Myxome de la mandibule : une tumeur inhabituelle O.Heymans, X. Nélissen, Y.Gilon, D.Jacquemin, J.Fissette (Plus d’informations dans Rev Stomatol Chir maxillofac, 2002, 103,4: 239-241.) Service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique CHU Sart Tilman Liège – Belgique ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Correspondance et tirés à part : Dr Heymans Olivier Service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique CHU Sart Tilman Liège - Belgique 1 Résumé Les myxomes des maxillaires sont des lésions rares dont la pathogénie reste encore fort controversée. Leur indolence et la pauvreté des manifestations qui les accompagnent rendent leur diagnostic souvent tardif et leur prise en charge difficile. Bien qu’histologiquement bénins, leur comportement est localement agressif et récurrent si bien que la prise en charge initiale est cruciale. Ces données impliquent un traitement chirurgical radical afin d’éviter les récidives difficiles à gérer. Summary Maxillo-mandibular myxomas are rare lesions and their pathogeny remains unclear. The poor clinical picture and the absence of pain makes the diagnosis difficult. Because of the long lasting evolution, the tumor is usually large at the time of diagnosis. Although this tumor is begnin, the local agressivity and the high rate of recurrence involve a radical treatment. Keywords : Myxoma - jaws 2 Introduction Les myxomes maxillaires sont des lésions rares, survenant le plus souvent chez le jeune adulte. Ces tumeurs dont la pathogénie reste encore fort controversée ne représenteraient que 0.04% à 0.6% des cas de chirurgie orale.(7) Ces données ainsi qu’une présentation clinique très variable rend l’étude de cette tumeur fort intéressante. Nous présentons un cas assez particulier suivi d’une revue de la littérature permettant de synthétiser les données cliniques ainsi que la stratégie thérapeutique à adopter. Observation clinique Un patient, âgé de 23 ans, sans antécédent particulier, consulte pour un gonflement rapide de la région parotidienne gauche ayant débuté trois mois auparavant accompagné de troubles occlusifs. L’examen de la région met en évidence une masse indolore, saignant au contact, localisée à la partie postérieure de l’arcade dentaire inférieure. Il n’y a pas de paralysie faciale ni de paresthésie labio-mentonière. L’orthopantomograme met en évidence un large envahissement de la mandibule, s’étendant de la région parasymphysaire à la région sous-condylienne. L’examen tomodensitométrique computérisé montre la présence d’une volumineuse lésion tumorale polycyclique de la région angulaire gauche étendue à la branche montante sans atteindre le col et le condyle mandibulaires. La lésion envahit le maxillaire, la région bucco-massétérine, la fosse sous-temporale et la paroi pharyngée. Une scintigraphie du corps entier au 99mTc HDP est réalisée et révèle une hyperfixation au niveau de la mandibule et du maxillaire du côté gauche. Le reste du bilan d’extension ne révèle rien de particulier. La biopsie ‘à ciel ouvert’ met en évidence un tissus de granulation d’allure banale. Malgré les résultats rassurants obtenus à l’examen anatomo-pathologique, l’indication d’excision chirurgicale est posée. 3 L’intervention est réalisée sous anesthésie générale, par un abord cervical gauche et trans-mandibulaire. La pièce de résection mandibulaire s’étend de la dent 35 jusque sous du col du condyle. Un abord préauriculaire est réalisé afin de pratiquer une résection d’une partie de l’arcade zygomatique ainsi que du maxillaire supérieur. Ne souhaitant pas de reconstruction ‘compliquée’, une plaque de reconstruction est mise en place. L’examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire permet de poser le diagnostic de myxome mandibulaire et maxillaire. Les suites opératoires sont simples. Une parésie transitoire du rameau palpébral du nerf facial est présente durant les premiers jours de la période post-opératoire. Quatre ans après l’intervention, aucune récidive n’est diagnostiquée et la fonction oro-faciale est normale. Discussion Les myxomes de la mandibule sont des tumeurs rares dont l’étiologie exacte reste encore imprécise. En effet, il existe deux théories s’opposant quant à la pathogénie. La première plaide en faveur du développement de cellules souches persistant au sein du tissus conjonctif, tandis que la deuxième soutient une dégénérescence myxomateuse du stroma fibreux.(4/4, 4/5) La présence occasionnelle d’un épithélium odontogénique au niveau de la tumeur suggère une origine dentaire.(3) Bien que les consultations soient habituellement tardives dans ces cas, empêchant toute distinction, Thoma et Goldman(4/7), distinguent deux types de myxomes: le central et le périphérique. Le type central croît assez lentement, proliférant au sein de la mandibule, refoulant la corticale osseuse(4). Un envahissement des tissus mous peut survenir au cours de l’évolution. Cette évolution est généralement asymptomatique, la perte d’une dent peut en être le seul signe d’appel.(1) Le type central pose également un problème radiodiagnostic, il se 4 comporte non-spécifiquement, comme une lésion ostéolytique, indistinguable d’une dysplasie fibreuse, d’un adamantinome, d’un hémangiome, d’une tumeur à cellules géante. Le type périphérique, fréquemment localisé dans les processus alvéolaires de la mandibule ou du maxillaire, est souvent confondu avec un épulis.(4) Les données cliniques concernant le myxome sont variables. La plainte la plus fréquente est celle d’une masse, le plus souvent indolore, de croissance lente. Une perte dentaire peut accompagner l’évolution(8). Les données radiologiques peuvent être classées en trois catégories. L’aspect en « bulles de savon » témoigne d’une perte de la structure trabéculaire de l’os. Le tissu osseux apparaît divisés en de multiples loci, eux-même ultérieurement divisés par des septa prenant l’aspect de cavités rectangulaires ou triangulaires. Le myxome peut prendre l’aspect de lésions kystiques solitaires ou multiples, formées par des loci entourés de matériel osseux. Ces lésions ostéolytiques sont souvent entourées par une zone marginale de haute densité radiographique. Il peut enfin se manifester sous forme de spicule résultant de l’effraction tumorale à travers la corticale osseuse, envahissant les tissus mous avoisinants. Cet aspect imposera un diagnostic différentiel avec un ostéosarcome.(1) L’approche tomodensitométrique apporte de précieux renseignements quant à la topographie mais reste peu spécifique de cette lésion. Histologiquement, la lésion est caractérisée par des cellules étoilées baignant dans un matériel mucoïde abondant contenant des mucopolysaccharides et un réseau de fibres réticulaires.(8) Il n’y a aucunes atypies relevées, l’activité mitotique est faible.(2) Un épithélium odontogénique peut parfois être mis en évidence dans la tumeur.(3) Les études ultrastructurelles ont démontrés la ressemblance des cellules tumorales avec des fibroblastes modifiés appelés myxoblastes(7). Bien que ces caractéristiques n’évoquent aucunement la malignité, l’expansion locale et destructrice de la tumeur inquiète souvent. 5 Dans ce cadre, le diagnostic différentiel comprend plusieurs tumeurs agressives telles le liposarcome myxoïde envahissant secondairement la mandibule, le fibrosarcome avec des modifications myxoïdes, et le liposarcome osseux primaire. La littérature fait état de nombreux traitements allant de l’énucléation conservatrice à la résection partielle ou totale.(7, 1) Cependant, malgré la bénignité de la tumeur, le risque de récidive dictera l’attitude thérapeutique. En effet, les tumeurs myxomateuses ont, en toutes localisation, la réputation de fréquemment récidiver(). Le traitement conservateur sera donc pris avec prudence, seulement pour une lésion non extensive permettant un suivi aisé. Au niveau de la mandibule, les résultats des résections conservatrices montrent une récidive dans 25 % des cas. Selon Cherrick (7/22) les récidives suite à un traitement conservateur sont deux fois plus fréquentes pour les lésions maxillaires que mandibulaires (31.2 % de récidive mandibulaire, 80.9% de récidive maxillaire). Ces récidives posent alors des problèmes locaux ressemblant à ceux posés par les tumeurs malignes. Un traitement plus agressif impliquera une ostéotomie mandibulaire sacrifiant le nerf mandibulaire et les parties molles envahies. La continuité mandibulaire devra être rétablie si possible par un lambeau libre type péroné. Conclusion Le myxome mandibulaire est une tumeur rare, d’étiologie incertaine. Cette tumeur bénigne à croissance relativement lente, doit être traité de manière radicale pour minimiser autant que possible sa récidive. Le traitement conservateur sera entrepris pour des lésions non extensives. Les récidives sont plus fréquentes au niveau maxillaire que mandibulaire. Le traitement radical sera réalisé si la lésion est extensive ou récidivante. 6 Références 1. SCHMIDSEDER R., GRODDECK A., SCHEUNEMANN H., Diagnostic and thérapeutic problems of myxomas(myxofibromas) of the jaws., Journal of Maxillo-Facial Surgery 1978, 6:281-286 2. CHUCHURRU J.A., LUBERTI R., CORNICELLI J.C., DOMINGUEZ F.V., Myxoma of the mandibule with unusual radiographic appearance., Journal of Oral and Maxillo-Facial Surgery 1985, 43: 987-990 3. GHOSH B.C., HUVOS A.G., GEROLD F.P., MILLER T.R., Myxoma of the jaw bones, Cancer 1973, 31: 237-240 4. ATAMAN M., SARIOGLU T., AYAS K., Myxoma of the mandibule, Internationnal Journal of Pediatric Otorhinolaryngology 1993, 27: 183-186. 5. McCLURE D.K., DAHLIN D.C., Myxoma of the bone, Mayo Clin. Proc. 1977, 52: 249253. 6. KESZLER A., DOMINGUEZ F.V., GIANNUNZIO G., Myxoma in childhood: an analysis of 10 cases., Journal of Oral and Maxillo-Facial Surgery 1995, 53: 518-521. 7. WONG G.B., Large odontogenic myxoma of the mandibule treated by sagittal ramus osteotomy and peripheral ostectomy., Journal of Oral and Maxillo-Facial Surgery 1992, 50: 1221-1224. 8. CANALIS R.F., SMITH G.A., KONRAD H.R., Myxoma of the head and neck, Archives of Otolaryngology 1976, 102: 300-305. 7