Chapitre 3 : De l’abime au renouveau (1939-1945) On a longtemps oublié l’opinion publique des Français. On a oublié qu’il existait des documents des préfectures par exemple : conversations téléphoniques, ouvertures de lettre, etc. Mois par mois, en faisant une étude de ces documents, on a réussi à connaître l’opinion française A) L’Etrange défaite (Marc Bloch) Marc Bloch est le créateur de l’Histoire des anales. Il s’est intéressé aux paysans, aux ouvriers. Officer de l’Etat major en 1940, il constate la débâcle en quelques semaines et écrit L’Etrange défaite. Il meurt torturé en 1943. Le bain de sang qu’a été la Première guerre est encore dans les mémoires. On demande à la France de recommencer. I La Drôle de guerre La France entre en guerre pour éviter une plus grande catastrophe. Le 23 août, les Français apprennent la signature du pacte germosoviétique de non-agression. On ne connaît pas la véritable raison, mais on la devine : les deux empires se sont entendus pour partager la malheureuse Pologne, tandis que depuis janvier 1939, Adolf Hitler réclame le couloir de Dantzig. Depuis l’invasion de la Tchécoslovaquie, on sait que la guerre ne pourra être évité. Depuis avril 1939, les Anglais rejoignent les Français dans une alliance pour protéger la Pologne. Le 1 septembre 1939, les armées allemandes envahissent la Pologne. A l’est, les Russes attaquent une semaine plus tard. Devant cette agression caractérisée, la France et l’Angleterre déclarent la guerre les 2 et 3 septembre. La France n’a pas de revanche à prendre, de provinces perdues, d’objectifs clairs à part aider les Polonais. En juillet 1939, quand sort Le Jour se lève, 76% des Français approuvent l’aide aux Polonais en cas d’invasion de Dantzig. La France est résignée mais n’est pas prête militairement. Sa modernisation n’est qu’entamée, pas achevée. On lance une timide offensive, « l’offensive des vaches » (on lance les vaches en avant pour faire exploser les mines). La France a dépensé énormément pour la ligne Maginot. La France croit que le temps joue pour elle. Les deux alliés que sont le Royaume-Uni et elle pensent mobiliser les troupes des coloniaux, et comptent sur un soutien des Etats-Unis à terme. En 1939, il n’y a pas d’Union Sacrée. On retire deux millions d’OS pour les mettre dans les Ateliers spéciaux. Les paysans se disent qu’ils sont encore les sacrifiés. La population civile est tout de suite touchée : rationnement dès le mois d’octobre. A l’arrière, on a peur des sous-marins allemands. Les pris flambent très rapidement. Le gouvernement Dalladier, avant d’être remercié en mars 40, a choisi de proroger la chambre du Front Populaire de deux ans, alors que celle-ci est déjà amputée des députés communistes suite au pacte germanosoviétique. Même ceux qui ont protesté contre ce pacte sont démis de leurs fonctions. Le monde communiste est bel et bien divisé. Officiellement la CGT fait de l’antimilitarisme et le PCF se rallie à l’URSS ; des opérations de sabotage ont lieu. Néanmoins des communistes refusent cette trahison. Ils se réuniront le 20 juin 1941. Dans les journaux de l’époque, l’organe socialiste comme Le Populaire, on conspue plus contre le communisme que contre l’ennemi allemand. Dans certains milieux de la droite, on se demande s’il ne faudrait pas s’entendre avec Hitler pour éliminer le problème juif et celui des communistes. Les seuls raids aériens sont montés à partir du Levant français depuis Beyrouth. On bombarde les pétroles de Bakou. II L’invasion Les Allemands sont techniquement supérieurs. Les Alliés comptent 134 divisions, les Allemands 114 dont 10 divisions blindées (3 pour les Français). On se prépare pour une guerre longue. Les Allemands alignent 2800 chars, la France 2280 dont énormément de chars lourds. 500 chars mis en réserves pour la guerre longue sont capturés par les Allemands. A Saint-Cloud, un gigantesque entrepôt de torpilles de grande qualité est capturé. La Belgique est envahie le 10 mai. Les Français aident les Belges mais sont pris à revers par les Allemands qui passent par la porte de Sedan. Seul le colonel De Gaulle fait quelques prouesses avec ses chars, mais s’arrête, à cours d’essence. Weygand devient le 12 juin responsable des opérations, mais c’est la submersion. Les armées coloniales s’investissent énormément, soit pour obtenir un statut, soit pour obtenir leur indépendance. Les Sénégalais seront les premières victimes des massacres. Le 10 juin, l’Italie déclare la guerre à la France. L’armistice avec l’Allemagne est signé le 22, avec l’Italie le 25 (mais ça Jauffret ne le dit pas !). C’est la débâcle. 1,9 million de prisonniers. 6,5 millions de Français en exode. Le gouvernement change : le 16 juin au soir, Paul Reynaud réunit son conseil des ministres. Il pense qu’il sera mis en minorité. Il charge De Gaulle de partir à Londres. Le Président de la République n’étant pas là, le vice-Président du Conseil Pétain met aux voix le changement de gouvernement. Paul Reynaud démissionne ainsi que Georges Mandel. Il est contacté par les Anglais le 17 juin. A 4H30 du matin, on demande à Mandel de partir à Londres. Mais il refuse de partir, pour éviter des titres négatifs sur sa religion. Certains sont certains que la guerre est mondiale, qu’il faut s’appuyer sur l’Empire colonial, le Royaume-Uni et ses colonies. Les Pays-Bas ont soumis à l’Allemagne une reddition militaire mais pas politique. Mais Pétain et Weygand ont une vision de la guerre perdue totalement. Pétain estime qu’il faut prévoir une place pour la France dans une Allemagne qui aurait tout gagner : c’est le discours du 17 juin 1940, qu’il fait à 84 ans. Au changement de gouvernement, les colonies demandent à poursuivre le combat. La France est donc humiliée par la défaite. La thèse de l’extrême droite est celle d’un Etat pourri par la gauche. Les historiens résument cette vision en deux mots : légalité et légitimité. Pour l’essentiel de l’armée française, le gouvernement est légal, donc on le suit. Pétain apparaît comme un sauveur. De Gaulle y oppose la légitimité : l’Etat doit garantir l’intégrité nationale, à la fois sur le plan juridique et sur le plan territorial. III La question de l’armistice L’armistice du 22 juin 1940 est curieux. On laisse une zone sud, une Empire français désarmé. La France conserve sa flotte à condition qu’elle n’ait plus de velléités offensives. L’armée de Vichy n’a plus qu’une armée de 100 000 hommes. On place à côté du gouvernement des commissaires qui suivent les faits et gestes de ce gouvernement. B) La France de Vichy I L’Etat français Cet Etat peut être résumé ainsi : « terreur blanche, marché noir et bibliothèque rose ». Le 10 et 11 juillet, on assiste à un coup d’Etat légal. Pierre Laval a fait entendre que l’heure est grave et qu’il faut donner les pleins pouvoirs au Maréchal ; il demande qu’il n’y ait pas de débat. On croit que le Maréchal sera un dictateur à la romaine. On vote, après que Laval est juré que les chambres ne seraient pas dissoutes. Edouard Herriot s’abstient tout en exprimant sa vénération au Maréchal. 80 votent contre, notamment des socialistes sur 180 députés de la SFIO. Le 11 juillet, Pétain commet l’Acte Constitutionnel N°1. « Nous, Philippe Pétain, Marchal de France, Chef de l’Etat Français »… Pétain cumule les pouvoirs exécutif et législatif, de même que le judiciaire. Le Sénat et la Chambre sont suspendus. Le 12, Pétain désigne Pierre Laval comme son dauphin. Immédiatement s’engage un gouvernement réactionnaire autour de la « Révolution Nationale ». On décide de créer le 29 août une Légion de Combattants, qui fait la chasse aux mauvais Français. Vichy applique la rétroactivité des lois, la délation. L’Eglise suit dans un premier temps le régime de Vichy. Le primat des Gaules dira « Pense Pétain, tu penseras Français ». On crée les chantiers de jeunesse. On casse tous les syndicats. On adopte une nouvelle formule pour l’Etat Français : « Travail, Famille, Patrie ». Vichy fonde la France sur le sol : « la terre, elle, ne ment pas ». La paysannerie fait fortune pendant la guerre. Le gouvernement encourage la renaissance démographique, qui repart dès 1941. Vichy crée la Fête des Mères. II La France occupée Les Allemands, vainqueurs, se servent. La façade atlantique est bétonnée. Une zone est annexée à l’Allemagne. On crée une zone réservée, dans l’optique d’une future annexion au Reich. Une autre zone est rattachée au gouvernement de Bruxelles. Quand les Américains débarquent au Maroc, la zone libre est envahie, y compris par l’Italie. Vichy a 1,6 millions prisonniers en Allemagne. De plus, la France connaît le plus fort tribut jamais connu en Europe. Par jour, la France doit payer 400 millions de francs jour, avec un taux pour 20 francs = 1 mark. Les Allemagnes payent cash certaines entreprises françaises (Champagne notamment) qui réalisent un profit énorme. La métallurgie coopère. On plante des légumes dans les jardins publics. Le gouvernement de Vichy est tenu par un chantage. III La collaboration Le 22 ou 24 octobre 1940, Pétain déclare que la France « s’engage sur la voie de la collaboration ». La rencontre de Montoire fait scandale. Le 22 janvier 1943, on crée la milice, toute puissante. On distingue plusieurs collaborations : la collaboration d’Etat (la « relève » : si on donne trois ouvriers pour travailler en Allemagne, on libère un prisonnier), la collaboration politique (Je suis partout, Radio Paris, etc. 40 000 adhérents selon Jauffret), la collaboration horizontale. Le régime devient de plus en plus fascisant. L’opinion publique s’en sépare. IV La « résistance civile » La France, petit à petit, se transforme en société du renoncement, mais si certains gardent l’illusion que le Maréchale est au dessus de tout soupçon. En décembre 1941 sur 163 941 lettres qui ont été ouvertes, une importante majorité soutient le Maréchal en tant qu’homme mais pas dans son action politique. Une majorité est certaine que les Etats-Unis vont intervenir. a) Contre le STO Pour obéir aux ordres de l’Allemagne, le gouvernement de Vichy décide que tous les Français sont susceptibles de partir au STO, notamment ceux qui ont entre 20 et 22 ans. On déclare que c’est pour raccourcir la guerre. 600 000 travailleurs sont envoyés en Allemagne. Cette affaire du STO nourrit les maquis. « Un ouvrier qui part, c’est un prisonnier de plus » b) Sauver des Juifs Le gouvernement de Vichy s’est engagé dans une politique de zèle consacrée à la chasse aux Juifs. Le 21 juillet 1940, il faut déclarer si on est Juif. Les naturalisations sont annulées. Le 2 juin 1941, sans réclamation des Allemands, un statut spécial est mis en place, avec port de l’étoile jaune. (Jeunesse Universitaire Internationaliste Française). Pendant la drôle de guerre, on a incarné tous les étrangers. Les camps se multiplient, les conditions sont… mortelles. Tout de suite se met en place un réseau d’assistance pour venir au secours des Juifs. Quand l’Allemagne monte le camp de Drancy, sur les 32 000 Juifs étrangers que devait contenir ce camp, 12 sont sauvés. Le 16 juillet 1942, c’est la Rafle du Vel d’Hiv. 32 000 Juifs doivent être déportés. 20 000 sont sauvés la veille. 76 000 Juifs seront déportés, 2 500 reviendront Le pasteur Broegner régit dès 1941 à cette discrimination et cette extermination. L’évêque de Toulouse demande aux prêtres de son diocèse de dénoncer la politique de Vichy. Il est peu à peu suivi par tous les autres évêques. En septembre 1942, les évêques demandent au Maréchal d’arrêter les rafles, ce qui est fait. Les Allemands procèdent alors à des rafles eux-mêmes : en janvier 1943, à Marseille, c’est la Rafle de l’Opéra. Le quartier du Vieux Port est saccagé, 600 jeunes déportés.