Développement économique endogène et emploi local

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Colloque IGR « Développement économique endogène et emploi local »
22.02 2013 EAO 0tzenhausen
Synthèse des exposés et conclusions des débats
« Les zones rurales ont un avenir, si elles se prennent en mains »
SYNTHESE DES EXPOSES
Les premiers exposés des experts réunis pour cette journées se sont attachés à une approche
globale et générale de la question du développement endogène ; les derniers avaient trait à une
approche davantage locale ou sectorielle, avec des exemples concrets.
Approche globale
1. Dans son exposé introductif, Stefan Mörsdorf (EAO) souligne d’emblée les mutations
profondes auxquelles les espaces ruraux, dans leur diversité, sont appelés, en raison des
tendances socio-politiques lourdes de l’avenir de nos sociétés : mutation démographique,
poursuite de la densification urbaine, coût de l’énergie et charge environnementale des
transports, endettement et réduction des dépenses publiques. Par ailleurs, l’agriculture n’est
plus et ne sera plus à l’avenir la colonne vertébrale économique de la ruralité, en termes de
création de richesse et d’emploi, même si elle conserve d’importants potentiels nouveaux,
notamment dans les énergies renouvelables, la diversification, la valorisation des produits
régionaux par circuit court, etc… Les sources endogènes pour un nouveau développement des
zones rurales sont à rechercher dans la diversification vers les services (santé, aide aux
personnes, commerce/services (ambulants), …), la production d’énergies renouvelables,
également génératrice de nouvelles ressources pour les Communes, le télétravail (passage
« de la culture de la présence à celle de la confiance ») grâce à l’équipement numérique à
haute performance. Pour permettre cette évolution, un changement du paradigme de la
PAC européenne est indispensable : abandon d’une politique exclusive de soutien aux
revenus de la production agricole dans le 1er pilier, renforcement important du 2ème pilier,
permettant diversification, soutien aux infrastructures et aide aux services.
2. Mathias Schmitt (IHK Trier) met l’accent sur le rôle prépondérant de l’artisanat et du
commerce de proximité pour l’avenir des zones rurales. Les enquêtes menées dégagent
comme priorités pour l’attractivité et le développement des zones rurales les facteurs
suivants : la formation professionnelle continuée, l’image locale, l’équipement numérique, les
infrastructures de transport, le soutien aux PME, la qualité de vie et l’accès aux biens et
services : dans ce domaine, le commerce de proximité, avec le renforcement des circuits
courts, jouera à l’avenir un rôle crucial, comme vecteur économique et d’emploi et comme
réponse aux besoins de la population.
3. Yves Karier (Guichet unique, SICLER Wiltz) insiste également sur le rôle déterminant des
PME comme moteurs du développement rural. Le but du guichet unique, organisé par les
pouvoirs locaux associés, est de leur apporter le soutien public gratuit et neutre et d’effacer
la distance administrative : information, formation, accélération des procédures (best
practice administrative, rôle d’interface entre entreprise, pouvoirs locaux et administrations).
4. Hans-Ulrich Thalhofer (Umweltzentrum Saarbrücken, Regionalentwicklung) abonde dans
le même sens : les PME et l’artisanat sont décisifs pour l’avenir économique des zones
rurales et leur développement à partir des ressources propres ; les pouvoirs locaux doivent, en
synergie avec les groupes Leader, leur apporter leur appui stratégique et se grouper pour
atteindre l’échelle adéquate : identification des ressources propres, vision d’avenir commune,
définition de projets, soutien privilégié à l’artisanat local (marchés publics), appel aux fonds
européens Leader.
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5. Henry Demortier (Idelux-Aive) expose la stratégie de développement économique
diversifiée poursuivie par son intercommunale, visant à stimuler les atouts et potentialités
locales (exemples : le tourisme historico-culturel, la transformation de la viande, la logistique,
l’aéro-spacial, …) et met en évidence la nécessité, pour les pouvoirs publics à tous les
niveaux de créer les conditions favorables à ce développement , en regrettant un manque de
soutien des autorités régionales et fédérales belges ; les succès d’avenir exigent une stratégie
de long terme, avec des projets structurants à l’échelle locale, un renforcement des
échanges et de la cohérence entre les niveaux de pouvoir et une attention prioritaire à la
question de l’énergie et de sa distribution.
Approche locale ou sectorielle
6. Anja Schramm (inexio Saarbrücken) illustre le potentiel de l’équipement numérique et
d’un accès internet de haute performance pour la croissance et l’emploi en zone rurale, dans
le contexte donné des mutations démographiques, et souligne le rôle déterminant des
communes et pouvoirs locaux dans cette dynamique : c’est une condition sine qua non pour
la création de PME concurrentielles et pour la qualité de vie dans ces zones.
7. Sarah Mathieu (GAL Luxembourg-Ouest) présente, à l’appui d’exemples, les axes de la
stratégie de développement du groupe Leader local, centrée sur la valorisation des produits
du terroir : union des forces sur un territoire élargi, projets communs sur base des
ressources locales (ex : valorisation viande locale dans restaurant, production et
commercialisation de légumes, éducation des enfants aux ressources locales), relais Leader
pour l’aide à la communication et à l’élaboration de concepts de marketing, à la
commercialisation directe (circuits courts), à la formation et à l’expertise des acteurs.
8. Philippe Eschenauer (GAL Miselerland) apporte un autre éclairage sur la même stratégie
de développement local à partir des produits du terroir, avec une dimension
transfrontalière : l’objectif poursuivi par la création de l’appellation « Terroir Moselle »
consiste à valoriser la Moselle, « épine dorsale transfrontalière », comme vignoble et terroir
de tourisme œnologique pour les métropoles de la Grande Région : regroupement des
producteurs de Lorraine, Sarre, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat, projet de création d’un
GEIE, initiatives et actions communes : participations à foires et salons, rencontres et
workshops d’échanges, élaboration d’outils communs (carte transfrontalière, …) et d’une
communication commune.
9. Achim Hill (Energieagentur Region Trier) les atouts que peuvent valoriser les régions
rurales dans le cadre de la mutation en cours vers les énergies renouvelables, tant en matière
d’électricité que de chaleur et les avantages que les pouvoirs locaux peuvent en tirer :
recettes locatives de terrains loués pour la production d’énergie, développement de centrales
en régie propre, impulsion et soutien aux groupements de proximité pour la production de
chaleur, initiatives avant-gardistes de performances énergétiques dans la rénovation et la
construction de bâtiments publics, recours privilégié à l’artisanat local dans les contrats
publics, vente de bois domanial pour la production d’énergie, …
10. Jean-Baptiste Carlu (Chaudronnerie d’Arrancy, Meuse), apporte le témoignage du
patron d’une PME lorraine de l’espace rural et épingle les conditions du succès des PME et de
l’artisanat en zone rurale : la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée (formation),
l’attention renforcée des pouvoirs publics aux écarts transfrontaliers de charges salariales, le
développement de circuits de vente de proximité pour la valorisation des produits locaux,
l’amélioration de l’accès au crédit d’investissement.
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11. Olivier Hallé (Lorraine Toiture, Sierck-les-Bains, Moselle) appelle les pouvoirs publics
locaux à opter résolument pour une « plus-value sociale et territoriale », en privilégiant,
grâce aux clauses de responsabilité sociale, les PME et l’emploi local dans les marchés
publics. Il appelle également à un véritable dialogue public-privé entre pouvoirs locaux et
entreprises pour un développement cohérent des territoires.
12. Guillaume Stilmant (Créajob, Louvain-la-Neuve) souligne le potentiel important que
représentent les TPE (toutes petites entreprises) pour le développement des zones rurales,
en particulier dans des secteurs comme la valorisation locale des produits agricoles (circuits
courts) et le tourisme rural et la nécessité de leur offrir un accompagnement particulier dans
la phase initiale de création d’entreprise : « couveuse d’entreprises », Créajob prend la TPE
en mains, du business plan au financement, et assure un suivi d’accompagnement.
13. Camille Gira (Député-Bourgmestre, Redange) présente les recettes de la « success
story » du groupement territorial du Canton de Redange et illustre le potentiel d’initiative
déterminant des pouvoirs locaux dans la redynamisation des zones rurales. Les communes
se sont groupées à l’échelle du Canton pour définir une stratégie, des projets et une politique
commune, dans les secteurs de l’économie, l’éducation et la formation, la culture, la qualité
de vie. Ce groupement a permis d’inverser la courbe décroissante de population. Il relève
les facteurs de succès suivants : identifier et valoriser les potentialités endogènes (économie),
mettre en œuvre le principe « buttom-up », en dialogue avec la société civile, privilégier la
coopération et éliminer la concurrence, développer les réseaux, créer et favoriser les circuits
courts dans l’économie.
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CONCLUSIONS DES DEBATS
1. Malgré les tendances persistantes des mutations démographiques, la priorité des stratégies
urbaines et métropolitaines, les menaces que représentent la charge croissante des coûts de
l’énergie et du transport, ainsi que les enjeux de la gestion parcimonieuse des territoires et de
la protection de l’environnement, les espaces ruraux disposent de réels potentiels de
croissance et de (re)développement, à condition de se prendre en main, de se doter des
structures et des moyens nécessaires et de poursuivre les stratégies adéquates.
2. Il faut tirer les leçons des exemples de succès et les mettre à profit dans son propre
contexte ; il faut également identifier les dangers qui menacent l’avenir à long terme et les
combattre : les exemples du redéploiement économique et démographique du Luxembourg
belge, du Canton de Redange, les expériences positives des GAL dans la valorisation des
terroirs démontrent à la fois l’existence de potentiels de développement et la nécessité d’une
vision et d’une stratégie de long terme, coalisant tous les acteurs locaux, en vue d’agir sur
les facteurs extérieurs, à l’échelle régionale, nationale et européenne.
3. Les potentiels de développement économique endogène sont variés : parmi les plus
prometteurs, émergent la production d’énergies renouvelables, la valorisation des ressources
du terroir agro-forestier, l’entretien du patrimoine naturel, les loisirs et le tourisme verts,
la diversification des activités, appuyée sur les PME et l’artisanat local, vers les services et
le commerce de proximité, enfin le développement du télétravail.
4. Le (re)développement économique des zones rurales est cependant soumis à un ensemble
de conditions impératives, sans lesquelles leur déclin est inexorable :
- la couverture en équipements modernes performants, notamment un réseau de câblage
numérique pour la rapidité des connexions internet, les infrastructures d’accueil
d’investissements (zones artisanales et industrielles, zones commerciales, zones de
services), les infrastructures et équipements de transport et de communication pour les
biens et les personnes ;
- l’attractivité des espaces d’habitat et la qualité de vie des habitants : seules les zones
socialement attractives ont une chance de développement économique ! Ceci postule une
image soignée et attirante de la région, une mobilité satisfaisante, un accès aisé aux biens
(commerce de proximité) et aux services : enseignement/formation, culture, loisirs, soins de
santé et soins aux personnes, etc…
5. La satisfaction des conditions précitées postule la présence de structures de coordination
et d’action, publiques (associations/syndicats de communes) et mixtes (GAL, comités de
projets, …) permettant la définition de stratégies globales, le dialogue permanent entre tous
les acteurs privés et publics et avec les échelons de pouvoir supérieurs et le développement
d’une action durable, constante, axée sur le long terme.
6. Dans cette dynamique, le rôle des pouvoirs publics locaux est déterminant, notamment
dans la perspective des enjeux suivants :
- la définition d’une stratégie territoriale globale et l’animation de l’action dans la durée ;
- la mise en place de projets structurants pour le territoire, ses entreprises et ses habitants ;
- le développement d’une politique résolue de soutien des PME et de l’artisanat local,
couvrant un ensemble de domaines : formation professionnelle, politique de l’emploi et de la
mobilité de la main-d’œuvre, aide à la création d’entreprises et au financement, conseil
stratégique, accompagnement administratif, faveur aux PME et à l’emploi local dans les
marchés publics, encouragement à la diversification vers les services à la population,
développement de circuits courts pour la commercialisation des produits locaux ;
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- le relais des enjeux du développement rural local vers les niveaux de pouvoir supérieurs,
régionaux, nationaux et européens (voir point 7) ;
- la prise en compte de la valeur ajoutée de la Grande Région et l’encouragement au
développement de projets transfrontaliers (voir point 8).
7. Le développement d’une stratégie territoriale durable à l’échelle locale ne peut réussir sans
un dialogue avec les autorités régionales et nationales, en vue de la cohérence des mesures
normatives et de l’accès aux moyens financiers : ce dialogue nécessite la présence et l’action,
à l’échelle locale, de structures territoriales fortes, cohérentes et crédibles pour faire
entendre leur voix. Cette action des structures locales sera particulièrement déterminante dans
le dialogue avec l’Union européenne en vue de la nécessaire adaptation de la Politique
agricole commune (PAC). Cet enjeu est crucial pour l’avenir des zones rurales, l’UE et la
PAC constituant la source décisive de financement des politiques de développement rural. Il
est vital de coaliser les forces en vue d’obtenir à terme l’abandon de la politique exclusive de
soutien aux revenus de la production (1er pilier) au profit du renforcement du 2ème pilier
infrastructures et la poursuite de stratégies territoriales locales intégrées et durables.
8. Enfin, l’exemple du succès de « Terroir Moselle » illustre le potentiel de développement et
la valeur ajoutée qu’offre la dimension transfrontalière à l’échelle de la Grande Région.
Cette valeur ajoutée s’exprime à plusieurs niveaux :
- l’élargissement des perspectives et des champs d’action pour de nouveaux projets
structurants ;
- l’efficacité et la cohérence territoriale « géographique » dans des secteurs où les frontières
nationales ne correspondent pas aux réalités des matières traitées et des projets à développer;
- le renforcement de la puissance d’action et de la lisibilité des structures de coopération ;
- l’accès élargi et étendu aux sources de financement européennes, par la possibilité
d’actionner différents leviers (LEADER, Interreg, Fonds social européen, …)
Ceci mérite d’être souligné comme la conclusion des conclusions : des projets transfrontaliers
existent, mais ils restent trop peu nombreux. Il convient de les encourager par une politique
volontariste. A l’instar du potentiel des énergies renouvelables, la Grande Région représente
encore, pour nos zones rurales, un gisement largement inexploité !
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