginal. (A titre indicatif : l’indice de Lerner mesure dans quelle mesure le prix excède le coût marginal : il est nul si le prix égalise le coût marginal, comme c’est le cas en situation de concurrence parfaite.) Les entreprises peuvent créer (sur un marché concurrentiel) ou renforcer (sur un marché oligopolistique) leur pouvoir de marché en ayant recours à diverses barrières à l’entrée. Les barrières à l’entrée constituent des obstacles que les entreprises mettent en place pour empêcher l’entrée sur le marché de concurrents potentiels. Ces entraves à l’entrée de concurrents peuvent provenir des conditions techniques de production mais pas seulement ; les barrières à l’entrée sont de nature variée et utilisées par les firmes de façon stratégique pour maintenir ou augmenter leur pouvoir de marché. I Les conditions techniques de production peuvent constituer des barrières à l’entrée Les conditions techniques de production peuvent permettre à une ou à quelques firmes de bénéficier d’un pouvoir de marché (monopole naturel) 1 En raison de conditions techniques de production particulières Dans les industries de réseaux et autres activités dans lesquelles les coûts fixes sont très élevés (infrastructures, recherche, machines…), il faut produire de grandes quantités pour amortir ces coûts fixes et être rentables (doc. 1). Dans ce cas de figure, non seulement le coût d’accès est élevé mais la nécessité de générer des économies d’échelle s’impose. Les économies d’échelle se concrétisent par une diminution du coût unitaire permise par l’augmentation de la production et donc la répartition des coûts fixes sur une plus grande quantité produite. 2 Les monopoles ou oligopoles naturels Ainsi, on admet qu’il puisse exister des monopoles naturels qui se concrétisent par la présence d’une seule entreprise pour fournir tout le marché tout en étant plus compétitive que si elle avait des concurrents. C’est pourquoi dans les industries de réseau, tels que l’énergie, les télécommunications, le transport ferroviaire, l’aéronautique, la distribution d’eau… les monopoles naturels sont fréquents. Un nouvel entrant n’aurait pas d’emblée la taille suffisante pour rivaliser avec les coûts moyens donc les prix de la ou des entreprises déjà installée(s) sur le marché. II les autres types de barrières à l’entrée Les firmes mènent des stratégies pour limiter la contestabilité (un marché contestable est un marché où l’on peut entrer et sortir librement sans coût (Baumol)) de leur marché en érigeant des barrières pour dissuader l’entrée de concurrents qui affaibliraient leur pouvoir de marché : 1 Les innovations protégées par le dépôt de brevet constituent une barrière légale à l’entrée sur le marché. Les brevets (qui est un droit de propriété accordant à son titulaire le droit exclusif sur son invention sur une durée limitée) sont de plus en plus utilisés comme arme pour verrouiller l’accès à un marché. Les innovations peuvent permettre aux entreprises de se différencier qualitativement de la concurrence et par la même de vendre un produit à un prix plus élevé (doc. 2). L’exemple de Gillette illustre le nouveau modèle de brevet qui consiste à protéger en amont de la découverte. Pour fermer l’accès à un marché, au lieu de la séquence : recherche – découverte – protection par le brevet, on protège largement autour de l’innovation pour contrecarrer d’éventuels concurrents. Ainsi Gillette a défini un large ensemble de brevets autour de l’innovation Sensor et a eu recours à des spécialistes en propriété intellectuelle pour évaluer, sur 7 versions possibles de rasoirs, les brevets qui pourraient le plus freiner les innovations concurrentes. L’entreprise a choisi le concept que ses concurrents auraient le plus de difficultés à contourner. Ce n’est pas l’innovation qu’on protège ex post par des brevets mais une c’est une protection ex ante grâce à laquelle l’innovation s’appuie sur les brevets existants qui protègent les champs de recherche de l’entreprise. De manière générale, les entreprises doivent s’inscrire en permanence dans des dynamiques d’innovation et de différenciation pour ne pas perdre de parts de marché. 2 Les stratégies de guerre des prix Un prix prédateur est un prix baissé temporairement à un niveau qui a pour objectif de faire partir les concurrents. Il s’agit de ruiner les rivaux. L’entreprise sacrifie alors ses profits actuels pour les retrouver dans le futur quand elle aura réussi à se débarrasser des concurrents et qu’elle pourra remonter son prix au niveau de monopole. Ce comportement est illégal mais il est en pratique difficile de distinguer une baisse de prix ressortant du jeu normal de la concurrence d’une baisse de prix témoignant d’un comportement de prédateur (exemple American Airlines). 3 Détention de ressources rares Il arrive également que les entreprises se dotent exclusivement d’une ou de plusieurs ressources rares leur donnant une avance inégalable 4 L’ imperfection de l’information constitue une barrière à l’entrée L’imperfection de l’information protège les firmes déjà installées sur le marché : les nouveaux entrants devront supporter des coûts élevés pour se faire connaître des consommateurs. A ce titre, la publicité peut créer une barrière à l’entrée de concurrents potentiels, car elle contribue à la reconnaissance, à la notoriété et à l’amélioration de l’image de marque de l’entreprise et des produits qu’elle vend. Elle permet aussi de renforcer la fidélisation de la clientèle. 5 Les barrières légales On peut citer par exemple les réglementations qui encadrent l’entrée dans certaines professions (diplôme requis, numerus clausus par exemple) ou encore les règles sur l’urbanisme commercial (Loi Royer et loi Raffarin qui soumettent l’implantation de grandes surfaces à une autorisation administrative préalable). On peut également citer les restrictions aux importations comme les contingentements par exemple. III Les conditions requises pour que le pouvoir de marché soit effectif (partie facultative mais néanmoins utile pour notre démonstration) Il dépend du nombre d’entreprises présentes sur le marché, de l’intensité de la concurrence qu’elles se livrent mais aussi de l’élasticité de la demande au prix. Le pouvoir de marché est nul en situation de concurrence parfaite où les entreprises sont preneuses de prix (price taker). « Toutes choses égales par ailleurs », il est d’autant plus élevé que les entreprises sur le marché sont peu nombreuses et que l’élasticité de la demande au prix est faible. Le pouvoir de marché du monopole n’est limité que par l’élasticité de la demande au prix ; il aura ainsi un pouvoir de marché plus grand s’il produit un bien indispensable et sans substitut. Une entreprise sur un marché oligopolistique doit en plus prendre en compte l’intensité de la concurrence des autres entreprises. Si la demande est peu élastique, les firmes peuvent s’entendre tacitement sur une stratégie de prix élevés ; si la demande est élastique, le pouvoir de marché d’une entreprise dépend des interactions stratégiques avec les autres. Si elles se font une concurrence agressive, le pouvoir de marché de chacune sera faible.