Chapitre 4 : La théorie monétaire de J.M.Keynes SECTION 1 : La rupture avec l’école néoclassique, la théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936). Jusqu’à la théorie générale, Keynes a été un économiste néoclassique. Keynes estime que la théorie néoclassique/la théorie quantitative sont incapables de rendre compte de la crise de 1929. Il remet ainsi en cause la monnaie neutre et la loi de SAY qui empêche l’apparition de crises générales. §1 : L’introduction de l’incertitude En 1921 F.KNIGHT publie « Risk, Incertainty and profit » dans lequel il introduit la différence entre le risque et l’incertitude. Dans une situation de risque il est possible de calculer la probabilité d’apparition d’un événement, de la calculer de 2 manières : - soit parce que le phénomène étudié suit une loi de probabilité parfaitement connue - soit le calcule repose sur des fréquences observées c'est-à-dire que des phénomènes similaires ont eu lieu dans le passé. Dans ces 2 cas la probabilité est dite objective car elle ne dépend pas des aprioris, des espoirs ou des phantasmes de celui qui fait le calcul. Dans une situation d’incertitude il est impossible de calculer une telle probabilité objective concernant la survenance d’un phénomène futur parce que soit le phénomène ne suit pas un phénomène mathématique connu soit parce que le phénomène ne suit pas une évolution similaire dans le passé. Pour Knight gérer des situations d’incertitudes sont des qualités particulières, il est donc normal de rémunérer l’entrepreneur ce qui justifie le profit. Les analyses de Knight vont être reprises par Keynes qui va approfondir l’analyse en montrant que s’il n’est pas possible de calculer des probabilités objectives il sera toujours possible de calculer des probabilités subjectives. Une probabilité subjective est un degré de croyance dans lequel il est raisonnable d’investir une action compte tenu d’un ensemble d’informations détenu par l’agent au moment où il formule ce degré de croyance. Ces probabilités sont subjectives car elles dépendent des connaissances, des informations possédées par l’agent or tous les agents n’ont pas accès aux mêmes informations donc ils vont avoir des probabilités différentes. Dans l’univers néoclassique l’information est un bien libre et gratuit c'est-à-dire que tous les agents économiques sont informés de la même façon donc ils vont former des probabilités subjectives identiques. Mais Keynes se rapproche de la réalité. Ces probabilités subjectives ne donnent pas lieu nécessairement à une mesure cardinale mais elles n’ont le plus souvent qu’une signification ordinale. Une probabilité cardinale est celle qui peut avoir un chiffre sûr. Une valeur ordinale est celle où l’on peut définir un ordre. L’approche subjective des probabilités nécessite de distinguer 2 dimensions : - la formulation d’une estimation compte tenu des informations personnelles - la validité que l’agent économique accorde à sa propre estimation. C’est le degré de confiance à la probabilité qu’il vient de définir. Keynes introduit la prise de conscience par l’agent économique qu’il peut se tromper. Le degré de confiance que l’agent attache à une probabilité subjective sera d’autant plus élevé que son calcule subjectif sera partagé par d’autres agents. On introduit ici les conventions (=croyance partagée). Cette probabilité subjective est éminemment instable car à tout moment peuvent arriver de nouvelles informations qui détruisent le calcule précédent ou encore à tout moment la convention peut être dénoncée ce qui amène à réviser sa propre probabilité subjective. Pour Keynes la crise de 1929 est due essentiellement à l’insuffisance des investissements des entreprises or un entrepreneur décide d’investir en comparant du coût financier de l’investissement parfaitement connu et le rendement attendu qui lui n’est non seulement pas connu mais ne renvoie pas à une situation de risque mais à une situation d’incertitude. Ceci est d’autant plus vrai dans des produits totalement nouveaux. En conséquence on peut faire des calcules d’estimation subjective pour voir dans quel branche il faut investir. Le comportement d’investissement est ainsi instable, les entreprises peuvent donc brutalement cesser l’investissement. Il existe des périodes au cours desquelles les agents économiques sont incapables de se mettre d’accord sur une convention partagée. Il y a une incertitude si grande que les probabilités subjectives sur un événement divergent. Dans de telles situations il devient raisonnable de ne rien décider c'est-à-dire de suspendre tout choix d’investissement qui pourrait par la suite s’avérer erroné. En conséquence pendant ces périodes il faut donner à son patrimoine la forme qui engage le moins, celle qui laisse le plus de choix ouverts dans l’avenir, cette forme c’est bien sûr la monnaie parce que c’est elle qui a la liquidité maximum. Pour Keynes il devient rationnel de détenir son patrimoine sous forme monétaire dans des périodes de forte incertitude au cours desquelles les conventions son rompues. D’autre part la monnaie permet également d’annuler le coût que supporterait l’agent en cas d’erreur de choix patrimoniaux. La thèse des néoclassiques est d’affirmer que les erreurs de choix peuvent être corrigés sans coûts alors que pour Keynes les erreurs peuvent être corrigés mais cette correction implique un coût plus ou moins élevé qui dépend de 2 éléments : - y a-t-il ou non un marché de l’occasion pour l’actif prit en compte - l’actif est-il très spécifique ou peu spécifique §2 : La viscosité des prix nominaux à court terme Dans la théorie générale Keynes rejette l’hypothèse d’une parfaite flexibilité des prix nominaux à la hausse comme à la baisse. Pour Fisher il pouvait se passer une dizaine d’année. Mais néanmoins chez Keynes certains prix nominaux sont au minimum visqueux voir totalement rigides à court terme et en particulier visqueux ou rigides à la baisse. En cas d’augmentation de la masse monétaire les prix nominaux ne vont pas varier tous au même rythme mais en conséquence les prix relatifs vont se déformer. Cette rigidité ou cette viscosité doit être précisée à 2 niveaux : - La viscosité voir la rigidité des prix nominaux est surtout vérifiée en cas de baisse des prix car la flexibilité en cas de hausse est généralement acceptée par les agents économiques. Il se peut que les agents économiques n’acceptent pas la hausse simultanée de tous les prix nominaux c’est ce qu’on appelle l’inflation. - La rigidité à la baisse des prix nominaux est extrêmement importante et lourde de conséquence pour 2 prix nominaux particuliers : d’une part les salaires nominaux et d’autre part les taux d’intérêts nominaux. §3 : L’introduction d’un salaire monétaire : l’illusion monétaire des agents Pour Keynes, l’offre de travail des salariés n’est pas fonction du salaire réel mais au contraire fonction du salaire nominal. Du coup il y a bien une forme d’illusion monétaire. Ceci est fondamental chez Keynes car cela permet d’introduire le concept de chômage involontaire. Pour Keynes il y a chômage involontaire si en cas de hausse du prix des biens de consommation pour un niveau donné des salaires nominaux l’offre de travail des salariés s’établit à un niveau supérieur à ce qu’il était avant la hausse du prix des biens de consommation. Salaire nominal initial en To = Wo ; indice des prix des biens de consommation Po -> salaire initial : Wo/Po En T1 ; ΔP > 0 -> P1 > 0 et W1 = Wo -> salaire réel en T1 = W1/P1 = Wo/P1 < Wo/Po Pourquoi les salariés raisonnent-ils en termes de salaires nominaux et non pas réels ? Si les salariés raisonnent de cette façon c’est qu’ils n’ont pas accès aux informations qui leurs permettraient de raisonner en termes de pouvoir d’achat. Chez Keynes l’information n’est pas un bien libre et gratuit. A l’équilibre le salaire réel W/P = F’L(L ;K) la productivité marginale du travail Avec Y = F(K,L) La connaissance de la productivité marginale du travail requiert 2 informations : - le niveau de production actuel et futur de l’entreprise (Y) - la connaissance du niveau de stock de capital (K) Les salariés ne peuvent donc pas calculer la productivité marginale du travail, ils ne peuvent donc pas raisonner en termes de salaire réel. §4 : L’introduction d’une demande spéculative de monnaie Selon Keynes dans la théorie générale, la demande de monnaie répond à 3 motifs qu’il appel les motifs psychologiques et commerciaux de la liquidité : le motif de revenu et motif professionnel Il trouve son origine dans la nécessité pour un ménage ou pour une entreprise de combler l’intervalle de temps entre l’encaissement et le décaissement des revenus. Ce motif n’est pas nouveau et est tout à fait admis par les néoclassiques, il ne fait que renvoyer à la monnaie comme instrument d’échange. De plus Keynes admet que ce premier motif dépend du revenu, il en est même proportionnel. L1 = f(Y) ≈ aY le motif de précaution Le motif de précaution répond à 3 besoins : - faire face à une dépense soudaine/imprévue - profiter d’occasion non prévue d’achats avantageux - faire face à une obligation future libellée en monnaie Ce motif est fonction du revenu et dépend également des institutions sociales et financières qui vont permettre de faire face aux 3 besoins précédents sans encaisses de précaution. D’où L1 = (motif de revenu + motif de précaution) = f(Y) ≈ aY le motif de spéculation La rupture de Keynes se situe au niveau de ce motif. Ce motif de spéculation est fonction des anticipations des agents économiques, anticipations sur l’évolution future des taux d’intérêts à long terme. Keynes introduit le temps et par conséquent le risque. Il existe une relation inverse entre la variation du taux d’intérêt à long terme et la variation du prix d’une obligation. Exemple : Période initiale TO : Emission d’obligation -> valeur facial 1000 euros ; i=4% ; échéance 25 ans. -> Intérêt 40 euros par ans. Période T1 : Nouvelle Emission d’obligations même si ce n’est pas la même entreprise -> valeur faciale 750 euros, i=3,50%, échéance 25 ans. Dans les 2 cas, on pose que le niveau de risque est le même. Un investisseur qui se situe en T1 a le choix entre acheter des nouvelles obligations soit des obligations anciennes sur le marché secondaire. A quel prix achètera-t-il l’ancienne obligation ? Soit Y le prix de l’obligation ancienne en T1, il faut que Y 3,5% = 40 euros d’où Y= (40x100) / 3,5 = 1148,86 euros. Comme ca dans les 2 cas, le rendement sera de 3,5%. En fait le prix de l’ancienne obligation va augmenter pour qu’il soit indifférent de choisir l’ancienne ou la nouvelle obligation. Le taux d’intérêt a baissé alors le prix de l’obligation augmente Resituons-nous en To. On anticipe que le taux d’intérêt va augmenter, on n’achète pas parce qu’on s’expose à une moins-value (un prix de revente inférieur au prix d’achat) qui risque d’être supérieur aux intérêts perçus par l’obligation. Il choisira d’acheter ces obligations s’il n’anticipe pas une hausse future du taux d’intérêt. Plus exactement il n’anticipe pas une hausse du taux d’intérêt telle que celle-ci provoquerait une moins value sur la valeur du titre supérieure aux intérêts auxquels donne droit l’achat de ce titre. En To : Emission d’obligation valeur faciale = 1000 euros ; i =4% échéance 25ans La moins value « tolérable » en T1 = 40 euros. Le prix minimum acceptable en T1 = 1000 – 40 = 960. On doit calculer i de T1 tel que 960xi%=40 i = 40,960 x 1/100 = 4,16667% L’opérateur acceptera d’acheter si le titre qu’on lui propose s’il anticipe que le taux d’intérêt n’aura pas augmenter de 16,67 points de base. Un investisseur qui anticipe une hausse du taux d’intérêt conservera son portefeuille financier sous forme monétaire. S’il possède des obligations il cherchera à les vendre avant que ces craintes de hausse du taux d’intérêt ne se soient matérialisées. En conséquence, le portefeuille financier de l’agent prendra uniquement la forme de monnaie. On introduit ensuite 3 éléments supplémentaires : - Plus le taux d’intérêt initial est faible est plus la crainte de son augmentation future est fréquente. - Plus le taux d’intérêt initial est faible et plus la probabilité pour qu’il diminue est faible. En effet à un moment donné pour une conjoncture donnée il existe une convention portant sur le taux d’intérêt minimum c'est-à-dire le taux d’intérêt en dessous duquel les opérateurs pensent qu’il ne sera pas possible de descendre. Plus le taux d’intérêt effectif se rapproche de ce taux minimum et plus la probabilité pour qu’il diminue encore est faible. A la limite si le taux d’intérêt effectif devient égal au taux d’intérêt minimum alors la probabilité pour que ce taux d’intérêt effectif diminue encore est de zéro. Donc la probabilité pour que ce taux d’intérêt augmente est égale à +1. Dans une telle situation plus aucun investisseur ne voudra acheter ou détenir des obligations. Si i = i min -> Probabilité (Δi<0) = 0 -> Probabilité (Δi>0) = +1 Sur le marché des titres, il y a une demande de titres = 0 et une offre de titres > 0. C’est ce que les Keynésiens ont appelés la situation de « trappe à liquidité ». - Symétriquement, il existe une convention portant sur le taux d’intérêt maximum. Si le taux d’intérêt effectif se rapproche de ce maximum alors la probabilité pour que le taux d’intérêt augmente encore diminue. A la limite si le taux effectif devient égal au taux maximum, la probabilité pour que le taux d’intérêt augmente encore est égale à 0 et la probabilité pour que le taux d’intérêt effectif diminue est égale à +1. Tous les opérateurs chercheront à transformer leur monnaie en titres. Synthèse : L1 = f(Y) avec L1 ≈ aY L2 = g(i) Demande de monnaie totale : Md = L1 + L2 = L1(Y) +L2(i) Calculons la vitesse de circulation V : On l’obtient en divisant la demande divisée par la production : V = Md/Y = L1/Y + L2/Y avec L1 = aY On a alors aY/Y + g(i)/Y d’où V = a + g(i)/Y Chez Keynes la vitesse de circulation n’est pas constante à cause de la présence d’une encaisse spéculative de la monnaie SECTION 2 : Les implications de l’analyse de Keynes §1 : Le rejet de la théorie quantitative de la monnaie Keynes rejette l’hypothèse de la neutralité de la monnaie c'est-à-dire qu’une variation de la masse monétaire peut avoir une influence sur les variables économiques réelles sans que les prix nominaux ne varient. Par contre Keynes admet qu’en situation de plein-emploi la théorie quantitative retrouve toute sa valeur. Selon Keynes : Si Y>Ype alors si ΔM>O -> ΔD>O -> ΔY>0 avec un ΔP=O et un ΔQ=ΔY Si Y = Ype alors ΔM>0 -> ΔD>0 -> ΔY>0 avec un ΔQ = 0 et ΔP=ΔY §2 : Le rejet de l’effet d’encaisses réelles Pour les néoclassiques il y a une articulation directe qui repose sur l’effet d’encaisses réelles. A cause de la croissance de la masse monétaire, l’encaisse réelle effective devient supérieure à l’encaisse désirée et les agents économiques vont chercher à dépenser ce supplément d’encaisses réelles non désirée en augmentant leur demande de bien sur le marché des biens et services. Keynes rejette cet effet d’encaisses réelles directes pour 3 raisons : - la présence d’un tel effet rend impossible toute crise économique de surproduction Marché des biens : O > D -> ΔP<0 -> variation de l’encaisse réelle Δ(M/P) > 0 à condition que M = constante -> ΔD > 0 c'est-à-dire qu’une crise de surproduction ne peut pas durer. - si l’effet d’encaisses réelles fonctionnait alors la politique monétaire serait toujours efficace. C'est-à-dire qu’en cas de récession il suffirait que la banque centrale augmente l’offre de monnaie en diminuant ses taux d’intérêts directeurs pour provoquer une reprise de l’activité économique. ΔM > 0 (politique monétaire) mais pour Keynes ca ne marche pas tout le temps. - si l’effet d’encaisses réelles était toujours vérifié alors la propension marginale à consommer serait toujours égale à +1 ou en tout cas très proche de +1. Ce qui conduirait à un multiplicateur Keynésien trop important donc à des fluctuations du PIB beaucoup trop violentes par rapport à celles qui sont effectivement constatées. Situation initiale To : Mo = 1000 ; Revenu national Ro = 1000 ; Co = 800 ; Propension Moyenne à consommer PM = 800/1000 = 0,80 Situation en T1 : M1 = 1100 R1 = 1100 C1 = 900 PM = 900/1100 = 0,818 ΔM = + 100 ΔR = +100 ΔC = + 100 Propension marginale Pm = ΔC / ΔR = 100/100 = + 1 Multiplicateur Keynésien k = 1 / 1-Pm or Pm = +1 donc k indéterminé Si C1 = 899 on aura k = 1/1-0,99 = 100 ce qui n’est pas possible car c’est trop important. Prenons le cas de la France : PIB du 3ème trimestre 2008 = 489 millions d’euros Consommation finale des ménages de 274 milliards d’euros Supposons ΔM = + 1 milliards -> ΔC = 999 millions d’euros Avec k = +100 -> ΔPIB = 100 x ΔC = 100 x 999 milliards = 99,9 milliards ! il n’y a pas d’effet d’encaisses réelles Le fait que Keynes rejette l’effet d’encaisses réelles ne signifie pas qu’une variation de l’encaisse réelle ne puisse pas provoquer une augmentation de la demande de biens mais le lien est indirect car il passe par l’intermédiaire du marché financier ; c’est ce qu’on appelle l’effet Keynes. §3 : L’intégration par le taux d’intérêt On part d’une situation initiale d’équilibre qui signifie que la structure effective du portefeuille des investisseurs correspond à la structure désirée. Pour Keynes, la monnaie était un actif financier, elle fait partie de ce portefeuille financier, c’est ce que Keynes appelle l’encaisse spéculative. Imaginons qu’il y ait une augmentation de la masse monétaire. La structure des portefeuilles financiers devient déséquilibrée c'est-à-dire que dans ces portefeuilles, les investisseurs financiers détiennent trop de monnaie par rapport aux titres. Ces investisseurs vont chercher à arbitrer en réduisant la partie monétaire de leur portefeuille et donc en augmentant la partie représentée par des titres. Ca veut dire qu’il y a un supplément de demande de titres et si l’offre de titres reste constante alors le prix de ces titres augmente donc le taux d’intérêt des titres long diminue. Les entreprises augmenteront alors leur investissement ce qui provoquera bien une croissance de la demande de biens. ΔM° > 0 -> ΔDtitres > O or ΔOtitres = 0 alors ΔPtitres > 0 -> Δilong < 0 Du coup ΔI > 0 -> ΔY > 0 (avec ΔY = kΔI) 2 cas où la politique monétaire n’est pas utilisable : - quand il n’y aura pas de supplément de demande de titres - quand les entreprises n’investissent pas après la baisse du taux d’intérêt parce qu’elles sont en surproduction parce qu’il n’y a pas de débouchés ou parce que les entreprises n’ont pas confiance dans l’avenir §4 : La situation de trappe à liquidité : une politique monétaire impuissante La trappe à liquidité signifie qu’une augmentation de la masse monétaire n’entraine pas l’augmentation de la demande de titres, le supplément de monnaie sera thésaurisé. Pourquoi les agents refusent-ils d’acheter des titres avec ce supplément de monnaie ? Parce que le taux d’intérêt est déjà à son minimum c'est-à-dire que dans ce cas les agents économiques s’attendent à une baisse du prix des obligations. Si ilong = i min ; alors ΔM° > 0 -> ΔDtitres = 0 -> ΔPtitres = 0 -> Δilong = 0 ΔI = 0 Le problème est que si le taux d’intérêt minimum est encore trop élevé pour que certain agents investissent. il faut donc mettre une politique budgétaire (par le déficit) et non pas monétaire Keynes lui-même en 1936 pensait que cette situation de trappe à liquidité il n’en avait pas d’exemple historique et pensait qu’elle pouvait très bien arriver à l’avenir. Par exemple les Keynésiens ont accordés à cette situation une place centrale parce que derrière ce débat il y a des enjeux idéologiques. Qu’elle est la place de l’état dans une économie de marché ? Si comme Keynes on estime que la trappe à liquidité est un cas théorique alors la politique économique peut se résumer à la seule politique monétaire car si la trappe à liquidité n’existe pas la banque centrale peut toujours baisser le taux d’intérêt pour relancer l’investissement. Dans ce cas une banque centrale suffit et l’état n’a pas à intervenir par son budget. Par contre les keynésiens pensent que la trappe à liquidité est le cas le plus fréquent alors la politique monétaire est inefficace, il faut la remplacer par une politique budgétaire et donc par le déficit du budget. SECTION 3 : Les limites à l’analyse de Keynes §1 : Les fondements microéconomiques insuffisants La théorie générale ouvre une nouvelle façon d’étudier l’économie. La macroéconomie de Keynes n’a pas de fondements microéconomiques. Les principales conclusions auxquels Keynes arrive ne reposent pas sur de tels comportements de maximisation sous contrainte. J.TOBIN (1958) pense que l’agent économique va chercher le risque de son portefeuille financier parce qu’il a une forte aversion pour le risque. Ce que montre Tobin c’est que cette réduction du risque sera obtenue par une diversification du portefeuille et en particulier ce portefeuille devra intégrer un actif sans risque non rémunéré. L’actif sans risque et sans rendement c’est la monnaie. On retrouve ainsi la conception de Keynes mais au niveau microéconomique. Tobin a fortement modifié la pensée de Keynes pour arriver à ce résultat. En effet Tobin parle de risque et donc de probabilité alors que Keynes était dans un univers d’incertitude. Pour Keynes certain prix nominaux sont soient visqueux soient rigides mais il ne l’explique pas, il se fonde sur l’histoire économique. Cette hypothèse sera reprise par la nouvelle économie Keynésienne (années 1970) qui donne des fondements microéconomiques à la viscosité ou à la rigidité des prix (il peut y avoir des problèmes d’information, de la concurrence imparfaite, la présence du coût d’étiquetage…). Cette critique n’est pas très importante car Keynes pose les bases de la macroéconomie et les travaux de Tobin ne remettent pas en cause la pensée de Keynes. §2 : Une conception étroite de la préférence pour la liquidité L’agent chez Keynes a le choix entre détenir des titres long (obligations) et détenir de la monnaie. Mais c’est trop superficiels puisqu’il existe aussi des titres courts (bons du trésor, certificats de dépôt). Liquidité monétaire : choix entre détenir de la monnaie et des obligations à long terme. Liquidité financière : choix entre détenir des obligations à long terme et des titres à court terme. Ceci est important parce qu’on se rend compte d’une sphère financière qui n’est pas celle de Keynes. Keynes se limite à la liquidité monétaire car il est dans un univers de finance direct. Alors qu’on est plutôt dans un univers de finance indirect car il existe des transformations d’échéances. Keynes met l’accent sur la finance directe parce que pour lui la monnaie n’a pas de substitut ce qui explique sa liquidité maximum mais aussi parce qu’en 1936 en Grande Bretagne la finance indirecte n’était pas très développée. La prise en compte de la finance indirecte/de la quasi-monnaie modifie-t-elle profondément les conclusions de Keynes ? Non mais pour les Keynésiens qui mettent l’accent sur la trappe à liquidité s’effondre car ils mettent l’accent sur la seule liquidité monétaire. En effet dans la liquidité financière la trappe à liquidité n’existe plus. On s’aperçoit de plus qu’il y a toute une gamme de taux d’intérêts, il faut au minimum distinguer les taux courts des taux longs. On retrouve la thèse de Keynes, la politique monétaire n’est pas efficace si une diminution des taux d’intérêt à court terme provoquée par la banque centrale ne sera pas suivie par une diminution des taux de long terme. icourts dépend de 2 variables : - inflation constatée - politique monétaire de la banque centrale (la banque centrale contrôle des taux courts). ilong dépend aussi de 2 variables : - inflation anticipée - crédibilité de la politique monétaire (degré de cohérence inter temporelle) Du coup : ΔiCT < 0 ? ΔiLT < 0 est-ce qu’une baisse des taux courts aura une répercussion sur les taux long, donc parfois la politique de Keynes peut ne pas être efficace. §3 : L’absence d’analyse des comportements d’offre de monnaie Dans la théorie générale n’analyse pas le comportement d’offre de monnaie. Keynes pose que l’offre de monnaie est réputée exogène. Pour Keynes l’élasticité de production de la monnaie est nulle, c’est nécessaire pour que la monnaie ait une liquidité maximale. De plus Keynes pensait que la banque centrale contrôlait parfaitement le comportement des banques commerciales donc que l’offre de monnaie échappait aux banques commerciales. Keynes accordait un très grand pouvoir à la banque centrale dans sa capacité à contrôler la masse monétaire mais il ne lui accordait pas les mêmes pouvoirs dans sa capacité à faire varier les taux d’intérêts et en particulier de long terme. ΔM° (parfaitement sous contrôle de la Banque centrale) -> ΔiCT (aussi sous contrôle de la banque centrale) -> (le pouvoir de la banque centrale s’arrête ici) ΔiLT. Il y a une troisième raison : il estimait que la théorie monétaire avant lui avait bien analysé le comportement des banques et surtout il pensait que l’incapacité de la théorie néoclassique à expliquer la grande crise de 1929 ne venait pas d’une insuffisance de l’analyse de l’offre de monnaie mais au contraire d’une insuffisance d’analyse de la demande de monnaie.