Solidarité Flandre Wallonie – Article revue

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LA SOLIDARITE TERRITORIALE ENTRE LA FLANDRE ET LA
WALLONIE : les fondements économiques, politiques et culturels de la
problématique.
.
Professeur Michel Quévit
Université Catholique de Louvain-la-Neuve ( UCL)
1
Abstract :
Comment ont évolué depuis la création de l’Etat belge jusqu’à ce jour, les relations de solidarité économique et
financière entre les deux Régions les plus importante du pays ? Par une approche interdisciplinaire qui allie la
démarche historique, les apports de la science politique et de l’économie, cet article tente de clarifier un des
enjeux cruciaux du conflit communautaire belge. L’analyse des principaux dossiers d’intervention de l’Etat
dans le domaine économique donne un éclairage novateur sur les rapports de solidarité entre les deux entités
régionales: la Wallonie, qui a été une région industrielle particulièrement prospère durant plus d’un siècle a
contribué à la richesse de la Belgique et à l’essor économique de la Flandre. Toutefois, comme toutes les
régions européennes de tradition industrielle (RETI), la Wallonie a été confrontée à la crise particulièrement
grave de la sidérurgie européenne des années 1960. C’est alors que le rapport de forces économiques entre les
deux Régions a basculé et que la Wallonie aurait du compter sur la solidarité de la Flandre. L’analyse tente de
mettre en évidence les déterminants économiques, politiques et culturels qui ont sous-tendu cette évolution.
Introduction
La problématique de la solidarité économique entre les Régions est au cœur du débat politique
belge. Elle est tout à fait primordiale pour l’avenir de l’Etat fédéral à un moment où les
transferts financiers entre les régions sont au centre du débat politique sur la réforme
institutionnelle et au cœur de l’aspiration flamande à plus d’autonomie, voire au séparatisme
pour les plus radicaux. Elle est également cruciale pour l’Europe pour qui la solidarité entre
les territoires constitue un principe fondamental dont dépend la cohésion territoriale. Elle l’est
d’autant plus que l’Union européenne n’est pas à l’abri des tendances nationalitaires
centrifuges qui émergent dans de nombreux Etats membres.
En Belgique la question ressemble de plus en plus à un nœud gordien. Pourtant, sous des
apparences inextricables, la problématique s’explique par un ensemble de facteurs
identifiables. Les plus couramment évoqués sont le facteur linguistique et la dépendance
économique de la Wallonie, surtout depuis que des responsables politiques flamands
cherchent à accréditer l’idée tant en Flandre qu’au niveau international que la Wallonie « vit
au crochet » de la Flandre depuis la création de l’Etat belge. Ces allégations s’appuient sur
l’existence de transferts financiers notamment en matière de sécurité sociale (chômage et
santé). Elles éludent totalement la question de l’impact des interventions de l’Etat belge dans
le champ économique sur le développement régional.
L’analyse des interventions de l’Etat belge pour soutenir le développement économique
depuis 1830 et la comparaison des performances régionales de la Flandre et de la Wallonie
2
aux autres régions européennes, offrent un regard surprenant sur la question. Tel est l’objet de
cet article.1
1. LA PROBLEMATIQUE DE LA SOLIDARITE TERRITORIALE DANS L’UE ET
SES IMPLICATIONS SUR LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT
REGIONAL.
La cohésion territoriale et la solidarité financière : clés de voûte du projet européen.
La solidarité financière entre les différentes composantes territoriales d’un Etat est un
principe essentiel à la cohésion territoriale et est indispensable à la pérennité des Etats
modernes et démocratiques. En effet, afin de maintenir une cohésion sur leur espace national,
les gouvernements tentent de
réduire au maximum les disparités entre leurs
entités
territoriales par des politiques publiques de rattrapage économique et social en faveur des
territoires les moins développés. L’importance de la solidarité financière entre entités
territoriales pour le maintien de l’unité de l’Etat, n’a pas échappé aux fondateurs de l’Union
européenne qui, dès l’origine, ont placé la cohésion économique et sociale, aujourd’hui
appelée cohésion territoriale, au centre du processus d’intégration européenne. Ils en ont fait
une compétence majeure de l’Union, en l’inscrivant à l’article 2 du Traité de Rome qui définit
les principes directeurs de la politique européenne. Dès son préambule, le Traité stipule
explicitement que la Communauté Economique Européenne doit « assurer le développement
harmonieux en réduisant les écarts entre les régions et en comblant le retard des moins
favorisées ».2 Cette référence primordiale à la cohésion territoriale est donc étroitement liée au
principe de solidarité entre les régions. Tel qu’appliqué dans l’Union européenne, le concept
se réfère à la notion d’équité sociale, une notion à ne pas confondre avec celle d’égalité.
Les politiques de solidarité financière entre les régions s’inscrivent dans l’optique d’une
« justice redistributive » en offrant une égalité de chances aux collectivités territoriales et, à
travers elles, aux citoyens [J.C. Beghuin, P. Charlot et Y. Laidié.(2005), p. 109].. Dans la
plupart des Etats fédéraux, cette solidarité est réalisée au travers de mécanismes de
péréquation automatique réadaptables en fonction de
l’évolution économique des Etats
fédérés. En Belgique, faute d’accord de la Région flamande, de tels mécanismes n’ont pu être
Le contenu de cet article est plus largement développé dans l’ouvrage : Quévit M. [2010], Flandre-Wallonie,
Quelle solidarité ? De la création de l’Etat belge à l’ Europe des Régions, Edition Couleur livres, Charleroi.
2
De plus, l’article 158 (ex- 130A) du Traité de Nice précise que « la Communauté vise à réduire l’écart entre les
niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris
les zones rurales ».
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3
mis en place. Cependant une forme de péréquation financière est opérée grâce au maintien au
niveau fédéral de compétences dans le domaine social : allocations de chômage, soins de
santé, pensions, etc… et partiellement par le biais du financement des régions. Ce double
mécanisme fait actuellement l’objet d’une contestation de la part de partis politiques flamands
qui préconisent la scission du pays.
Des régions contributrices et des régions débitrices pour équilibrer les disparités
territoriales.
Pour combattre leurs déséquilibres de développement internes, tous les Etats européens
mettent en place des mécanismes financiers de solidarité entre leurs entités territoriales, en
application du Traité de Rome. Cependant, les disparités de développement sont fortement
liées à l’évolution des facteurs de compétitivité au niveau mondial. Il en résulte que selon les
périodes, dans un même espace national, certaines régions produisent davantage de richesses
que d’autres. Elles sont contributrices par rapport aux régions les moins développées
considérées comme débitrices. Dans tous les Etats européens, des situations similaires se
rencontrent. Ainsi, en Espagne, la Communidad de Madrid et la Catalogne sont contributrices
au profit de régions telles que l’Extremadure ou la Galice. Au Royaume-Uni, Londres est une
région contributrice notamment en faveur du Pays de Galles. En France, l’Ile-de-France est
contributrice alors que des régions comme le Nord-Pas-de-Calais ou le Limousin, sont en
position débitrice, etc…3Toutefois, le positionnement des régions peut changer dans le
temps, voire s’inverser. Tel fut à titre d’exemple, le cas en Allemagne, où la Bavière, région à
dominante rurale, débitrice dans les années 50 est passée actuellement au statut de région
contributrice, grâce à son essor économique et technologique. De même, l’Espagne, où le
Pays basque, région contributrice riche de son développement industriel dans la première
moitié du XXème siècle est devenue débitrice par la crise de la sidérurgie dans les années 60
pour redevenir une région parmi les plus prospères du pays par les mutations technologiques
de son tissu industriel.
Voir à cet égard, l’analyse des résultats des transferts financiers interpersonnels mesurés en Belgique, en
Allemagne, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en France par les chercheurs du CERPE de la FNDP :
Meunier,O,. Mignolet et Mulquin, M-E.[2007], « Les transferts interrégionaux en Belgique », CERPE, Cahiers
de recherche – Série Politique Economique, n°19-2007/9, FNDP.
3
4
2. LES ORIGINES STRUCTURELLES DES DISPARITES ENTRE LA FLANDRE
ET LA WALLONIE DE 1830 A 1970.
La
complexité des rapports de solidarité entre la Flandre et la Wallonie
ne peut être
appréhendée sans se référer au contexte économique dans lequel a été créée et s’est
développée, la Belgique depuis 1830.
A cet égard, les travaux de l’économiste français, Lucien Karpik sur l’évolution des grands
ensembles économiques mondiaux conduisent à distinguer trois macroévolutions structurelles
du système économique qui correspondent chacune à un mode de fonctionnement spécifique
du capitalisme [ Karpik,L.(1971), pp.1-34] :

le capitalisme marchand qui prévalu du XVIIIème siècle au début du XIXème, se
caractérise par la prédominance d’entreprises industrielles de type familial. Celles-ci
prennent progressivement le relais d’une aristocratie foncière dominant le
fonctionnement de l’activité économique. L’espace territorial de cette forme
d’entrepreneuriat familial est principalement circonscrit au niveau local.

le capitalisme industriel qui voit émerger de grandes entreprises dans des secteurs
clés de l’activité économique, tout spécialement le charbon, la principale source
d’énergie à l’époque et l’acier. Ce mode de développement a connu son plein essor
dès la seconde moitié du XIXème siècle. Avec lui, l’organisation économique s’étend
sur un espace territorial élargi à l’espace national, au point qu’il devient un moteur de
la consolidation des Etats-Nations en Europe.

le capitalisme technologique plus récent, est fondé sur la relation étroite entre
l’activité industrielle et
le développement de la science et s’appuie sur
des
partenariats internationaux hors des frontières des Etats-nations, générant ainsi une
nouvelle forme d’organisation de l’économie, cette fois à l’échelle du globe. C’est
l’émergence de ce que l’on nomme actuellement, la globalisation de l’économie.
Précisément, l’Etat belge a été créé dans le contexte de l’émergence du capitalisme industriel.
Il en est un produit, voire même un prototype. Son évolution économique jusqu’en 1970 est
profondément marquée par la croissance puis le déclin de cette phase du capitalisme dont
l’impact a marqué différemment la Wallonie et la Flandre. Depuis l’origine de la Belgique,
Flandre et Wallonie n’ont pas connu la même évolution du capitalisme industriel.
5
2.1. De 1830 à 1955 - L’impact du capitalisme industriel sur l’économie belge et son
incidence sur les deux régions.
En Belgique, la dynamique nouvelle qui préside au développement du capitalisme industriel
entraîne deux transformations majeures relatives à la gestion du système économique: la
création des grandes banques d’affaires et l’instauration du statut de « société anonyme ».
Une influence croissante des banques d’affaires sur le développement industriel.
L’industrialisation nécessitant d’énormes capitaux, les banques d’affaires voient le jour et
prennent une importance prépondérante au point que comme l’observe Levy Leboyer : « le
banquier se substitue à l’industriel de façon quasi définitive et dispose, semble-t-il, pour
contrôler à la place de l’Etat, la politique des investissements. De véritables banques
d’affaires pourront ainsi développer les entreprises minières et métallurgiques, les transports
ferroviaires et maritimes, et se chargent d’unifier le marché.» [Levy-Leboyer, M.(1964),
p.69].En Belgique, deux grandes banques d’affaires, la Société Générale et la Banque de
Belgique vont dominer la scène économico-politique. Non seulement elles maîtriseront toute
l’activité financière du pays mais aussi elles organiseront la concentration industrielle en
prenant le contrôle et/ou en créant elles-mêmes la plupart des sociétés anonymes.
Un vaste mouvement de création de Sociétés anonymes et la concentration de l’essor
économique autour de trois pôles : Bruxelles, le sillon wallon et Anvers
La société anonyme (S.A) devient le mode d’organisation privilégié pour l’activité
industrielle. Les initiatives industrielles se multiplient rapidement sous cette forme. Alors
qu’en 1830, la Belgique ne compte que vingt sociétés de ce type, entre 1833 et 1838, 151
nouvelles S.A. sont créées, dont 37 dans les charbonnages et 16 dans la métallurgie, la plupart
localisées en Wallonie. Entre 1850 et 1860 : 54% de ces sociétés sont localisées en Wallonie
contre 18% en Flandre et 24% à Bruxelles mais essentiellement dans le secteur financier.
2. 2. De 1830 à 1960 - Une « solidarité intrinsèque » de la Wallonie envers la Flandre
sous-tend la croissance économique en Belgique.
En 1830, la Wallonie dispose d’atouts particulièrement attractifs pour les investisseurs
industriels. Riche en minerais (charbon et fer), elle devient le siège d’une industrie
sidérurgique particulièrement dynamique et contribue ainsi de manière décisive à la
croissance économique de l’ensemble de la Belgique au point que celle-ci devient l’un des
6
pays les plus industrialisés et les plus riches d’Europe, et la Wallonie l’une des régions les
plus développées.
Les retombées de l’activité charbonnière wallonne pour la Flandre de 1830 à 1950.
Le charbon étant la principale ressource énergétique à l’époque, la productivité et la
rentabilité du secteur charbonnier wallon, ont indirectement eu un impact sur l’économie
flamande de1830 à 1950 :

La proximité du sillon wallon donnait à la Flandre des facilités d’accès à cette source
d’énergie essentielle tant pour l’industrie que pour le confort domestique. Jusqu’en
1926, date de la mise en exploitation effective des charbonnages de Campine, la
Wallonie était seule à disposer de charbonnages en Belgique.

le transport de la production charbonnière va inciter à créer les infrastructures - canaux
et voies ferroviaires - sur l’ensemble du pays avec pour priorité les liaisons vers le
port d’Anvers.
La Sidérurgie wallonne : un atout pour les deux régions du pays.
Deux caractéristiques distingueront la sidérurgie wallonne de ses concurrents européens :

Une croissance exponentielle durant plus d’un siècle : la sidérurgie wallonne sera
l’une des branches industrielles parmi les plus dynamiques de l’économie belge et le
secteur industriel le plus important en termes de création de richesse et d’emploi
entre 1831 à 1956 [Reuss,C.,Koutny,E et Tychon,L.(1960),p.257-258].. S’inscrivant
dans les mouvements longs de Kondratieff, ce dynamisme ne faiblira pas avant les
années 1950, période où commence à se faire sentir une diminution de la production
[Reuss,C.,Koutny,E et Tychon,L.(1960),p.11-12].

Un
développement intercontinental orienté vers la mer : contrairement aux
sidérurgies luxembourgeoise et lorraine qui sont restées principalement continentales
et plus centrées sur leur propre territoire ou celui des pays voisins, la sidérurgie
wallonne va axer rapidement sa stratégie industrielle sur l’accès à la mer. Deux
raisons majeures expliquent cette orientation :

l’ouverture offerte par les voies maritimes à l’exportation vers les grandes
zones géographiques en développement: Etats-Unis, Mexique, Angleterre,
Pays baltiques, etc…
7

la nécessité de s’approvisionner en matières premières - charbon et minerai de
fer - suite à l’épuisement progressif des gisements de fines à coke dans les
charbonnages wallons ainsi que l’épuisement total des gisements de minerai
de fer indigène.
2.3. La crise du capitalisme industriel et son impact sur l’évolution des rapports de
force économique entre la Wallonie et la Flandre dans les années 1960.
Dans les années 1960, toutes les régions industrialisées du continent européen sont frappées
par une crise de la sidérurgie sans précédent. A ce moment, les patrons sidérurgistes belges
vont préférer abandonner l’outil en Wallonie et créer
de nouveaux outils modernes de
production en Flandre à proximité de la mer. C’est à ce moment que s’amorce un processus
d’inversion des dynamiques de développement en
Wallonie et en Flandre [Bayenet,B.,
Capron H et Liégeois (2007), p.349-388]. :

la Wallonie connaît entre de 1840 à 1960, un niveau de croissance quasi linéaire et
nettement supérieure à celui de la Flandre, au point qu’on peut considérer que,
depuis l’indépendance du pays et durant plus de 120 ans, la Wallonie a été le
moteur économique de la Belgique.

après la seconde guerre mondiale, la Flandre opère un rattrapage économique
progressif par rapport à la Wallonie. Mais la Wallonie entre dans un processus du
déclin. En 1965, pour la première fois de l’histoire du pays, les deux régions
atteignent un point d’équilibre : leur niveau de croissance est quasi égal.

A partir de cette date, la Flandre va connaître une progression quasi continue
jusqu’à ce jour, se distançant de la Wallonie. Comme les autres régions
européennes de tradition industrielle, celle-ci va devoir affronter les retombées
sociales des fermetures d’entreprise, de la délocalisation de la sidérurgie vers la
Flandre et développer des politiques de restructuration et de relance économique.
Il ressort clairement de cette évolution que la Wallonie a été une région contributrice en
Belgique par rapport à la Flandre plus débitrice, et ce pendant 135 ans. Depuis 1965, soit 45
années, sa position s’est inversée, elle est devenue débitrice. Cette inversion sert d’argument à
la Flandre pour revendiquer plus d’autonomie, reprochant à la Wallonie débitrice de freiner
son développement. Il est vrai qu’actuellement, le niveau de développement économique de la
Flandre est
8
supérieur à celui de la Wallonie mais comparativement aux autres régions
européennes, l’écart est relatif. En effet, selon les données les plus récentes, sur une échelle
qui varie de 24 (North Est de Roumanie) à 303 (Londres), le PIB/hab de la Flandre est de 115
et celui de la Wallonie de 84, en dessous de la moyenne européenne 100 comme la plupart des
régions européenne de tradition industrielle (RETI). Notons cependant qu’elle est l’une des
RETI qui progresse le mieux en termes d’innovation, productivité, etc…[Quévit,
M.(2010),.pp.121-142. Quand à Bruxelles, avec un indice 215 (UE=100) , elle compte parmi
les régions les plus développées de l’UE, en troisième position après Londres et le Grand
Duché du Luxembourg.
3. LES INTERVENTIONS DE L’ETAT BELGE DE 1830 A 1990 : quelques exemples
qui illustrent la solidarité nationale durant cette période.
L’analyse des interventions de l’Etat Belge pour soutenir l’activité économique apporte un
éclairage sur les fondements de la problématique de la solidarité territoriale en Belgique.
Au fil du temps les Gouvernements belges successifs ont activés trois leviers importants :
-
les politiques d’aides et de soutien à certaines branches d’activités en difficulté telle
que l’agriculture et l’industrie textile en 1838,1866 et 1898, et plus récemment, dans
les années 1990, la sidérurgie et les secteurs nationaux en restructuration,
-
la prise en charge de l’exploitation des secteurs économiques peu rentables mais
essentiels au développement économique, notamment par le rachat des concessions
des chemins de fer et la gestion du secteur des télécommunications entre 1850 et 1895
mais aussi par la participation directe au capital et à la gestion des entreprises,
notamment des charbonnages et d’entreprises sidérurgiques à partir des années 1960.
-
la politique de commandes publiques pour la réalisation de vastes projets de travaux
publics afin de résoudre les crises conjoncturelles [Quévit, M.(1978),p.77].
Nous examinons dans cette partie quelques décisions prises par les gouvernements belges.
Etant donné
leur importance stratégique pour le développement territorial, celles-ci
constituent un échantillon représentatif de la manière dont la solidarité entre la Wallonie et la
Flandre s’est concrétisée au fil du temps.
9
3.1. De 1830 à 1970 : les aides de l’état belge au développement maritime et à
l’expansion des ports flamands.
3.1.1. La constante sollicitude de l’Etat belge pour le développement portuaire d’Anvers.
Le port d’Anvers peut être considéré comme le projet d’infrastructure industrielle le plus
important par son aspect stratégique mais aussi par son poids financier pour les pouvoirs
publics belges. Vu l’enjeu qu’il a représenté et représente toujours pour le développement
industriel du pays,
il a fait l’objet d’une attention toute particulière et constante des
gouvernements belges depuis l’indépendance du pays, au cours de deux périodes distinctes 4:

De 1860 à 1935: le développement industriel wallon stimule le développement du
commerce intercontinental belge et la croissance du port d’Anvers.
Durant cette période, deux évènements vont encore favoriser le rayonnement
intercontinental du port d’Anvers et dès lors, l’extension des activités sur son
hinterland :
a. La colonisation du Congo belge et ses corolaires : la création des chemins de fer
et la transformation des minerais congolais.
Avec l’épuisement des gisements de fer wallons, l’approvisionnement en minerais
ferreux étrangers devenait indispensable pour l’industrie métallurgique. La
colonisation du Congo par la Belgique va ouvrir la voie à l’exploitation et au
transport des minerais offrant, du même coup, un débouché de choix à la
production métallurgique belge.
L’hinterland anversois vit alors fleurir de
nouvelles industries telles que la société métallurgique de Hoboken créée pour
valoriser industriellement le minerai en provenance du Katanga, devenant
rapidement avec les usines métallurgiques d’Overpelt, le premier producteur de
cuivre européen et l’un des principaux producteurs mondiaux de plomb, de zinc et
d’étain.
4
Notons aussi que la dynamique d’extension du port d’Anvers a aussi connu une phase de développement
importante avant l’indépendance de la Belgique sous l’époque napoléonienne entre 1811 et 1813.
10
b. La décision de l’Etat de construire un vaste réseau de communications fluviales
reliant Anvers à la Wallonie (Hainaut et
Liège) et par là, à la France et
l’Allemagne.
Pour mettre Anvers en communication directe non seulement avec la Wallonie,
mais aussi avec toutes les parties de l'Europe, de nombreux canaux vont être
construits. Ces travaux étaient nécessaires pour la compétitivité des activités
portuaires anversoises tant celles-ci dépendaient du marché intérieur belge et tout
particulièrement des industries wallonnes, lesquelles assuraient, avec le trafic
venant de l’Allemagne, un flux croissant de marchandises.
Ainsi dès avant la première guerre mondiale en 1914, les mouvements de
marchandises constituaient près de 90% de l’ensemble des mouvements de trafic
maritime anversois. Le marché intérieur wallon en représentait trois quarts des
entrées et la moitié des sorties [Demangeon, A.(1918), pp. 307-329.
D’autres canaux furent également construits pour favoriser, à Anvers, le transit de
marchandises en provenance des pays voisins limitrophes, surtout d’Allemagne,
du Luxembourg, d’Alsace et de la Lorraine. Ainsi le canal de la Campine établit
la jonction entre la Meuse et l'Escaut mais avec pour handicap d’être coupé par 17
écluses. Pour y remédier, le canal Albert sera construit dans les années 1930
créant ainsi un accès plus rapide à la mer pour le sillon industriel liégeois. Dans la
foulée,
le
gouvernement
belge
proposa
également
d’autres
travaux
d’infrastructure, notamment, la création du tunnel sous l’Escaut à Anvers
[Baudhuin, F. (1944), p.211].5 Le budget de ces travaux fut estimé à 873 millions
de FB mais leur coût réel atteignit un montant de près de deux milliards, soit plus
du double. En fin de compte, c’est un parcours de plus de 2,000 kilomètres de
voies navigables qui a été créé à partir d’Anvers, ouvrant la voie à un flux de
marchandise qu'aucun autre port du continent de cette époque ne pouvait
concurrencer.

De 1950 à 1970 : les investissements de l’Etat belge favorisent l’internationalisation
de l’hinterland économique anversois.
5
. La loi du 24 avril 1928 créa le « Fonds spécial et temporaire des grands Travaux » avec une dotation de 1.800
millions qui devait être portés à 3.300 millions en 1933.
11
Les interventions de l’Etat belge s’appliqueront non seulement aux infrastructures
portuaires mais elles serviront aussi à l’implantation de nombreuses entreprises
étrangères dans différents secteurs industriels novateurs comme le raffinage du pétrole,
la pétrochimie, l’automobile, etc.
La pétrochimie anversoise s’est déployée grâce aux implantations industrielles de
grands groupes mondialisés tels que Petrofina, Esso, Fina. Le Gouvernement belge
accordera la garantie nécessaire à une société financière publique, la Société Nationale
de Crédit à l’Industrie afin fournir les capitaux aux sociétés concernées tout en
octroyant un régime fiscal plus avantageux aux sociétés qui s’installaient sur son site.
A la fin des années 1950, toute l’industrie belge du raffinage s’est ainsi concentrée en
Flandre. Ces activités se sont diversifiées en s’étendant au secteur de la chimie. Fin
des années 1960, plus d’une vingtaine d’entreprises multinationales pétrolières et
chimiques s’étaient implantées dans le zone portuaire anversoise générant un
investissement global de près de 40 milliards de francs belges et créant plus de 7.000
emplois.
A cela, il faut ajouter le développement des entreprises de montage automobile,
amorcé dans les années 30 par l’installation de FORD et renforcé par l’installation de
GENERAL MOTORS dans les années 60. Ces entreprises ont pu tirer profit, elles
aussi, des différents incitants économiques accordés par l’Etat belge. Dans son étude
approfondie consacrée aux douze années d’expansion portuaire à Anvers (1957-1968),
le professeur Baudhuin a estimé que « 10 milliards de dépenses du secteur public
(Etat et ville d’Anvers) en faveur de l’infrastructure portuaire ont eu un effet
multiplicateur de 5, générant près de 50 milliards d’investissements privés ». Selon
lui, « rarement investissement public a connu un effet aussi bénéfique pour
l’économie d’un pays …. » [Baudhuin, F.(1970) p. 451].
3.1.2. La création du port de Zeebrugge : un second pôle maritime en Flandre.
La Flandre disposait de deux autres accès maritimes qui ont également contribué à l’essor
économique de la région : Gand et Zeebrugge. La création de ces deux ports est étroitement
interreliée. En effet, le port de Gand qui date du XIIIe siècle a vu le jour suite au tracé du
canal de la Lieve reliant Gand à Damme, dont la visée ultime était de relier un jour, Gand à
12
Bruges et à la mer. C’est toutefois au début des années 1970 que le projet de création du port
de Zeebrugge prit corps sous la pression des responsables politiques des deux provinces
flamandes concernées malgré l’opposition des milieux anversois qui y voyaient un
concurrence de proximité. L’évolution des travaux est intéressante : au départ, il ne s’agissait
que de transformer une petite écluse maritime adaptée à des navires de 10.000 tonnes pour
permettre le trafic de navires de 60.000 tonnes.6 A l’arrivée, c’est un vaste port de pleine mer
avec un hinterland industriel, axé sur les technologies du futur, accessible à des navires de
250 000 tonnes, qui voit le jour. Le coût du projet est à la hauteur des travaux réalisés. Au
départ, il était estimé à 38 milliards de FB (valeur du FB de 1970) y compris l’aménagement
d’une zone industrielle de 2.200 hectares. A l’arrivée, le coût final atteindra 115 milliards de
FB, ce qui provoquera une réaction vive des ministres wallons du gouvernement. Pour
temporiser leurs réactions, le gouvernement belge décida de compenser chaque milliard
accordé à Zeebrugge par un milliard pour des projets d’investissement en
Wallonie
moyennant cependant une limite majeure : « pour autant que le total n’excède pas 16
milliards : 16 milliards pour la Wallonie contre 115 pour la Flandre ! Une telle disproportion
reflète l’ampleur du rapport de force qui existait dans l’Etat belge entre ministres flamands et
ministres wallons.
3. 2. Les aides de l’Etat aux secteurs économiques en crise en Flandre au XIXème
siècle.
Fondamentalement guidée par les principes du libéralisme, la politique économique s’est
toutefois rapidement engagée dans le soutien des industries en difficulté. L’Etat est intervenu
pour les secteurs agricoles et textiles, miniers, métallurgiques lorsqu’ils étaient en crise. Ainsi,
au cours du XIXème siècle, les gouvernements sont intervenus dans deux grandes
crises économiques qui ont touché durement la Flandre :
- la crise de l’industrie textile en 1848 ;
- la crise agricole de 1880.
3.2.1. La crise de l’industrie textile en Flandre en 1840.
Avant la première guerre mondiale, une première tentative d’ajustement du port à la navigation moderne
échoua : il en coûta cependant 45 millions en franc-or à l’Etat, F. Baudhuin, op.cit. 1914-1939, t.II, p.401.
6
13
L’industrie textile était un secteur de base pour l’économie flamande et ce, depuis le Moyenâge. Elle s’est spécialisée dans la production et le traitement du lin et du coton. Notons que le
développement de l’industrie textile s’inscrivait déjà dans un contexte de concurrence
redoutable avec l’industrie drapière du Nord de la France (ex Arras, Saint-Omer) ainsi que
celle des Pays-Bas. Dynamiques pendant plus d’un quart siècle, tant l’industrie linière que
celle du coton, furent confrontées en 1840 à ce que d’aucun ont appelé, la « crise structurelle
des Flandres » ou encore « la crise noire », tant ses effets furent dévastateurs pour
l’importante population qui vivait alors de l’activité textile. Près de 300.000 personnes, soit
près d’un quart de la population salariée dans les deux Flandres en ont été victimes7.
Une double mutation structurelle est à l’origine de la « crise noire » en Flandre : d’une part,
l’industrialisation de la transformation du lin devenue plus performante que l’activité du
tissage à domicile et d’autre
part,
la substitution du coton au lin comme produit de
consommation courante. Attachée aux procédés traditionnels, réticente aux avancées
techniques, l’industrie linière flamande s’est vue supplantée par la production française qui,
plus rapidement qu’en Flandre, s’est équipée de métiers à tisser mécanisés et donc, plus
performants. Dès 1837, l’industrie linière flamande fut aussi frappée de plein fouet par la
concurrence internationale : l’invasion de produits anglais moins chers et de qualité
supérieure, la concurrence du lin russe et les mesures tarifaires française [Pétillon, C.(2006)].
Prenant la mesure du caractère structurel de la crise du textile, dès 1840, le gouvernement
belge ne pouvait rester indifférent. Rompant avec ses orientations libérales, la Chambre vota
l’octroi de subsides d’importance croissante : 75.000 FB en 1842, 210.000 FB en 1844. En
1845, alors qu’une crise alimentaire accentuait encore la misère de la population flamande, les
parlementaires marquèrent leur accord pour un crédit extraordinaire de 2.000.000 FB, accordé
pour faire face à la famine et au chômage. Un nouveau crédit de 1.500.000 FB fut ouvert en
décembre 1846, accompagné d'une allocation spéciale de 300.000 FB pour le
perfectionnement de l'industrie linière. Mais, la politique du gouvernement belge n’a pas
suffi car la crise concernait aussi l’application des mesures douanières en raison de la
concurrence internationale et tout particulièrement les mesures prises par la France depuis
1833. En effet, tandis qu’elle offrait le principal débouché pour les toiles produites en
Enquête sur l’industrie linière, t.I, annexe 14. De nombreuses études ont tenté d’évaluer le nombre de
travailleurs dans ces secteurs, les estimations globales les plus généralement admises se situent entre 300.000 et
330.000 personnes.
7
14
Belgique, la France appliquait dès 1826, des tarifs protectionnistes de plus en plus pénalisants.
Dès lors, outre des incitants strictement financiers aux entreprises, l’Etat belge est intervenu
de manière répétée en faveur de mesures douanières. La fréquence des interventions de l’Etat
dans ce domaine est éloquente : 1817-1819, 1828, 1831-1835, 1839,1861-1864, 1872, 18801886 et 1870.
3.2.2. La crise agricole en Flandre et les interventions de l’Etat belge durant les années
1880.
Les voies maritimes ouvertes, l’importation des produits agricoles à des prix très
concurrentiels, en provenance notamment des Etats-Unis, fit chuter drastiquement les prix
agricoles belges. Une crise, de longue durée, frappe alors l’agriculture : baisse de la rentabilité
des exploitations agricoles, détérioration sociale, paupérisation du monde agricole. C’est la
Flandre qui est particulièrement atteinte pour des raisons structurelles. La plupart des
exploitations agricoles flamandes n’y dépassent pas la superficie de 3ha et plus de 63%
d’entre elles ont à peine 1 ha de culture. Plus de 100.000 personnes devront abandonner
l’agriculture.
Vu l’ampleur de l’impact social de la crise, le gouvernement belge entrepris une profonde
réorientation de la politique agricole selon trois directions :

l’accès au crédit des agriculteurs.
Dès 1884, par la loi du 15 avril, le gouvernement a donné son feu vert aux prêts
agricoles. Pour faciliter l’accès des agriculteurs au crédit, il a soutenu la création
de la Caisse de comptoirs agricoles au sein de la Caisse générale d’Epargne crée
en 1865. La loi qui fixait le règlement des prêts, donnait la possibilité à la Caisse
générale d'Epargne de destiner une partie de ses fonds disponibles à des prêts et
ouvertures de crédit aux agriculteurs ou à des sociétés coopératives de crédit
agricole.8.

La reconnaissance institutionnelle de la politique agricole et l’encadrement de la
profession.
8
Le texte de loi comprend 23 articles répartis en 3 titres : Des comptoirs agricoles (et des sociétés coopératives
de crédit agricole) : Du privilège agricole de l'inscription et de la radiation du privilège.
15
Une autre décision importante prise par le gouvernement belge concerne la
réforme de l’ensemble du dispositif institutionnel par l’instauration d’un
portefeuille ministériel dédié à l’Agriculture en 1884 et la création d’une
administration compétente dans tous les domaines des spéculations agricoles.
De 1884 jusqu’en 1939, soit pendant plus d’un demi siècle, la Flandre contrôlera
les grandes orientations de la politique agricole grâce à l’occupation quasi
ininterrompue du portefeuille ministériel de l’agriculture par des personnalités
politiques flamandes. Ce poste ne fut confié que par deux fois à des francophones
et seulement pour une courte période9. La Flandre conservera cette position
hégémonique sur le secteur de
l’agriculture
jusqu’au transfert de cette
compétence aux régions en 1995 !

Le soutien au développement de l’ « associationnisme » agricole.
Suite à la crise de 1880, un vaste mouvement de création d’associations
agricoles se développe dans différents pays européens. Le mouvement se répand
plus rapidement en Flandre qu’en Wallonie, stimulé par le soutien du clergé à qui
l’on doit l’initiative de créer les premières caisses rurales de crédit, en s’inspirant
du système allemand des caisses Raiffensen.
C’est à partir de ce mouvement associatif que s’est construite la puissance
financière du Boerenbond, organisation flamande qui créera une caisse centrale de
crédit regroupant plus de la moitié des caisses rurales du pays misant ainsi sur la
collecte de l’épargne des agriculteurs. Les dépôts dans ces caisses rurales ont
connu une croissance quasi exponentielle. Alors qu’en 1900, ils s’élevaient à
380.000 FB, ils atteignent 16 millions FB en 1913 pour s’élever à 229 millions FB
en 1920 et 720 millions FB en 1926. Une telle croissance n’aurait pu atteindre une
telle importance sans l’intervention du gouvernement belge qui promulgua une
loi, en 1898, organisant la forme juridique des unions professionnelles agricoles.
Son intervention prit également la forme de divers subsides visant à favoriser la
constitution de ces associations en prenant en charge les frais d’établissement et
une partie des frais de fonctionnement.
9
Entre 1884 et 1929, 91% des ministres de l’agriculture seront d’origine flamande.
16
Le sauvetage financier du Boerenbond par l’Etat belge et l’émergence de la puissance
financière de la Flandre.
Malgré son succès, le Boerenbond connut une situation proche de la faillite suite à des
activités financières risquées dans le cadre de ses liens privilégiés avec une banque flamande,
l’Algemeen Bank Vereniging (ABV). En 1934, il affichait une perte de 800 millions de
francs. Pour éviter la faillite, la Caisse centrale du Boerenbond fit appel au gouvernement
Celui-ci institua l’Office Central de la petite épargne qu’il dota d’un budget d’un milliard de
FB avec pour mission de « s’occuper tout particulièrement du Boerenbond en faillite ». La
caisse Centrale de crédit de Boerenbond
reçut un crédit de 295 millions en tant
qu’intervention exceptionnelle. Toutefois, avec le temps, l’activité financière du Boerenbond
va asseoir les fondations d’une
puissance financière en Flandre par la création de la
Kredietbank (KB) en 1935.Devenue aujourd’hui la KBC, la Kredietbank a rapidement
conquis la place de troisième banque du pays : son chiffre d’affaires de près de 8 milliards en
1950 a atteint 430 milliards en 1980. En s’implantant au Luxembourg où elle a créé la
Kredietbank Luxembourg (KBL), elle a pu développer ses activités internationales. Son
ascension s’est poursuivie avec la création d’un réseau d’agences dans les grandes capitales
financières du monde entier. En 1979, selon le classement de l’American Banker, elle figure
déjà au 70ème rang parmi les 500 plus grandes banques du monde.
3. 3. La fermeture des charbonnages wallons et le développement des charbonnages en
campine (1900 à 1980).
3.3.1. La découverte et l’exploitation des charbonnages en Campine
La découverte des charbonnages de Campine
en 1901 fut un autre détonateur du
développement industriel de la Flandre. L’ampleur des gisements ainsi que la qualité des
minerais, étaient prometteurs d’un avenir prospère à une époque où le charbon était la
principale source d’énergie pour le développement industriel.10
Cependant la profondeur des veines nécessitait l’apport de gros capitaux pour les rendre
exploitables. Faute de moyens financiers propres, le gouvernement n’avait d’autre possibilité
10
On estimait la richesse du potentiel charbonnier campinois à 10 à 12 milliards de tonnes de charbon gras
propre à la production du coke !
17
que de faire appel à
des capitaux
privés qui, à ce moment, étaient aux mains de
francophones. De fait, le capital financier n’était pas encore développé en Flandre, la fortune
y étant essentiellement concentrée dans les mains d’une bourgeoisie rurale à dominante
foncière et de quelques industriels du textile. Le Gouvernement fut contraint d’accorder, les
concessions sur la quasi-totalité des gisements à la Société Générale de Belgique et au
Groupe français Schneider qui, ensemble, ont pris part à 95% du capital investi. L’opération
financière ne fut pas des meilleures pour les actionnaires. En effet, pour atteindre les
gisements de minerais, de longs travaux de forages furent nécessaires. En 1917, soit plus de
10 ans après la découverte du gisement, la production atteignait à peine 11.000 tonnes
annuellement. Elle s’élevait à 250.000 en 1920
en occupant 3199 travailleurs. Les
actionnaires ont dû attendre 1939 pour obtenir un rendement de plus de 7 millions de tonnes
avec 20.000 travailleurs! 11.
Ces difficultés financières n’ont pas empêché le mouvement patronal flamand, le Vlaams
Economisch Verbond (VEV) nouvellement créé sous la houlette du grand patron flamand,
Lieven Gevaert, de formuler en 1927 trois revendications typiquement nationalitaire de
l’époque en Flandre :
- l’appartenance du bassin campinois au peuple flamand qui y est majoritaire ;
- la gestion des mines par des ingénieurs et techniciens flamands ;
- la direction des charbonnages par des groupes financiers flamands.
3.2. Le lent et irréversible processus de fermeture des charbonnages en Wallonie.
La première vague de fermetures commence en 1913.
Les charbonnages wallons ont contribué à la prospérité de la Belgique dès 1850, notamment
en raison de leur avance technique par rapport aux concurrents européens. Mais cette
ressource naturelle n’était pas inépuisable et l’industrie charbonnière wallonne a entamé un
lent processus de déclin bien antérieur à celui de la sidérurgie. Les premières fermetures de
charbonnages datent de la première décennie du XXème siècle. Entre 1913 et 1939, plus
d’une trentaine d’entre eux ont été désaffectés soit une superficie de 20.449 ha et un volume
de production de 2.095.000 tonnes.
Tous les bassins houillers wallons
situés dans le
En 1920, la part de la production de charbon des charbonnages de Campine n’était encore que de 1,1% de la
production nationale, elle sera de 24% en 1939.
11
18
Borinage, l’entre Sambre et Meuse et la province de Liège ont été concernés. Les travailleurs
licenciés en raison de la cessation des activités des mines, connurent une situation sociale
épouvantable puisqu’à cette période, la sécurité sociale (allocations de chômage, soins de
santé, etc) n’était qu’embryonnaire. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale, lorsque le
gouvernement belge repris en mains les questions relatives à l’avenir de l’industrie
charbonnière belge, qu’il donna priorité au volet social. Dès lors, entre 1945 et 1955, près de
35 milliards de francs, somme considérable pour l’époque, vont être injectés dans l’ensemble
de l’industrie charbonnière belge. Ces subventions ne visaient pas uniquement l’outil mais
étaient aussi destinées aux mineurs directement touchés par la crise. Elles concernaient
principalement les augmentations de salaires et charges sociales, les pensions des ouvriers
mineurs, les interventions d’assurance-maladie, la gratuité des abonnements de chemins de
fer, etc… [Baudhuin F.(1970) p.260-261].
La crise charbonnière des années 60-80 : des solutions régionales à géométrie variable.
La véritable crise charbonnière wallonne éclate en 1950. Alors que la Wallonie comptait
encore 131 puits en 1949, en quelques années, 97% des emplois de mineurs vont disparaître
et les années 60 sonner le glas de l’ancienne prospérité de la Wallonie sans que soient
entrepris quelque effort de reconversion industrielle par les groupes financiers privés, qui en
avaient pourtant tiré profit pendant plus d’un siècle. Cette crise n’est pas le propre du sillon
wallon. Elle est européenne et touche quasi tous les sites charbonniers des Etats membres.
Pour y faire face, les pays concernés, créent en 1951, la Communauté Européenne du Charbon
et de l’Acier, C.E.C.A,
dont le but est d’aider financièrement aux restructurations de
l’industrie charbonnière de la Communauté européenne. La C.E.C.A. va mettre en œuvre un
plan visant notamment les fermetures des mines non rentables, soit presque exclusivement la
les charbonnages wallons et quelques sites charbonniers du sud de l’Italie, de sorte qu’en
1982, un seul charbonnage wallon restait en exploitation, le charbonnage du Roton,
définitivement fermé en 1984.12 En complément des aides de la C.E.C.A, il en coutera 96
milliards de francs à l’Etat belge (montant arrêté en 1980).
12
Les "six" décidèrent une rationalisation de la production ainsi que l’octroi d’un revenu minimal garanti aux
travailleurs licenciés, victimes de la fermeture de nombreux charbonnages conséquente à cette rationalisation. En
Wallonie, quelques 5.000 mineurs perdirent leur emploi dans la foulée de fermetures affectant le Borinage, la
région du Centre, Liège et Charleroi. L’enveloppe de 46 millions de FB allouée par la CECA pour financer le
recyclage du personnel licencié ne permit pas d’éviter l’explosion sociale, voir Yves Rogister, La Wallonie dans
19
En Flandre, la solution de la crise charbonnière prendra une tout autre tournure.
L’engouement à propos de l’avenir
des charbonnages de Campine va progressivement
s’évaporer non pas en raison de la quantité et de la qualité du charbon, mais à cause de
l’apparition du gaz naturel, une source d’énergie plus riche en calories.13
Face à cette
situation, l’Etat va se substituer de fait au secteur privé et soutenir intégralement les mines
non compétitives à coups de subsides. Il dépensera annuellement 10 milliards de francs belges
dans les mines flamandes et à peine 800 millions pour le charbonnage du Roton. Son
intervention doublera de 1976 à 1980, en francs constants 1980, pour les charbonnages
flamands. Un véritable gouffre à milliards allait encore s’ouvrir au Limbourg au nom de la
solidarité nationale, pour la restructuration de l’industrie charbonnière durant la période de
1982 à 1991. Présenté par le ministre des Affaires économiques, le limbourgeois Willy Claes,
ce plan qui nécessitait un investissement total de 210 milliards, proposait une prise en charge
par l’Etat d’un coût cumulé de 196 milliards, soit une moyenne annuelle de près de 20
milliards de francs belges14. Cette somme a été allouée à fonds perdus sans pour autant réussir
à améliorer la compétitivité des charbonnages de campine qui n’ont pu échapper à la
fermeture définitive entre 1987 et 1992.
3.4. La création du réseau autoroutier le plus dense d’Europe (1936-1972) et ses
retombées territoriales
A partir du moment où apparaît l’automobile, de nouvelles perspectives s’ouvrent pour le
transport des marchandises et le déploiement de l’activité économique. L’Etat belge a très
rapidement perçu l’avantage potentiel du transport routier pour l’ensemble de l’économie et
l’intérêt de construire un réseau autoroutier performant. Selon le professeur d’économie rurale
Georges Bublot : « Parmi les pays de l’Europe occidentale, la Belgique disposera du réseau
autoroutier le plus dense après les Pays-Bas mais avant l’Allemagne et l’Italie ». Au terme de
la construction du réseau complet, la répartition régionale s’est avérée, toujours selon le
professeur Bublot nettement plus favorable à la Flandre couverte par près de 60% du réseau
l’Europe communautaire : De l’intégration économique à la participation au processus décisionnel – Institut
Jules Destrée (1996).
13
Au lieu de 4.250 calories par mètre cube pour le charbon, le gaz naturel en possède 8.500 au minimum.
Il s’agissait de l’hypothèse haute mais l’hypothèse basse prévoyait néanmoins un investissement d’un montant
de 163 milliards.
14
20
contre 39% en Wallonie alors que la superficie de la Flandre représente 44% du territoire
belge contre 55% pour la Wallonie [Bublot, G.(1977), p. 48-56].
!
La mise en place du réseau routier belge s’est échelonnée en plusieurs étapes :

En 1936 : l’ouverture
d’une autoroute pour relier Bruxelles au littoral afin de
stimuler le développement touristique de la côte belge, en favorisant les flux des
vacanciers nombreux
à venir de la partie francophone du pays, y compris de
Bruxelles et sa périphérie. Par la même occasion, elle ouvrait l’accès à la mer au
transport autoroutier circulant via Bruxelles. Les premiers travaux ont débuté en 1936
mais n’ont pu aboutir que 25 ans plus tard, en raison de l’interruption imposée par la
seconde guerre mondiale.

En 1949 : les connexions autoroutières de la Flandre au réseau européen. En 1949
le gouvernement décida d’un nouveau programme de création autoroutière. Partant du
pré-requis selon lequel Anvers et Bruxelles étaient les deux pôles majeurs de
l’économie belge, il donna priorité à cet axe afin de relier la Belgique à l’Europe !
Deux grands projets autoroutiers vont marquer cette étape :
-
la construction de l’autoroute Anvers-Gand-Courtrai (E3) pour établir la liaison
entre les deux grandes métropoles économiques flamandes dans le but de les
relier aux frontières néerlandaises et françaises. Le coût en sera particulièrement
élevé compte tenu du nombre important de bretelles : 24 sorties sur 110 km. Il
atteint plus de 17 milliards (à prix courant).
-
la construction de l’autoroute Roi Baudouin reliant Anvers vers l’Allemagne via
Liège et Aix la Chapelle, qui initialement devait débuter par la construction
d’une autoroute de Bruxelles vers Liège. Cette décision suscita une polémique
car les Anversois exigeaient d’avoir la priorité. Aussi, l’autoroute d’Anvers vers
Bruxelles fut réalisée avant de créer la liaison de Bruxelles à Liège. L’ensemble
comprenant 19 sorties sur 154 km a coûté 18 milliards de l’époque et a été
inauguré en 1964.15
15
Soit, plus précisément 18.460.000 de francs belges.
21

En 1972 : l’inauguration de la dorsale wallonne (autoroute de Wallonie) réclamée
depuis 1938.
L’idée de créer l’autoroute de Wallonie fut lancée
en 1938 par le wallon Jean
Duvieusart qui devint Premier Ministre en 1950. Il estimait inacceptable que le réseau
autoroutier ne soit constitué que « des seules routes en étoile, avec Bruxelles comme
centre ». L’objectif de ce projet fut régulièrement réclamé par le monde politique et les
forces vives de Wallonie, réunies au sein du Conseil Economique Wallon dont les
membres avaient pris conscience du recul de l’économie wallonne. Il fallut la pression
étrangère de la France et de l’Allemagne qui avaient le projet commun d’établir une
liaison internationale directe entre leurs deux pays pour que le projet de créer la
dorsale wallonne prenne effectivement forme par la Déclaration sur la construction de
grandes routes de trafic international signée en 1950. Il prévoyait notamment une
liaison entre Paris et l’Allemagne et donc nécessairement une traversée de la Wallonie.
Malgré cela, il fallut encore 22 ans pour que l’autoroute soit réalisée… On perçoit
aisément l’avantage compétitif que constitue pour la Flandre fortement dotée d’un
réseau autoroutier parmi les plus denses d’Europe, la création tardive de cette voie de
communication nécessaire pourtant au développement économique de la Wallonie.
3. 5. Les lois d’expansion économique et leur application en Wallonie et en Flandre.
Au cours des « golden sixties », en pleine période de croissance, la plupart des
gouvernements des nations industrialisées adoptent des politiques économiques d’aides
directes à l’investissement des entreprises. La Belgique emboite le pas à cette nouvelle
orientation, en promulguant les lois d’expansion économique en 1959. Elle se donne ainsi des
moyens nouveaux pour stimuler l’investissement privé sous forme de subvention ou de
soutien au crédit. Le nouveau dispositif restera d’application jusque dans les années 80. Avec
la fédéralisation du pays, les aides d’Etat seront gérées par les régions et soumises aux règles
européennes de la concurrence.
3.5.1. L’application des lois d’expansion de 1959 à 1979 : leur impact national et régional.
Le volume des investissements dégagés grâce aux lois d’expansion économique fut
considérable. En deux décennies, plus de 860 milliards ont été investis moyennant l’aide
22
directe de l’Etat, dont près de la moitié sous forme d’avantages octroyés en matière de crédit.
C’est véritablement une sorte de « plan Marshall » qui vit le jour. Quasi tous les secteurs
industriels ont pu en bénéficier : mines et carrières, énergie, métallurgie, fabrications
métalliques, textile, chimie, agroalimentaire,
bois, construction et équipement, etc...
Toutefois, la métallurgie, les fabrications métalliques et la chimie sont les trois secteurs qui en
ont tiré le plus grand profit. Ensemble, ils ont bénéficié de près de 75% du volume des
investissements aidés, la chimie représentant à elle seule 30 % du volume global [Quévit M.
(1978),p.171-181].
Les aides de l’Etat accompagnent le recul économique de la Wallonie et stimulent l’expansion
en Flandre.
On aurait pu attendre des aides de l’Etat qu’elles servent à équilibrer le développement des
régions : relancer l’économie en Wallonie tout en stimulant l’expansion de la Flandre. Mais
finalement, on doit bien constater que la Flandre a bénéficié de 58% des aides contre 39%
pour la Wallonie, le reste - soit 3% - pour Bruxelles.16 On pourrait considérer qu’il s’agit là
d’un partage équitable étant donné le poids démographique relatif, des deux régions.
Cependant, lorsqu’on analyse plus avant la nature des investissements aidés, la réalité
apparaît sous un autre jour.
Le tableau 1 présente la répartition régionale des investissements aidés dans les trois secteurs
les plus soutenus : la métallurgie, les fabrications métalliques et la chimie. Il révèle que les
chiffres globaux de la répartition des aides à l’investissement lissent des différences
régionales surprenantes.
Tableau 1. REPARTITION REGIONALE DES INVESTISSEMENTS AIDES PAR L’ETAT DANS LES TROIS
PLUS GRANDS SECTEURS AIDES DE 1959 à 1977
WALLONIE
FLANDRE
BRUXELLES
N+*
Le faible pourcentage de Bruxelles s’explique par le fait que Bruxelles n’était pas retenu au bénéfice des lois
d’expansion de la même manière que les deux autres régions vu son niveau de croissance élevé.
16
23
METALLURGIE
67%
33%
0%
164.039
FABRICATIONS
31%
63%
4%
154.817
31%
68%
1%
210.663
METALLIQUES
CHIMIE
* en millions de FB. Sources, M. Quévit, Les causes du déclin wallon. p.180.
En ce qui concerne la sidérurgie, la répartition paraît cohérente par rapport aux objectifs
européens, et à la situation des régions. La Wallonie, où s’accumulent les difficultés liées au
déclin de la sidérurgie, a bien reçu 67% des aides consenties à ce secteur, et la Flandre 33%.
Mais lorsqu’on analyse plus finement l’impact économique et social des lois d’expansion en
Flandre et en Wallonie, on s’aperçoit d’un déséquilibre structurel. En Wallonie, les aides de
l’Etat sont destinées à affronter les problèmes soulevés par le désinvestissement du privé qui
se désintéresse des secteurs traditionnels : rationalisation de l’outil industriel vieilli, avec pour
conséquence, les fermetures d’entreprises, et, pour effet collatéral, le gonflement du chômage
régional. Dans le même temps, en Flandre, les aides servent à des investissements dans des
secteurs
inducteurs de croissance
économique,
créateurs d’emplois, d’innovation, de
diversification et de développement des activités et cela, dans toutes les provinces flamandes.
De plus, pour les deux autres secteurs, plus inducteurs de croissance économique, la chimie
et les fabrications métalliques, les parts relatives des deux régions sont complètement
inversées. La Flandre reçoit 68% de l’aide à la chimie et 65% pour le secteur des fabrications
métalliques, alors que la Wallonie n’émarge que pour 31% dans chacun de ces deux secteurs.
En conséquence, comme l’indique le tableau 2, pour toutes les provinces flamandes, les
investissements aidés sont créateurs d’emplois. En Wallonie, ils servent à limiter l’impact
social du déclin et des fermetures d’entreprises en difficultés mais génèrent du chômage.
Tableau 2. Corrélation entre la décision d’investir et les variables structurelles de l’emploi industriel et du chômage
complet 1959-1973 par province (t-2)
24
Régions
Emploi industriel
Chômage complet
__________________________________________________________________________
Anvers
+ .74
- .66
Flandre Occidentale
+ .64
- .54
Flandre orientale
+ .79
- .71
Limbourg
+. 22
- .70
_________________________________________________________________________
Hainaut
-. 47
+.71
Liège
- .19
+.39
Luxembourg
-.13
+.60
Namur
- .57
+.42
Sources : M. Quévit, Les causes du déclin wallon,p.204.
Les ministères à finalité politique et économique sous contrôle de la Flandre.
Le déséquilibre constaté dans l’application des lois d’expansion n’est pas fortuit. On le perçoit
mieux lorsqu’on observe la relation qui existe entre l’obtention des aides par une région et le
contrôle des portefeuilles ministériels par des mandataires politiques de cette même région.17
Le tableau 3 présente cette relation sur la période de 1959 à 1973. Les chiffres indiquent
clairement qu’une région obtient d’autant plus d’aides, qu’elle contrôle de portefeuilles
ministériels.
Tableau 3. Relation entre les aides de l’Etat et le contrôle régional des ministères au sein des gouvernements successifs
de 1959 à 1973.
Types de ministères
Contrôle/ Aides de l’Etat
Ensemble des ministères
. 75 *
Ministères économiques
. 79*
Ministères politiques
. 67*
Ministères sociaux
. 66*
Ministères culturels
. 63
Ministères extérieurs
. 32
L’étude en question portait sur cette période dans le cadre d’une thèse de doctorat présentée à l’UCL sous la
direction du Professeur M. Aiken à l’Université du Wisconsin défendue en 1978.
17
25
Ministères politiques + économiques
. 83*
* P<.05 test de signification (one tailed)
** P<.01 test de signification (one tailed)
Sources : M. Quévit, Les Causes du déclin wallon, p.193.
La relation est déjà très significative pour l’ensemble des ministères. Elle est encore accentuée
lorsqu’il s’agit des compétences à caractère économique, telles celles des ministères des
Affaires économiques, des Travaux publics, des transports et des communications et de
l’Agriculture ou des compétences à caractère politique telles que le poste de Premier ministre
et les ministères des Finances ou de l’Intérieur. Pour la période allant de 1959 à 1973,
l’ensemble de ces ministères sont contrôlés majoritairement par élus politiques flamands (52
% de la période contre 34% par des wallons, les 14% restant l’étant par des bruxellois).
3.6. L’aide aux secteurs économiques nationaux 1978 – 1990 :
A la fin des années 70, la crise économique touche la plupart des bassins industriels de
l’Union européenne et marque la fin de la période de croissance du capitalisme industriel qui
a fait la richesse des nations européennes durant près de deux siècles. Après le déclin des
charbonnages, en effet, le secteur de la métallurgie est directement concerné. Outre la
Wallonie, le processus atteint d’autres régions européennes : le Pays basque et les Asturies en
Espagne, le Nord-Pas-de Calais et la Lorraine en France avec sa partie frontalière du Grand
Duché du Luxembourg, la Sarre et le Nordrhein Westphalie en Allemagne, l’Ecosse, le North
East, le Pays de Galles, le Lancashire et le South Yorkshire en Grande Bretagne pour ne citer
que les plus importantes. L’impact tant économique que social de cette crise fut tel que la
plupart des Etats ont dû intervenir financièrement pour soutenir la restructuration du secteur
et dans la mesure du possible entamer une reconversion de leur tissu productif. En Belgique,
sous la pression des ministres flamands du gouvernement, la décision de mettre en œuvre un
plan de sauvetage de la sidérurgie wallonne fut étendue à d’autres secteurs industriels qui
intéressaient tout particulièrement la Flandre à savoir les secteurs des charbonnages, de la
construction et de la réparation navale, du textile, et de l’énergie nucléaire.
La répartition régionale des aides de l’Etat aux secteurs dits nationaux.
26
La détermination des secteurs nationaux fit l’objet d’âpres négociations entre ministres
flamands et wallons du gouvernement national. La sélection de ces secteurs est surprenante à
plus d’un titre. C’est en Wallonie que la sidérurgie est en difficulté mais SIDMAR en Flandre
pourtant en pleine expansion, est retenu dans le programme. Pour les autres secteurs
sélectionnés, la part flamande est aussi très importante. Les charbonnages sont tous localisés
en Campine et il ne reste en Wallonie que la petite exploitation du Roton. Le secteur de la
construction et de la réparation navale, est totalement situé en Flandre de même que celui du
textile qui y est implanté à 80%. Quant à l’industrie du verre creux d’emballage, son choix
parait plutôt surréaliste: une seule société est concernée, VERLIPAK. Elle possède trois
entreprises en Wallonie et deux en Flandre. Enfin le secteur de l’énergie nucléaire a son
centre stratégique implanté à Doel en Flandre ! 18
Tableau 4. REPARTITION REGIONALE DES AIDES DE L’ETAT AUX SECTEURS NATIONAUX 1977 à 1980
(1).
Secteur
Verre creux
Flandre
Wallonie
Belgique
128
254
382
Sidérurgie
8.900
16.500
25.400
Textile
1.800
880
2.680
Navales
31.100
-
31.100
Charbonnages
37.800
7.800
45.600
8.200
1.300
9.500
87.928
26.734
114.662
76,7%
23,3%
100%
d’emballage
Constructions
Energie nucléaire
TOTAL
Répartition
(1) en millions de FB .Sources CERW .
Le tableau 4 donne la répartition des aides selon les régions telle qu’elle a été estimée par le
Conseil Economique Régional Wallon. Les résultats parlent d’eux-mêmes : 76,7% des aides
iront aux entreprises flamandes contre seulement 23,3 % aux entreprises wallonnes alors
qu’au départ l’objectif était d’aider la Wallonie à se restructurer et se reconvertir. La manière
Les données relatives aux pertes d’emploi entre 1974 et 1980 dans certains de ces secteurs nous donnent une
idée des impacts différents de la crise en Flandre et en Wallonie : la sidérurgie wallonne perdra 18.268 emplois
contre 2.155 pour la construction navale et 217 pour la Kempense Steenkolen-mijnen de Campine.
18
27
pour la Flandre de concrétiser la solidarité face au déclin industriel wallon, est bien singulière.
Le constat est ici sans appel : forte de son rapport de force dans l’Etat belge, la Flandre ne
s’est « solidarisée » qu’à la condition d’en tirer un avantage substantiel ! Les aides aux
secteurs nationaux ont été réparties de sorte qu’elles stimulaient l’économie flamande qui
n’avait pourtant aucun problème structurel. En Wallonie, la majeure partie du budget des
programmes de restructuration était utilisée pour soutenir la restructuration des entreprises,
ou affectée au volet social de leurs fermetures, pour limiter le choc non seulement
économique mais aussi social. Pendant ce temps, en compensation, les aides aux secteurs
nationaux apportaient aux entreprises flamandes, les moyens d’améliorer leur cash flow, de
diminuer leur niveau d’endettement, d’investir dans les innovations technologiques et de se
positionner ainsi dans le processus de la globalisation de l’économie qui pointait à l’horizon.19
Le montant de ces aides passa de 114 milliards entre 1977 et 1980 à 264 milliards durant la
période de 81 à 85, toujours moyennant une répartition plus favorable à la Flandre qu’à la
Wallonie.
La répartition des aides aux secteurs nationaux fut à ce point inéquitable que la confiance des
wallons dans les mécanismes de fonctionnement de l’Etat belge fut ébranlée au point de
souhaiter la fédéralisation du pays.
La Flandre bloque le soutien à la sidérurgie wallonne et rompt la solidarité nationale.
Simultanément, la Flandre s’est mise à contester le financement national de la sidérurgie
wallonne. En 1981, le député CVP Luc Vandenbrande20 dépose une proposition de loi visant
à régionaliser tous les secteurs industriels et à en assurer le financement par des moyens
fiscaux propres aux régions.21 La loi fut adoptée sans tenir compte des avis défavorables du
Conseil d’Etat qui contestait la légalité de l’imputation aux régions du financement de
secteurs nationaux dont la gestion dépendait de l’autorité nationale.
Plus que tout autre, la loi du 5 mars 1984 relative aux soldes et charges du passé des
Communautés et des Régions et aux secteurs nationaux, mit à mal la solidarité nationale. Elle
19
CNPC, Note sur la situation de la sidérurgie, septembre 1980.
Ce dernier deviendra Président du Gouvernement régional flamand de 1992 à 1999, ensuite Vice-Président et
Président du Comité européen des Régions de 1994 à 2008.
21
Voir à ce sujet, l’analyse très fouillée de Julie Ludmer : Etat de la question, la loi du 5 mars 1984 relatives aux
soldes et aux charges du passé des Communautés et des Régions et aux secteurs économiques nationaux, IEV,
Mars 2007.
20
28
fut votée malgré de vives critiques de parlementaires wallons. Il n’empêche que la gestion des
aides aux secteurs nationaux fut finalement transférée aux Régions en 1989, moyennant un
budget de près de 2 milliards de BEF, répartis à raison de 52 % pour la Flandre, 33 % pour la
Wallonie et 15 % pour Bruxelles22. L’attitude de la Flandre était
devenue à ce point
insoutenable pour les wallons, que le processus de la régionalisation déjà enclenché par la loi
du 8 août 1980 s’accélérera pour donner naissance à un Etat fédéral.
3. LES FONDEMENTS POLITIQUES, ECONOMIQUES ET CUTURELS
DES
RAPPORTS DE SOLIDARITE ENTRE LA WALLONIE ET LA FLANDRE DE
1830 à 1990.
L’analyse des principaux dossiers qui ont fait l’objet d’interventions de l’Etat belge depuis
1830, éclaire l’évolution des rapports de solidarité entre la Wallonie et la Flandre et conduit à
en identifier trois phases successives :
1. Dans une première période, de 1830 à 1960, les relations sont étroites entre l’activité
industrielle du sillon wallon et l’activité portuaire à Anvers. La Wallonie forte de sa
croissance contribue au décollage économique de la Flandre. Dans un contexte
unitaire et solidaire, l’Etat intervient pour développer les équipements portuaires
d’Anvers, les canaux reliant non seulement la Wallonie
mais aussi toutes les
provinces flamandes à la mer, etc. La priorité de la politique économique des
gouvernements belges est centrée sur le développement de l’axe Anvers-Bruxelles
alors que la Wallonie remplit une fonction active de région
contributrice à la
transition d’une Flandre à dominante rurale vers une Flandre industrialisée et prospère.
2. Dans la période de 1965 à 1990, la Wallonie, à l’instar de toutes les régions
européennes de tradition industrielle, connait une crise structurelle d’envergure et
entame un profond processus de déclin de son économie. Parallèlement, la Flandre
sous la pression de la mouvance nationalitaire va faire valoir sa position majoritaire
dans le système de décision politique belge. Le processus de flamandisation des
institutions nationales et la conquête des postes de décision dans l’Etat central vont
progressivement conduire à orienter par priorité les interventions économiques de
22
Lois spéciales du 16 janvier 1989 relatives au financement des Communautés et des Régions, article 56. Elle
sera transférée aux Régions.
29
l’Etat belge vers la région flamande. Ce sera le cas notamment en matière de nouvelles
installations portuaires, d’expansion économique et de soutien aux grands secteurs
économiques nationaux. La Flandre ne viendra pas au secours de la Wallonie
confrontée à son déclin alors qu’elle a bénéficié de sa croissance pendant plus d’un
siècle. Au contraire, elle la stigmatisera comme une région vivant à son crochet. Son
opération de stigmatisation combinée à sa main mise sur les leviers politiques du pays
conduira inévitablement à la rupture des rapports de solidarité entre les deux régions
et dès lors, accélérera le processus de la fédéralisation du pays.
3. Une fois la fédéralisation acquise dans les années 90, et consolidée par son essor
économique, la Flandre se met à contester la « solidarité fédérale » pourtant bétonnée
par les réformes institutionnelles, et à dénoncer
ce qu’il restait de
transferts
financiers vers la Wallonie. Actuellement, une partie importante de la classe politique
flamande n’hésite pas à remettre en question le système fédéral de la sécurité sociale
dont l’objet principal est d’assurer pour tous les belges des allocations de chômage et
le financement des soins de santé aux populations les plus précarisées, il est vrai
majoritairement wallonnes depuis le déclin de la sidérurgie.
3.1. Les déterminants structurels de la dé-solidarité nationale.
Généralement pris pour l’explication ultime, les aspects culturels du conflit ne suffisent pas à
expliquer les constantes pressions de la part de forces centrifuges provoquant la dé-solidarité
nationale de la Flandre. Au terme de l’analyse exposée dans cet article, il apparaît que
l’évolution des rapports de solidarité entre les Régions belges résulte d’une articulation de
facteurs agissant aux trois niveaux : culturel, économique et politique.
3.1.1 Sous-jacents au conflit linguistique git le conflit social abordé différemment en
Flandre et en Wallonie.
Au début de la Belgique, tant en Flandre qu’en Wallonie, toute la classe dirigeante (les
milieux économiques et financiers comme l’élite politique), parlait le français, tandis que le
peuple belge parlait des dialectes, flamands en Flandre et wallons en Wallonie. Libérée de la
domination hollandaise, la Belgique s’est instituée avec le soutien des grands groupes
financiers européens, tels les Rothschild, pour qui le français était la langue internationale
30
utilisée dans toutes les grandes capitales d’Europe. Dans un régime censitaire où le pouvoir
était aux mains d’une classe dirigeante francophone, la culture française demeurait étrangère
à la majorité du peuple flamand. Pour lui, la culture et la langue de la bourgeoisie
francophone symbolisait la supériorité et le mépris d’autant que la langue flamande n’était
pas reconnue dans la Constitution. Tel fut le terrain propice à l’éclosion du mouvement
flamand, moteur de l’émancipation culturelle et sociale de la population en Flandre.
En Wallonie le choix fut autre. Pour les wallons, la langue et la culture française étaient
étroitement liées à l’histoire de la démocratie et, depuis la révolution française, aux idéaux du
siècle des lumières. Avec la montée du socialisme, les luttes ouvrières s’opposaient à la
même classe dirigeante que les flamands mais elles n’avaient pas de consonance linguistique.
Elles s’inscrivaient dans la perspective d’une solidarité internationale entre les travailleurs et
étaient mues par une volonté de préserver une solidarité nationale unissant toute la classe
ouvrière, transcendant ainsi les différences culturelles et linguistiques entre les composantes
territoriales du pays. Ainsi le facteur social combiné au facteur culturel de l’usage de la
langue française constituait
indirectement un ferment solide de la solidarité nationale
soutenue par la grande majorité de la population wallonne. Cela ne fut pas le cas en Flandre
où l’influence de la démocratie chrétienne qui rejetait l’idéologie de la lutte des classes était
prédominante au sein de toutes les composantes de la société flamande.
Cette différence d’approche régionale permet de comprendre que le conflit linguistique entre
flamand et wallon s’est superposé au conflit de classe, ce dernier étant neutralisé en Flandre.
E. Goffman.[1993],
L’usage de la stigmatisation de la Wallonie en Flandre et sa force opératoire.
Comme le définit le sociologue E Goldman, la stigmatisation est la « réaction d’un groupe
ou d’une société envers des personnes ou des groupes minoritaires en leur attribuant une
étiquette qui les catégorise négativement [E. Goffman (1993)]. Nécessairement, la
stigmatisation conduit à opposer une population à une autre, à
justifier des pratiques
discriminantes et des processus d’exclusion d’une communauté par une autre. Les
mouvements populistes et nationalistes connaissent bien la force opératoire de la
stigmatisation qui se construit sur le couple interactif « ami - ennemi ».23. Pour forger son
31
unité interne, une collectivité se construit un « ennemi extérieur » à combattre, réel ou virtuel,
face auquel elle regroupe ses « amis intérieurs ». En Flandre, l’« ami intérieur » se reconnaît
par tout ce qui renforce l’adhésion de la population à la « Nation flamande », à commencer
par la langue. A l’origine de l’Etat belge, pour le mouvement flamand, l’ennemi extérieur était
la bourgeoisie francophone qui contrôlait les pouvoirs économiques, financiers et politiques.
On
peut
comprendre
le
bien
fondé
de
la
création
du
mouvement
flamand,
lorsqu’effectivement les pouvoirs financiers, économiques et politiques belges étaient aux
mains d’une bourgeoisie francophone qui méprisait la langue et la culture flamande. Depuis
lors, le contexte économique, politique et institutionnel de la Belgique a profondément
changé. La langue et la culture française ont été quasi évincées de Flandre. L’Etat s’est
fédéralisé et est théoriquement dirigé paritairement par des élus flamands et francophones.
Dans les faits, aujourd’hui la plupart des postes dirigeants tant dans l’armée que dans les
administrations belges sont occupés par des flamands. Les Régions ont acquis un statut
d’entité fédérée avec des compétences exclusives. Pourtant, la Flandre reste mobilisée par le
combat nationalitaire en s’appuyant toujours sur la stigmatisation d’un adversaire extérieur
qui cependant n’est plus le même. Ce sont maintenant les wallons qui sont devenus l’ennemi
extérieur, objet de la stigmatisation. Les dirigeants politiques flamands, même parmi les plus
modérés, expliquent à leurs électeurs que leurs impôts servent à payer les chômeurs wallons et
que les dirigeants de la Wallonie sont incapables de gérer efficacement leur région. Ce
discours nécessairement diviseur met constamment en avant les différences culturelles et
sociales entre le nord et le sud du pays comme frein au développement de la Flandre.
3.1.2. Le rôle des groupes financiers dans les disparités régionales en Belgique
Le rôle des groupes financiers belges est un second déterminant à l’origine des disparités
régionales et de leur inversion. Leur part de responsabilité est rarement mis en évidence.
Pourtant elle est incontestable. La Wallonie d’abord, puis la Flandre, doivent avant tout leur
essor industriel à la stratégie de ces groupes financiers et l’appui que l’Etat leur a accordé. Si
à l’origine de la Belgique, ils ont d’abord investi en Wallonie, c’est en raison de la richesse
minière et houillère du territoire wallon. S’ils se sont délocalisés vers la Flandre avec
notamment la création du complexe sidérurgique de SIDMAR, c’est en raison des
opportunités nouvelles qu’offraient les voies maritimes et toutes les infrastructures portuaires
32
nationales créées grâce aux interventions de l’Etat. Or, il est évident que la création de
SIDMAR sonna le glas de la sidérurgie en Wallonie !
3.1.3 L’ascension d’une nouvelle classe dirigeante en Flandre.
Un troisième facteur vient s’articuler aux deux premiers : l’ascension d’une nouvelle classe
dirigeante flamande prenant appui sur les visées nationalitaires pour conquérir le pouvoir
économique et politique en Flandre et en Belgique.
En sociologie, le concept de classe dirigeante s’applique à « un groupement de personnes qui,
en fonction des liens qu’elles tissent entre elles, acquiert une influence significative dans les
divers champs sociétaux de la politique, de l’économie et de la culture ».24 De fait, des liens
étroits se tissent entre les promoteurs culturels, économiques et sociaux du mouvement
flamand autour d’un objectif qui ne se limite pas à la reconnaissance de la langue flamande
mais vise aussi l’autonomie de la Communauté flamande. Ainsi, le mouvement des industriels
flamands, le VEV (Vlaams Economisch Verbond)
servira d’appui à l’émergence d’un
pouvoir financier et industriel en concurrence directe avec la classe dirigeante nationale et à
l’ascension en Flandre d’une nouvelle classe dirigeante. Tel est le sens du discours inaugural
du VEV prononcé en 1926 par son président Lieven Gevaert25 : « Nous devons avoir avant
tout conscience que l’organisme que nous appelons à la vie doit être sérieux comme doit
l’être quelque chose qui doit aider effectivement à l’émancipation morale et matérielle de
notre peuple. C’est pourquoi le but que nous avons doit être bien précisé : « nous désirons
que notre langue occupe dans les affaires la place qui lui revient de droit et, que la puissance
économique qui jusqu’ici se trouve encore en bonne partie entre les mains de nos adversaires,
passe lentement mais sûrement aux mains de Flamands convaincus et conscients, qui
l’emploieront à revigorer et à fortifier la communauté flamande ». Par sa déclaration, le
Président du VEV met clairement en lumière l’objectif de conquête du pouvoir du mouvement
nationalitaire pour les industriels flamands. Leur stratégie fut efficace. Elle permit que des
membres du VEV accèdent aux principaux leviers de commande de l’Etat belge. De 1929 à
1940, ils obtinrent les portefeuilles ministériels clés, tels que les Affaires Economiques et les
24
Voir notamment, Touraine, A.[1973], Production de la société, Editions du Seuil, Paris, pp.30-61 et Aron,
R.[2006] Les sociétés modernes, Collection Quadrige, , partie III, Elites et classes, Presses Universitaires de
France,Paris.
25
Ce dernier fut le fondateur de l’entreprise Gevaert et l’initiateur du développement de l’industrie de la
photographie, secteur de pointe à l’époque.
33
Travaux publics pendant 75% de la période, les Communications (PTT,INR ,etc.), les
Transports et l’Agriculture pendant 50% de la période [Quévit, M.(1978), p.105].
3.1.4. La structuration politique du nationalisme du projet nationalitaire flamand
Une tension permanente entre minimalistes et maximalistes.
La tendance nationalitaire a réussi à faire la quasi unanimité en Flandre. Cependant la
classe dirigeante flamande est traversée par des tensions internes qui la partagent entre
deux tendances sensiblement différentes quand à la stratégie à mettre en œuvre.
L’une, dite minimaliste, revendique plus de pouvoir et de contrôle des flamands dans
l’Etat belge pour assurer plus d’autonomie à la Flandre. L’autre plus radicale, celle des
maximalistes a pour visée ultime la séparation de la Flandre, par la création d’un
véritable Etat-Nation flamand. Ces deux tendances vont traverser les clivages politiques
traditionnels
entre libéraux, catholiques et socialistes. De part et d’autre, l’objectif
commun est d’instituer une enclave distincte : la Flandre, dans ou hors la Belgique. En
d’autres termes, soit créer une sorte de Nation dans la Fédération qu’est l’Etat belge, c’est
l’option actuelle du confédéralisme, soit créer un Etat flamand autonome hors de l’Etat
belge, c’est l’option du séparatisme.
La structuration politique des « minimalistes » via une stratégie ciblée au sein du monde
catholique flamand
Le courant minimaliste s’est progressivement organisé politiquement dès la fin de la
première guerre mondiale en tentant de rassembler les forces politiques flamandes autour
d’un programme, une première ébauche de l’enjeu nationalitaire, dit minimum, basé sur
trois revendications : la flamandisation de l’enseignement, de la justice et des
administrations publiques sur le territoire flamand, la division de l’armée en unités
flamandes et wallonnes, la réorganisation de l’administration centrale selon l’équilibre
linguistique des régions. Il obtiendra un réel succès parmi le monde catholique flamand.
La stratégie politique des minimalistes au sein du monde catholique flamand.
34
Craignant la montée de la mouvance socialiste, laïque et franc-maçonne, le monde
catholique réagit en créant la Ligue démocratique belge en 1890. Celle-ci rencontre un
franc succès en Flandre et sert d’appui à l’ascension de la tendance minimaliste via la
mouvance catholique flamande. Sous leur pression, le Parti Catholique national connaîtra
des divisions internes entre deux ailes : l’une francophone et l’autre flamande qui le
conduiront à changer de dénomination et devenir le CVP/PSC (Christelijke
Volkpartij/Parti Social Chrétien). Dans un second temps ces deux ailes se sépareront en
deux partis distincts. Le CVP deviendra la force politique dominante en Flandre
incontournable pour la constitution des gouvernements belges pendant près d’un demisiècle. De 1945 à 1999, il ne sera dans l’opposition que pendant huit ans.Récemment, il a
pris le nom de CD&V. Notons que depuis la fin de la seconde guerre mondiale de 1945 à
20010, la Flandre occupe de manière quasi constante la fonction centrale de Premier
ministre de la Belgique. Ce poste qui est théoriquement le garant de la solidarité nationale
et de l’unité pays a été occupé par un mandataire flamand pendant 61 années soit durant
94% de la période. Les premiers ministres, mandataires de Wallonie ont été rares et n’ont
occupé la fonction que pendant de très courtes périodes.
La structuration politique des maximalistes via des partis nationalistes.
D’orientation
conservatrice
et
également
d’obédience
catholique,
ouvertement
nationaliste, le VNV (Vlaams Nationaal Verbond), créé en 1933, va défendre l’idée d’un
Etat indépendant de la Belgique, rassemblant la Flandre et les Pays-bas. Bien que le
projet n’ait jamais abouti, le VNV va servir d’aiguillon pour profiler sur la scène
politique belge, le projet d’une Flandre indépendante avec de réel succès aux élections de
1936 et de 1939. Il disparaitra bien évidemment après la seconde guerre mondiale payant
ainsi le prix de sa collaboration avec l’occupant, sans que les nationalistes ne renoncent
pour autant à leurs aspirations séparatistes [Luyckx,Th.(1973),p.663-668]. Dans les
années 1950, le mouvement nationaliste flamand se donne une nouvelle structure
politique en créant la Volksunie qui rassemblera un cartel de nationalistes flamands de
tendances fort divergentes. Les uns proches des thèses minimalistes sont favorables au
fédéralisme. Les autres ouvertement d’extrême droite soutiennent les thèses séparatistes.
Finalement le parti se range à l’idée du fédéralisme. Grace à son succès électoral éclatant
de près de 600.000 électeurs en 1977, il jouera un rôle déterminant sur le processus de
fédéralisation du pays. C’est dans son prolongement après sa dissolution que naitra en
35
2001, la NVA (Nieuw Vlaamse Alliantie), parti nationaliste dont la revendication
principale est l’indépendance de la Flandre. Le succès de ce parti sera sans précédent
avec un score de 30% de l’électorat flamand aux élections de 2010.
Le courant « maximalisme » renaîtra de plus belle encore avec la création de deux
nouveaux partis nationalistes : le Vlaams Blok qui deviendra l’actuel Vlaams Belang
(VB)
26
et la NVA ( Nieuw Vlaamse Alliantie). Ce dernier fera cartel avec le CDV pour
obtenir le seuil électoral requis pour avoir des représentants au parlement mais il s’en
séparera pour les élections de 2010 où il obtint un score sans précédent de près 30% avec
27 élus à la Chambre des Représentants. Ces deux partis nationalistes (NVA et VB)
totalisent ensemble 42% des électeurs flamands.
Les tensions entre le CVP et les partis nationalistes flamands : un même électorat
sociologique et une compétition politique constante depuis le suffrage universel
Comment comprendre finalement que cette tension entre maximaliste et minimaliste au
sein du mouvement flamand n’ait pas provoqué d’implosion politique en Belgique et ait
joué en faveur de la cohésion territoriale en Flandre ? Répondre à cette question n’est
pas simple mais un examen attentif des résultats électoraux depuis le suffrage universel
en 1920 à nos jours montre bien que le nationalisme flamand trouve également son
terreau principal dans le monde catholique. Il existe une forte proximité idéologique
entre l’électorat du parti catholique et celui des formations nationalistes, ce qui les met
constamment en compétition. Dans une étude consacrée à la compétition politique en
Belgique, réalisée en 1975 avec le Professeur Michael Aiken, alors professeur à
l’Université du Wisconsin aux USA, consacrée résultats électoraux de 1919 à 1974 en
Belgique, nous avons observé l’existence en Flandre d’une « symbiose sociopolitique »
forte entre les électorats de ces deux familles politiques qui dominaient la compétition
électorale : à chaque élection, chaque fois que l’un augmentait électoralement l’autre
diminuait. L’analyse a montré que de tels transferts électoraux n’existaient pas pour les
deux autres grandes formations politiques flamandes, le parti socialiste et le parti libéral
[Quévit, M et Aiken, M. (1975)].Cette proximité sociologique s’est renforcée en 2007
Suite à la signature du Pacte d’Egmont qui instaurera les Communautés et les Régions, il se créera sous la
houlette de Karen Dillen, promoteur de toutes les tentatives de reformation de partis d’extrême droite, le VNP
( Vlaams Nationale Partij) qui formera un cartel électoral avec le VVP (Vlaams Volkspartij) issu de la scission
de la VU sous le nom du Vlaams Blok.
26
36
par la création d’un cartel entre les deux formations politiques CD/V&NVA qui ensemble
devinrent la force politique majoritaire en Flandre
En guise de conclusion.
L’examen des relations de solidarité financière entre la Flandre et la Wallonie depuis la
création de l’ Etat belge et à nos jours nous conduit à formuler deux remarques importantes
pour l’avenir de la Belgique et indirectement, une pour le devenir de l’ Union européenne :
1. L’enjeu nationalitaire est le moteur de la compétition politique en Flandre.
Actuellement la mouvance nationalitaire domine toute la scène politique flamande. Son
discours imprègne l’ensemble de l’échiquier politique. Tous les partis politiques flamands
l’ont intégré dans leur stratégie. Certains d’entre eux sont ouvertement nationalistes, c’est le
cas de la NV/A et du Vlaams belang. Les autres partis, le CD/V, Open VLD, le SPA et même
le parti écologique, Groen ont au cours de cette dernière décennie intégré des membres de
l’ancienne Volksunie et s’inscrivent dans le courant minimaliste du mouvement flamand.
Rares donc sont les milieux flamands qui s’en distancient si ce n’est dans le monde culturel et
artistique. On peut toutefois se demander quel est l’intérêt d’entretenir en Flandre, l’idéologie
nationalitaire, et de revendiquer l’autonomie de la Flandre, alors que la Flandre majoritaire
contrôle aujourd’hui la plupart des leviers politiques dans l’Etat belge ? L’analyse des
dossiers d’intervention de l’Etat que nous avons examiné dans cet article montre comment la
pression nationalitaire flamande et ses relais politiques ont servi à défendre les intérêts de la
Flandre, à renforcer et à tirer profit de sa position dominante dans l’establishment belge. Dans
ces conditions, il apparaît peu probable que la Flandre renonce à son projet nationalitaire. La
vraie question est de savoir si ses intentions s’arrêteront à le réaliser dans le cadre de l’Etat
belge ou si elles mèneront à la création d’un Etat flamand autonome.
2. La mouvance nationalitaire : une menace pour la politique européenne de cohésion basée
sur la solidarité entre les territoires.
La mouvance nationalitaire n’est pas l’exclusivité de la Belgique. Plusieurs pays européens
voient émerger des mouvements politiques à finalité populiste voire nationaliste [Yves Meny
et Yves Surel (2000)]. L’Espagne est aux prises avec le parti nationaliste catalan. La Ligue
37
du Nord a remporté des succès croissants au nord de l’Italie.
Depuis une décennie,
l’Autriche, la Hongrie, les Pays-Bas connaissent des poussées autonomistes et nationalitaires.
Récemment les pays scandinaves, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède, voient
aussi surgir des poussées populistes significatives lors des élections nationales [Immerfall
R.(1996), pp.410-415]. Cette évolution de l’électorat européen est inquiétante non seulement
parce qu’elle est aux antipodes des principes éthiques qui charpentent la politique de cohésion
territoriale européenne, à savoir la solidarité entre les peuples, la diversité des territoires et le
multiculturalisme
27
mais aussi parce qu’elle menace la cohésion européenne. L’enjeu est
primordial à l’heure où l’Union européenne doit faire face à la globalisation et à la crise de
l’économie mondiale. Il concerne 500 millions de personnes habitant un continent qui
rassemble plus de 260 régions et où l’on parle plus de vingt langues nationales sans compter
les langues locales. Le dialogue interculturel y est un défi majeur. Il le sera plus encore avec
l’ouverture aux nouvelles populations immigrées qui seront indispensables pour permettre à
l’Europe d’affronter la compétitivité des nouveaux pays émergents dans une économie
globalisée.28L’Europe va-t-elle pouvoir résister à la poussée conjointe des tendances
nationalitaires et populistes ?
Commission européenne, Unité de l’Europe, solidarité des peuples, diversité des territoires, deuxième rapport
sur la cohésion économique et sociale, 2001.158 p.
28
Selon la plupart des rapports internationaux consacrés à l’évolution démographique de l’Union européenne et
à son devenir économique dans la période des années 2020 jusqu’à l’horizon de 2040, il manquera
progressivement près de 115 millions de personnes actives pour affronter ses défis mondiaux sur une population
actuellement de 500 millions d’habitants. La raison majeure est le niveau très bas du taux de natalité conjugué
avec la longévité de la population.
27
38
Bibliographie sélective d’ouvrages et travaux consultés.
Archives de l’Université d’ Harvard.[1905], Notice sur le port d’Anvers, Guyot Frères, Editeur, Bruxelles.
Baudhuin, F.[1944], Histoire économique de la Belgique 1914-1939, Tomes I et II, Bruylant, Bruxelles.
Baudhuin, F.[1970], Histoire Economique de la Belgique. 1957-1968, Bruylant, Bruxelles.
Bayenet,B., Capron H., de l’ULB et Liégeois, PH. du CEP/INTSTEAD[2007], L’espace Wallonie-Bruxelles,
Voyage au bout de la Belgique, Ed. de boeck – IWEPS, Bruxelles.
Bublot, G.[1977], « Autoroutes et espace rural belges : aspects économiques », Economie rurale, vol.117.
2001.
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Tableaux.
Tableau 1. REPARTITION REGIONALE DES INVESTISSEMENTS AIDES PAR L’ETAT DANS LES TROIS
PLUS GRANDS SECTEURS AIDES DE 1959 à 1977
WALLONIE
FLANDRE
BRUXELLES
N+*
METALLURGIE
67%
33%
0%
164.039
FABRICATIONS
METALLIQUES
31%
63%
4%
154.817
CHIMIE
31%
68%
1%
210.663
* en millions de FB
Tableau 2. Corrélation entre la décision d’investir et les variables structurelles de l’emploi industriel et du chômage
complet 1959-1973 par province (t-2)
Régions
Emploi industriel
Chômage complet
__________________________________________________________________________
Anvers
+ .74
- .66
Flandre Occidentale
+ .64
- .54
Flandre orientale
+ .79
- .71
Limbourg
+. 22
- .70
_________________________________________________________________________
Hainaut
Liège
Luxembourg
Namur
-. 47
- .19
-.13
- .57
+.71
+.39
+.60
+.42
Sources : M. Quévit, Les causes du déclin wallon,p.204.
Tableau 3. Relation entre les aides de l’Etat et le contrôle régional des ministères au sein des gouvernements successifs
de 1959 à 1973.
Types de ministères
Ensemble des ministères
Ministères économiques
Ministères politiques
40
Contrôle/ Aides de l’Etat
. 75 *
. 79*
. 67*
Ministères sociaux
Ministères culturels
Ministères extérieurs
Ministères politiques + économiques
. 66*
. 63
. 32
. 83*
* P<.05 test de signification (one tailed)
** P<.01 test de signification (one tailed)
Sources : M. Quévit, Les Causes du déclin wallon, p.193.
Tableau 4. REPARTITION REGIONALE DES AIDES DE L’ETAT AUX SECTEURS NATIONAUX 1977 à 1980
(1).
Secteur
Verre creux
d’emballage
Sidérurgie
Textile
Constructions
Navales
Charbonnages
Energie nucléaire
Flandre
128
Wallonie
254
Belgique
382
8.900
1.800
16.500
880
25.400
2.680
31.100
37.800
7.800
31.100
45.600
8.200
1.300
9.500
87.928
26.734
114.662
76,7%
23,3%
100%
TOTAL
Répartition
(1) en millions de FB .Sources CERW .
41
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