. LES CARACTÉRISTIQUES DES ENFANTS DYSPHASIQUES Avant 1994, ce diagnostic était connu sous le terme d'audimutité, un nom qui a, peu à peu, été délaissé par les orthophonistes. L'élaboration d'une définition de la dysphasie n'est pas chose simple ; ceux qui en souffrent ont à faire face à divers obstacles lors de la communication, mais aussi lors de la construction sociale et affective. Il s'agit d'un handicap qui les accompagnera tout au long de leur vie (Gérard 1991). Cette désorganisation se manifeste lorsque l'enfant est au coeur de son processus de développement du langage. Le terme « idiopathique » peut alors lui être attribué (Lussier et Flessas 2001). 1. La dysphasie au Québec Au Québec, il ne faudrait pas croire que le sort des enfants dysphasiques a toujours été l'une des préoccupations des instances éducatives. En effet, tout comme l'apparition de la LIP en 1988, c'est aussi à ce moment qu'il y a une reconnaissance officielle de la dysphasie. Celle-ci sera identifiée, quatre ans plus tard, sous les troubles sévères de développement (AQEA 1992). Toutefois, des changements vont s'opérer notamment par une redéfinition des élèves handicapés ou élèves en difficultés d'adaptation ou d'apprentissage. Certaines déficiences telles qu'auditive et motrice légère ne sont plus reconnues par les définitions de l'adaptation scolaire. Pour ce qui est de la déficience langagière, elle est regroupée sous le code 34. Elle touche l'enfant qui est diagnostiqué par une dysphasie sévère, elle se définit comme étant un « trouble sévère et persistant du développement du langage limitant de façon importante les interactions verbales, la socialisation et les apprentissages scolaires. » (MEQ 2000 ). De plus, diverses difficultés sur le plan de l'évolution du langage, de l'expression verbale, des fonctions cognitivo-verbales ainsi que la compréhension leur sont attribuées. Par conséquent, des services doivent être apportés à l'enfant dysphasique afin qu'il puisse évoluer en classe présentant une pédagogie adaptée à sa clientèle. Cette identification au Québec est assurée par l'orthophoniste à qui la tâche sera de poser un diagnostic, les huit qui suivent sont ceux acceptés à l'heure actuelle (MEQ 2000) : 1. aphasie congénitale ou de développement; 2. syndrome dysphasique de type surdité verbale; 3. syndrome dysphasique de type sémantique-pragmatique; 4. syndrome dysphasique de type syntaxique-phonologique; 5. syndrome dysphasique de type lexical-syntaxique; 6. syndrome dysphasique de type dyspraxique; 7. syndrome dysphasique affectant la programmation phonologique; 8. troubles sévères de langage atypique 2. Différentes formes de la dysphasie Bien que l'on reconnaisse huit diagnostics dans la province, cinq affectent plus généralement les enfants. D'après Buttiens dans Desharnais (1994), il est tout possible de les résumer de façon assez simple. En synthétisant le tout, nous avons le problème au niveau du décodage des sons du langage (agnosie verbale), de compréhension et d'expression des mots (déficit phonologique-syntaxique), compréhension des questions et messages étant horscontexte (lexical-sémantique), traitement du message verbal (sémantique-pragmatique) et finalement du côté moteur avec les mouvements et gestes articulatoires à l'émission des sons (praxique). Cela brosse le tableau des différentes formes que peut prendre la dysphasie, ce qui rend évidemment compte de la confusion et de la difficulté à se prononcer de façon la plus juste possible sur un diagnostic. De plus, les troubles ne se manifestent pas tous de la même façon et ni avec le même niveau de sévérité (Buttiens 1994 dans Desharnais). Selon le constat que pose Lemay (2001), il serait extrêmement difficile d'établir un diagnostic différentiel entre l'autisme et la dysphasie puisque les faits observables sont parfois pratiquement impossibles à nuancer. C'est principalement grâce à l'entrée de l'enfant en milieu scolaire et en structure éducative que les intervenants deviennent mieux outillés afin de pouvoir préciser la vraie nature du syndrome observé. 3. Les troubles supplémentaires En ayant des troubles au cours du développement de leur langage, les dysphasiques sont très souvent susceptibles d'être touchés par des difficultés supplémentaires. Par exemple, une mauvaise perception auditive, une difficulté de discrimination du message de l'interlocuteur, des troubles d'abstraction, les notions de catégorisation ainsi que certains syndromes dyspraxiques sont tous des caractéristiques pouvant aussi être présentes (Lussier et Flessas 2001). Autant chez les enfants que chez les adultes, le langage, afin d'arriver à communiquer avec l'autre, peut parfois créer des frustrations, des malentendus, des malaises puisque chacun a sa propre façon d'interpréter le message reçu. Que se passe-t-il alors lorsque le dysphasique tente d'entrer en communication avec ses parents, son enseignant ou ses pairs? La tâche à effectuer n'est, en conséquence, aucunement comparable à celui n'ayant pas de troubles. Cette différence aura nécessairement des conséquences. Les enfants dysphasiques peuvent présenter des comportements directement liés à l'incapacité dont ils souffrent puisqu'ils ont leur propre façon de réagir face à leur handicap. Effectivement, « c'est surtout à cause du trouble de compréhension et d'adaptation à une nouvelle situation que l'enfant dysphasique peut manifester certains problèmes de comportements » (Lussier et Flessas 2001, p.135) ainsi que des difficultés au niveau de relations sociales. Lemay (2001) s'enchérit sur le fait que le petit se retrouve, la plupart du temps, dans l'impossibilité de décoder les signaux qu'il côtoie et qui lui sont adressés ce qui influencera tôt ou tard sa structure comportementale. Dans son document intitulé Cap sur l'inclusion. Relever les défis : gérer le comportement, le gouvernement du Manitoba dresse un large portrait des troubles du comportement. Dans la partie section 7 consacrée à la gestion des comportements se trouve le schéma suivant : Nombreux sont les enfants dysphasiques se trouvant entourés par un inventaire aussi élevé d'intervenants. En conséquence, il importe que tous interviennent de la même façon lorsque l'élève présente des comportements inadéquats. « À ce point de vue, toutes les équipes devront participer à la planification d'un Plan de maîtrise du comportement, y compris, la première équipe, l'équipe scolaire et l'équipe externe. » (p.7.3). Ce schéma peut aussi être utilisé afin de faire prendre conscience à quel point plusieurs personnes existent pour outiller, aider, supporter l'élève dysphasique par exemple. De même, l'enfant doit être en mesure de savoir qu'il existe une partie de l'environnement sur lequel il ne peut exercer aucun contrôle (Turcot-Lefort et Boucher 1995 dans Beauharnais). Ceci peut, en conséquence, venir calmer les frustrations quotidiennes de l'enfant qui n'arrive pas à toujours être bien compris. De plus, comme il tente, malgré ses troubles, d'entrer en communication avec ceux qui l'entourent, le dysphasique peut se buter à une abondance d'échecs lorsqu'il va faire l'effort de communiquer. Malheureusement, ceci aura comme impact une faible estime de soi par le continuel sentiment de se sentir incompétent (Buttiens 1994 dans Beauharnais). 4. Forces et habiletés Même s'ils ont à faire face à de nombreux obstacles, les enfants atteints de dysphasie possèdent aussi des forces et des habiletés. Selon Lussier et Flessas (2001), malgré toutes les difficultés qu'il peut éprouver lors de la communication à autrui, l'enfant manifeste le désir de communiquer et ce, par l'utilisation d'autres schèmes de la communication tels le regard, les mimiques et les gestes. De plus, sa volonté d'apprendre obtient des répercussions à travers la tâche où tous les efforts nécessaires vont être faits. La réussite est bien souvent présente dans le travail ne demandant pas l'utilisation du langage. Gérard (1991) décrit le dysphasique comme un enfant qui s'habilitera à développer des variables comme les supports visuels et la compréhension textuelle qui l'aideront à faire face à son trouble. 5. Caractéristiques au niveau des apprentissages En observant les différentes formes que peut prendre la dysphasie au niveau du langage, l'enfant subira nécessairement des répercussions lors de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et la compétence communicative présentes dans le programme de formation de l'école québécoise. Gérard (1991) est clair, « l'enfant dysphasique ne peut s'adapter à l'école telle qu'elle est. » (p.91). De par les caractéristiques de son handicap, l'élève devra faire face à la structure de l'école actuelle et de ses problématiques. Par exemple, la passation des savoirs par la langue orale et les déficits présentés au niveau de la structure ralentit l'élève dans ses apprentissages qui s'obtiennent par d'autres voies. Un enfant dit normal est plus facilement capable d'utiliser les concepts de symbolisation, d'abstraction et de généralisation contrairement à l'enfant dysphasique qui présentera, par conséquence, une intelligence évoluant plus lentement puisque le langage est nécessaire au niveau du développement cognitif (Lussier et Flessas 2001). 6. Six causes En vue d'outiller les enseignants ayant à travailler auprès de cette clientèle, Gérard (1991) a décelé six causes pouvant apporter des éclaircissements aux difficultés d'apprentissages auxquelles elle est confrontée (p. 94) : 1. difficultés à identifier et reconnaître les informations séquentielles, 2. difficultés du raisonnement logique portant sur des concepts non numériques comme la notion de conservation par exemple, 3. difficultés à organiser la numération et l'utilisation des mécanismes opératoires à partir de 4. repères spatiaux, troubles visuo-constructifs associés, 5. difficultés de mémorisation verbale ou visuelle gênant l'automatisation des opérations, 6. difficultés à manier les informations linguistiques comprises dans des problèmes simples. Cependant, les actions restent difficiles à poser lorsque le matériel et les fonds nécessaires ne sont pas présents. Lussier et Flessas (2001) ont, à l'intérieur de leur ouvrage, bâti une liste de recommandations utiles adressée aux diverses personnes travaillant auprès des dysphasiques afin d'obtenir les meilleures interventions possibles. Elle est notamment disponible sur le site web du Réseau suisse pour la dysphasie (voir l'adresse URL en bibliographie) et englobe des domaines tels que les problèmes au niveau du langage réceptif et expressif, l'organisation fonctionnelle et matérielle de la classe, la favorisation des apprentissages ainsi que des pistes destinées aux enseignants et aux parents.