Création et transmission en anthropologie visuelle

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Création et transmission en anthropologie audiovisuelle
Vingt ans après la première publication d’un dossier consacré à l’anthropologie visuelle (n°47-48, 1992), le
Journal des anthropologues lui consacre un nouveau chapitre en inscrivant le processus de création comme une
approche originale de cette discipline. Par ailleurs, la transmission des connaissances tant par l’enseignement que par la
diffusion de nos documents, est un des enjeux majeurs de cette discipline et nous souhaitons poser le problème récurrent
de la place de l’anthropologie visuelle dans le monde de la recherche. En effet, le regard académique porté sur ce
domaine, tout en circonscrivant ses modes d’expression hors du champ politique et esthétique, ne reconnaît les
matériaux filmiques, photographiques ou sonores que dans un rôle consensuel d’illustrations textuelles.
L’anthropologie visuelle, directement concernée par les multiples transformations sociales, économiques et
politiques qui affectent un grand nombre de sociétés, s’est emparée des caractéristiques plastiques offertes par les
technologies numériques pour explorer de nouvelles formes de narrativités. Ces nouveaux enjeux tant méthodologiques,
épistémologiques qu’esthétiques, sont en cours d’expérimentation par un grand nombre de cinéastes et d’ethnologues
animés par un regard spécifique sur le monde contemporain.
Si le rapport entre l’art et l’anthropologie a été examiné depuis de nombreuses années, peu de recherches ont
encore été effectuées quant à la place spécifique de la création dans la démarche de l’anthropologue lors de la collecte,
de la restitution et de la publication de ses enquêtes. En considérant la création comme une méthodologie à part entière,
nous posons d’emblée la question de la validation scientifique d’une démarche singulière au sein d’une discipline
académique réticente à reconnaître une valeur épistémologique tant à l’image qu’à des expressions relevant du domaine
de la création. Pourtant, les supports techniques utilisés pour enregistrer, reproduire et diffuser nos enquêtes de terrain
militent en faveur d’un renouvellement du positionnement et des méthodes de l’anthropologue cinéaste.
Nous voulons mettre à jour : les évolutions des formes d’investigation du « réel » par le film, la diversité des
regards portés sur les réalités qui se pixélisent à l’infini, les « techniques de l’objectif » pour reprendre une expression
de François Niney mises en œuvre pour rendre compte de la pluralité des situations, des contextes et des
questionnements dès que le chercheur en sciences humaines décide de transmettre son cheminement parmi les multiples
formes de représentation qui jalonnent son parcours.
Quels sont les liens entre recherche scientifique, compétences techniques et démarche créative, qu’à l’inverse
de la monographie, les publications numériques requièrent ? En effet, si nos premières traces filmiques appartenaient à
l’univers de l’analogique, qui impliquait une dichotomie entre l’écrit et l’image, encourageait les analyses de type
monographique et les récits aux structures linéaires, le passage sur support numérique a ouvert le champ à des
entrelacements de points de vue, à des rencontres entre les graphies textuelles, iconiques, et sonores, à un
questionnement évident sur les modes de récit que l’anthropologue cinéaste revendique comme expression possible de
la réalité complexe du terrain et des communautés rencontrées. Les pratiques collaboratives en coprésence ou à
distance, l’étude des réseaux sociaux nous incitent à réexaminer précisément tant les méthodes, que leur validation par
le milieu académique et les modalités de formation offertes par les universités tant en France qu’à l’étranger. Ces
formes d’échanges, productrices de nouvelles représentations tant individuelles que collectives ont permis de
développer des formes compétitives et mercantiles opposées aux formes coopératives et de dons. Par ailleurs, dans des
secteurs où l’art et les connaissances scientifiques circulent, le recours au marché semble inapproprié pour certains
chercheurs et incontournables pour d’autres.
La ligne éditoriale de ce numéro est résolument tournée vers les démarches innovantes où l’anthropologue et le
chercheur en sciences sociales associent leur singularité aux formes d’inscription hypermédiatiques. Cette évolution de
nos pratiques, tant à un niveau méthodologique qu’au niveau des communautés, des réseaux, des espaces de diffusion
concernés par nos recherches, modifie sans conteste notre statut d’auteur, de chercheur ou d’artiste. Ces orientations
aboutissent à nous interroger sur les modalités de transmission, de publication et sur les causes et les conséquences du
décalage entre le nombre croissant d’analyses filmiques ou hypermédiatiques à composante ethnographique et leur
diffusion encore trop restreinte.
Coordination :
Sophie Accolas, Nadine Wanono Gauthier.
Calendrier :
Les propositions d’articles (résumés) sont à envoyer avant le 30 septembre 2011 aux deux coordinatrices et les articles
complets (40 000 signes) avant le 30 décembre 2011.
Publication : second semestre 2012.
Contacts :
Sophie Accolas : [email protected]
Nadine Wanono Gauthier : [email protected]
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