III. TOURISME ET ECO-TOURISME AU PEROU L'introduction du tourisme dans les pays en voie de développement est un phénomène très récent, et le tourisme, première industrie mondiale, représente une véritable manne pour l'économie nationale. Au Pérou, le nombre de visiteurs ne cesse d'augmenter tous les ans, pour atteindre aujourd'hui les 1 500 000 visiteurs. En comparaison, la France accueille chaque année environ 75 millions de touristes. De part la grande variété et la beauté naturelle de ses paysages, la diversité culturelle illustrée par les civilisation Incas et précolombiennes, et son peuple aux traditions millénaires, le Pérou s'affirme comme un des joyaux touristiques du continent sud-américain. Cependant, même si le tourisme est à l'origine d'un développement économique important, son émergence n'est pas sans poser de problèmes, d'ordre socio-économiques et environnementaux, notamment au sein des espaces naturels protégés. Comment l'activité touristique est-elle gérée au sein des zones naturelles protégées? et au niveau des sites historiques? Les populations locales profitent-elles des retombées économiques du tourisme? Tout d'abord, nous verrons quelles sont les caractéristiques du développement du tourisme au Pérou, ensuite nous étudierons la place du tourisme dans l'économie locale, et enfin, nous aborderons une forme de tourisme particulière, l'écotourisme. A.Les différentes formes de tourisme rencontrées au Pérou Au Pérou, nous avons été confronté à différentes formes de tourisme: le tourisme conventionnel : il consiste à réserver un hôtel et à y séjourner. C'est le type de tourisme que l'on rencontre le plus à Lima. Les touristes réservent leur hôtel dans les quartiers chics tels que Miraflores et Barranco. Il s'adresse à ceux qui veulent découvrir le pays de façon très confortable. Le tourisme d'aventure : les personnes concernées sont celles qui veulent pratiquer le trekking, faire du sport, découvrir le pays de façon différente, sans passer forcément par les lieux touristiques. Il est surtout pratiqué dans les Andes et plus particulièrement dans le parc national Huascaran où se trouvent de nombreux chemins de randonnées. Le tourisme responsable, « convivencial » : c'est le tourisme le plus respectueux des traditions, de la culture et du mode de vie des populations locales. Cela consiste à séjourner chez l'habitant, à vivre son quotidien afin de mieux le connaître. C'est l'opposé du tourisme conventionnel. C'est notamment le type de tourisme pratiqué sur l'île Amantani ( décrit ci-après). B. Les caractéristiques de développement du tourisme au Pérou Des avantages pour l’éco-tourisme au Pérou sont : - Le tourisme est l’activité de plus grand mouvement économique dans le monde - Le tourisme dans la nature est un des secteurs du tourisme mondial en plus grande croissance - L’Amérique du Sud, est une des destinations qui sont les plus internationalement promues, dû, entre autres à la saturation des lieux touristiques traditionnels. - Le Pérou est un pays des plus biodivers du monde, et compte une grande diversité de climats, de paysages naturels et culturels. - Le Pérou dispose de plus de 60% de son territoire couvert de forêt, et de vastes zones que existent qui ont été peu exploitées par l’homme. - Sauf quelques exceptions, comme Machu Picchu, la majorité des destinations sont encore des ressources touristiques, auxquelles il faut travailler pour qu’elles se convertissent en produits touristiques C. La place du tourisme dans l'économie locale. Le tourisme est la première industrie mondiale et représente pour de nombreux pays notamment en voie de développement une véritable manne pour l’économie nationale. Dans les faits, on s’aperçoit que la redistribution des richesses émanant du secteur touristique est loin d’être partagée par l’ensemble de la population au Pérou comme dans les pays touristiques en voie de développement. Les principaux bénéficiaires restent généralement le propre d’une minorité qui détient les rouages du secteur : réceptifs, hôteliers, guides, commerçants… 1. Les effets d’un tourisme non contrôlé a) Sur le plan de l'emploi L'introduction du tourisme au Pérou est rappelons-le un phénomène récent, qui n'est pas sans poser de problème. Le développement spectaculaire du tourisme dans ce pays pose le problème de la concurrence entre des secteurs économiques traditionnels, le plus souvent en difficulté, et l'arrivée d'un secteur d'économie de marché à forte valeur ajoutée : le tourisme. D'un point de vue économique, les emplois liés au tourisme entrent en concurrence avec les activités traditionnelles, comme l'agro-pastoralisme ou la pêche. L'attrait du tourisme pour la population locale est grand, celui-ci étant lié à divers facteurs : image attirante, pénibilité moindre que pour les activités traditionnelles, revenus pouvant être largement supérieurs à la moyenne... Dans un contexte de chômage élevé, il en découle certaines dérives : précarité des emplois, absence de contrat de travail, absence de considération de la part des employeurs, état de servitude envers les touristes ou les entreprises... b) Sur le plan socioculturel En dehors des considérations liées à l'emploi, l'introduction du tourisme a tendance à accentuer les disparités sociales au sein de la population. Cette situation a pour conséquence des situations d'incompréhension, de conflit et de concurrence qui tendent à remettre en cause les valeurs traditionnelles de la population locale. L'attraction qu'exerce le tourisme pour les raisons évoquées plus haut pose le problème de son intégration sociale dans l'ensemble des secteurs traditionnels soumis généralement à des problèmes de restructuration. En dehors des effets de la concurrence entre le tourisme et les secteurs traditionnels, se pose le problème de la confrontation entre deux mondes aux multiples différences : niveau de vie, mode de vie, croyance, comportements... L'image souvent mythique de certaines régions reculées, entretenues par les professionnels du tourisme est très souvent réductrice par rapport à la réalité, avec une dissimulation systématique des problèmes sociaux effectifs. Le client touriste sous informé à qui l'on présente ces destinations comme heureuses, se considère généralement de ce fait comme un hôte recherché et se conduit fréquemment "comme en pays conquis". Ces préjugés et cet état d'esprit se traduisent par un manque de respect souvent plus par ignorance que volontaire. Les exemples les plus courant étant la prise de photos d'autochtones malgré leur désaccord, la distribution de bonbons ou stylos partant d'une bonne volonté mais qui encourage la mendicité des plus jeunes, la méconnaissance des règles locales de politesse... c) Sur le plan environnemental En dehors du mal déjà fait par les nombreuses constructions d'infrastructures touristiques dans certaines zones considérées comme sensibles ( dans les parcs nationaux, le littoral, les montagnes...); se posent des problèmes locaux de pollution supplémentaires liés à l'activité touristique. Les plus courants étant le développement de décharges sauvages, la surconsommation d'eau dans les hôtels, l'absence de traitement des eaux usées. La prise de conscience des acteurs locaux du tourisme concernant la protection de l'environnement est généralement inexistante puisqu’il n’existe aucune politique globale, tous secteurs confondus, pour la préservation des milieux naturels. 2. Une redistribution des richesses déséquilibrée Le Gouvernement péruvien a lancé une campagne pour que tous les Péruviens votent pour leur merveille. Le Machu Pichu vient d'être promu l'une des sept nouvelles merveilles du Monde. Le plus intéressant dans cette campagne est le slogan : "Le Machu Picchu est de tous les Péruviens". Ce slogan qui a première vue rapproche tout un peuple autour d’un site présentant une forte identité culturelle commune peut paraître un peu saugrenu au vu de la répartition des richesses accumulées grâce à ce site. Il existe 3 moyens pour arriver au Machu Pichu : le train, le chemin de terre et l'hélicoptère. Cependant, il est aussi relativement symbolique de l'économie locale, à savoir que le Machu Pichu et sa richesse sont largement récupérés par une caste d'agences de tourisme et de grandes compagnies, le tout avec la bienveillance des autorités locales et nationales. Premièrement, le train est un moyen très cher qui coûte à lui seul 60$, mais cela peut monter jusqu'à 360$ (par personne) en classe "Royale". Le trajet est long et fatigant, et les horaires ne sont pas très respectés. La compagnie qui offre ce service s'appelle Peru Rail et est détenue par la société de l'Orient-Express. Les prix pratiqués sont donc clairement alignés sur ceux du marché européen comme pour les billets d'avion des lignes sud-américaines. L'argent ne va donc certainement pas dans des caisses péruviennes, mis à part quelques misérables impôts beaucoup trop bas puisque ceux-ci ont été fixés par l'ex-président Fujimori. Les Péruviens, eux, voyagent dans des classes très peu confortables, bien souvent debout, et parfois dans le noir. On constate donc qu'il existe une différence notable entre le traitement réservé aux étrangers et celui réservé aux Péruviens. Qui viendra dire que le Machu Picchu, via la compagnie de train, appartient aux Péruviens ? Deuxièmement, le "Camino del Inca". Les choses sont encore plus claires ici. D'abord, vous devez passer par une agence dont le tarif variera en fonction de la longueur du parcours, mais aussi du poids de vos bagages, du nombre de personnes. En effet, l'agence demande à des porteurs de s'occuper de tout cela. Régulièrement, ces personnes doivent supporter des charges immenses. De plus, le salaire est inférieur au minimum légal (l'équivalent de 500€/mois), il est interdit de parler aux touristes et ils ne peuvent pas pénétrer dans les ruines. Autant dire que le porteur vit une situation de sous-être humain. Globalement, il faut payer très cher pour visiter les ruines par rapport au coût de la vie habituel ici. Les agences de voyage, malgré une concurrence acharnée pratiquent des prix exorbitants, ne versent que peu d'impôts et les gérants apparaissent bien souvent dans des habits visiblement très chers, sans le sourire, uniquement intéressés par votre argent. Le service est déplorable et aucune garantie n'est donnée pour que les quelques règles édictées par des gouvernements soit respectée. Des hôtels sont en construction près du Machu Picchu, au mépris des lois de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Les somptueuses ruines perchées à 2500m d'altitude sont le reflet d'une toute aussi somptueuse civilisation qui avait réussi à satisfaire un maximum de besoins pour la population au 15ème siècle, avant l'arrivée des Espagnols. La Conquista a tout changé. Et depuis, toute la structure sociale est devenue à sens unique, avec des devoirs pour la base, et des droits pour le sommet de la pyramide. Concrètement, des salaires de misère pour les natifs, et le luxe pour les descendants des Espagnols. Le département de Cuzco, malgré son exceptionnelle richesse culturelle, est le plus pauvre du Pérou. Le Machu Pichu, symbole de la magnificence de l'Empire Inca, est aussi devenu aujourd'hui le symbole des inégalités péruviennes. Avec des richesses exploitées par des capitaux extérieurs et un gouvernement acceptant cette situation, ce site devient largement sur-exploité à des fins purement économiques et dépassant largement les intérêts de la population locale. D. L'Ecotourisme, une solution durable? L'écotourisme s'est développé dans la foulée du mouvement environnemental qui est apparu au début des années 1970. L'intérêt croissant du public pour l'environnement et les voyages orientés vers le plein air, couplé avec la croissante insatisfaction envers le tourisme de masse, a montré à l'industrie du tourisme qu'il y avait une place pour l'écotourisme. De même, la compréhension et l'acceptation des principes de conservation de la nature et de durabilité par une portion grandissante de la population a également participé à l'évolution du terme 'écotourisme'. 1.Qu'est-ce-que l'écotourisme? L'écotourisme est souvent décrit comme une forme de tourisme "à forte motivation". Il n'y a pas de définition universelle de l'écotourisme, généralement considéré comme un "tourisme favorable à l'environnement" ce qui, sur un plan pratique, est diversement interprété selon le pays. En l'absence de définition claire et reconnue, pour la Société Internationale de l'Eco-Tourisme (1991) c'est "... un tourisme responsable en milieux naturels qui préserve l'environnement et participe au bien-être des populations locales". Selon l'Union Mondiale de la Conservations (World Conservation Union) (1996) c'est "... la visite de milieux naturels relativement intactes ... à faible impact négatif ... comportant une implication socio-économique des populations locales qui est à la fois active et bénéfique". 2. Caractéristiques de l'écotourisme Bien qu'il soit difficile de définir l'écotourisme, celui-ci présente certains éléments communs : · · · · · La destination est généralement un milieu naturel non-pollué Ses attraits sont sa flore et sa faune et plus généralement sa biodiversité L'écotourisme se doit de soutenir l'économie locale et la spécificité du lieu Il doit contribuer à la conservation de l'environnement et, plus généralement, promouvoir la conservation de la nature Les séjours éco-touristiques comportent souvent un élément pédagogique 3.Tourisme durable ou écotourisme Il ne faut pas confondre écotourisme et tourisme durable. Le premier est une forme de tourisme (tout comme le tourisme sportif, culturel, de loisir ou d'aventure) alors que le concept de développement durable doit s'appliquer à toutes ces formes de tourisme. Si l'on applique les principes de tourisme durable, toutes ces formes de tourisme peuvent se dire "durables". Alors que les premières définitions de l'écotourisme mettaient l'emphase sur une proximité recherchée avec la nature par les touristes, les définitions plus récentes ont plutôt cherché à mettre en lumière une variété de principes associés au concept de développement durable. On admet actuellement que l'écotourisme englobe les principes du tourisme durable en ce qui concerne les impacts de cette activité sur l'économie, la société et l'environnement et qu'en outre, il comprend les principes particuliers suivants qui le distinguent de la notion plus large de tourisme durable : · l'écotourisme contribue activement à la protection du patrimoine naturel et culturel; · l'écotourisme inclut les communautés locales et indigènes dans sa planification, son développement et son exploitation et contribue à leur bien-être; · l'écotourisme propose aux visiteurs une interprétation du patrimoine naturel et culturel; · l'écotourisme se prête mieux à la pratique du voyage individuel ainsi qu'aux voyages organisés pour de petits groupes. En résumé, une analyse des définitions nous amène à considérer trois dimensions qui constituent l'essence même du concept d'écotourisme : · · · Un tourisme axé sur la nature; Une composante éducative; Un besoin de durabilité. 4. Un exemple d'écotourisme réussi : Ile Amantani Cette île qui se trouve sur le lac Titicaca est actuellement un exemple de forme d’écotourisme qui a réussi. En effet, le souci de préserver l’environnement et de contrôler le flux touristique a fait de cette île un véritable exemple de tourisme écologique L’hébergement se fait uniquement chez l’habitant chez une vingtaine de familles qui vivent sur l’île L’absence d’hôtel est volontaire et permet ainsi de contrôler l’expansion du tourisme. Ainsi les touristes peuvent découvrir la culture locale, les spécialités locales…tout en respectant l’environnement et les traditions locales par immersion totale dans une famille d’accueil et en découvrant son mode de vie quotidien. D'autre part, ce ne sont pas toujours les mêmes familles qui reçoivent. Il existe un tour de rôle. Egalement, sur cette île se trouvent 9 communautés. L'accueil se déroule de la manière suivante: il existe un tour de rôle hebdomadaire pour les communautés et également un tour de rôle des famille. Ainsi, on préserve l'élément majeur de cette île qui est l'agriculture tout en apportant un revenu supplémentaire ponctuel grâce au tourisme. Cependant le tourisme peut avoir des effets perverses sur les traditions : en effet, originellement, les femmes célibataires se couvraient le visage pour ne pas être vues des hommes et portaient des jupes colorées contrairement aux femmes mariées qui devaient ne porter que du noir. Aujourd'hui, toutes les femmes portent des jupes colorées et ne se cachent plus le visage parce que ça fait de plus belles photos ! 5. Les dérives du tourisme à outrance a) Le Machu Picchu En 2004, 400 000 touristes ont visité le Machu Picchu. En principe, une résolution touristique dit que 1000 personnes maximum peuvent fouler le site par jour. Mais, sachant que le prix d'un billet est de 40$, la tentation est grande de dépasser les quotas. En effet, 40$, c'est le salaire moyen d'un péruvien par mois!!! L'UNESCO a exprimé depuis ses craintes que le nombre trop important de touristes ne dégrade le site. Selon les autorités péruviennes, l'éloignement et la difficulté d'accès au site imposent d'euxmêmes des limites naturelles à l'expansion du tourisme. Ce qui inquiète le plus les scientifiques et les conservateurs, c'est la pression du tourisme. Pour l'instant, le site n'est accessible qu'en train, et cette contrainte permet de contrôler le flux de visiteurs, d'autant plus que le prix du billet de train est faramineux : 60$ l'aller-retour. Mais le projet de bâtir une route depuis la ville de Cuzco et d'installer un funiculaire pour relier la vallée au sommet de Machu Picchu peut signifier la destruction irrémédiable de l'un des patrimoines naturels et culturels les plus étonnants de l'humanité. Le Machu Picchu vient d'être élu nouvelle merveille du Monde. Espérons que cette nomination permettra un meilleur contrôle du nombre de visiteurs et une meilleure protection de ce site impressionant. b) Les enfants du tourisme Les contrecoups du tourisme ne semblent épargner personne, et surtout pas les enfants. En effet, l'innocence et la pauvreté des enfants sont utilisés pour toucher les cordes sensibles des voyageurs afin d'obtenir quelques soles ( monnaie locale). On rencontre ainsi de nombreux enfants, en habits traditionnels mendiants sur les places, sur les sites touristiques ou proposant de se faire photographier pour quelques soles, vendant des souvenirs qu’ils « disent » avoir fabriqués. Peu de touristes résistent à cela, pensant aider un enfant pauvre. Sauf que le résultat final apparaît moins reluisant. En mendiant quelques pièces aux touristes, ces enfants gagnent souvent beaucoup plus d’argent que leurs parents paysans, ce qui modifie les rapports familiaux. Il devient plus intéressant d'envoyer ses enfants mendier et les priver de l'école, que de travailler la terre....