les propositions du rapport Berger Lefebvre

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Les principales propositions du rapport Berger / Lefebvre
1. Favoriser l’épargne longue pour mieux financer l’économie réelle
La commande du Premier ministre visait plus spécifiquement une réforme de l’épargne longue,
dans le sens d’une amélioration du financement de l’économie française tout en respectant
l’engagement d’un alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du
travail, fil à plomb d’une future réforme fiscale. Dix recommandations et quinze propositions ont
ainsi été présentées pour atteindre cet objectif d’ici à 2017.
On retrouve dans le rapport des préoccupations déjà énoncées il y a quelques mois notamment à
l’occasion du rapport Gallois. C’est le cas avec la volonté commune d’orienter davantage l’épargne
longue vers les investissements de long terme indispensables à la croissance économique.
Sur ce plan, le rapport Berger / Lefebvre fait bien du financement productif l’enjeu de ses
propositions. Cela rejoint des positions défendues par FORCE OUVRIERE.
L’objectif est de drainer 100 Mds€ depuis l’épargne financière (qui représente 3 600 Mds€ au
total) vers le financement de l’activité, notamment industrielle, avec une attention particulière
pour les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) et les Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui
devraient bénéficier au moins du quart d’une telle réorientation. Cette orientation est positive dès
lors que le contrôle et les conditionnalités (pour les investissements et l’emploi) seront instaurés.
2. Un nouveau contrat d’assurance-vie orienté croissance
En novembre 2012, le Commissaire général à l’investissement avançait l’idée d’allonger la durée
des contrats d’assurance-vie afin de promouvoir des placements longs et risqués correspondant
mieux à l’horizon et aux besoins de financement du secteur industriel.
Les députés préconisent la création d’un nouveau type de contrat d’assurance-vie intitulé « Euro
Croissance ». Modelé sur les contrats dits « euros diversifiés » mais offrant un rendement plus
élevé, il combinerait des placements en actions et en obligations.
Afin de favoriser les financements risqués, en titres de dette ou en fonds propres des entreprises,
la garantie du capital ne serait effective qu’à l’échéance du contrat et non de manière
permanente. FORCE OUVRIERE remarque que si l’épargne ainsi investie demeure sécurisée, la
marge de manœuvre des assureurs serait fortement accrue…
3. Une fiscalité modulée selon le risque
Toujours dans le domaine de l’assurance-vie (1 400 Mds d’encours, soit 40% de l’épargne
financière), les contrats en euros déjà souscrits auraient la possibilité d’être modifiés sous une
formule diversifiée, sans remettre en cause l’ancienneté du contrat et donc les avantages fiscaux
inhérents.
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Le rapport propose également une modulation de la fiscalité sur les contrats en euros. Inchangée
pour les encours inférieurs à 500 000 euros1, son application au-delà de ce montant serait
conditionnée à une évolution des modalités d’investissement (contrat en unités de compte –
SICAV, fonds communs de placement… – ou contrat « Euro Croissance »).
Selon l’évaluation des rapporteurs, le report des contrats en euros vers des contrats « Euro
Croissance » pourrait libérer au moins 20 Mds€ d’ici 2017 pour le financement de l’activité
économique. Et les nouveaux flux d’épargne au profit de ce contrat, du fait du conditionnement
de l’avantage fiscal pour les plus gros patrimoines, devraient générer pas moins de 50 Mds€.
Avec 70 Mds€ ainsi réorientés, sur un objectif global de 100 Mds€, le contrat « Euro Croissance »
apparait comme la martingale du rapport.
Les acteurs du secteur, à l’instar du Président de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance
(FFSA), mettent en garde contre un excès de complexité des nouveaux produits et des nouvelles
règles qui remettraient en cause, selon eux, la liquidité des contrats d’assurance vie. Si cela mérite
d’être vérifié, permettre d’utiliser 70 Mds€ pour financer l’économie réelle plutôt que de spéculer
va dans le bon sens !
4. Instaurer un PEA dédié aux PME
Toujours avec le souci de flécher au mieux l’épargne vers le financement des entreprises, les
députés proposent d’élargir la gamme des plans d’épargne en actions en créant un PEA–PME
ouvert non seulement aux particuliers mais aussi à des investisseurs institutionnels.
En parallèle, ils considèrent qu’un aménagement de la fiscalité pour les particuliers investissant
dans des PME ou des ETI serait pertinent. Sur ce point, il leur apparaît délicat mais nécessaire de
concilier la protection des épargnants et le degré de risque propre à ce type d’investissements.
Bien calibré, un tel produit pourrait drainer 3 à 4 Mds€ vers le financement de l’activité des PME
et ETI.
5. Préserver et encourager l’épargne populaire
Sans grande surprise, le rapport prône une stabilité du cadre législatif de l’épargne réglementée. Il
s’agit en effet de ne pas remettre en cause la confiance des particuliers envers les dispositifs
d’épargne populaire (Livret A, Livret de Développement Durable).
En clair, les avantages sociaux et fiscaux accordés aux produits tels que le livret A ne sont pas
visés. De plus, les députés valident le doublement de son plafond, déjà officiellement engagé.
Rappelons en effet que le plafond du Livret A s’est vu augmenté en quelques mois et en deux
étapes de 50 %, pour s’élever à 22 950 euros à compter du 1er janvier 2013. L’objectif affiché se
traduirait donc à terme par à un relèvement du plafond à 30 600 euros (ce qui ne risque pas de
concerner beaucoup de salariés2…).
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En pratique, les contrats d’un montant de cet ordre ne concernent que les 1% des ménages les plus fortunés.
Plus de la moitié des salariés gagnent moins de 1800€/mois, la notion « d’épargne » est loinde leurs préoccupations
et possibilités…
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On ne s’étonnera pas non plus que cette adhésion aux engagements présidentiels ne soulève pas
l’enthousiasme des acteurs bancaires qui voient leur échapper une part de la collecte à la caisse
des dépôts et consignations au profit du financement du logement social.
Les rapporteurs assument clairement cette orientation au nom du « financement par la puissance
publique des priorités d’intérêt général ». Ils se déclarent même partisans d’un élargissement des
secteurs bénéficiaires des fonds issus de l’épargne réglementée à des grands programmes
d’infrastructures (20 Mds€), voire à des compléments aux interventions de la banque publique
d’investissement sous forme de prêts de refinancement (10 Mds€). FORCE OUVRIERE considère
que ces orientations vont dans le bon sens.
Au total, les mesures préconisées en faveur de l’extension de l’épargne populaire pourraient
dégager près de 30 Mds€ et compléter les 70 Mds€ provenant des mouvements au sein de
l’assurance vie.
6. Un rapport très mesuré
Globalement, le rapport ne formule pas de recommandations de nature à révolutionner le cadre
de l’épargne mais essentiellement des aménagements sensés pousser les épargnants individuels à
privilégier des placements plus risqués orientés en direction des PME et ETI afin de palier leurs
difficultés de financement.
Les acteurs de la finance, aussi bien assureurs que banquiers, ne devraient pas trop trembler
devant les évolutions proposées…
Pourtant, la remise en cause des avantages fiscaux pour les gros patrimoines suscite des réactions
hostiles pour le moins disproportionnées. Les rapporteurs justifient ce qui pourrait passer pour de
la frilosité par le souci de ne pas troubler davantage un contexte économique pour le moins
instable3. Il ne s’agit pas de promouvoir de nouveaux dispositifs assortis d’incitations fiscales alors
que les ressorts de la demande sont tous au point mort et que l’épargne nationale demeure en
moyenne et au niveau macroéconomique très élevée. Dans une conjoncture marquée par
l’incertitude, la promotion du risque n’apparaît pas chose aisée. De fait, seuls les hauts revenus
semblent potentiellement concernés par l’essentiel des propositions ayant trait à l’assurance vie :
environ 250 000 ménages, soit 1% d’entre eux, concentrent actuellement le quart des encours de
l’assurance vie…
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« Il serait au demeurant tout à fait inapproprié, dans le contexte de croissance faible que nous connaissons en France
et en Europe et eu égard à la situation des finances publiques, de peser davantage sur la demande intérieure en
développant de nouveaux produits et de nouvelles incitations fiscales visant à relever le niveau d’épargne des
Français »
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