Tertiarisation et changement social Il est bien loin le temps où la population française se répartissait à peu près également entre agriculture, industrie et services. Aujourd'hui, le monde agricole est presque marginal, l'industrie perd des emplois et le tertiaire compense comme il peut. La tertiarisation désigne la montée des activités tertiaires dans l'ensemble de l'économie, donc le fait qu'une fraction croissante du travail humain s'effectue dans ces activités tertiaires. Les services marchands et non marchands, c'est-à-dire ceux financés par les prélèvements obligatoires et non par la vente sur un marché, constituent le grand réservoir d'emplois. 1. La montée des activités de service... a. La prépondérance du secteur tertiaire... Les services représentent 70 % de la richesse nationale. C'est une constante depuis le début du XXesiècle : la part des activités de services dans l'économie ne cesse de progresser, au détriment des activités agricoles et industrielles. Alors que seul un emploi sur quatre était un emploi de services en 1906, le tertiaire représente aujourd'hui plus de 70 % du PIB et des emplois. La croissance de l'emploi dans les services traduit aussi des gains de productivité en moyenne nettement inférieurs à ce que l'on constate dans l'industrie. Il est difficile de soigner plus de monde ou d'enseigner à plus d'élèves, à effectifs constants, sans réduire la qualité de la prestation. Le phénomène touche tous les pays développés et l'importance du secteur dans l'économie est plutôt considérée comme un signe de modernité. Elle a tendance à croître avec l'élévation du niveau de vie comme le démontre la loi d'ENGEL. b. ... confirme les hypothèses de la loi d'ENGEL Quand le revenu augmente, la part du budget consacrée aux dépenses de première nécessité s'amoindrit au profit de dépenses dites « secondaires » comme les loisirs ou la santé. Ainsi, tout au long de la seconde moitié du XX e siècle, l'accroissement du niveau de vie a permis, une fois satisfaits les besoins matériels de première nécessité, de consacrer davantage de moyens à la santé, à l'éducation, aux loisirs, à la culture ou au tourisme. Les entreprises, pour leur part, achètent de plus en plus de prestations immatérielles, conseils ou logiciels informatiques par exemple. Elles cherchent à produire mieux, à produire en « juste à temps » ou à adapter leurs produits aux goûts individuels de leurs clients. 2. ... accompagne un bouleversement des modes de vie a. Tertiarisation et services On s'accorde à identifier, dans le secteur tertiaire, quatre grands sous-ensembles d'activité : le commerce (gros et détail), les transports et télécommunications, les autres services marchands aux ménages (hôtels, cafés, restaurants, réparations, cliniques, médecine libérale, culture, loisirs...) ou aux entreprises (conseil, publicité, gardiennage...) et, enfin, les services non marchands, pris en charge par la collectivité : éducation, santé, action sociale, administration. La montée des Etats Providence a donc accentué la tertiarisation des économies, ces derniers ont organisé la prise en charge des services aux particuliers ; ils ont finalement supplanté de nombreuses activités qui relevaient jusque là du domaine privé (garde des enfants, soins aux personnes âgées...). Bien sûr ces bouleversements ne sont pas le résultat de la seule volonté publique, ils accompagnent des modifications structurelles profondes comme l'arrivée des femmes sur le marché du travail. b. Tertiarisation et travail des femmes Les femmes ont accompagné et suscité ce phénomène de tertiarisation ; ce sont les femmes qui vont occuper l'essentiel des nouveaux emplois créés depuis les années soixante dans le secteur tertiaire (secrétariat, grande distribution, services aux particuliers...). Par ailleurs, la montée de l'activité féminine va rendre rapidement crucial le développement d'un grand nombre d'activités (garde d'enfants, aide à domicile, mais aussi pressing !...) qui vont-elles mêmes alimenter encore le développement du secteur tertiaire. Repères entre 1978 et 1998 Progression lente dans le commerce, les transports ou la finance 10 % de croissance en vingt ans, soit deux fois plus que le rythme de croissance de l'emploi total en France, mais trois fois moins que la croissance moyenne des emplois de services (+ 33 %). L'activité poste et télécommunications a même progressé de moins de 2 %. Cela n'enlève rien au dynamisme et à l'importance de ces secteurs, qui se sont fortement modernisés et ont enregistré d'importants gains de productivité. Mais, sur la même période, l'emploi dans les services non marchands d'éducation, de santé et d'action sociale a progressé de 45 %. Progression spectaculaire de l'emploi dans les activités de services aux entreprises (+ 79 %) Elle s'explique par l'explosion des métiers de conseil, de la publicité, des services informatiques, mais aussi par un effet d'optique : l'externalisation de plus en plus fréquente d'activités de support (nettoyage, gardiennage, restauration, service paye, maintenance informatique, R&D...) à des sociétés extérieures. Ces emplois, autrefois comptabilisés comme industriels, parce qu'ils s'exerçaient au sein d'une firme industrielle, se retrouvent maintenant dans les services. D'importants gains de productivité dans certains secteurs — grâce à la rationalisation des processus de production (taylorisation), comme dans la restauration rapide ou les centres d'appel. — grâce au progrès technique : l'informatisation et Internet réduisent les besoins en personnel aux guichets des banques, de la Sécurité sociale... L'essentiel La tertiarisation est donc le signe statistique d'un certain nombre de bouleversements qui ont touché les structures de la société française tout au long de la seconde moitié du XX e siècle. Travail des femmes, transformations des anciennes formes de solidarité sont autant de signes perceptibles dans l'avènement de cette société de services.