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COLLÈGE STANISLAS
Notes de cours – 3E
Prof. Luc Phaneuf
REGARDS SUR LE PHÉNOMÈNE RELIGIEUX
DEPUIS LES ORIGINES DE L’HOMME1
Quels que soient le lieu et l’époque,
l’humanité
est
renvoyée
aux
questions
essentielles,
indépendamment du besoin de se
consoler ou de se rassurer : D’où
venons-nous ? Que faisons-nous ?
Où allons-nous ? La question de l’audelà n’a donc cessé de se poser.
Même si elle est aujourd’hui mise
entre parenthèses par une culture
occidentale agnostique, elle ne
peut disparaître. (Jean Delumeau,
Histoire du Paradis)
LA RELIGION, PHÉNOMÈNE UNIVERSEL
L’homme religieux, d’hier à aujourd’hui
De la préhistoire à aujourd’hui, l’être humain a toujours été interpellé par le sacré,
par ce qui le dépasse, par le mystère, l’au-delà de ce que ses sens sauraient
percevoir.
Il a pressenti que ce sacré, ce mystère, renvoyait à un autre monde habité par une
ou des divinités. Dès lors, l’être humain a cherché à entrer en contact, voire en
relation, avec cet autre monde mystérieux et habité : le monde de(s) dieu(x).
La création des mythes, cultes et religions
C’est ce désir et cette conviction qui l’ont poussé à créer des mythes, des cultes,
des systèmes de croyances, des livres sacrés, des règles morales, des rites et
liturgies (cérémonies sacrées, donc tournées vers une ou des divinités), autant de
tentatives d’explication du SENS TOTAL, du pourquoi de l’existence humaine et de
ses nombreux mystères.
Cette rencontre de l’être humain avec le sacré est au coeur de l’histoire humaine.
Elle s’est produite dans TOUTES les cultures ancestrales, sans exception. En ce sens,
on peut affirmer sans risquer de se tromper qu’elle fait partie de la condition
humaine.
1
Ces notes de cours doivent beaucoup à l’ouvrage suivant : Jean Dansereau, Jean
Gadbois, Le Phénomène religieux La rencontre de l’être humain avec le sacré, Les Éditions la
Pensée, Montréal, 2002, 92 pages. Elles ont servi d’inspiration notamment en ce qui a trait au
canevas (les titres et intertitres) de ces notes. Je me suis servi des contenus proposés, avant
de les modifier, souvent substantiellement.
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
2
Déjà à l’ère du paléolithique (de 3 millions à 12 000 ans av. J.-C.), l’homme ancien
enterrait les morts de son clan et avait créé un culte fort complexe : l’adoration des
crânes.
Dès que l’homme raisonnable (homo sapiens sapiens) est apparu sur terre, il a
ressenti le besoin de se « relier » (une des racines du mot religion, religare, religio =
(se) relier) à cette présence mystérieuse, à cette réalité qui le dépasse, à l’au-delà
du visible, mais aussi aux personnes décédées avec lesquelles il voulait demeurer en
contact.
C’est cette rencontre de l’être humain avec le sacré qui a fait naître dans un premier
temps les mythes (que nous étudierons dans une prochaine leçon) et, d’une
certaine façon, les divinités2 (Zeus, Deo, Dieu, Jupiter, Allah, Yahvé, Brahma, etc.),
de même que les grandes organisations religieuses, et leurs symboles religieux tels
que la croix, le yin et le yang, le tao, l’étoile de David, le croissant, d’innombrables
oeuvres picturales (dessins) et réalisations architecturales (les pyramides incas ou les
temples d’Anghor, etc.), la musique sacrée, etc.
Aujourd’hui : l’Occident abandonne les dieux... vraiment ?
Malgré les avancées de l’athéisme (doctrine philosophique qui nie l’existence de
Dieu et d’un monde spirituel) depuis quelques siècles en Occident, jumelé au recul
des grandes religions et de la pratique religieuse, le besoin du religieux, du sacré, est
tout aussi présent aujourd’hui au coeur de l’être humain qu’il y a 35 000 ans.
Ce besoin de se relier (religion) à quelque chose de plus grand que soi, de sacré, qui
transcende et donne un sens global à l’aventure humaine et à la vie, ce besoin vital
du religieux et de SENS TOTAL à donner à l’existence humaine, qu’il se manifeste tôt
ou tard dans la vie, est encore inscrit au fond du coeur de chaque être humain. (Les
athées, quant à eux, trouveront alors un sens à la vie en dehors des chemins
religieux.)
Le recul du religieux en Occident depuis trois siècles
D’abord, rappel d’une évidence : ce qui a changé depuis les derniers siècles, surtout
en Occident, c’est l’environnement dans lequel vivent les êtres humains. Pendant
plus d’un millénaire, l’Occident a été une chrétienté, c’est-à-dire une organisation
sociale avec en son centre Dieu et l’Église catholique; en contexte de chrétienté, la
religion et la politique étaient deux soeurs marchant main dans la main.
Or la Révolution Française en France (1789), allait mettre à mal cette chrétienté,
avec notamment la chute de la monarchie de droit divin et l’apparition de la laïcité,
soit la séparation de l’Église et de l’État. Au Québec, c’est avec la Révolution
tranquille des années 1960 que la chrétienté québécoise allait tomber, sans violence
toutefois.
2
Cette tournure de phrase laisse croire que les divinités sont toutes des inventions des
hommes, ce qui est une possibilité, mais certes pas « la vérité » pour les milliards de croyants
de toutes les religions qui croient en l’existence réelle de celles-ci, qu’il s’agisse des religions
monothéistes ou des polythéistes.
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
3
Le recul du religieux en Occident ne découle pas seulement de l’avènement de la
laicité. Au XIXe et en première moitié XXe siècles, d’autres facteurs ont aussi contribué
à ce désenchantement du monde, au recul des églises, voire à l’éclipse de Dieu :
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
Les avancées prodigieuses de la science et du progrès, qui sont devenues pour
ainsi dire les nouvelles religions;
L’amélioration des conditions de vie, le recul de la mortalité, et du confort;
Une certaine évolution de la pensée humaine centrée sur l’homme plutôt que
Dieu, dont les philosophies nihiliste et matérialiste (rien n’existe en dehors de la
matière) comme le marxisme, qui nient l’existence de Dieu.
En seconde moitié du XXe siècle, l’avènement des mass media et de la culture de
masse a joué un rôle de premier plan, vraiment capital, dans cette évolution des
mentalités (les façons de penser), notamment en relayant les nouvelles idées des
philosophies matérialistes qui critiquaient jusqu’à la pertinence de la religion et de
ses croyances.
Tous ces facteurs, et d’autres, comme le consumérisme (vivre pour consommer) et
l’hédonisme (vivre pour s’amuser, pour les plaisirs), ont contribué à détourner
l’attention de nos contemporains des questions religieuses.
Si bien que la place que la plupart consacrent à la vie spirituelle, à la vie intérieure,
s’est réduite comme une peau de chagrin (énormément) et ce, au profit de
préoccupations et de valeurs plus matérialistes, plus terre-à-terre.
Dieu (la religion) est-il mort ?
Malgré l’affirmation du philosophe athée Nietzsche (1844-1900), Dieu n’est pas mort,
tout comme la religion qui prétend parler de Lui.
L’Occident vit actuellement une situation paradoxale au plan religieux. D’une part,
les sociétés modernes, dont le Québec, tendent à devenir de plus en plus laïques et
sécularisées, c’est-à-dire neutres sur le plan religieux. On affirme que l’État ne doit
pas favoriser une religion au détriment des autres et ce au nom du respect du
pluralisme culturel et religieux de la société, et ce afin de favoriser le vivre-ensemble
et la tolérance.
Cette laïcisation du Québec a eu comme effet de faire de la religion un tabou pour
bon nombre de baby-boomers (nés dans les premières décennies d’après 1945), qui
l’ont rejetée avec vigueur au tournant des années 1960. Donc, en apparence,
l’époque actuelle vit un recul de Dieu, voire un rejet.
Cela dit, malgré les apparences, ceci expliquant probablement cela, chez bon
nombre de nos contemporains, y compris chez bien des jeunes, la soif de sacré et
de religiosité, la quête identitaire religieuse, sur une base individuelle, s’en trouve au
contraire exacerbée (augmentée); au fond, plus l’Occident cherche à se
débarrasser de Dieu et de la religion, plus il constate que c’est une tâche impossible.
La religion, expulsée par la fenêtre, refait son entrée par la grande porte.
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
4
Ce phénomène tend à démontrer, une fois de plus, non pas que Dieu existe hors de
tout doute, mais que, plus simplement, le besoin de Dieu, de transcendance et de
sacré, est logé au plus profond du coeur humain, et qu’aucun système ou idéologie
politique (comme le marxisme athée) ne réussira jamais à l’en extraire de toutes les
consciences individuelles et collectives.
Le philosophe athée Michel Onfray, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps
notamment en raison de son Traité d’athéologie (2005), commentait ainsi cette
résurgence du religieux dans les sociétés modernes, elles qui croyaient s’en être
débarrassées :
La désaffection de la pratique (religieuse) ne témoigne pas du recul de la
croyance. (...) On peut même penser que la fin du monopole des
professionnels de la religion sur le religieux a libéré l’irrationnel et généré
une plus grande profusion de sacré, de religiosité, de soumission à la
déraison3.
LA RELIGION, PHÉNOMÈNE UNIVERSEL PRÉSENT DANS TOUTES LES CULTURES
La religion, considérée dans sa facette rituelle, constitue donc une des plus
anciennes activités humaines, universellement répandue. Depuis l’apparition de
l’être humain sur terre, la religion touche en lui à ce qu’il a de plus intime, de plus
profond : la foi, les convictions personnelles, les conceptions du monde et de la vie.
Mais en même temps, le phénomène religieux n’est pas qu’une affaire intime, de
conscience, de vie intérieure : il se manifeste de façon très concrète et visible dans
les arts, les lettres, la politique, l’éducation, les sciences, en bref : dans les CULTURES
(mot dont la racine est culte : acte rituel qui vise à honorer une divinité).
Plus de 90 % de la population mondiale dit appartenir à une religion et que 80 % des
habitants de notre terre se déclarent croyants ?
On compterait plus de 6 000 religions dans le monde (mais au minimum 10 fois plus
de mythes) – , dont moins d’une dizaine d’importance. Plusieurs d’entres elles sont
des nouveaux mouvements religieux ou des sectes, issues ou non du Nouvel-Âge, et
comptent très peu d’adeptes.
Les innombrables manifestations culturelles du religieux
La presque totalité des chefs d’oeuvre artistiques et culturels mondiaux sont
d’inspiration religieuse : bâtiments, créations littéraires, musicales, écoles
prestigieuses, etc.; même plusieurs des plus importantes découvertes scientifiques n’y
échappent pas (ayant été faites par des prêtres, tel un Georges Lemaître, créateur
de la théorie du Big Bang).
Michel Onfray considère que toute croyance religieuse est déraisonnable. Mais ce
qu’il semble oublier, c’est que, en l’absence de preuve scientifique validant hors de tout
doute l’inexistence de Dieu, l’incroyance n’est pas plus raisonnable que la croyance; en
effet, l’existence de Dieu ne peut pas plus être prouvée qu’infirmée. En ce sens, la seule vraie
position raisonnable est la suivante (pour paraphraser Eric-Emmanuel Schmitt) : on ne sait pas
avec certitude.
3
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
5
Les traces de ces manifestations de foi sont visibles partout : les mosquées,
pyramides, synagogues, musées, cimetières, lieux de pèlerinage, églises et
cathédrales, croix ou chapelles de chemin, noms de rue (surtout au Québec !), etc.
Même la monnaie de la première puissance mondiale, les États-Unis, est gravée de
la maxime In God We Trust (En Dieu nous mettons notre confiance). Même notre
monnaie canadienne n’y échappe pas : toutes les pièces de monnaie portent
l’inscription, au-dessus de l’effigie de la reine la mention D.G. Regina Elizabeth II, les
D. et G. signifiant Dei Gratia, soit : moi Élizabeth, je règne par « la grâce de Dieu ».
D’autres exemples ? Les Jeux Olympiques modernes, qui sont la continuation depuis
le XIXe siècle de la « fête des dieux grecs ». Et que dire des fêtes religieuses que nous
célébrons dans nos vies : baptême, mariage, funérailles, Noël, Halloween (fête de
tous les saints). Plus près de vous, peut-être, combien de livres, de films, de pièces de
théâtre, témoignent des questions religieuses : Da Vinci Code, Anges et Démons, La
cité des anges, Sept jours au Tibet, l’Exorciste, La Neuvaine, etc. ?
Toutes ces créations artistiques soulèvent ou tournent autour de thématiques
proprement religieuses : l’au-delà, les êtres surnaturels, la présence du diable, la
quête du salut éternel4, parmi d’autres.
Enfin, l’actualité, dont les journaux et autres médias, regorgent d’événements qui
touchent de près ou de loin le phénomène religieux : les élections américaines, les
attaques du 11 septembre et le fanatisme violent musulman, les voyages du Pape et
ses interpellations morales sur certains enjeux éthiques (avortement, divorces,
manipulations génétiques, etc.).
En bref, les religions font partie depuis toujours de la réalité humaine, dans toutes les
cultures, et pour cette raison, elles ont laissé des traces de leur passage et de leur
vitalité. Elles ont aussi été un peu partout créatrices de beauté, jusqu’à édifier des
cultures ! On ne peut nier que le génie humain s’est maintes fois exprimé sous des
formes religieuses !
Malgré cet héritage d’une infinie richesse, il est vrai que les religions, en Occident,
laissent de moins en moins de traces, puisqu’elles sont en net recul. Les différentes
formes d’art tirent leur inspiration d’autres sources, moins spirituelles et religieuses,
plus humaines.
De grands témoins qui ont façonné les cultures du monde
Qu’ont en commun Confucius, Bouddha, Jésus de Nazareth, Jean-Paul II, Mère
Teresa, le dalaï-lama, pour ne nommer que ceux-là ?
Ce sont tous des individus qui, par l’intensité de leur vie religieuse et spirituelle, sont
devenus de grands témoins de l’Absolu, autant de témoins de l’importance de la
dimension spirituelle de l’existence humaine en tant qu’inspiration profonde à se
Le salut éternel, c’est pour les catholiques « la vie heureuse avec Dieu pour l’éternité » après la
mort. Le contraire est la damnation (la séparation), soit la vie éternelle privée des jouissances qu’offre la
présence de la divinité.
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Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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mettre au service de ses frères et soeurs. Ces grandes figures humaines et spirituelles
ont contribué chacune à leur façon à changer la face du monde.
Comment ces témoins issus des quatre coins du globe, de plusieurs cultures et
religions, ont-ils enrichi le patrimoine de l’humanité ?
D’abord, par leur vie et leur enseignement, ils ont apporté des réponses aux grandes
interrogations religieuses de l’existence : ils ont enseigné à des millions de personnes
à leur suite comment bien vivre et réussir sa vie sur terre, des façons de vivre pour
atteindre le bonheur sur terre et au ciel (le salut).
Hier comme aujourd’hui, plusieurs de ces témoins demeurent des modèles de la plus
haute moralité, et leur message religieux inspire encore les plus belles vertus (les
bonnes habitudes morales). Ils montrent par leurs vies la grandeur et la beauté d’une
vie vraiment réussie, ce dont l’homme et la femme sont aussi capables en termes de
beauté, de générosité, de hauteur, d’amour.
Ces témoins ont façonné nos civilisations, nos façons de penser et de vivre, nos
calendriers. Grâce à leur inspiration, on a construit des hôpitaux, des systèmes
politiques, des universités, des systèmes d’éducation, des panthéons, des villes et des
codes de loi, etc. Pour tout dire, leurs sagesses (arts de penser et de vivre) ont
engendré nos civilisations, occidentales ou orientales.
Chaque époque de l’histoire a connu l’existence d’un(e) de ces grands témoins
dont la vie a influencé celles de millions, voire de milliards d’autres personnes.
Le Québec a été érigé par les catholiques (jusqu’à 1960)
Et le Québec ? Il a aussi énormément reçu de plusieurs grandes figures chrétiennes
catholiques, en commençant par sa fondation.
Ces personnes ont fondé nos villes, nos hôpitaux, nos écoles, nos services sociaux et
loisirs. La qualité de leurs apports religieux et culturels ont été tels qu’on ne peut
comprendre l’âme du Québec, dans son histoire, sans une bonne connaissance de
la religion catholique.
Quiconque de bonne foi étudie l’histoire du Québec est frappé par l’influence
déterminante de la religion catholique sur les destins individuels et collectifs.
Historiquement parlant, le Québec s’est forgé sur la religion catholique et ses plus
belles vertus, dont le travail, la famille et la charité, pour ne nommer que celles-là.
Depuis 1960, d’autres valeurs ont remplacé les anciennes, avec un succès tout
relatif. Les Québécois(e)s modernes sont-ils plus heureux que leurs ancêtres ? La
question mérite d’être posée.
Les deux faces de la religion : la libératrice et l’aliénante
Historiquement, les mythes (premier récits religieux) ont été intégrés dans les toutes
premières religions jusqu’à se fondre en elles. Ces religions, on l’a dit, visaient à
répondre aux grandes questions de l’existence :
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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Quel est l’origine de l’Univers et de la vie ?
Qui suis-je ?
Y a-t-il une vie après la mort ?
Comment faire le bien et éviter le mal ?
Quelle vérité dois-je suivre ?
Avoir la foi ou être athée ?
Qu’est-ce que Dieu ?
L’histoire a-t-elle un sens ?
Pourquoi y a-t-il la vie plutôt que rien ?
Sommes-nous le fruit de l’évolution, du hasard ou de la création ?
Les réponses apportées par les différentes religions du monde à ces questions ont
édifié des systèmes de croyance, qui à leur tour ont créé des identités sociales. En
effet, comme on l’a vu, les religions ont jusqu’à très récemment – les derniers siècles
en Occident, les dernières décennies au Québec – beaucoup influencé les façons
de penser et de vivre. Pour résumer le propos, on peut dire que les gens pensaient et
vivaient selon les enseignements de leur religion.
Les bons côtés de la religion
Voyons maintenant la contribution éminemment positive des religions au genre
humain.
D’abord, en proposant des réponses aux grandes questions que se posent les êtres
humains, les religions ont fait oeuvre utile, voire irremplaçable.
Mais ce n’est pas tout : les religions, parce que leur message charrie des valeurs
morales, elles ont présidé à la création d’oeuvres humanitaires, éducatives et
hospitalières, elles ont mises de l’avant des valeurs sublimes telles que la charité, la
compassion, le pardon, la dignité humaine, la beauté de la vie, le salut, etc, des
valeurs qui ont inspiré ds millions, milliards de personnes dans leur vie quotidienne, les
poussant à devenir meilleur et à servir l’humanité de leur mieux.
Quant aux côtés sombres des religions, on les connaît : les divisions, ce sont les
violentes persécutions religieuses contre des minorités, les conversions forcées, les
guerres de religion, certains abus individuels et collectifs, les situations
d’endoctrinement, d’aliénation ou de dévalorisation systématique de l’autre,
différent ou lointain.
Mais pourquoi donc les religions, censées être des propagatrices de paix entre les
êtres humains, créent-elles tant de divisions et de guerres ? Est-ce dans leur code
génétique ?
Ici, il faudrait une très longue réponse, car les religions ont chacune leur code
génétique, et leur histoire : certaines ont été plus intolérantes que d’autres, plus
violentes, selon les périodes de leur histoire. Cela dit, il reste que, règle générale, on
doit retenir que très souvent, en fait dans la majeure partie des cas, ce ne sont pas
les religions en tant que telles – sur ordre de Dieu ! - qui créent les divisions et les
guerres, mais plutôt des croyants fanatiques qui décident de les instrumentaliser pour
leur recherche de pouvoir (politique ET religieux).
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
8
En somme, les conflits qu’on dits religieux ont aussi, presque toujours, des racines
sociopolitiques et économiques qu’il ne faut pas oublier si l’on veut bien les
comprendre. Dans les faits, il est rare que les conflits ne soient enracinées QUE dans
des différends de nature religieuse ; plus souvent qu’autrement, ce qui est en jeu, ce
sont des questions d’argent, de pouvoir, et de territoires, les motifs habituels des
guerre, comme on sait.
Quelques exemples de conflits de nature religieuse :
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Au Kosovo, les chrétiens orthodoxes contre les musulmans
Au Cachemire, les musulmans contre les hindous
Au Timor oriental, les musulmans contre les chrétiens
En Tchétchénie, les orthodoxes contre les musulmans
À ceux-là il faudrait ajouter ceux du Proche-Orient (Israël contre les musulmans), des
Balkans, de l’Irlande du Nord, du Sud du Soudan, d’Algérie, Chypre, du Tibet, et
d’autres...
Les mass medias ne présentent que la face sombre des religions
De nos jours, malheureusement, les mass media font presque toujours ressortir les
côtés sombres plutôt que lumineux des religions, et ce parce que, comme le dit
l’adage dans les médias, Good news is no news (une bonne nouvelle n’intéresse
pas les gens).
La conséquence de ce choix éditorial, c’est que ces présentations négatives et
incomplètes du fait religieux alimentent les préjugés les plus grossiers, alors que la
vérité et la réalité du vécu religieux est souvent tout autre.
En effet, chaque jour à Montréal seulement, des milliers – millions ? - d’actes de
charité et de bonté ont une motivation religieuse. Come l’affirme l’adage, le bien ne
fait pas de bruit; mais sans lui, le mal en ferait plus encore, serions-nous tentés
d’ajouter !
La religion comme objet de recherche savante
Les religions sont objets d’étude intellectuelle depuis très longtemps. Et ce n’est pas
un hasard : la littérature religieuse est née avec l’invention de l’écriture elle-même,
par les Sumériens il y a 5000 ans (en Mésopotamie, l’Irak actuelle). En d’autres
termes : l’écriture a d’abord servi à des fins religieuses et spirituelles (mais aussi à des
échanges économiques).
La littérature dite religieuse comprend des :
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Textes ou livres sacrés et fondateurs
Sommes théologiques (résumés, manuels de doctrine religieuse)
Textes exégétiques (exégèse : explication des textes sacrés)
Écrits patristiques (les premiers commentateurs des livres saints chrétiens, la
Bible)
Textes mystiques et spirituels (parlant de l’expérience de Dieu qu’ont eue les
grands priants)
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré

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9
Textes liturgiques et rituels (sur les célébrations sacrées dans les temples)
Hagiographie (hagios = saint, soit la vie des saints, des personnes citées en
exemple)
Commentaires spirituels (explications poétiques des livres saints)
Comme la littérature religieuse s’écrit depuis environ 5000 ans, on ne se surprendra
pas qu’elle soit abondante. Pendant des siècles, chaque tradition religieuse s’est
développée (voir les composantes de la littérature religieuse) comme en vase clos,
chaque religion ayant ses lieux de transmission, le permier étant la famille, bien
évidemment, puis les écoles religieuses de villages, pour ainsi dire.
Mais voilà qu’aux XIIIe et XIVe siècles apparaissent les premières universités, en
Angleterre en France (Oxford, Cambridge, La Sorbonne, de Paris), d’ailleurs fondées
par des religieux (comme presque toutes les universités, d’ailleurs).
En Occident, les premières universités ont donc été fondées pour enseigner la
théologie chrétienne (en grec : la science du divin (theos = Dieu, logos = parole). Les
premières facultés universitaires furent donc de théologie, attirant des étudiants du
monde entier. Voilà pourquoi on les retrouve encore dans la très grande majorité
des universités de la planète. Elles ont donné au monde plusieurs génies tels les saint
Thomas d’Aquin, Pic de la Mirandole, à Érasme, Guillaume d’Occam, Nicolas
Copernic, Pierre Teillard de Chardin (XXe siècle) pour ne nommer que ceux-là.
Puis, au XIXe siècle, ce fut la naissance des sciences religieuses comme science
universitaire, alors que des savants, des universitaires et des penseurs décident
d’étudier les religions comme phénomènes sociaux et culturels.
À la même époque, non sans résistance, d’autres disciplines universitaires
commencent à s’intéresser au phénomène religieux : l’anthropologie (étude de
l’être humain), l’histoire, la sociologie (étude de la société et de l’interaction de ses
diverses composantes), la psychanalyse (étude de l’inconscient et de son impact
dans la vie de chacun), la philosophie (étude du réel par la raison), la
communication, etc.
Aujourd’hui, il y a donc des professionnels de la religion comme il s’en trouve dans
les autres champs du vaste savoir humain, qu’il s’agisse de professeurs, de
chercheurs, de penseurs, de prêtres (dans une catégorie à part), de journalistes,
d’administrateurs, d’éducateurs, etc. Il y a aussi des maisons d’édition et des librairies
religieuses.
LES RELIGIONS DANS LE MONDE : QUELQUES STATISTIQUES5
D’abord, une réserve méthodologique : il est très difficile de comptabiliser avec une
grande rigueur le nombre de croyants d’une religion. Pour deux principales raisons :
la première, c’est qu’il est difficile de définir avec précision ce qu’on entend par
croyant : par exemple, pour un chrétien catholique, un croyant, est-ce un baptisé,
un pratiquant (qui participe aux offices religieux) occasionnel ou assidu, ou une
Sources : « L’Offensive des religions », in Le Monde diplomatique, no 48, nov./déc.
1999, tiré du livre Le phénomène religieux.
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Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
10
personne qui a été élevée religieusement ? La seconde difficulté tient à la méthode
de comptabilisation des croyants : certains pays, qui ont une religion officielle, sousestiment de façon délibérée leurs minorités religieuses, une façon de dire qu’ils les
considèrent comme déviantes, mauvaises (comme en Chine, qui persécute
religieusement ses minorités). Enfin, il arrive aussi qu’on comptabilise deux fois un
même croyant qui pratique plusieurs religions. Cela dit, malgré ces réserves, ces
chiffres donnent tout de même une bonne idée du poids relatif de chacune des
religions sur la carte religieuse du monde.
Le christianisme
Le christianisme compte trois (3) branches principales : le catholicisme romain (avec
le pape à sa tête), le protestantisme (né avec le schisme de Luther au XVI e siècle), et
l’orthodoxie (en Orient, le christianisme né du schisme du XI e siècle). Mais il faut savoir
que sa deuxième branche, le protestantisme (ou religion réformée), compte plus
d’une centaine d’Églises protestantes différentes (mais qui ont toutes en commun de
croire en Jésus-Christ comme Fils de Dieu). En 1533, l’Anglicanisme (Angleterre), un
enfant de la Réforme protestante, naît du schisme d’Henri VIII d’avec l’Église
catholique (notamment parce que celle-ci refusait d’autoriser son divorce d’avec
Catherine d’Aragon).
Le christianisme et ses nombreuses branches constitue donc la première religion
mondiale avec quelque 1,7 milliard de baptisés (le baptême est le premier rite
d’entrée – sacrement - dans l’Église). Le christianisme est très présent dans des coins
du monde où la natalité est très forte, tels l’Amérique latine et l’Afrique.
Actuellement les trois premiers pays chrétiens du monde sont le Brésil, le Mexique et
les Philippines, alors qu’en 1939, la France, l’Italie et l’Allemagne étaient en tête de
liste (autre signe manifeste de la déchristianisation de l’Occident).
Les États-Unis d’Amérique est le premier pays protestant au monde, les trois suivants
à égalité, soit le Nigéria, l’Allemagne et l’Angleterre. La majorité des anglicans, issus
de l’Anglicanisme (religion protestante réformée de l’Angleterre), sont de race noire.
Dans la grande famille des religions protestantes, le Pentecôtisme (qui donne
préséance à l’Esprit Saint, 3e Personne de la Sainte Trinité des chrétiens), compte
entre 100 et 300 millions de croyants, soit autant que toutes les autres églises
(confessions) protestantes réunies.
L’islam
Il s’agit de la deuxième religion de la planète, quand on inclut tous ses courants
(sunnites, chiites et autres), avec quelque 1,3 milliard de croyants. Les quatre
premiers pays musulmans du monde sont l’Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh et
l’Inde. Il s’agit donc essentiellement d’une majorité sud-asiatique et de moins en
moins arabe et proche-orientale. Compte tenu du haut taux de fécondité de ces
pays, cette majorité va s’accroissant à un rythme accéléré.
L’hindouisme
La troisième religion mondiale compte environ 800 millions de fidèles, dont 95 %
vivent en Inde. Il s’agit donc d’une religion très circonscrite géographiquement.
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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Le bouddhisme
Cette religion compte diverses écoles, soit les Petit Véhicule et Grand Véhicule, ainsi
que bouddhisme tibétain. Il s’agit de la quatrième religion de la planète, qui
compte 350 millions d’adeptes, dont 98 % habitent en Asie. Son rayonnement
débord l’Asie, et ce en raison notamment de son chef spirituel le dalaï-lama, très
présent dans les médias occidentaux.
Le judaïsme
Cette religion, numériquement parlant, n’est pas imposante, avec environ 14 millions
de croyants. Pourquoi si peu ? En raison des 6 millions de morts pendant la Seconde
guerre mondiale. Le nombre des juifs demeure donc stable. Cela dit, en raison des
facteurs politique – l’État d’Israël - et économique (le nombre élevé de juifs très
influents), aussi des rappels constants de l’holocauste, le judaïsme fait sentir sa
présence et son influence comme si elle était numériquement aussi importante que
les autres grandes religions.
Les nouveaux mouvements religieux et les sectes
En Occident, on estime à plus de 150 millions le nombre d’adeptes de ces nouveaux
mouvements religieux issus pour la très grande majorité du Nouvel Âge (dont nous
reparlerons en cours d’année). Mais l’influence diffuse (indirecte) de ce courant
religieux sur les mentalités est immense (croyance aux vies antérieures, à la
communication avec les esprits, les voyants et médiums, l’influence des cristaux et
talismans, etc.)
Tableau synthèse
Christianisme : 1,7 milliard
Islam : 1,3 milliard
Hindouisme : 800 millions
Bouddhisme : 350 millions
Judaïsme : 14 millions
SUR LES TRACES DE L’HOMME RELIGIEUX : L’EXPÉRIENCE DU SACRÉ
La religion est d’abord une expérience
La religion, pour un croyant, c’est d’abord une expérience. Plutôt qu’un contenu de
foi, un ensemble de croyances.
Une expérience certes hors de l’ordinaire, mais une expérience bien réelle, du moins
pour la personne qui la relate. Au fond, toute religion est d’abord née d’une
expérience religieuse faite par un individu ou un groupe, et cette expérience
fondatrice deviendra en quelque sorte l’ÉVÉNEMENT FONDATEUR de la religion
naissance. Quand on étudie le phénomène religieux, on constate qu’à travers toutes
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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les époques et dans toutes les régions du globe, des « expériences religieuses »
individuelles sont relatées.
On peut donc en conclure que l’expérience du sacré est universelle. Cela admis,
quand on les étudie de plus près, on constate que ces expériences ont à la fois des
éléments semblables et dissemblables. Cette étude comparative des religions est
fascinante parce qu’elle nous permet notamment de voir ce qui relie les religions
entre elles.
L’expérience de la rencontre du « TOUT AUTRE »
La religion, c’est d’abord une expérience (bis). Mais rencontre de quoi, de qui,
justement ? Pas une rencontre banale, de tous les jours, comme on s’en doute.
Il s’agit donc d’autre chose : d’une rencontre avec une Réalité, une Personne, avec
Quelqu’Un qui est TOTALEMENT DIFFÉRENT de l’être humain, d’où l’expression TOUT
AUTRE. Dit autrement, c’est une expérience du SACRÉ, de ce que l’on appelle le
DIVIN, la rencontre d’une dimension du réel qui déborde le cadre régulier de notre
vie, d’une Réalité qui est différente de tout ce que l’on connaît, qui est au delà de
tout ce que l’on connaît, une réalité transcendante. D’où le caractère mystérieux
(caché) de ces rencontres.
Cette troublante rencontre (en effet !), la découverte de cette dimension jusqu’alors
cachée de l’expérience humaine, la rend difficile à décrire et nommer, les mots
humains étant inaptes pour décrire cette nouvelle expérience et réalité. Pourtant,
cette expérience du sacré est bien réelle, elle n’est pas une hallucination, mais elle
est hors du commun, et pour cela innommable. De plus, elle semble inaccessible à
la raison humaine, car le divin dépasse, déborde infiniment le cadre de nos
concepts et de nos raisonnements – Il est le TOUT AUTRE, au delà même du
pensable. C’est une expérience de l’infini dans sa force et sa grandeur. En raison de
sa nature même, cette expérience du sacré est au moins partiellement indicible
(elle ne peut se dire, se raconter avec précision et force détails); pourtant, il s’agit
d’une expérience bien réelle, qui s’impose à celui ou celle qui la vit.
On comprend donc mieux pourquoi les récits d’expériences du sacré et du divin
nous sont si difficiles à comprendre ; comment pourraient-ils l’être alors que ceux-là
mêmes qui les ont vécues font face au défi impossible de les traduire (raconter) en
mots humains ? Comment les mots humains pourraient-ils parler d’une réalité qui
dépasse infiniment l’humain ?
Cela admis, malgré cette difficulté impossible en apparence, ceux qui ont
expérimenté le Sacré, ceux qui ont eu l’extraordinaire chance – car c’en est une –
de pénétrer l’au-delà du voile des apparences humaines osent parler, mais on ne se
surprendra pas que pour ce faire ils utilisent le langage symbolique. Car la force des
symboles, c’est qu’ils renvoient à un au-delà d’eux-mêmes, comme la rose offerte
qui dit l’amour dont elle est le signe.
LE MONDE DES « I »
Pour désigner et qualifier le TOUT AUTRE, l’homme religieux utilise de nombreux
épithètes qui ont la particularité de commencer par le privatif IN. D’où l’expression le
monde des I :
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Infini
Indicible
Inaccessible
Inconnu
Ineffable
Insaisissable
Insigne
Invincible
LES NOMS, LES LIEUX ET LES REPRÉSENTATIONS DU TOUT AUTRE
Les noms de Dieu
Dans la longue histoire des religions, aussi longue, on l’a vu, que l’histoire du genre
humain, les façons de nommer ce TOUT AUTRE ont été très nombreuses, selon la
langue, la culture.
En fait, ces noms de Dieu(x) se comptent par milliers, surtout quand on plonge dans
les mythologies de chaque pays et continents et leurs panthéons (pan = tous, theon
= dieux). Les dieux et divinités se comptent donc par centaines, voire milliers ! Eh oui,
les hommes ont de l’imagination quand vient le temps d’inventer des divinités...
Plusieurs centaines de noms de dieu(x) donc, mais aussi un liste presqu’interminable
d’attributs simples ou compliqués, de formules, qui visent à faire comprendre QUI EST,
QUI SONT cette ou ces divinité(s) (comme les 99 noms d’Allah pour l’islam : Le
Miséricordieux, le Juste, etc). Car nommer ne suffit pas, il faut aussi décrire les traits
de caractère (par exemple, dire que je m’appelle Luc ne me décrit pas; par contre,
si on ajoute que je suis gentil, viril et pauvre, on s’approche de la réalité). Voyons
quelques-uns des traits de caractère associés à une divinité :
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L’Éternel
L’Esprit
L’Amour
La Lumière
Le Tout-Puissant
Le Juge
Le Père
Le Créateur
Le Sauveur
Le Tout
La Providence
Le Souverain
L’Unique
L’Omniprésent
Le Tout-croyant
L’Un (en philosophie)
Le Vrai (en philosophie)
Le Bien - Souverain Bien (en philosophie)
Le Beau (en philosophie)
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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L’Être des êtres (en philosophie)
La Cause des causes (en philosophie)
La Fin des fins (en philosophie)
Voyez, le vocable Dieu, dans chacune des langues du monde, évoque un nombre
presqu’infini d’aspects, de facettes, de réalités et de possibilités ; qui s’en surprendra
?
En somme, on voit bien qu’il est donc presqu’impossible de définir avec précision et
clarté ce que le terme Dieu signifie dans sa totalité; cette impossibilité de dire Dieu
s’explique par l’incapacité humaine de qualifier parfaitement cette Réalité
mystérieuse (partiellement cachée) que les hommes cherchent depuis toujours.
D’ailleurs, si Dieu est réellement le Tout-Autre, n’est-il pas normal que les hommes ne
sachent le définir avec précision ? Un Dieu que les hommes réussiraient à « enfermer
» dans un terme précis, unique, serait-ce encore un Dieu ? Non. Dieu ne peut pas
rentrer dans notre petite tête, pas complètement en tout cas, car Il est ... Dieu, le
Créateur sans début ni fin, sans limites, alors que nous, nous ne sommes que
limitations, parce que des créatures.
Les lieux de Dieu : en haut ? à l’intérieur ? au-delà ?
Mais où donc est Dieu ? Peut-on savoir où Il se trouve ?
Depuis le début des temps, l’être humain essaie de localiser ce Dieu invisible. Les
croyants sentent bien que ce Dieu transcende, qu’IL est au-delà des réalités
matérielles de ce monde, qu’IL est « dans les cieux », comme le dit le Notre Père
chrétien. Mais dire cela, est-ce tout dire du lieu où loge Dieu ? Certes non !
D’abord parce qu’on sait bien que Dieu n’est pas dans les cieux physiques, dans
l’espace, aux confins de l’Univers physique et matériel. Les trois religions
monothéistes (pour ne nommer que celles-là) affirment que Dieu est transcendant à
la matière, au-delà de tout ce qui existe et de ce qui est visible. En d’autres termes,
Dieu est extérieur à sa création, Il la domine. Dieu, Pur Esprit, n’habite pas le monde
visible mais bien le monde invisible.
Un monde invisible, mais réel
Un monde invisible au regard humain, mais qui n’en est pas moins réel (selon les
croyants). Car nos sens ne nous permettent pas de tout voir et savoir de ce qui
compose le Réel total. De la même façon que nos yeux ne nous permettent pas de
voir les micro-organismes qui se retrouvent sur nos mains, nos sens nous voilent le
monde invisible qui est celui de Dieu, des esprits, des créatures spirituelles.
C’est précisément parce que ce monde se dévoile à notre regard sensible que tant
de personnes refusent de croire à sa réalité ; ils refusent d’admettre qu’il puisse y
avoir une réalité, un autre monde, inaccessible aux sens humains. Or comment un
Dieu qui serait un Pur Esprit pourrait-Il être réduit aux choses matérielles, comme un
objet qu’on étudie au microscope ? Doit-on être surpris de ne pas pouvoir étudier
Dieu en laboratoire ? Pas du tout ! Dieu, s’IL est Esprit, est donc TRANSCENDANT par
rapport au monde matériel.
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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Dieu immanent
Mais ce Dieu Pur Esprit n’est-il que transcendant ? Non, affirment la plupart des
croyants d’une multitude de religions; Dieu habite aussi, mais de façon spirituelle, le
monde matériel qui est le nôtre. Dieu n’est donc pas étranger à sa création.
Dieu à l’intérieur de nous
Mais il y a plus. Des millions de croyants font l’expérience saisissante que Dieu est
aussi à l’intérieur d’eux, en eux, dans leur coeur et leur esprit. Ils sentent que cette
Entité spirituelle Personnelle se manifeste et agit en eux. Cette présence intérieure de
Dieu en nous et dans le monde matériel se nomme l’immanence. Nous y reviendrons
quand nous étudierons bientôt le mystère de la prière.
Résumons-nous : pour bien des religions, Dieu serait donc à la fois transcendant, une
Réalité qui est objective, à l’extérieur, au-dessus de nous, mais aussi immanent, c’està-dire une réalité Personnelle intérieure, une Présence réelle et vivante au coeur de
l’esprit ou de l’âme humaine, et du monde
Les différentes représentations de Dieu
Quand on a dit que pour plusieurs religions Dieu est à la fois transcendant et
immanent, on a déjà dit beaucoup sur Dieu, mais pas tout ! Il reste maintenant à
définir QUI EST DIEU, quelle est sa nature, sa personnalité, son rapport aux êtres
humains.
C’est notamment quand vient le temps de définir, de présenter la personnalité de
Dieu, la nature de sa relation avec les êtres humains que les religions divergent entre
elles.
Dieu personnel ou impersonnel ?
Qu’est-à-dire ? Dieu est-il un Principe, une Force anonyme – donc pas un Être
personnel – unique et suprême de l’existence de l’ordre dans le monde, de la
pensée dans l’être humain ? Ou Dieu est-il, au contraire, un Être personnel, supérieur
à l’humanité, qui donne des ordres et fait des promesses, auquel on adresse des
prières et à qui l’on rend un culte ? Une Personne avec laquelle les êtres humains
pourront entrer en relation, devenir partenaires, dialoguer, voire ... aimer ?
Quand on étudie ou approche une religion, cette première distinction est capitale
pour préciser de quel Dieu il s’agit : une Personne ou un principe anonyme (une
fantastique Force ou Énergie) ?
L’histoire des religions nous offre plusieurs options de croyances. Diverses
représentations de Dieu ou des dieux vont s’exprimer dans différents systèmes de
croyances dont les principaux sont l’animisme, le polythéisme et le monothéisme. À
ces systèmes, on doit ajouter une autre croyance - car c’en est une ! - , qui est
l’athéisme, ou son frère cadet l’agnosticisme. Quelques mots sur chacun d’entre
eux.
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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Les systèmes de croyance (incluant l’athéisme)
L’ANIMISME désigne l’ensemble des croyances en un principe supérieur (donc
anonyme, pas personnel !), force vitale ou âme, qui réside dans les lieux, les objets
ou les phénomènes naturels (soleil, lune, orage, etc.). On pense ici notamment aux
spiritualités amérindiennes et africaines ancestrales.
Le PANTHÉISME6 est très près de l’animisme. Il affirme que Dieu existe, mais qu'Il
s'identifie à la somme totale de tout ce qui est. Il s'identifie au monde. Tout ce qui
existe est divin. L'être humain ne peut échapper à la divinité, parce que, tout
comme le monde dans lequel il baigne, il est une partie de Dieu, il est une partie du
Grand Tout, de la Grande Chose.
Le mot «panthéisme» vient de deux mots grecs: pan, qui signifie tout, et theos qui
signifie Dieu. Le panthéisme est donc la doctrine qui identifie l'univers matériel et
l'être divin. Chacun de nous a l'impression d'être différent de l'autre, différent du
monde. Mais tout cela est une pure illusion. Les choses autour de nous, le monde,
tous les êtres ne sont qu'une partie d'un Grand Tout, et cet ensemble, cette Grande
Chose éparpillée dans l'apparence des êtres, est Dieu. La multiplicité des êtres est
donc une pure illusion. Il semble y avoir de la multiplicité dans l'être, mais en fait, il n'y
qu'un seul Être. Voilà la doctrine fondamentale du panthéisme.
Après l’animisme, qui postule en quelque sorte un principe divin présent partout et
en tout, le POLYTHÉISME est la croyance la plus ancienne et répandue dans
l’ensemble des religions : elle postule qu’il y a plusieurs dieux personnels (poly =
plusieurs, theos = dieu). Les religions de l’Antiquité mésopotamienne, égyptienne,
phénicienne, grecque, romaine ou indienne étaient polythéistes.
Dans celles-ci, chacune des multiples manifestations ou aspects de l’Absolu (Dieu)
est considérée comme un être divin et distinct. Puisqu’elles croient en plusieurs dieux
et divinités, ces religions comportent souvent un PANTHÉON (pan = tous, theon =
dieux), qu’il soit physique (un temple) ou symbolique (dans les écrits), où l’on trouve
l’ensemble de ces divinités qui interagissent entre elles (l’ancêtre des soaps
américains, rien de moins !).
Le MONOTHÉISME, la forme la plus tardive de croyances religieuses (apparu avec le
judaïsme il y a environ 3000 ans, ce qui est très récent dans l’histoire religieuse de
l’humanité), est une doctrine selon laquelle il n’y aurait qu’un seul Dieu Personnel à
l’origine du monde (monos = un, theos = dieu).
Les religions qui proposent le monothéisme sont, selon leur ordre chronologique
d’apparition, le judaïsme (circa 1000 ans av. J.-C.), le christianisme (une réforme du
judaïsme, l’an 1), et l’islam (VIIe siècle ap. J.-C.).
Fait digne de mention : le monothéisme chrétien est particulier parce qu’il professe
un seul Dieu mais en ... trois (3) personnes distinctes, mais de même nature : le Père,
le Fils et l’Esprit (Saint), ou la Trinité (de trine= trois). Ce Dieu-Trine, ou trinitaire, sera
Cette définition provient de
www.cafe.rapidus.net/neturcot/textes/1999/pantheisme.html
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Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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souvent, dans l’histoire, accusé de polythéisme, car mal compris – et on concède
qu’il n’est pas simple à l’esprit humain de concevoir que 1 + 1 + 1 = 1 !!! Mais les
chrétiens confessent depuis les premiers siècles que le MYSTÈRE DE DIEU EST TRINE.
C’est donc dire que Dieu est une éternelle RELATION D’AMOUR entre TROIS
PERSONNES DIVINES.
Sur le plan historique et culturel, il faut savoir que le monothéisme est aussi le système
de croyances qui a défini l’Occident depuis 3000 ans, lequel a été essentiellement
judéo(juif)-chrétien.
Les philosophes, à partir du XVIIe siècle, font ajouter deux catégories de croyances.
Le THÉISME postule l’existence d’un Dieu personnel à qui l’on doit rendre un Dieu,
alors que le DÉISME se contente de postuler qu’un Dieu existe, mais simplement
comme « horloger du monde », selon la formule de Voltaire, et qu’il n’est pas
nécessaire de Lui rendre un culte puisque ce Dieu ne veut pas se révéler aux
hommes et entrer en relation avec Lui.
DEUX DOCTRINES QUI SONT AUSSI DES POSTURES RELIGIEUSES
L’ATHÉISME est à la fois l’attitude intellectuelle et la doctrine de ceux qui nient
l’existence d’un dieu, personnel ou impersonnel, mais aussi de toute réalité
transcendante.
Les athées, ou les incroyants, croient que tout le réel observable, l’Univers et tous ses
phénomènes, que tout cela peut s’expliquer par les lois de la nature (que les
sciences découvrent mais n’inventent pas !) et de l’histoire.
Au plan de la philosophique, la pensée athée est véhiculée par les systèmes
matérialiste (il n’y a que la matière, tout vient et procède de la matière éternelle) et
nihiliste (nihil = rien). Cette dernière doctrine postule que le monde et l’existence
humaine sont dénués de toute signification, tout but, toute vérité compréhensible ou
toute valeur. Bref, que le monde, la vie est absurde, puisque la mort finit par tout
détruire. En littérature et philosophie, Camus et Cioran en sont deux représentants,
surtout le second.
L’AGNOSTICISME, qui s’apparente au scepticisme (le doute), est la posture
intellectuelle selon laquelle on refuse de prendre parti, de choisir, sur ce qu’on ne
peut connaître par les sens ou par la preuve scientifique (très proches, le scientisme,
ou positivisme, ou empirisme, sont des doctrines philosophiques qui postulent que
n’est réel que ce qui est tangible, mesurable, étudiable). Or, comme l’existence de
Dieu n’est pas mesurable selon les moyens et outils de la science, l’agnostique
suspend son jugement, refuse de se prononcer sur son existence ou non-existence.
Cela admis, dans les faits, concrètement, cette position philosophique a les mêmes
fruits que l’athéisme : l’agnostique vit comme si Dieu n’existait pas !
Introduction au phénomène religieux : l’être humain et le sacré
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QUESTIONS SYNTHÈSE
Après avoir lu ces notes de cours, je me demande : ma perception du phénomène
religieux, de la religion, de Dieu, ont-elles changé ? Je m’explique.
Je me demande, une autre fois, suis-je croyante, athée ou agnostique ? Si je suis
croyante, quelle représentation ai-je de Dieu ? Suis-je monothéiste ou polythéiste,
animiste, athée, agnostique ?
Luc Phaneuf
SDG
6.11.2007
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