1ère journée scientifique du Centre Ressources de Basse

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Caen – 27 novembre 2008
1ère journée scientifique du Centre Ressources de Basse-Normandie
« Autisme(s) : la diversité est une richesse ».
Le programme scientifique proposé par le CRA a suscité un grand intérêt chez
environ 300 participants (professionnels pour la plupart, étudiants, plus quelques
parents). Cela s’explique par le choix d’un nombre restreint d’intervenants, mais
hautement qualifiés, la nature des thèmes abordés, la densité et la clarté des
exposés, la dynamique des échanges. Conscients de la complexité de l’autisme que
devons nous retenir sur la diversité des regards, celui du clinicien, du soignant, de
l’éducateur et du chercheur ? Quels accompagnements pourront être proposés ?
Dans son exposé, intitulé « autisme et troubles envahissants du développement : de
l’exploration clinique et fonctionnelle à la thérapie » le Pr. Barthélémy (CHU de
Tours) a rappelé d’emblée, que le bébé étant en communication dès sa naissance,
la précocité du dépistage favorisait la remédiation du fait de la plasticité du
« cerveau de la réciprocité sociale ». L’évaluation neuro-fonctionnelle contribue à
l’élaboration du « projet thérapeutique global » qui peut associer des pratiques
variées : rééducation spécialisée, thérapie d’échanges et de développement (mise
au point à Tours), thérapies éducatives (elle a cité le TEACCH), psychothérapies, et
traitements médicamenteux.
Le Pr Aussilloux (CHU Montpellier) s’est attaché à débroussailler un sujet
d’actualité rendu difficile par la multiplication des théories et des méthodes : « intérêt
et limites de l’éclectisme pour les soins, l’éducation et l’accompagnement des
personnes autistes ». L’éclectisme consiste à emprunter dans la
pratique
professionnelle à divers courants divergents voire opposés sur le plan théorique.
L’orateur admet la cohabitation des méthodes plutôt que leur combinaison. La
diversité des situations et des besoins individuels, des comportements, des
pathologies associées, autorisent selon lui des réponses de nature différentes. Dans
certains cas, « apprendre à mentir » pour une personne autiste est significatif de
progrès ! Pour s’y retrouver, le Pr. Aussilloux insiste sur la nécessité de dépasser le
diagnostic descriptif, « nosographique », par un diagnostic « fonctionnel » qui
légitime tel ou tel programme ou méthode appliqués de façon globale (TEACCH ou
psychothérapie par ex.) ou ciblée (PECS ou pharmaco thérapie par ex.). La marge
de manoeuvre paraît étroite entre « l’éclectisme » stimulant et le syncrétisme qui
installe la confusion et interdit toute évaluation. L’essentiel serait de rechercher, en
prenant en compte les situations individuelles plutôt les complémentarités que les
incompatibilités.
En parfaite continuité, le Pr Falissard (INSERM) s’est demandé : « peut-on
appliquer la méthode scientifique à l’évaluation de la subjectivité ? ».
En
s’interrogeant sur la scientificité de la psychanalyse l’orateur a dénoncé , avec brio
quelques regrettables confusions : entre science et usage social de la science, entre
science et déterminisme, entre la mesure (comme traduction en nombre d’une
caractéristique du réel) et l’utilité de la mesure (exemple du QI dont on ne sait pas ce
qu’il mesure mais est néanmoins utile en pratique clinique !). Il reconnaît à l’être
humain une grande capacité d’évaluation de l’autre : l’hétéro-évaluation mais aussi
d’auto-évaluation (« car comment ressentir la douleur chez autrui ?» ). Il plaide
finalement pour l’évaluation, plus qualitative que quantitative ou catégorielle, de
données subjectives difficiles à cerner comme la tristesse, ou le temps…Il conclut
en affirmant que l’évaluation de la psychothérapie n’est plus un « tabou ».
Le Dr. Zilbovicius (CHU Necker), spécialiste de la neuro - imagerie s’est attachée
à montrer les liens entre « cerveau social et autisme ». . Ses recherches visent à
repérer l’inscription cérébrale d’actes mentaux et émotionnels. Les clichés
permettent de lire les effets du regard, la sensibilité à la voix et d’évoluer ainsi dans
la compréhension des pathologies autistiques. Elle a apporté de nombreux
exemples de la complexité et de la singularité des « cognitions sociales » (empathie,
identité) dont l’inscription cérébrale mobilise le sillon temporal supérieur (STS). Il y
aurait corrélation entre les anomalies anatomiques enregistrées sur le STS et la
sévérité des troubles autistiques.
Au Dr Moussaoui revenait de présenter la « diversité des missions et des
compétences », en procédant à un état des lieux et en retraçant l’historique du CRA
de Basse-Normandie. Sous couvert de principes éthiques, il se rallie au principe de
complémentarité dans les pratiques. Il invoque également une part pour la recherche
scientifique, fondamentale et nécessaire à toutes les activités du CRA : bilans
spécialisés, formations, évaluation des pratiques… Plaidant pour un « consensus
souple » - adjectif discuté par le Pr. Barthélémy- il explique qu’une sensibilisation
aux différentes méthodes éducatives peut être proposée au CRA mais pas une
formation spécifique. Interrogé sur la méthode ABA, le coordonnateur du CRA
reconnaît un rôle possible de cette pratique dans l’accompagnement des personnes
autistes à condition que, comme pour toute autre intervention spécialisée,
l’intervenant en ABA ne soit pas dans l’ignorance des autres approches ni du
développement de l’enfant.
C’est une savante « contribution des modèles neuro psychologiques à la
psychopathologie du développement » qui a été apportée par le Pr. Eustache à
partir des travaux conduits sur les processus d’acquisition des 5 types de mémoire
(procédurale, perceptive, sémantique, de travail et épisodique). En se focalisant sur
la mémoire sémantique (mots et concepts) et la mémoire épisodique (liée au récit et
à la construction des souvenirs), une première recherche s’est intéressée à des
sujets autistes typiques chez lesquels le « sur fonctionnement perceptif » paraît
encombrer et bloquer l’activité mémorielle ou bien pour lesquels le déficit de
« cohérence centrale » provoque l’amnésie plus particulièrement sur les évènements
d’ordre autobiographique. Une seconde recherche porte sur 32 autistes
« Asperger » suivis à Caen et à Tours. L’application du protocole confirme
l’existence de styles cognitifs singuliers qui justifient en matière d’apprentissage des
prises en charges spécifiques. La poursuite de ces travaux de recherche mobilise la
participation des professionnels et des familles volontaires.
La synthèse finale proposée par le Pr. Baleyte, a beaucoup mieux que le résumé cidessus confirmé la complexité des problématiques liées à l’autisme et à la diversité
(des regards, des évolutions, des besoins, des méthodes thérapeutiques et des
autistes eux-mêmes). A propos de la subjectivité, il a constaté l’intérêt secondaire
des interrogations d’ordre étiologique. En revanche, il a positionné la médecine
comme un « art » au carrefour de nombreuses sciences, tout en reconnaissant
l’évaluation comme indispensable. Enfin, il a invité à l’exploration des rapports entre
mémoire épisodique et construction de l’identité chez les personnes autistes. Dans
cette perspective, il a présenté la vignette de Clément, jeune autiste de 8 ans,
scolarisé en CE2, suivi dans le cadre de la recherche en collaboration avec l’équipe
du Pr. Eustache et qui par ailleurs bénéficie d’un suivi dans le service de
pédopsychiatrie du CHU par des consultations thérapeutiques, des remédiations
cognitives, des interventions éducatives et une psychothérapie individuelle.
Nous avons noté que la référence à la génétique a été accessoire et rarissime tout au
long des exposés et des échanges.
Pour nous, parents de l’Association Autisme de Basse Normandie, le CRA a offert
avec cette première journée scientifique une image positive et manifesté des
ambitions prometteuses. Nous attendons que, en cohérence avec les intentions
affichées, l’esprit d’ouverture se concrétise par des propositions thérapeutiques plus
diversifiées au nom de l’éclectisme préconisé .
André Nové, parent.
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