Platon (dans le monde Petr Egorovitch Levchine) (12(23)

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Anagogie (du grec anago – conduire vers le haut, élever). Méthode de la philosophie
orthodoxe, supposant une connaissance synthétique (intuitivo-rationnelle, philosophicoartistique) basée sur la finalité de l’objet examinée (cf. synergisme) et sur les intentions du sujet
pensant. Représente le niveau le plus élevé de l’exégèse biblique (de l’explication et de
l’interprétation des textes bibliques), orientée vers l’éclaircissement du but spirituel de
l’Ecriture Sainte. L’anagogie a connu son développement le plus important dans la tradition du
christianisme oriental, en particulier dans les œuvres de Grégoire de Nysse et de Syméon le
Nouveau Théologien. En Russie elle a été développée principalement grâce à l’œuvre de
Maxime le Grec et son affirmation de l’ « esprit » de vérité, dans lequel l’homme vit « au
moyen de tout son être ». A travers l’héritage de l’œuvre du Métropolite de Moscou Platon
(Levchine), l’anagogie a acquis une signification métaphysique, en recevant un fondement
ontologique à la fois transcendant et concret dans la reconnaissance (spécifique de la théologie
négative) du « mystère » divin et du « mystère » ‘co-événementiel’ [so-bytijnoj] de l’homme
dans leur non moins mystérieuse interdépendance. Tout cela présuppose le caractère
antinomique de la connaissance anagogique, excluant de façon organique toute prétention
fanatique à la possession d’une vérité absolue et universelle. Le centre de gravité se trouve
transporté sur un processus anthropocentrique d’accession à un ‘événement co-existentiel’ [sobytie] concret du sujet connaissant qui se réalise grâce à l’intégralité interne de ses forces
spirituelles : la volonté, la mémoire et la raison. Sur cette voie, on accède à la vérité
personnifiée de « l’‘événement co-existentiel’ complet et vivant de l’homme » ou de son
« esprit ». Le processus d’une telle connaissance commence, pour chaque homme, par la
réminiscence des représentations innées de cet ‘événement co-existentiel’ perdu qui le faisait à
l’image et à la ressemblance de Dieu ; ceci afin d’affirmer la volonté de retrouver la nature de
l’homme, sujet connaissant, tel qu’il était au paradis, c’est-à-dire d’atteindre le but final de la
philosophie orthodoxe. Les objets les plus divers du monde matériel entrent alors dans l’orbite
de la connaissance, afin que soit découverte leur finalité métaphysique, orientée vers le
maintien final et salutaire de l’ordre divin des choses. La condition d’une telle connaissance est
le lien intuitif que le sujet connaissant entretient avec n’importe quel « objet » extérieur qui
découvre par analogie le sens de l’existence du sujet conduit par la providence, et qui absorbe
en lui les aspirations créatrices de l’étant. Les méthodes rationnelles de l’anagogie, dans la ligne
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de son caractère antinomique, sont constamment limitées par la « loi de non contradiction de
soi ». Ainsi se trouve affirmée la « folie » fondamentale de la raison humaine lorsque, sur la
base du mystère apophatique de l’être divin et de sa vérité absolue, elle se tourne vers n’importe
quel objet de la connaissance. Cette vérité conserve aussi son caractère inexpugnable lors de
l’accession au but final de la philosophie orthodoxe qui ne découvre au plus que le caractère à
la fois libre et nécessaire de la Trinité, mais non point son être propre. En même temps et grâce
à cela une vérité personnifiée se révèle. Bien que de façon médiatisée, elle résout toutes les
oppositions antinomiques dans une unité non fusionnelle de toutes les forces de l’âme, qui
s’offrent à l’œil spirituel du sujet connaissant à travers une vision intuitive (foi). Cette dernière
conditionne le caractère synthétique de l’anagogie métaphysique qui ne permet pas
d’absolutiser l’un ou l’autre aspect de la connaissance humaine et de se mettre au service d’une
« vérité » absolue et universelle au détriment de l’intégralité de l’expérience spirituelle de
l’homme. La méthode radicale de métaphysique proposée par le métropolite Platon n’a pas
bénéficié de développement conséquent, même de la part des représentants de la philosophie
russe, qui se rattachaient directement à la confession de foi orthodoxe (par exemple, dans les
travaux de Kireevski, Boukharev, Ern, etc..).
Bibliographie : Ern V.F., Sočinenija (Œuvres), M., 1991 ; Karsavin L.P., Svjatye otcy i učitelja cerkvi (Karsavine
L.P., Les Saints Pères et les Docteurs de l’Eglise), M., 1994 ; Gromov M.N., Maksim Grek (Maxime le Grec), M.,
1983 ; Kalitin P.V., Raspjatie mirom (La Crucifixion par le monde), M., 1992.
P.V. Kalitine (trad. M. Dennes)
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