Joseph Schumpeter

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Joseph Schumpeter
Progrès technique et évolution économique
Schumpeter, sa vie, son œuvre
Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950) est un autrichien d’éducation aristocratique. Il
fait des études d’économie et de droit. Il sera professeur en Europe et aux US (notamment à
Harvard). Il a également été brièvement ministre des Finances en Autriche, puis directeur
d’une petite banque privée qui fit faillite. Il a travaillé avec Max Weber pour la revue de
sciences sociales Archives. Schumpeter a la particularité de n’appartenir à aucune école.
Ses principaux ouvrages sont :
Théorie de l’évolution économique, 1912
Business Cycles, 1939
Capitalisme, Socialisme et Démocratie, 1942
Histoire de l’analyse économique, 1954
I. L’innovation et dynamique du capitalisme
A. L’innovation au cœur du système capitaliste
Schumpeter veut théoriser l’évolution de l’économie, ses travaux s’opposent aux
analyses qui conçoivent le processus productif comme une routine.
Pour Schumpeter, l’évolution est la transformation totale et de manière discontinue
du circuit. Elle ne se limite pas à un changement quantitatif mais bien qualitatif (ex :
remplacement de la diligence par le train). L’origine du changement n’est pas extérieure au
circuit, elle se trouve dans le processus productif : c’est l’offre qui détermine cette
transformation.
Le capitalisme est par nature révolutionnaire. Il n’est pas stationnaire, c’est une
dynamique qui transforme les fonctions de production. Et l’innovation (= ensemble des
idées nouvelles qui augmentent la productivité, on distingue les innovations de produits et de
procédés) est le moteur de cette dynamique. L’innovation entraîne la destruction créatrice.
Destruction créatrice : Schumpeter montre que l’innovation bouleverse les
conditions de la concurrence : « Les entreprises qui ont innové avec succès connaissent
l’expansion tandis que celles qui n’ont pas innové ou l’ont fait sans succès disparaissent. »
La création et la destruction sont simultanées car de nouveaux secteurs d’activités se
développent au détriment d’anciens. Il y a donc au cœur du fonctionnement des économies
un processus de déstructuration et de restructuration des activités.
Pour Schumpeter la réalité économique capitaliste ne correspond pas au modèle
néoclassique (CPP de Walras). Selon lui, les entrepreneurs capitalistes cherchent à
sauvegarder des positions acquises (ententes…) et instaurer un monopole ou un oligopole. Il
pense que la rente (= « surplus » par rapport aux prix du marché) permet à ces entreprises
d’innover à nouveau et de repousser les imitateurs.. Le monopole qui est seul sur le marché
peut fixer son prix contrairement aux entreprises qui ont des concurrents. Cette situation lui
permet de dégager un superprofit qu’on appelle « rente du monopole »)
B. L’entrepreneur Schumpetérien, le crédit et le profit
Schumpeter oppose les entrepreneurs innovateurs (minoritaires) aux entrepreneurs
routiniers (majoritaires). L’innovateur doit avoir des qualités de résistance physique et
nerveuse. Il doit aussi avoir la capacité de prendre des décisions et un certain charisme pour
les imposer. Parce qu’il introduit l’innovation dans un système, il déséquilibre le circuit
(=idéal-type qui correspond au fonctionnement ordinaire de l’économie) et conduit à la
réalisation d’un nouvel équilibre. L’entrepreneur schumpetérien est mu par le profit mais
également par la « joie de créer ».
Profit : « excédent sur le coût » qui est le résultat de la contribution de l’entrepreneur. Il n’est
pas la rétribution d’un risque pris car pour Schumpeter ce n’est pas l’entrepreneur qui prend
un risque mais le banquier.
L’instrument de l’entrepreneur est le crédit : c’est la création monétaire
supplémentaire qui rend possible l’introduction de la nouveauté dans le circuit économique.
II. L’innovation et les cycles économiques
Différents cycles économiques :
● Kitchin : 3 ans
● Juglar : 10 ans
● Kondratiev : 60 ans
Chaque cycle quelle que soit sa longueur se compose de 4 phases : l’expansion, la crise, la
dépression et la reprise.
Les innovateurs apparaissent par essaims et les innovations arrivent par grappes.
Essaims et grappes : Pour Schumpeter, les entrepreneurs et donc les innovations
n’apparaissent pas de manière isolée. Les entrepreneurs sont par essaims car la réussite
d’un fait tomber les obstacles pour les autres. Les innovations arrivent par grappes car elles
sont souvent interdépendantes. Schumpeter distingue 5 types d’innovations : produits,
procédés, nouveaux marchés, nouvelles sources de m1 et nouvelles formes d’organisation
de la production.
Cette discontinuité de l’innovation explique selon Schumpeter les cycles
économiques longs : chaque cycle correspond à une vague d’innovation. Les innovations
majeures engendrent de profonds changements dans la vie économique, sociale et
culturelle. De plus, elles ouvrent la voie à des innovations complémentaires qui amplifient
leurs effets. Puis l’innovation faiblit et avec elle la rentabilité. L’innovation se banalise, des
imitateurs se développent : le marché sature. La compétition entraîne une baisse des prix,
donc des profits, et une disparition des entreprises les moins innovantes. Ainsi la vague
d’innovation se tarit et la dépression commence. La croissance ne reprend que lorsqu’une
nouvelle phase innovante survient.
III. Actualité de la pensée schumpétérienne
A. Une analyse qui peut être critiquée
On peut reprocher à Schumpeter d’avoir mis l’accent sur le caractère individualiste de
l’entrepreneur, sur son goût pour la prise de risque, et pas assez sur les nécessaires
capacités à organiser la coopération.
De plus, sa théorie du cycle a des failles : en effet on ne parvient pas toujours à
articuler les grandes vagues d’innovations aux cycles historiques qu’il distingue (ex : Trente
Glorieuses).
Enfin, il a une vision pessimiste de l’avenir du capitalisme qui va selon lui céder la
place à un système socialiste. Or la conjoncture actuelle ne confirme absolument pas cette
hypothèse.
B. Mais une analyse essentielle pour comprendre le fonctionnement du
capitalisme
Le pessimisme de Weber apparait comme prémonitoire de courants de sympathies
anticapitalistes qui se développent aujourd’hui : hostilités envers le système capitaliste
considéré comme source d’inégalités, adhésion d’une partie de l’opinion publique à des
courants antilibéraux, succès des mouvements altermondialistes qui ont le soutient
d’intellectuels…
Son analyse de la routinisation du processus de l’innovation ainsi que du rôle de plus
en plus important des grandes unités de production est toujours pertinente.
Enfin, les NTIC (=Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication)
illustrent de nombreux aspects de la théorie schumpétérienne : entrepreneurs
schumpétériens, phénomènes de grappes d’innovations, recherche de position
monopolistique et incitation à innover pour la conserver…
C. Et un point de départ pour l’économie de l’innovation actuelle
Les concepts schumpétériens sont le socle d’une analyse d’une économie en
perpétuel mouvement. Les thèses de Schumpeter ont été fécondes, elles ont ouvert la voie
aux « néo schumpétériens » qui ont poursuivis la réflexion sur le lien entre innovation et
cycle économique long, et elle servent de fondation à l’économie de l’innovation.
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