Morphologie médiévale de l`infinitif

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MORPHOLOGIE MEDIEVALE DE L’INFINITIF
En F.M, la répartition des infinitifs se fait en trois groupes et en fonction de leur terminaison :
- groupe I : les verbes en –er
- groupe II : les verbes en –ir faisant un participe présent en –issant
- groupe III : les verbes en –ir (p.pst en –ant), en –re et en –oir
Ces groupes peuvent se définir dès l’A.F, mais il est plus pertinent en A.F de les classer , suivant leur
accentuation, en formes faibles ou fortes :
- infinitifs faibles, oxytoniques : tous ceux terminant par –r. accentués sur la syllabe désinentielle (amER
gr.I ; florIR gr.II ; avOIR gr.III ; dormIR gr.III)
- infinitifs forts, paroxytoniques : les infinitifs en –re du groupe III (mettRE<míttere)
I. Les infinitifs faibles oxytoniques
Viennent en grande majorité des oxytons latins amáre, habére, dormíre : la voyelle pénultième tonique s’est
conservée tandis que le –e final s’est amuït.
Certains sont issus d’infinitifs germaniques en –ôn et –jan, latinisés en –āre et –īre :
*warôn > * gwarare> A.F garer
*warjan > *gwarire > A.F garir
• verbes en –er/-ier (effet de Bartsch) < -áre ( amer, changier < amare, cambiare)
< -ôn (broder, gaitier < *brozdôn, *wahtôn)
• verbe en –oir < -ēre (avoir < habēre)
• verbe en –ir < īre (dormir < dormīre)
< -ēre (dont le radical se terminait par un /k/: taisir < tacére et gesir < jacére)
< certains infinitifs latins en -ĕre/-ēre passés à –īre à cause de la similitude de certains modes
(cupio, cupiam < cúpĕre et dormio, dormiam < dormīre) ainsi cúpĕre, rápĕre passent à *cupíre, *rapíre (A.F,
covir, ravir). De même flóreo,-ēre et gáudeo sont refaits en *flóryo, *gáudyo de florir et joïr.
< -jan (bastir < *bastire < *bastjan comme choisir, guerpir, haïr, honnir, saisir < *kausjan,
*werpjan, *hatjan, *haunjan, *satjan)
→ certaines désinences en –jan ont aboutit à des infinitifs du groupe I
blecier <
*blettiare < bletjan,
broiier <brecare < *brekan
→ tenēre refait en *tenīre (AF tenir) sur le mode de venīre dont il était morphologiquement proche.
II. Les infinitifs forts paroxytoniques
1) formes en –tre, -dre
• développement d’une consonne épenthétique après la chute de la voyelle atone dans les groupes /l’r/, /s’r/ :
moudre, estre , cosdre < mólere , *éssere , consúere
• les groupes /k’r/ et /g’r/ appuyés respectivement par un –t et un –d dans conoistre (< cognóscere) ou dans
feindre (fíngere) proviennent de la palatalisation de /k/ et de /g/ stoppée au stade de la dentalisation.
2) cas de cuire, dire, faire et verbes en –duire
*kokere, dícere, dúcere, fácere
hypothèse d’une mutation de /k/ en /g/ en langue vulgaire avant les palatalisations du 3 e s : *dígit, -(i)mus, -(i)tis
donnent dit, dimes, dites tandis que dícit, -imus, -itis auraient aboutit à *dist, -smes, -stes.
3) infinitifs en –ŭĕre
*battúĕre, consúĕre, solvĕre > batre, cosdre, soudre
l’accent remonte sur la syllabe initiale au moment de la consonification de /u/ en /w/ au 1°s. qui s’amuït par la
suite.
4) changements de conjugaison
• les déponents sont refaits sur les infinitifs actifs (mori, sequi > *moríre, *séquĕre)
• échange entre –ēre et –ĕre : d’après similitude des participes (-ens, -entem), mordeo –ēre passe à *mordĕre
(A.F mordre) et cádĕre à *cadēre (A.F cheoir). Sur le modèle habui, habēre, le parfait sapui engendre *sapēre
(lat.class. sapĕre) > A.F savoir
• élimination des infinitifs marginaux en –se et –le : esse > *éssĕre > estre
posse, velle se règlent sur habēre : *potēre, *volēre. Les composés de ferre, rapprochés de ferire, se remodèlent
en *offeríre > ofrir, *sŭfferíre > sofrir
latin
Français
Infinitif
P1
P2
P3
P4
P5
P6
-āre
-er
amer
aim
aimes
aime
amons
amez
aiment
-īre
-ir
ferir
fier
fiers
fiert
ferons
ferez
fierent
-ēre
-oir
pooir
puis
pues
puet
poons
poez
pooent
-ĕre
-re
croire
croi
crois
croit
creons
creez
croient
On observe :
- une base faible dont le paradigme est régulier à tous les modes et tous les temps sauf pour P4 et P5 de
l’indicatif
- une base forte qui apparaît aux P4 et P5 de l’indicatif uniquement
III. Particularités dialectales
1) radicaux
Le picard ne développe que partiellement le phénomène d’épenthèse, et il a effacé, par fausse analyse, le d
radical de prendre en *prenre, et la dissimilation des deux r a conduit à une nouvelle forme penre, apenre.
2) désinences
Groupe I : •–eir < -are mis pour –er
• –er mis pour –ier par monophtongaison de /ie/ en /e/
Groupe III : • -eir, -air, -ier < -ēre : diphtongaison de /ẹ/ arrêtée au stade de /ei/ et monophtongaison en /e/
ouvert au 12es.
• -or réduction de –oir
• -ir pour –oir dans les trois verbes suivants caïr, s(e)ïr, v(e)ïr (=cheoir, seoir, veoir) et leurs
composés
3) conjugaison
L’anglo-normand multiplie à partir du 14es. les confusions de conjugaisons : morer, paiser, contir, donir,
demandre, gettre…
IV. Evolution des formes de l’infinitif
1) réfection des radicaux
• certains infinitifs dont le radical primitif était en –oi sont refaits sur un radical fort en –i afin d’éviter de
nombreuses conusions : noier (něgáre) a cédé la place à nier, pour éviter la confusion avec noier (nĕcáre), de
même ploier/plier.
• Jusqu’au 15es. il y a concurrence entre les deux infinitifs amer et aimer. Le F.M ne retiendra que le dernier.
2) désinences
•En M.F la prononciation des consonnes finales s’amuït dans la langue parlée : aimer et aimé ont gardé en FM
leur homophonie, dormir et dormi ne l’ont perdu qu’au 17es.
• réduction de –ier à –er : la bascule de l’accent dans les diphtongues au 13es. entraîne l’effacement du yod
dans la terminaison /yer /→ /yér/ → /é(r)/. La graphie , plus conservatrice, n’adoptera la terminaison –er qu’à la
fin du 15°s.
• certains infinitifs en –ir peuvent accidentellement changer de type, on trouve les doublets suivants
sofrir/sofferre et offrir/ offerre
• réfection des finales peu représentées :
-oivre > -oir(e) : boivre > boire
-iembre > -eindre, -aindre : criembre > criendre > craindre
-istre > -ir : beneïstre > beneïr
-sir > -ire : luisir, nuisir, plaisir, taisir > luire, nuire, plaire, taire
-ntre > -ncre : veintre > vaincre
-rre > -rir : corre, querre > corir, querir
• falloir (12e) doublet de faillir (= manquer) d’après valoir, se répand en M.F en s’attachant à la notion
d’obligation
• acorcier, refreschier, refroidier sont refaits en acorcir, rafreschir, refroidir ( 12e-13e).
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