Préface du Docteur Jean-Pierre Willem

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Préface du Docteur Jean-Pierre Willem
C’est avec un réel plaisir que j’ai accepté de préfacer ce livre « La médecine
africaine : une efficacité étonnante ». Depuis vingt ans, je connais le nom du
Professeur Yvette Parès et son œuvre à l’Hôpital Traditionnel de Keur Massar à 25
km de Dakar. Cette expérience unique qui pourrait se lire comme un roman s’il n’y
avait pas en toile de fond tous ces drames, ces épisodes douloureux, ces joies, ces
frustrations, ces mesquineries … La lumière et l’ombre s’interpénètrent, la lutte entre
le bien et le mal reste indécise. Mais la Providence est toujours là, présente, lorsque
surgit un contretemps dans le bon déroulement.
Quand on s’attaque bien indirectement aux intérêts des lobbies, à l’égo des
universitaires et des confrères locaux, quand on découvre des solutions
thérapeutiques alors que la médecine officielle est démunie, alors il faut s’attendre à
une riposte sournoise ou frontale. Comme le signale Yvette Parès « L’espoir
qu’apportait déjà la médecine traditionnelle issue du génie de l’Afrique, était bloqué
par ceux là même qui auraient du le défendre. Pouvoir, honneur, argent, vanité,
aveuglement sous-tendaient cette conduite aberrante dont les conséquences en
seraient désastreuses. »
J’ai connu ce type de parcours semé de joies, de déconvenues, de révolte parfois.
Après un parcours de vingt années au sein de plusieurs associations humanitaires
soignant selon les méthodes de la médecine officielle et ayant rapidement pris
conscience de ses limites, j’avais crée ma propre association « Médecins aux pieds
nus » qui collaborait avec les tradipraticiens, les sages-femmes traditionnelles et les
herboristes. Elle connut les plus grandes difficultés.
Les pays du Tiers-Monde –mais pourquoi ce terme péjoratif ?- ont su élaborer des
civilisations qui furent souvent brillantes, bien adaptées à leur environnement, avec
leurs propres valeurs culturelles et spirituelles et leurs médecines spécifiques.
C’est à ces médecines qu’il convient maintenant d’apporter notre respect et de les
inclure dans la lutte conte tous les fléaux sanitaires. Une telle attitude a caractérisé,
pour la médecine africaine, le parcours d’Yvette Parès.
Affectée au Sénégal, à l’Université de Dakar, en 1960, après plusieurs années
passées au CNRS, elle est rapidement confrontée au problème de la lèpre. Elle prend
conscience d’une évidente réalité ; les médicaments chimiques occidentaux ne
solutionnaient pas la pathologie de cette affection.
Les travaux scientifiques qu’elle entreprend mettent en évidence les capacités des
plantes réputées anti-lépreuses. Un chemin se dessinait alors qui conduisait vers la
médecine africaine et les thérapeutes renommés dans le domaine de la lèpre. C’est
ainsi qu’elle rencontra un grand maître peul, Dadi Diallo, puis d’autres encore qui
devaient l’enseigner.
Ce passage à franchir, ce saut dans l’inconnu s’avéra difficile. Une fois réalisé, la joie
d’Yvette Parès ne demeure pas longtemps sans mélange. Marcher dans un précarré
en offensant l’égo de ses confrères et en s’attaquant aux intérêts des lobbies
pharmaceutiques ne pouvait que susciter de fortes réactions. Je ne peux m’empêcher
de la citer : « Malgré les résultats évidents que nul ne pouvait nier, l’opposition ne
désarmait pas. Etait-ce impossible pour les médecins européens d’accepter les
compétences des médecins traditionnels ? Cela heurtait évidemment l’esprit hérité
d’une période révolue mais encore si proche.
L’attitude des médecins africains formés à l’Université de Dakar était non moins
étrange. Les résultats obtenus grâce à leurs propres valeurs culturelles auraient du
les combler de fierté. Et que dire des œuvres et institutions d’aide aux lépreux
installées au Sénégal qui ne cessaient leurs critiques et par des rapports cherchaient
toujours à décourager les œuvres amies de Keur Massar afin de tarir le soutien
financier ! Comment concilier charité et affront à l’intelligence des peuples que l’on
prétend secourir ? Ces deux attitudes sont de toute évidence, incompatibles. »
Aujourd’hui, environ 80% des cinq milliards d’habitants qui peuplent la planète
recourent essentiellement aux médecines traditionnelles pour satisfaire leurs besoins
de santé. N’est-ce pas déjà la meilleure preuve de leur valeur et de leur adaptation
aux réalités actuelles des populations sur les divers continents ?
Les pays d’occident, influencés par un sentiment de supériorité souvent inconscient,
ont voulu « civiliser » tous ces peuples, c’est-à-dire à les couler dans notre moule.
Le moment ne serait-il pas venu de reconnaître et d’accueillir les immenses richesses
culturelles et médicales des pays du sud ? Ce serait ainsi l’amorce d’un mouvement
qui pourrait contribuer à ramener paix et équilibre dans notre époque si perturbée.
Comme nous l’avons tenté avec notre association « Médecins aux pieds nus », le
parcours d’Yvette Parès constitue un autre pas vers ce même but.
Enfin, pourquoi ne pas imaginer qu’un jour, les noms des plus grands thérapeutes
traditionnels d’Afrique, peuls, sérères, socé, wolofs, mandings, dogons, haoussas et
autres ethnies des plus grands chamans amérindiens, thérapeutes islamo-arabes,
asiatiques, océaniens ne viendraient s’ajouter à l’histoire universelle de la médecine,
rejoignant les noms de leurs confrères d’occident ?
Extrait de La médecine africaine une efficacité étonnante
Professeur Yvette Parès
En médecine africaine, l’accent a toujours été mis sur l’importance du premier geste
thérapeutique, le bon accueil du patient. On doit lui parler d’abord de choses et d’autres
afin de le détendre et de le mettre en confiance. Ces préliminaires essentiels ouvrent le
chemin pour l’écoute des maux et l’examen médical pratiqué selon les méthodes
enseignées par les maîtres. Les thérapeutes à Keur Massar suivaient cette ligne de
conduite.
Lorsqu’ils avaient posé le diagnostic, le disciple qui les assistait prélevait dans la
pharmacie de réserve journalière, les bouteilles de macérations et décoctions qui convenaient
En même temps, le praticien complétait le traitement en prélevant dans les bois émaillés,
diverses poudres qu’il mélangeait soigneusement. Le conditionnement des plus simples,
consistait en papier dont les bords étaient fortement routés. Dans certains cas, il s’agissait de
petits cornets.
Abdoulaye Faty, lettré en arabe, avait constitué de gros dossiers parfaitement classés. Il
avait mis au point aussi une organisation ingénieuse afin de gagner du temps et de diminuer
l’attente des patients. Une petite ouverture pratiquée dans la cloison légère qui séparait case
de consultation et pharmacie journalière lui servait de guichet. À travers ce trou, il passait les
ordonnances. Les disciples lisant eux aussi l’arabe, prenaient alors les médicaments indiqués
et les remettaient aux patients, dehors, en précisant les posologies de vive voix et par des
signes tracés sur les bouchons de bouteilles.
Ainsi s’écoulaient, jour après jour, les activités des consultations externes auxquelles
s’ajoutèrent bientôt les massages et les soins des yeux dans deux petites cases rapidement
édifiées.
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