Anthropologie historique Exemplier Vladimir Farine Fraude, contrefaçon et contrebande : Présentation de texte Introduction : Cette présentation porte plus précisément sur des exemples concrets, à travers la thématique de la contrebande, d’anthropologie historique ou plutôt ici d’histoire anthropologique. But du livre et discipline Le livre a pour but, selon l’introduction des auteurs, de montrer les échecs de la main invisible d’Adam Smith. C’est-à-dire les secteurs ou, dans les relations producteur-producteur, producteur-consommateurs et consommateurconsommateurs, se manifestent des pratiques illégales. L’accent est mis sur 3 types de fraudes : contrebande et circuits de l’économie informelle ; fraudes monétaires, financières et comptables ; fraudes sur la qualité des produits dans l’alimentaire et le textile. Il couvre un période allant à peu près du 17 ème au début du 20ème sciècle et la plupart des textes concernent la France. L’ouvrage tend à montrer que la fraude, la contrefaçon et la contrebande ont toujours fait partie de ce qu’on appelle l’économie de marché mais également que l’état n’est jamais parvenu à enrayer totalement ces pratiques. Le livre relève essentiellement de l’histoire économique mais avec des influences anthropologiques notamment en particulier au début du livre et dans les différents textes qui sont présentés ici. Texte 1 : Violence, magie populaire et contrats transfrontaliers. L’environnement économique, politique, social et culturel d’un contrebandier flamand au XVIIIème siècle. Harald Deceulaer. La vie de Colingris Le contrebandier dont l’auteur nous parle porte le sobriquet de Colingris. Ses agissements portent sur une période courte entre 1750 et 1759, date de sa pendaison. Il né vers 1727, devient d’abord cordonnier puis s’engage dans l’armée en 1743 ou il apprend le maniement des armes. Après sa désertion il commence par la contrebande de tabac dont les prix sont bien moins élevés au Pays-Bas qu’en France cela notamment suite à la hausse des droits du tabac en France en 1749. Cette contrebande n’est pas ouvertement combattue par les autorités politiques car elle représente un important secteur économique. Parfois même les douaniers sont impliqués. L’auteur montre les relations commerciales entre les différentes régions et indirectement comment le fraude se nourrit des réglementations étatiques puisque sans règles la fraude n’existe pas. Anthropologie historique Exemplier Vladimir Farine L’auteur donne bien plus de détail, il y a un véritable travail de remise en contexte. Grâce à des sources secondaires il retrace le parcours de vie de ce contrebandier en le replaçant dans le contexte de son époque. Ce travail détaillé, allant plus loin qu’une simple énumération de dates biographiques clés, nous permet même de percevoir le caractère du contrebandier, pour le moins téméraire. Colingris et la magie Une partie du texte, se rapprochant de thématiques anthropologiques, concerne les lectures et pratiques magiques de Colingris Le contrebandier prétend avoir des pouvoirs magiques qui lui permettent d’être un dur et de transmettre cela à d’autres individus afin que ce soit des durs comme lui. Les pratiques de Colingris ne sont toutefois pas inscrites dans son livre mais relèvent plutôt d’un bricolage entre différentes traditions orales et écrites (syncrétisme du chamanisme islamisé ?) Ceci n’est pas quelque chose d’exceptionnel mais s’inscrit dans la tradition de l’époque. L’auteur reconstitue les influences de la « magie » de Colingris en proposant notamment une analyse culturelle de son livre. On dépasse ici le cadre stricte d’une histoire quantitative. Elle replace le livre dans sa longue tradition et se demande si ce livre est un exemple d’une « culture populaire abandonnée par les élites ». L’auteur ne dit pas juste que le contrebandier utilise un livre de magie mais décrit en quoi ce dernier fait « partie de son époque » et participe de dynamiques culturelles. Pourquoi Colingris utilise la magie ? En fait le contrebandier signe on contrat d’assurance qui stipule qu’il prend tous les risques à sa charge. Colingris donne une certaine somme au marchand de tabac qui lui est reversé avec un commission après livraison. Mais s’il se fait attraper il perd tout. Dans ce contexte on comprend bien qu’il faut tout faire pour intimider les douaniers, leur faire peur. Conclusion L’auteur souligne le problème de l’étude en économie néo-classique qui réfléchit en termes de modèles rigides et qui ne prend pas finalement en compte les croyances, les émotions de l’homo economicus. Le but du chapitre nous dit l’auteur est donc est d’enrichir l’étude économique et historique de la contrebande en l’analysant selon des prismes sociaux, politiques et culturels. Elle veut donc tenter d’éclairer une carence contemporaine par un exposé historique. Finalement ici les pratiques magiques du contrebandier obéissent à une certaine rationalité économique. Dans ce texte l’auteur vogue entre des histoires économiques, sociales et culturelles afin d’éclairer le sujet de la contrebande. Elle part pour cela d’un Anthropologie historique Exemplier Vladimir Farine sujet concret, de l’expérience et de la vie d’un contrebandier pour le généraliser. Texte 2 : Le rôle de la fraude dans l’enrichissement des réseaux de migrants montagnards à l’époque moderne. Laurence Fontaine L’auteur questionne ici les lésés et la nature du dommage lié à la fraude. Les lésés peuvent être multiples : l’état, des groupes sociaux ou professionnels, des individus. La nature du dommage peut être lié à des attentes économiques, culturelles. Avec les réseaux de migrants la fraude change d’échelle et devient plus importante. Ils ont fait de la fraude un élément de leur réussite. Dans un premier temps l’auteur montre comment les fraudeurs ont contourné les lois Dans un deuxième temps, par des exemples concrets, elle montre comment les fraudeurs utilisent leur communauté d’origine et les institutions étatiques afin de développer leurs activités illégales. Les colporteurs Les colporteurs entraient en concurrence avec les marchands sédentaires et étaient composés principalement de migrants. Ils se basent sur des villes qui sont des bases et ou des familles peuvent leur fournir la marchandise nécessaire. Pour stopper cela les marchands sédentaires leur interdisent d’embaucher des gens de leur pays et leur bloque l’accès aux institutions de l’artisanat. Ils ne peuvent donc théoriquement plus s’approvisionner ni distribuer leur marchandise à des colporteurs venus de leur pays d’origine. Pour contourner des réglementation les colporteurs s’aident des dynamiques sociales (histoire anthropologique) et les conflits d’intérêts du pays dans lequel ils opèrent. En fait même si les souverains veulent stopper la pratique ils se heurtent à la population qui voient d’un bon œil ces marchand nomades Les villes quant à elles perçoivent des droits de douane et s’enrichissent sur le colportage Les tentatives de restrictions demeurent en grand partie inefficace. Les colporteurs occupent de vaste territoires ce qui leur permet de prospérer. Si ça marche pas quelque part ils intensifient leurs pratiques ailleurs. L’auteur décrit ensuite des stratégies de contournement des réglementations. Par exemple les colporteurs jouent des rivalités entre les villes. Si une ville met en place un règlement les colporteurs vont ailleurs. Il arrive également qu’un colporteur marie la veuve d’un marchand local pour reprendre son commerce. Exemple concret : fraudeurs suisses à Strasbourg Cet exemple montre en particulier l’utilisation des privilèges de quelques membres de la communauté pour mettre en place la fraude. L’auteur parle de savoir social c’est-à-dire la capacité de tirer un bénéfice des rivalités entre groupes sociaux. Anthropologie historique Exemplier Vladimir Farine Après les capitulations entre le Roi de France et les cantons suisses il est statué qu’en échange de soldats les suisses jouiront de privilèges fiscaux. Les suisses portiers d’hôtels aristocratiques mettent en place des débits illégaux de vin sans payer les taxes prétendant qu’ils y ont droit (ces prétendus privilèges fiscaux). La juridiction de ces hôtels n’est pas là-même que pour les autres débits comme les cabarets. Les aristocrates qui emploient les suisses peuvent faire ce qu’ils veulent et ils n’ont pas cessés le trafic. Les suisses ont donc profité de la rivalité entre les groupes sociaux dans la ville de Strasbourg. Conclusion Ce que l’auteur a voulu montrer ici c’est que l’étude qui dit que « « travailler sur la fraude renseigne autant sur la fabrication des lois que sur les groupes humains qui vivent dans leur transgression ». Lorsque l’auteur étudie comment ces groupes de migrants contournent les règlements elle met également au jour les différents groupes sociaux qui entrent en concurrence pour la défense de leurs intérêts. Et c’est de cette stratification et de cette lutte entre ces groupes que se nourrit la fraude, en l’occurrence ici le colportage. « Ces réseaux de migrants ont su tirer profit des frontières sociales, des luttes et des tensions à l’œuvre dans les territoires où ils ont circulé ». Ce qui est également intéressant c’est de voir l’organisation de ces réseaux que l’on peut apparenter à des clans familiaux comme on le voit encore aujourd’hui dans la mafia italienne par exemple. Texte 3 : Authenticité et faux dans les arts premiers. Roland Bonnain-Dulon Dans cette étude l’auteur aborde plus précisément le cas des arts premiers et étudie qu’est-ce qui fait l’authenticité d’une œuvre de cette catégorie et est-ce que ces critères sont les mêmes aujourd’hui. Pour les anthropologues les arts premiers sont souvent avant tout des témoins de la vie quotidienne et ils y voient des aspects fonctionnels, explicatifs de la vie d’alors. Mais depuis les 20ème siècle ces productions ont été promues au range d’œuvre d’art par des collectionneurs occidentaux. Il y a donc un chox entre des visions en grande partie opposées Mais alors comment dire si tel objet est authentique ou non ? Elle cite notamment l’anthropologue James Clifford (Malaise dans la culture. L’ethnographie, la littérature et l’art au 20 ème siècle. 1996) qui dit « l’authenticité accordée aux groupes humains et à leur travail artistique est une conséquence de certaines conceptions de temporalité et de continuité ». Aujourd’hui la signature occupe une place très importante dans l’authenticité mais elle n’existe pas en arts premiers. Anthropologie historique Exemplier Vladimir Farine Le pedigree Pour les œuvres classées dans la catégorie des arts premiers le pedigree se manifeste par une liste de noms et de lieux, dans les catalogues d’enchères notamment. C’est le parcours de l’objet à travers les collections occidentales. A qui il a appartenu, de quelle collection il a fait partie, etc. Dans ce pedigree la personnalité du collectionneur est extrêmement importante. Cela lui donne sa valeur d’authenticité. Ce ne sont pas les qualités intrinsèques de l’objet qui compte mais la réputation des personnes qui l’ont possédé. Conclusion Ce qui est intéressant en particulier ici c’est l’étude d’un choc entre une vision anthropologique des arts premiers (témoins de la vie quotidienne) et une vision de collectionneur (objet d’art comme un autre, catégorie esthétique qui a un prix). De plus l’objet est sorti de son contexte historique puisque ce qui fait sa valeur en priorité c’est la réputation des gens qui l’ont possédé. Des exemples anthropologiques de la contrebande Il ne s’agit pas ici de présenter en détails ces deux textes mais de voir comment ils intègrent l’histoire dans leur recherche. Jusque-là c’était un livre d’histoire avec des éléments anthropologique et l’idée est ici de voir si la construction d’un étude anthropologique sur le même sujet varie peu ou beaucoup. Les textes sont : Commerce et contrebande : les réseaux d’importationdes textiles imprimés entre brazzaville et Kinshasa de Sylvie Ayimpam et Les chemins de la contrebande : étude des réseaux commerciaux en pays hausa. Emmanuel Grégoire Dans le premier texte le sujet est assez clair et transparait dans le tire. Elle effectue ici une recherche ethnographique directement sur le terrain donc contrairement aux textes que j’ai présentés elle ne se base pas sur des écrits, un corpus secondaire mais sur des enquêtes de terrain avec les commerçants qui avaient accepté sa présence. C’est peut-être l’un des points principal de divergence Il est intéressant de voir que les deux études commencent par une remise en contexte historique afin savoir pourquoi, au cours de l’histoire, la contrebande s’est développée entre brazzaville et kinshasa dans le premier texte et dans la région d’Hausa au nord-ouest de l’actuel Nigeria dans le second. Même si ce n’est pas le point principal de leurs études les auteurs font déjà ici de l’anthropologie historique puisqu’ils tentes d’expliquer, en partie, une situation actuelle par son développement historique. La majeure partie de du premier texte porte sur l’étude des pratiques frauduleuses. L’auteur décrit la vie des fraudeurs (Similarités avec le cas de Colingris). La seule différence est qu’elle se base sur une observation directe. Anthropologie historique Exemplier Vladimir Farine Mais l’auteur également les acteurs de traffic, les dynamiques qui se jouent etc comme dans le cas de Conlingris. Dans le deuxième texte l’auteur parle des acteurs du transit et des réseaux commerciaux. C’est donc très similaire aux études que je viens de présenter Conclusion Il est très intéressant d’approcher ce sujet de l’anthropologie historique par un livre d’histoire plutôt que par un livre d’anthropologie. Cela nous montre les différentes relations que ces disciplines entretiennent et nous permet de comprendre qu’elles sont en fait la plupart du temps indissociable si l’on veut fournir une explication complète d’une réalité sociale (actuelle ou passée). « La culture est une accumulation de mémoire, mais d'une mémoire qui n'est pas purement cumulative ». C’est la visions d’André BURGUIÈRE sur le thème de l’anthropologie historique dans l’encyclopédie universalis.