Rectorat Aix-en-Provence, Lundi 3 Septembre 2012 Bureau des inspecteurs d’académie inspecteurs pédagogiques régionaux à Madame, Monsieur le Professeur de Sciences de la Vie et de la Terre Dossier suivi par Christian Le Guillou s/c de Monsieur, Madame le Chef d’établissement Téléphone 04 42 91 70 40 Télécopie 04 42 91 70 13 Mel christian.le-guillou @ac-aix-marseille.fr Place Lucien Paye 13621 Aix-en-Provence cedex 1 OBJET : LETTRE DE RENTREE Chère Collègue, Cher Collègue, Aujourd’hui, dans une société mondialisée qui préfère l’information au savoir, l’événement au phénomène, le ponctuel au complexe, le culte du présent à la mémoire, la technique à la pensée, l’individu à la collectivité, l’École ne peut pas être le lieu d’un éparpillement stérile mais celui d’une rencontre maîtrisée d’objets, de méthodes, d’esthétiques, seule à même de penser la société, non de la subir et de la repenser. C’est peut-être là l’un des aspects de la refondation de l’École voulue par le ministre de l’Éducation nationale. Que vaudrait une École qui à travers les contenus qu’elle délivre et les méthodes qu’elle promeut, ne préparerait pas les jeunes à vivre pleinement le monde techno-scientifique dans lequel on les installe et à penser les défis auxquels celui-ci les confrontent : défi de la communication, défi de la consommation, défi économique, défi démocratique ? En tant que passeur de sciences mais aussi éveilleur de vocations scientifiques, en tant que passeur de relai de la science d’aujourd’hui à la société de demain, le professeur de Sciences de la Vie et de la Terre joue un rôle singulier à la croisée d’un réel biologique et géologique (à la fois directement accessible aux sens mais aussi seulement saisissable par des instruments de plus en plus sophistiqués), sur lequel il doit en permanence s’appuyer, les interrogations que son étude suscite et les explications toujours temporaires auxquelles celles-ci conduisent à travers des représentations rationnelles et provisoires. 1 Sciences de la Vie et de la Terre – Lettre de rentrée – Année scolaire 2012-2013 2/3 Or cette confrontation entre des objets et des méthodes, ferment de toute pratique scientifique, se heurte dans le quotidien de la classe à un paradoxe souvent insoluble : l’investigation du réel dans un temps dicté par un horaire hebdomadaire compté et amputé de surcroît par une trace écrite trop souvent mal pensée qui conduit inévitablement à la stigmatisation du seul mode de pensée autorisé, celui du professeur. Quid des constructions intellectuelles des élèves et à travers elles de la dimension épistémologique de la construction des savoirs ? Quid aussi de l’activité scientifique comme productions humaines historiquement contextualisées ? Quid somme toute de la science comme production culturelle ? Rendre la science culturelle, tel est sans doute le leitmotiv qui devrait guider notre action pédagogique. D’abord parce que les élèves que nous accueillons auront tout le temps, en tout cas pour ceux qui le désirent, d’approfondir des notions et des concepts entrevus lors de leurs études secondaires. Ensuite parce que les épreuves du Baccalauréat nous dictent une conduite davantage centrée sur les idées structurantes, les idées organisatrices que sur leur détail scientifique. Enfin parce qu’il apparaît pour l’honnête homme du XXIème siècle plus pertinent de balayer un large spectre de notions et de concepts en y opérant les liens structurants que d’empiler des connaissances ponctuelles vite oubliées. L’accompagnement personnalisé au lycée devrait remplir cette double fonction : opérer les liens entre les notions et les concepts pour permettre la construction de représentations plus fonctionnelles du monde et interroger les méthodes et démarches mises en œuvre pour les construire. Malheureusement au-delà de sa seule dimension utilitariste, très présente chez les élèves, il sert trop souvent de variable d’ajustement : ajustement d’un emploi du temps que l’on sait de plus en plus difficile à construire, ajustement lié à une obligation de résultats sous la pression des élèves et des familles, voire de l’institution. L’accompagnement personnalisé ne peut fonctionner que s’il repose sur l’identification préalable des maîtrises et habiletés des élèves, bref de leurs besoins et cette identification doit prendre appui sur toute la réflexion menée sur l’école du socle, tant à travers le repérage des compétences, des savoirs, capacités et attitudes mobilisées dans les apprentissages qu’à travers les modalités de leur évaluation et de leur validation. Cette insistance portée aux compétences, aux capacités, aux attitudes renvoie à la nécessaire implication du professeur de Sciences de la Vie et de la Terre dans la mise en œuvre au Collège, du socle commun de connaissances et de compétences et du livret personnel de compétences, deux outils fondateurs dont l’orientation générale est maintenue. Préparé depuis fort longtemps à discriminer dans les apprentissages mis en œuvre, les savoirs, savoir-faire et savoir-être, le professeur de Sciences de la Vie et de la Terre 2 Sciences de la Vie et de la Terre – Lettre de rentrée – Année scolaire 2012-2013 3/3 doit au sein de son collège œuvrer à la diffusion de son savoirfaire pour renforcer le sens d’une pratique qui bien conduite doit, au-delà des considérations idéologiques, inscrire chaque élève dans une dynamique de progrès soutenue par l’ensemble de l’équipe éducative. Outre cette attention portée à chaque élève dans les différents domaines de ses apprentissages, le livret personnel de compétences, considéré sous son angle formatif, opère une décentration profitable de l’action pédagogique dans le sens où le professeur de Sciences de la Vie et de la Terre intervient en concertation sur d’autres champs que celui de sa seule spécialité comme la maîtrise des langages, les compétences informatiques, … Nous terminerons ce courrier par une réflexion de Michel Serres dont nous vous invitons vivement la lecture de son dernier essai « Petite poucette » publié aux éditions Le Pommier : « Nous, adultes, nous avons doublé notre société du spectacle d’une société pédagogique dont la concurrence écrasante, vaniteusement inculte, éclipse l’école et l’université. Pour le temps d’écoute et de vision, la séduction et l’importance, les médias se sont saisis depuis longtemps de la fonction d’enseignement. » Ce sont là quelques réflexions - ancrées dans certaines des évolutions récentes du système éducatif (socle commun de connaissances et de compétences, accompagnement personnalisé) et sur lesquelles la refondation devrait s’appuyer - auxquelles nous vous convions en ce début d’année que nous souhaitons pour chacun d’entre vous le plus accompli, tant sur le plan professionnel que personnel. Excellente rentrée. N.B. : Vous trouverez dans les courriers précédents, consultables sur le site académique des Sciences de la Vie et de la Terre, toutes les informations utiles relatives aux secteurs d’inspection, aux fondamentaux de la discipline, aux sites professionnels (SVT, LITHOTHEQUE, EDU-SISMO PROVENCE), à la formation continuée, … Alain FARALLI Christian LE GUILLOU IA-IPR de Sciences de la Vie et de la Terre IA-IPR de Sciences de la Vie et de la Terre 3 Sciences de la Vie et de la Terre – Lettre de rentrée – Année scolaire 2012-2013