1 La présence de l'islam sur le sol espagnol s'étend sur 8 siècles, de 711 - date de l'invasion musulmane de la péninsule ibérique par les troupes de Tarik et Moussa , émissaires du calife omeyade de Damas - à 1492 date de la prise de Grenade par les rois catholiques et, par conséquent la chute du dernier sultanat nasride - . L'art mudéjar parmi toutes les riches manifestations de l'art islamique, se distingue par son caractère singulier et unique. C'est une manifestation sans équivalent dans le reste de la culture islamique, dans la mesure où il est né dans des circonstances historiques très spéciales : celles de l'Espagne du Moyen Age, circonstances que l'on ne retrouve dans aucun autre territoire dominé par l'islam. La reconquête de Tolède, en 1085, et de Sarragosse, en 1118, porte en elle les prémices d'une situation nouvelle pour les chrétiens : l'occupation de grands centres urbains et de leurs territoires respectifs, alors qu'ils ne disposaient pas du potentiel humain pour les repeupler. Cela conduisit à une décision politique dont les conséquences allaient s'avérer durables pour la culture médiévale espagnole : l'autorisation accordée à la population musulmane vaincue de rester sous domination chrétienne dans les territoires reconquis, moyennant le paiement d'un tribut. Ils pouvaient conserver la religion musulmane, la langue arabe et une organisation juridique propre. On les appela les Mudéjars. Pendant que ceux-ci s'intégraient au nouvel ordre socio-culturel, les chrétiens éprouvaient une fascination manifeste devant les monuments islamiques des villes conquises. Bientôt les alcazars musulmans furent transformés en palais pour les rois chrétiens et les mosquées furent purifiées et consacrées comme cathédrales et églises. Parallèlement les royaumes chrétiens maintinrent d'étroites relations culturelles avec les territoires d'Al-Andalus - nom qui avait été donné par les chroniqueurs arabes aux terres de la péninsule ibérique dominées par l'islam - non encore reconquis, et plus spécialement avec le royaume nasride. Cette rencontre entre les traditions artistiques islamique et chrétienne donna alors lieu à une expression artistique nouvelle et différente de chacun des éléments qui la composent. C'est l'authentique expression plastique de la pensée d'une société dans laquelle coexistaient chrétiens mudéjars et juifs. Cependant, et peut-être à cause de son caractère singulier, le mudéjar est parmi toutes les manifestations de l'art espagnol, celle qui a été 2 interprétée de la façon la plus contradictoire et avec des positions très contrastées. L'art mudéjar a maintenu la dimension la plus essentielle de l'art islamique : l'ornementation, mais il ne doit pas être réduit à ce seul registre puisqu'il affecte considérablement les éléments structurels : - de nombreuses tours-clochers, composées d'un corps de minaret auquel on a superposé un corps de clocher; celles d'Aragon de section carrée ou octogonale sont composées de 2 tours, l'une enveloppant l'autre, avec la cage d'escaliers entre les deux et la tour intérieure divisée en niveaux superposés. - les armaduras pour les couvertures, aussi bien celles de "par y nudillo" que celles à "limas". Si elles présentent de plus grands risques d'incendie, elles répartissent également la charge sur les murs, ce qui permet une construction murale plus indifférente à la structure que dans l'architecture gothique de l'époque. Les matériaux de base, comme la brique, le stuc, le bois et la céramique de même que les techniques de travail mudéjar n'ont pas à être étudiés en dehors du résultat esthétique, structurel autant qu'ornemental qui leur confère leur dimension artistique et les tranforme en oeuvre d'art. Le facteur le plus déterminant de la formation de l'art mudéjar a certainement été le processus historique de la reconquête : la condition préalable à sa naissance a été la reconquête chrétienne du territoire; or celle-ci s'est effectuée de façon progressive mais irrégulière entre le XIème et le XVème siècle. C'est donc un phénomène de longue durée bien plus étendu dans le temps que les autres styles de l'art occidental qui lui sont contemporain : roman, gothique, renaissance et bien plus étendu aussi que les différentes étapes historiques de l'art hispano-musulman (taifas, almoravide, almohade, nasride) auxquelles il a survécu après la reddition de Grenade en 1492. La grande mobilité de la main d'oeuvre mudéjare, particulièrement pour les commandes royales a grandement facilité la libre circulation des formes artistiques non seulement entre les différents royaumes chrétiens mais encore entre ceux-ci et le territoire islamique.