1 HOMELIE CELEBRATION POUR L’ENTREE DANS L’ANNEE DE LA FOI 13 octobre 2012 Nous avons commencé notre célébration en accueillant de nouveaux frères et sœurs qui entrent en catéchuménat. Ils entrent dans un chemin pour mieux découvrir le Christ, qu’ils ont déjà rencontré, pour le suivre. Ce chemin les conduira jusqu’aux sacrements de l’initiation chrétienne, baptême, confirmation et eucharistie. Le signe de la croix, résumé de la foi, a été tracé sur eux. C’est une grande joie pour nous tous car nous accueillons de nouveaux frères et sœurs. Mais en ce jour où nous ouvrons l’année de la foi, en communion avec toute l’Eglise, c’est aussi une invitation adressée à nous tous qui sommes baptisés, confirmés et qui participons à l’eucharistie depuis des années à adhérer au Christ de manière nouvelle, à le suivre de manière plus radicale et authentique. Que cette année de la foi soit pour nous aussi comme une nouvelle démarche catéchuménale. La foi est en premier lieu une rencontre avec la personne du Christ, et avec l’évènement pascal, la mort et la résurrection. C’est entrer dans une relation avec lui, dans un dialogue où on grandit sans cesse. Cette rencontre et cette relation transforment notre vie, lui donne sa véritable dimension. La foi est aussi l’adhésion à un contenu objectif, au Credo que nous proclamons tous les dimanches. Ce n’est pas un hasard si, dans les premiers siècles, les chrétiens étaient tenus à mémoriser le Credo, comme nous avons pris l’habitude de réciter le 2 Notre Père tous les jours. Le Credo servait de prière quotidienne pour ne pas oublier l’engagement pris par notre baptême. Le Christ ne se réduit pas à l’opinion que nous en avons, ni à notre subjectivité. La Parole de Dieu, qui est Jésus lui-même, ne se réduit pas à ce qui nous plaît. Nous sommes parfois tentés de prendre ce qui nous plait dans l’enseignement du Christ, dans la Parole de Dieu, et de rejeter ce que nous ne comprenons pas. Nous interprétons l’Evangile à la lumière de nos vies et de nos sentiments. En réalité, c’est le contraire que nous devons faire. C’est à la lumière de l’Evangile, à la lumière de critères objectifs de la foi, que nous devons interpréter nos vies et nos comportements. Il s’agit au fond d’un appel à la conversion que nous devons entendre, qui ne s’adresse pas uniquement aux catéchumènes, mais à nous tous, peuple de baptisés. Parce que nous sommes tous invités à devenir chrétien, à vivre en chrétien, à nous dire chrétien dans une société qui n’est plus chrétienne, mais où l’amour de Dieu, manifesté dans la mort et résurrection du Christ, peut être découvert comme une nouveauté. C’est pourquoi le Pape Benoît XVI a voulu lier le cinquantième anniversaire du Concile Vatican II à la célébration d’une année de la foi, comme le Pape Paul VI avait ouvert une année de la foi dans la suite du Concile. C’est pour que nous comprenions encore davantage que l’intention fondamentale du Concile n’était pas d’abord de réorganiser l’Eglise, mais de la renouveler en partant du Christ, de sa révélation, de son mystère. En partant de l’intention de Dieu de révéler son amour et de le communiquer à toute l’humanité, dans un monde tenté de se passer de Dieu, et qui aujourd’hui vit si souvent comme si Dieu n’existait pas. Le Concile Vatican II est la grande grâce dont l’Eglise a bénéficié au vingtième siècle. Il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence, affirmait le Bienheureux Pape Jean-Paul II. 3 Nous sommes donc réunis ce soir pour rendre grâce à Dieu pour le Concile, sa fécondité présente et à venir. Le Concile n’est pas une rupture intervenue dans la tradition de l’Eglise. Il en est la continuité et le développement. Faire arrêter la tradition avant le Concile est une erreur grave. Lire le Concile en dehors de la continuité avec la tradition qui commence avec les apôtres et intègre tous les autres conciles qui l’ont précédé, c’est être condamné à ne rien y comprendre. Nous sommes tous invités à nous approprier réellement ces textes, à faire l’effort de les lire et de les travailler, à les accueillir dans leur unité et leur dynamisme. Pendant le Concile, chaque matin, avant de commencer l’assemblée, un geste liturgique très significatif avait lieu. Après avoir été porté en procession, l’Evangile était placé de manière solennelle devant l’autel. Il représentait le Christ en personne. Le livre des Evangiles présidait aux débats. Vous savez que la constitution centrale du concile est Dei Verbum, qui concerne la révélation. Dieu se révèle et nous parle. C’est d’abord Dieu qui nous parle. Ce n’est pas d’abord nous. Nous avons donc, en premier lieu, à écouter. Sa Parole est une personne, Jésus, que nous contemplons quand nous lisons les Ecritures. C’est pour une part le sens de la démarche « Quo vadis », qui est une invitation à nous réunir pour lire l’Evangile. Cette année, nous lisons l’évangile de Saint Jean. Je suis parfois surpris de rencontrer des chrétiens engagés qui n’ont jamais lu un évangile en entier. Je vous invite à sans cesse lire et relire les évangiles. Nous ne comprenons pas tout du premier coup. Il nous faut relire encore. Nous avons une vie pour comprendre. « La foi opère par la charité » dit St Paul (Ga 5, 6). Elle est un nouveau critère d’intelligibilité et d’action qui change toute la vie chrétienne. La foi qui ne se déploie pas dans la charité concrète n’a pas de réalité. A l’école et à 4 l’imitation de Jésus qui est milieu de nous comme celui qui sert, la démarche Diaconia est une invitation pour toutes nos communautés. Il s’agit de mettre le service du frère, particulièrement du plus fragile, au cœur de la vie ecclésiale. Que le service du frère enraciné dans l’amour de Dieu réveille en nous le souci de contribuer à faire de l’humanité une unique famille fraternelle et solidaire. Tels sont les mots de Benoît XVI aux évêques en visite Ad limina à propos de la démarche Diaconia. On touche là à la nature de l’Eglise qui est mystère de communion. Elle est sacrement de l’union des hommes avec Dieu et des hommes entre eux. Notre fraternité et notre charité découlent de l’amour qui est Dieu et de la Trinité. « Qui voit la charité voit le Trinité » disait St Augustin. Nous avons à servir la fraternité, à l’égard des uns des autres et de toute l’humanité. Ce qui veut dire aussi dans le concret bannir toute suspicion sur les autres, accusation, méfiance. Choisir la bienveillance en toute circonstance et à l’égard de tous. En ce jour où nous ouvrons l’année de la foi, permettez-moi d’insister sur quelques points (quitte à ne pas être original) Laissons-nous brûler du feu de la charité. Au cœur de la constitution Lumen Gentium, il y a le chapitre sur l’appel à la sainteté. « L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état » (LG n°40) Vous le savez, la sainteté n’est pas de ne pas avoir de défaut. Ce n’est pas avoir tout réussi dans sa vie personnelle ou dans sa mission. La sainteté, c’est se laisser brûler de la charité même de Dieu. « Je suis venu allumer un feu sur la terre. Combien je voudrais qu’il soit déjà consumé ! » dit Jésus (Lc 12, 49) Ce feu, c’est l’amour même de Dieu pour l’humanité. C’est la Passion, c’est l’Esprit Saint qui est l’amour même de Dieu, c’est la joie. La joie et l’Esprit Saint sont équivalents. 5 Laissons-nous entraîner dans cet élan. Je vous invite à regarder les saints qui nous ont précédés. Je pense en particulier à ceux qui ont été engendrés dans notre diocèse. Je pense à Saint Syméon Berneux, né à Château du Loir. Je pense à Jérôme Royer de la Dauversière, un fléchois, laïc, marié, père de famille. Il a été fondateur au 17ème siècle d’une congrégation religieuse et de l’hôpital de La Flèche, et initiateur de l’évangélisation au Canada. J’espère que nous verrons un jour sa béatification. Je pense au Bienheureux Basile Moreau, à Dom Guéranger, et d’autres. Prions l’Esprit Saint cette année. Prions-le instamment, de manière quotidienne. Laissons-nous consumer, purifier, renouveler par lui. Aimons le monde, comme Dieu a aimé le monde et lui a donné son Fils, non pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui. (Jn 3, 16-17) La raison d’être de l’Eglise est la mission. L’Eglise n’existe pas pour ellemême. Elle existe pour manifester au monde l’amour de Dieu, qui nous est révélé, rendu accessible dans le Christ. Elle n’existe que pour manifester le Salut, la miséricorde, le pardon. Et on ne peut être missionnaire que par amour. Aimer comme Jésus a aimé, jusqu’au bout de sa vie sur la croix. Même si parfois, nous sommes confrontés à l’incompréhension ou à la persécution qui ne manqueront jamais à l’Eglise, dit le Concile (LG n°42). Même si nous devons témoigner de la vérité sur l’homme, nous ne pouvons le faire qu’en aimant. Prions pour que le Seigneur élargisse notre cœur, nous accorde un cœur semblable au sien. Dieu aime tous les hommes sans distinction. Beaucoup de nos contemporains vivent sans Dieu, comme si Dieu n’existait pas. Mais souvent, ils aimeraient ne pas vivre sans lui. Beaucoup sont aussi confrontés à un profond vide intérieur. Cependant, il y a dans le cœur de tout homme une aspiration à plus grand que lui-même, une aspiration à la beauté, au dépassement de soi, à la générosité. Une de nos missions est de susciter la nostalgie de Dieu dans le cœur de nos frères et sœurs. 6 Enfin, je vous invite à la confiance qui découle de l’humilité. Accueillir le Christ comme le font les enfants. N’ayons pas peur. Nos avenirs personnels, celui de nos communautés et du monde sont dans les mains de Dieu. Parfois, les épreuves même sont un chemin dont Dieu se sert pour nous conduire plus loin. Pour conclure, je vous rapporte encore des propos de Benoît XVI lors de la visite Ad limina. « Avançons avec courage et optimisme en proposant avec audace et inventivité la nouveauté permanente de l’Evangile. » Confions-nous à la Vierge Marie, Mère de Jésus, notre sœur et notre mère, modèle pour chacun de nous. C’est d’elle dont parle en premier lieu le passage de l’évangile. « Heureux ceux qui entendent la Parole de Dieu et qui la garde. »(Lc 11, 28) Marie est heureuse car elle fait cela : entendre la Parole de Dieu et la garder. A tel point que la Parole de Dieu, qui est Jésus lui-même, a été engendrée en elle, et qu’elle est devenue Mère de Dieu. Qu’elle nous garde et nous accompagne sur le chemin de la sainteté. Yves Le Saux Evêque du Mans