La place essentielle du radiologue dans le diagnostic et la prise en

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Polytraumatisés de la voie publique : la radiologie interventionnelle
en première ligne
La prise en charge des polytraumatisés relève d’équipes multidisciplinaires expérimentées et
synergiques au sein desquelles les radiologues participent à la fois au diagnostic et au traitement.
D’une part, le scanner corps entier est l’examen clé qui permet d’identifier les lésions en quelques
minutes et de hiérarchiser les interventions. D’autre part, le traitement endovasculaire (mise en
place de stent ou embolisation) réalisé par des radiologues interventionnels s’impose le plus souvent
en première intention, qu’il s’agisse de lésions traumatiques des gros axes artériels ou d’atteintes
des organes pleins (rein, rate, foie). Le point avec les Prs Louis Boyer (Clermont-Ferrand) et JeanMichel Bartoli (Marseille).
« Les polytraumatisés sont des patients qui présentent plusieurs lésions dont une au moins met en
jeu, à court terme, le pronostic vital », rappelle le Pr Boyer. Sur le lieu de l’accident, les équipes de
secours identifient et corrigent les défaillances vitales et réalisent un bilan lésionnel clinique. « Des
progrès très importants ont été réalisés dans la médicalisation des secours et du transport de ces
blessés, avec un gain très significatif, tant en termes de mortalité que de morbidité », souligne pour
sa part le Pr Bartoli. Des progrès tout aussi déterminants ont été apportés dans les services
d’urgence qui accueillent les polytraumatisés qui bénéficient d’une prise en charge multidisciplinaire
coordonnée, en règle générale, par un anesthésiste-réanimateur. « Tout doit être parfaitement
organisé car chaque minute compte », poursuit le Pr Bartoli. « Les polytraumatisés de la voie publique
sont souvent des sujets jeunes jusque là en bonne santé. Il faut tout faire pour les sauver mais aussi
pour pratiquer des gestes qui laissent le moins de séquelles possible afin qu’ils reprennent une vie
sociale et professionnelle normale ».
Le rôle clé du scanner et de l’organisation des soins
Dès que les fonctions vitales sont stabilisées, un scanner X (TDM) corps entier constitue la stratégie
idéale. « Les services d’urgence sont aujourd’hui organisés autour de cet examen », précise le Pr
Boyer. Il permet en 3 à 4 minutes, de faire le bilan des lésions abdominopelviennes et cérébrales et
de hiérarchiser les indications thérapeutiques. L’équipe multidisciplinaire comprenant radiologue,
radiologue interventionnel, anesthésiste-réanimateur, chirurgien vasculaire, orthopédiste,
neurochirurgien… décide de l’attitude thérapeutique :
- surveillance et réanimation
- chirurgie
- radiologie interventionnelle
« Ce qui implique d’avoir un plateau technique adapté et l’ensemble de ces spécialistes disponibles
24h/24 », souligne le Pr Boyer. Toute personne polytraumatisée doit avoir accès à un centre équipé
disposant d’une équipe multidisciplinaire expérimentée. A cet effet, la profession s’est organisée,
explique le Pr Bartoli. Sur la base des recommandations de la SFR (Société Française de Radiologie) et
du G41, un accès simplifié au scanner et à la salle d’angiographie doit être assuré dans tous les
services d’urgence ayant plus de 30 000 passages par an. Chaque ARS a l’obligation, dans le cadre du
programme régional de soins, d’organiser un volet radiologie interventionnelle.
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Le G4 regroupe le Collège des Enseignants en radiologie de France, la Fédération Nationale des Médecins Radiologues, la
Société Française de Radiologie et le Syndicat des Radiologues Hospitaliers.
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Une seule voie d’accès pour arrêter les hémorragies
Le traitement endovasculaire par voie percutanée réalisé par un radiologue interventionnel a, chez
ces patients polytraumatisés, des avantages certains. « On voit les lésions qui saignent et, par une
seule voie d’accès, on peut traiter tous les territoires artériels ». Non seulement efficace, cette
approche, lorsqu’elle est indiquée, permet d’éviter des actes chirurgicaux non dénués de risque et
donc de limiter les séquelles.
Pour arrêter les hémorragies, le radiologue a recours à différentes techniques d’hémostase.
L’embolisation permet d’occlure l’artère, soit de façon permanente, soit temporairement. L’autre
procédure consiste à mettre en place un stent couvert pour assurer la restauration de la continuité
du vaisseau lésé, comme on le fait dans le cadre des anévrysmes cérébraux.
Lésions des gros axes artériels : des stents pour rétablir la continuité
Les accidents de la circulation peuvent être responsables d’atteintes des grosses artères situées dans
le thorax ou l’abdomen, notamment l’aorte, les artères iliaques ou les artères sous-clavières,
provoquant des hémorragies parfois massives. Ces lésions surviennent généralement dans le cadre
d’un polytraumatisme et sont mortelles d’emblée pour 80 % des patients. Ainsi, par exemple, la
rupture aortique à thorax fermé est la conséquence d’une décélération brutale à l’origine d’un
mécanisme de cisaillement et de torsion au niveau de l’isthme (léger rétrécissement situé à la
jonction de l’aorte horizontale et de l’aorte descendante) provoquant une hémorragie interne
massive.
Le traitement endovasculaire est aujourd’hui le traitement de première intention de ces ruptures
isthmiques de l’aorte. Il consiste à mettre en place une endoprothèse couverte. Cette technique
permet de réduire la mortalité et la morbidité, notamment le risque de paraplégie évalué à 10 %
environ, en cas de chirurgie avec clampage de l’aorte. Elle évite également l’ouverture du thorax
(thoracotomie) et la mise en place d’une circulation extracorporelle (CEC).
« Dans les arrachements de l’artère sous-clavière, qui surviennent typiquement en cas d’accident de
moto, la mise en place d’un stent par voie endovasculaire permet de restaurer la continuité et
d’assurer la reperfusion en respectant le plexus brachial, qui est souvent endommagé en cas d’abord
chirurgical », explique le Pr Boyer.
Atteintes des organes pleins : l’embolisation pour arrêter l’hémorragie
Pour les traumatismes d’organes abdominaux pleins (rein, rate, foie), la classification de l’American
Association for Surgery of Trauma (AAST) fait référence pour définir les options thérapeutiques. Elle
répartit les traumatismes viscéraux abdominaux en 5 stades de gravité croissante. Les embolisations
sont indiquées chez des patients hémodynamiquement stables ou en choc hémorragique contrôlé,
en présence sur le scanner d’une fuite active de produit de contraste, de faux anévrysmes, de fistules
artérioveineuses et en fonction de la sévérité des lésions. « L’embolisation permet d’être plus
conservateur que la chirurgie, mais ne doit pas engager le pronostic vital », précise le Pr Boyer.
L’abord artériel est en règle fémoral.
- Traumatismes rénaux
Suivant le type de lésion, plusieurs techniques de radiologie interventionnelle peuvent être
proposées : endoprothèses pour certaines ruptures artérielles tronculaires, embolisation
d’hémostase en phase aigue, traitement secondaire des fistules artério-urinaires. « Ces embolisations
sont efficaces et les complications rares », note le Pr Boyer.
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- Traumatismes de la rate
La splénectomie chirurgicale reste la règle pour tout patient en choc hémorragique non contrôlé.
Dans les autres cas, l’embolisation est indiquée car elle permet de conserver une partie de
parenchyme et donc la fonction splénique.
- Traumatismes du foie
L’embolisation artérielle, efficace sur les saignements artériels, peut être proposée d’emblée ou
après chirurgie initiale. En revanche, l’abord endovasculaire n’est pas indiqué en cas de lésions de la
veine cave ou de la veine porte, qui requièrent un traitement chirurgical.
Fractures du bassin : l’occlusion par voie endovasculaire
Les fractures du bassin sont des marqueurs d’un traumatisme à grande vélocité, rappelle le Pr Boyer.
Elles peuvent s’accompagner de complications hémorragiques : saignement artériel, veineux ou
osseux. L’embolisation par voie endovasculaire doit être préférée à l’abord chirurgical. « En effet,
explique le Pr Boyer, la pression intra abdominale maintient l’hémostase, si l’on pratique une
laparotomie, la pression chute provoquant une hémorragie parfois cataclysmique. L’occlusion par
voie endovasculaire évite cette complication ».
Une gamme de produits adaptés à chaque situation
Toutes ces procédures ont également profité des progrès des matériaux et des dispositifs. Suivant le
type et la localisation des lésions, le radiologue interventionnel choisit un produit résorbable qui
assure une occlusion temporaire, et permet au bout de 3 à 4 semaines, à l’artère de redevenir
perméable ou un produit non résorbable. La gamme des endoprothèses s’est aussi élargie et les
radiologues disposent de dispositifs de tout diamètre et de toute taille.
« La prise en charge de ces patients a ainsi bénéficié de progrès majeurs, auxquels les radiologues
participent grandement, mais dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires, où chaque spécialiste joue
un rôle complémentaire déterminant », insiste le Pr Bartoli.
Références
Bessoud B et al. FMC 2004 JM Bigot Ed 707-723
Gavant ML et al. Radiology 1995, 197 : 123-33
Rousseau H. et al. J Thorac Cardiovasc Surg 2005, 129 : 1050-5
Santucci RA et al. BJU Int 2004, 93 : 937-54
Moore EE et al. J Trauma 1995, 38 : 323-4
Pilleul F et al. J Radiol 2007, 88 : 639-46
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La radiologie interventionnelle
La radiologie interventionnelle comprend de nombreux gestes conçus et développés afin de réparer,
compléter ou remplacer la chirurgie, explique le Pr Louis Boyer. Elle s’intègre dans le cadre des
« minimal invasive therapies » réalisées sous guidage radiologique.
Classification
L’évaluation clinique permet une classification en :
- niveau 1 : détresse extrême hémodynamique ou neurologique
- niveau 2 : état précaire maintenu par une réanimation intensive
- niveau 3 : patient instable
Pr Louis Boyer
Hôpital Gabriel Montpied – Clermont-Ferrand
04.73.75.17.32
[email protected]
Pr Jean-Michel Bartoli
Hôpital de la Timone – Marseille
04.91.38.56.75
[email protected]
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