du plan d`action de lagos au

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LES ENSEIGNEMENTS DES PLANS DE
DEVELOPPEMENT POUR L’AFRIQUE : DU PLAN
D’ACTION DE LAGOS AU NOUVEAU PARTENARIAT POUR
LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE
Par
Moustapha KASSE, Doyen de la Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion de l’UCAD.
INTRODUCTION
La décennie des années 80 a été, pour l’Afrique, marquée par de graves difficultés
sociales et économiques. Entre 1980 et 1989, il y a eu un déclin constant et général de l’activité
économique, du bien-être social et des niveaux de vie en Afrique.
La crise grave qui a traversé l’Afrique au cours des années 80 s’est manifestée sous trois formes
à savoir :
la détérioration générale des indicateurs macro-économiques principaux ;
la désintégration des structures de production et des infrastructures ;
et la dégradation rapide du bien-être social, notamment l’éducation, la santé publique
et le logement ainsi qu’une détérioration écologique accélérée.
La genèse de la nouvelle politique de l’OUA, consignée dans le Plan d’Action de Lagos
(PAL) pour le développement économique de l’Afrique 1980-2000, remonte à la XVIème
session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, tenue à Monrovia en
juillet 1979, précédée par des travaux d’experts économistes, et clôturée par «une déclaration sur
les principes directeurs à respecter et les mesures à prendre pour réaliser
l’autosuffisance nationale et collective dans le domaine économique et social, en vue de
l’instauration d’un nouvel ordre économique international».
Par cette déclaration, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA «s’engageaient, au
nom de leurs gouvernements et de leurs peuples à promouvoir le développement économique et
social et l’intégration de leurs économies en vue d’accroître l’auto dépendance et favoriser un
développement endogène et auto-entretenu» pour faciliter et renforcer leurs rapports sociaux et
économiques ; pour l’édification aux niveaux national, sous-régional et régional d’une économie
africaine dynamique et interdépendante, pour l’établissement, chaque année, de programmes
spécifiques pour matérialiser cette coopération économique sous-régionale, régionale et
continentale.
1
2
La mise en œuvre de cette déclaration a été faite en avril 1980, est consignée dans un
Plan d’Action, dont l’ambition est à la mesure du retard dramatique constaté par tous, embrasse
des domaines aussi variés que :
l’agriculture et l’alimentation dont le plan de développement a été approuvé à Arusha
et adopté dans la déclaration de Monrovia de juillet 1979 ;
l’industrialisation du continent par la poursuite d’objectifs à long, moyen et court
terme, visant à atteindre en l’an 2000 au moins 2% de la production industrielle du monde,
conformément aux objectifs de la conférence de Lima ;
l’exercice de la souveraineté totale des pays africains sur leurs ressources naturelles,
en s’appuyant sur la formation des hommes capables de maîtriser les technologies appropriées ;
le développement et l’utilisation rationnels des ressources humaines nécessaires à ce
plan d’action ;
la mise de la science et de la technologie au service du développement du continent
aux niveaux national, sous-régional et régional ;
l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie générale en matière de transports et de
communications ;
la promotion et l’intensification des échanges commerciaux et financiers sur le plan
national inter-africains.
Cette énumération non exhaustive montre, si besoin en était encore, l’ampleur qui a été donnée à
ce PAL, ainsi que les grands espoirs qu’il a suscités à l’occasion de son adoption et de sa
promulgation. Malgré cela les 90 vont montrer de maigres résultats dans la réalisation des
objectifs du PAL. Quelles en sont les raisons ?
II- LES EVALUATIONS CRITIQUES
Pourquoi le PAL et la forte détermination qui l’a inspirée n’ont-ils pas réussi à
pousser l’Afrique sur la voie de la croissance et du développement économique et social ?
Le PAL a t-il été abandonné au profit :
o
du Programme d’Ajustement Structurel (1981)?
o
du Programme Prioritaire Africain pour le Rétablissement Economique
(APPER) élaboré en vue de la Session Spéciale ?
o
ou du Programme d’Action des Nations Unies pour le Développement de
l’Afrique(1986) ?
Cette énumération n’est point exhaustive car il faut y ajouter bien d’autres programmes
qui ont avorté comme les diverses décennies par exemple du «développement industriel», des
«Transports et des télécommunications» et également le CARPAS qui était sensé être un Cadre
Africain de Référence pour les Programmes d’Ajustement Structurel en vue du redressement et
de la transformation socio-économique du Continent.
Au bout du compte les résultats ont été bien en de ça des espérances, ce qui a justifié les
évaluations sévères comme «la décennie gâchée», «la décennie des espoirs déçus» ou plus
fréquemment «la décennie perdue». En effet, qu’il s’agisse de la croissance économique, de la
résorption du double déficit structurel de la balance commerciale et des finances publiques, de la
dette extérieure et intérieure, des niveaux de pauvreté, de la nutrition, de la santé, de l’éducation
en un mot de l’amélioration du bien-être social les performances sont extrêmement médiocres
voir insignifiantes.
Ces Plans et Programmes et notamment le PAL ont suscité des critiques à la fois internes
et internationales, notamment sur le plan de la stratégie globale de développement qu’ils
préconisaient.
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1) les critiques internes
Bien que, d’une manière générale, les plans de développement national soient conformes
au Plan d’Action de Lagos, il est établi que l’Afrique dans son ensemble n’a pu atteindre les
objectifs fixés, en matière de performances socio-économiques, dans le Plan d’Action de Lagos
aux niveaux sectoriel et macro-économique.
Par rapport aux objectifs macro-économiques fixés pour les années 80 dans le Plan
d’Action de Lagos, en 1988, le taux de croissance du PIB par habitant a atteint le chiffre
médiocre de 0,88%, l’agriculture a enregistré une croissance de 2,3%, l’industrie 4,9%, les
industries extractives 4,7% tandis que la part de l’investissement dans le PIB passait de 25,2% en
1978 à 15,8% en 1988, et les taux de croissance des exportations et des importations n’étaient
que de 3,8 et 0,3% respectivement, ce qui était très en deçà des taux enregistrés en 1978. Il se
pose donc la question suivante : pourquoi la performance effective des indicateurs économiques
et la situation sociale n’ont pu être à la mesure des espérances suscitées par le Plan d’Action de
Lagos ?
L’écart entre les intentions et la réalité pourraient être imputables aux raisons suivantes :
o l’incapacité chronique des pays africains à traduire les principes directeurs
adoptés au niveau continental en politiques, programmes et projets nationaux ;
le manque d’une détermination à poursuivre sans relâche les stratégies et
politiques convenues, avec pour corollaire, la non-applicationn de ces
politiques et programmes. Les plans nationaux de développement et les
budgets annuels ont plutôt eu tendance à perpétuer, voire renforcer les
structures économiques que l’Afrique a héritées de l’ère coloniale ;
o la différence de conception et de perspective entre l’Afrique, d’une part et les
donateurs et institutions multilatérales, d’autre part, quant à la voie à suivre en
Afrique ; le manque d’enthousiasme des partenaires de l’Afrique en matière
de développement à aider le continent à atteindre les buts et objectifs qu’il
s’est fixé ;
o l’illusion entretenue dans certains pays que chaque pays peut s’en tirer seul,
que chaque pays, agissant à titre individuel, peut surmonter les énormes
difficultés de la transformation socio-économique. En traitant , chaque pays
concerné comme une île sans tenir compte de ses voisins, les programmes
d’ajustement structurel classiques ont renforcé cette illusion d’un
développement national indépendant, portant ainsi préjudice à la notion de
coopération régionale, d’entraide et d’autosuffisance collective ;
o la détérioration de l’environnement économique international et la
marginalisation continue de l’Afrique ;
o le fait que les pays se préoccupent des crises à court terme, notamment, la
gestion des déséquilibres financiers extérieurs et intérieurs et la dette
extérieure. Dans de nombreux pays, l’ensemble des services des départements
de planification, de prévision, de statistique sont détournés de leur fonction de
formulation et de conception de plans de développement socio-économique à
long terme pour entreprendre des tâches de routine quotidiennes consistant à
formuler et appliquer des programmes d’ajustement structurel. En outre, les
autorités sont sans cesse occupées à négocier des restructurations de dette qui
n’ont jamais véritablement résolu la crise de la dette nationale ;
o le rôle croissant des «experts» et cadres étrangers qui participent directement
ou indirectement à la prise de décisions économiques nationales et la perte de
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souveraineté économique des pays africains qui s’ensuit au fur et à mesure
que les programmes d’ajustement structurel parrainés par la Banque Mondiale
et le FMI devenaient la pierre angulaire de la politique économique ;
o les effets de la sécheresse et de la désertification, des cyclones (dans les Etats
côtiers et insulaires de l’Océan indien), les acridiens et autres prédateurs ;
l’extrême vulnérabilité de l’agriculture africaine aux aléas climatiques ;
o les guerres civiles de plusieurs décennies dans certains pays et la
déstabilisation par l’Afrique du Sud des Etats de première ligne qui ont
perturbé les activités économiques normales, détruite l’infrastructure, entraîné
le déplacement de millions de personnes et obligé les gouvernements à
détourner les rares ressources des activités de développement.
2) au niveau international
Dans cette optique une institution comme la Banque Mondiale a à trois reprises, publié
des rapports qui sont de véritables contre-propositions au PAL :
-
Le premier est paru en 1981 sous le titre «le développement accéléré en Afrique au
sud du Sahara : programme indicatif d’action». Plus connu sous le Plan BERG, du
nom de son principal rapporteur, ce plan d’action allait directement à l’encontre du
PAL (qui rappelons-le privilégiait le développement endogène, auto-entretenu et
auto-centré) recommander une orientation de la stratégie du développement vers la
dynamique des exportations, donc vers une plus grande insertion des économies
africaines aux marchés internationaux.
-
Le deuxième rapport, paru en 1983, est intitulé «rapport intérimaire sur les
perspectives et programme du développement». Tout en adoptant l’essentiel du
rapport BERG, il tient compte d’une part de la place qu’occupe l’environnement
commercial et financier international dans les résultats des économies africaines et
d’autre part des mesures que certains gouvernements africains ont prises dans les
domaines aussi importants que la politique des prix, la valorisation des produits de
l’agriculture locale, l’utilisation plus rationnelle des ressources nationales dans le
secteur public.
Le troisième et dernier rapport de la Banque Mondiale daté de 1984 sous le titre «un
programme d’action concertée pour le développement stable de l’Afrique au Sud
du Sahara». Ce rapport, tout en reprenant le thème fondamental des deux précédents,
s’en distingue par son insistance sur le caractère capital des changements politiques
institutionnels des pays africains concernés, sur un emploi plus rationnel des
ressources d’investissements intérieures et extérieures, sur l’endettement de plus en
plus lourd pour les pays africains par rapport au volume global de leurs ressources en
devises et sur les contraintes imposées par la forte croissance démographique, le
faible développement des ressources humaines et de la technologie ainsi que sur
l’épuisement inquiétant des ressources naturelles du continent.
-
La succession de ces trois Rapports de la Banque Mondiale en l’espace de trois ans,
traduisait en réalité une évolution de la pensée de cette institution et une incertitude évidente sur
les solutions proposées, qui d’ailleurs butaient sur un problème essentiel : les moyens financiers
et non financiers exigés par les objectifs que le programme de Lagos s’assigne.
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III - LES AUTRES INITIATIVES AFRICAINES DES ANNEES 8O :
L’ECHEC DES DECENNIES
Suite aux modestes performances du PAL, d’autres expériences ont été entreprises
souvent en relation avec la Communauté internationale, cela a été le cas de certaines initiatives
comme les décennies du développement industriel et celle relative aux transports et aux
communications en Afrique.
1°) la décennie du développement industriel
Dans la décennie du développement industriel de l’Afrique, 1980-1990, un certain
nombre d’objectifs à long, moyen et court terme ont été définies et des mesures concrètes
recommandées pour leur réalisation, dans la poursuite des objectifs du Plan d’Action. C’est ainsi
qu’en 1985, il était escompté que l’Afrique aurait jeté les fondements du développement des
industries de base ; c’est-à-dire des industries métallurgiques, mécaniques, électriques et
chimiques et, qu’à tout le moins, elle aurait porté sa part de la production industrielle mondiale à
1%. Les mesures qui auraient permis au continent de réaliser l’autosuffisance dans le traitement
des produits alimentaires, en matière de produits industriels, d’habillement et d’énergie en 1990
ont été également définies. La décennie préconisait le renforcement de la coopération industrielle
intra-africaine par la définition, la préparation et l’exécution de projets industriels multinationaux
viables (sous-régionaux et multinationaux).
Plusieurs pays africains se sont lancés dans le renforcement des institutions nationales
existantes ou la création de comités de coordination nationaux et de centres de liaison
opérationnels pour la décennie. Nombre de pays se sont également efforcés d’incorporer les
principes directeurs et les orientations de la décennie dans les volets industriels de leurs plans
nationaux de développement. Dans certains pays, des objectifs ont été fixés pour accroître la part
en pourcentage de l’industrie dans le PIB, et dans d’autres un accent particulier a été mis sur
l’établissement et le renforcement de liens entre l’agriculture et l’industrie. Dans quelques pays,
le développement des petites et moyennes industries a été intensifié en vue de parvenir à un
développement autosuffisant et autonome conformément aux principes du Plan de Lagos.
En dépit des progrès réalisés dans la mise en œuvre du programme de la décennie, le secteur
industriel en Afrique est demeuré exigu et fragmenté, pratiquement sans relation intrasectorielles et inter-sectorielles. Pour le continent tout entier, la valeur ajoutée moyenne dans la
production manufacturière par habitant a peu progressé entre 1980 et 1990 pour passer à 61,7
dollars des Etats-Unis. En outre, le grand nombre d’industries de substitution aux importations
existant en Afrique se sont avérées comme d’importantes sources de fuites de devises en raison
des importants croissantes de matières premières, de pièces de rechange et, parfois aussi, de
main-d’œuvre spécialisée étrangère.
2°) la décennie des transports et des communications
Dans le cadre des transports et communications, l’accent dans le Plan d’Action de Lagos
est mis sur l’importance de la Décennie des Nations Unies pour les transports et les
communications en Afrique, 1978-1988. Dans le cadre du programme de cette décennie, les
projets nationaux, sous-régionaux et régionaux qui permettraient la mise en place d’une
infrastructure intégrée et diversifiée de transports et communications en Afrique avant l’an 2000
ainsi que le désenclavement des pays sans littoral et des régions isolées de l’Afrique ont été
également définis.
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Pour ce qui est de l’exécution toutefois, la première phase de la Décennie n’a pas réussi
en raison des difficultés financières et de l’application des seuls critères géographiques pour
l’établissement des projets prioritaires. Néanmoins, dans la phase II de la Décennie (1984-1988),
l’accent a été placé avec juste raison sur l’entretien et la remise en état, ainsi que sur la formation
et l’assistance technique. En général, un taux d’exécution plus élevé a été enregistré pour le
secteur des transports (60%) par comparaison au secteur des communications (26%). Le soussecteur de la radiodiffusion a enregistré le taux d’exécution le plus faible, soit 15% seulement,
tandis que le sous-secteur des ports a connu un taux d’exécution de plus de 70%. Il ressort des
informations disponibles sur les résultats de la phase II que le secteur des transports le taux
d’exécution a été plus élevé que dans le secteur des communications avec l’achèvement de 109
des 578 projets (19%) dans les transports et seulement de 55 des 470 projets (12%) pour les
communications. Ici encore seuls six projets sur 135 avaient été achevés dans le sous-secteur de
la radiodiffusion, d’où un taux d’exécution de 5%.
IV - LA NECESSITE D’UNE AUTRE VISION : LES POINTS DE
RUPTURE DU PLAN OMEGA.
Au début de ce 3ème millénaire, jamais l’humanité n’a disposé d’autant de moyens
techniques et financiers mais également jamais les inégalités n’ont été aussi criardes avec
l’avènement en Afrique d’une pauvreté de masse. En effet, l’Afrique compte aujourd’hui un peu
plus de 250 millions de pauvres soit environ 45% de sa population. Plus grave encore, la
pauvreté est en sensible progression en raison d’une stagnation de la croissance des revenus
(2,1% sur la période 1991-1995).
Dans la décennie 1990, l’Afrique est le seul continent qui s’est autant appauvri. La
croissance, même si elle n’est pas suffisante est essentielle pour réduire la pauvreté ne fusse que
par amélioration soutenue des revenus des personnes. Si le continent veut réduire de moitié la
pauvreté à l’horizon 2015, il faut un taux de croissance cible de deux chiffres sur au moins deux
décennies. Cela nécessite des investissements massifs de l’ordre de 35 à 40% du PIB de chaque
pays. Même en agrégeant le volume global de l’épargne intérieure, les excédents en devises,
l’aide extérieure et les capacités d’endettement, le challenge est quasiment impossible. S’y ajoute
que contrairement à d’autres régions notamment l’Asie et l’Amérique Latine, la production
moyenne de l’Afrique, par habitant et en prix constants, à la fin des années 90, était inférieure à
ce qu’elle était il y a trente ans et que sa production industrielle comme sa part dans le commerce
mondial ont reculé. Plus grave encore, le Continent est passe d’être laissé en rade de la
révolution mondiale des technologies de l’information et de la communication.
A l’analyse, les moyens de résoudre la crise des économies africaines existent. En effet,
le système mondial dispose des moyens techniques et financiers tandis que l’Afrique possède
d’importants atouts d’un énorme potentiel des ressources exploitées, ainsi que de réserves
démographiques et culturelles porteuses de croissance.
Ce qu’il faut alors c’est une vision nouvelle d’un développement durable par l’intégration
et dont les fondements seraient premièrement l’amélioration de la gouvernance qui stabilise les
institutions et les fondamentaux du cadre macroéconomique, deuxièmement les investissements
dans les secteurs moteurs de la croissance qui augmenteraient alors la compétitivité et la
diversification des économies et troisièmement la forte réduction de la dépendance du binôme
aide et endettement. Ce modèle de développement devrait vaincre tous les obstacles et handicaps
afin d’instaurer un système politique démocratique et une économie performante capable
d’enclencher un processus de croissance régulière, harmonieuse et au taux le plus élevé possible
compte tenu des ressources disponibles.
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Le PLAN OMEGA se veut être cette approche à la fois stratégique et originale en tous
points comparable aux nouvelles théories de la croissance endogène qui font dépendre le taux au
comportement des agents et aux caractéristiques des systèmes économiques contrairement aux
théories traditionnelles pour lesquelles le taux de croissance est déterminé par des variables
supposées exogènes comme le progrès technique et l’accroissement démographique (modèle de
SOLOW). Ainsi, les modèles traditionnels supposaient que le taux de croissance à long terme
dépendait de l’expansion de la population et des gains de productivité qui permettent d’améliorer
l’efficacité du travail; ce taux était dépendant de la propension à épargner. En clair, le taux de
croissance à long terme était « exogène », en ce sens qu’il ne dépendait ni du comportement des
agents (épargne, investissement, recherche….), ni de la politique économique (budget,
fiscalité…). Une telle approche n’est pas satisfaisante, puisqu’elle, ne permet pas d’expliquer les
écarts entre pays, ni les disparités persistantes de niveau de vie. Les recherches empiriques
récentes ont fait apparaître une forte corrélation entre le capital au sens large y compris le capital
humain et la croissance. Dans ces nouvelles formulations, la croissance est portée par quatre
sources principales qui ne sont rien d’autres que les secteurs prioritaires du Plan Oméga à
savoir : le capital physique (infrastructures de base), le capital public, le capital humain
(éducation et santé) et l’innovation technologique. Encore, faut-il la présence d’un mécanisme
qui empêche ou compense la diminution des productivités marginales des facteurs de production
au fur et à mesure de leur accumulation. Sur la première source, on peut observer que le manque
de moyens de communication constitue un obstacle majeur à l’organisation des marchés et au
fonctionnement des prix ; la difficulté des transports augmentent les coûts de transaction qui
séparent le prix perçu par le producteur de celui qui est payé par le consommateur. Lorsque ces
coûts augmentent les échangent tendent à décroître ce qui va favoriser le retour de l’économie
de subsistance.
Trois modèles sont maintenant bien connus : ceux du prix Nobel ROMER (1986 et
1990), du prix Nobel LUCAS (1988) et de BARRO (1990). Quel est le principal enseignement
de ces approches qui inspirent OMEGA ? C’est fondamentalement l’introduction des externalités
découvertes initialement par certains auteurs comme AUKRUST, KALDOR et même par les
planificateurs français du Plan MONNET. C’est en introduisant les externalités dans l’analyse
que les modèles de croissance endogène parviennent à résoudre le problème de la diminution des
productivités marginales des facteurs accumulés. En effet, il y a externalité lorsque les décisions
de consommation ou de production d’un agent affectent la situation d’un autre agent autrement
que par les relations de marché. L’externalité peut alors être positive ou négative. Dans les
modèles de croissance endogène l’externalité positive peut provenir soit du capital physique(
même si les biens sont publics), soit du capital humain (learning by doing) soit des innovations
technologiques.
Ces nouvelles théories de la croissance sont non seulement plus adaptées au contexte de
l’Afrique mais elles sont, surtout, largement confortées par les expériences historiques de
développement observées dans le monde notamment aux Etats-Unis entre les années 50 et 70
(développement des grandes infrastructures de base et des grands travaux dont le New Deal qui
sont largement théorisés par la Nouvelle Ecole Historique américaine appelée les
«cliométriciens» avec le prix Nobel D. NORTH), en Europe dans la période dite des «Trente
glorieuses» années de croissance (1945-1975) et en Asie avec les économies émergentes d’Asie.
Ces différentes expériences historiques ont pour dénominateur commun l’utilisation pleine et
entière des principales sources de la croissance identifiées à savoir :

le capital physique comprenant les infrastructures de base, c’està-dire les routes, les chemins fer, les infrastructures portuaire et
aéroportuaire,
les
ouvrages
hydro-agricoles,
les
télécommunications et l’énergie ;
8


le capital humain qui se compose de l’éducation, de la santé et
de la nutrition ;
l’agriculture au sens large comprenant les activités agricoles,
l’élevage, la pêche et les forêts.
Manifestement, les insuffisances quantitatives et qualitatives des infrastructures
physiques de base, les faiblesses des systèmes éducatifs et de santé comme la dégradation des
sols sont les facteurs qui bloquent l’élévation de la productivité et de la compétitivité des
économies africaines.
En définitive, si les investissements sont laissés aux seuls efforts de l’Afrique par les
deux modes de financement (crédit et aide), on peut estimer que la disparité infra-structurelle ne
sera pas résorbée avant une cinquantaine d’années au moins, durée qui serait préjudiciable à la
croissance et au développement durable.
Dès lors, l’option essentielle du Plan Oméga est d’évaluer tous les besoins en investissements
dans les secteurs prioritaires des infrastructures physiques de base, de l’éducation, de la santé et
de l’agriculture afin de les faire prendre en charge par une Autorité internationale. Les
financements seront mobilisés et animeraient la croissance de l’Afrique et de l’économie
mondiale.
Voilà pourquoi, le Plan Oméga s’inscrit dans une dynamique de rupture d’avec toutes les
visions antérieures d’un développement national autocentré mené par un Etat dit «développeur».
Il est un Plan d’action stratégique qui s’appuie principalement sur une construction économique
et dans un cadre d’intégration régionale. En effet, l’Etat libéré de ces investissements devrait se
consacrer à de nouvelles missions qui participeraient à l’amplification du processus de
croissance. En effet, il disposera de moyens budgétaires plus substantiels en vue de

créer un cadre macroéconomique et institutionnel favorable à
l’investissement privé ;

élaborer une politique fiscale plus compatible avec le niveau
souhaité d’activités productives ;

gérer la politique monétaire et les risques de change ;

mettre en place des fonds d’amortissement et de gestion des
charges récurrentes ;

réformer les politiques commerciales pour un meilleur accès aux
marchés extérieurs;

accroître les emplois rémunérés et les revenus des personnes ;

gérer les fonds de prévoyance et de sécurité sociale.
Ce Plan OMEGA présente d’autres intérêts en ce qu’il permet une croissance durable et
auto-entretenue. Il est une avancée inappréciable par rapport aux visions antérieures et postule la
réhabilitation du rôle économique de l’Etat et l’intégration africaine comme marche pied sûr à la
mondialisation. A ce niveau, il est indispensable d’apporter quelques clarifications théoriques.
Dans l’analyse néo-classique, soubassement des politiques d’ajustement structurel
version déflationniste, une politique de dépenses publiques n’a pas d’effet expansif sur le niveau
des activités surtout lorsqu’elle est financée par des emprunts ou par des prélèvements fiscaux
sur les surplus des ménages car cela entraînerait ipso facto des effets d’éviction des dépenses
privées. Dès lors, il est possible de perdre plus que l’on ne gagne car l’Etat est toujours
producteur d’inefficacités et perturbe les équilibres qu’une main invisible établit. De plus, ce
modèle ignore les effets multiplicateurs des dépenses publiques. C’est cela le fondement du
fameux «moins d’Etat et mieux d’Etat ».
9
Les théories de la croissance endogène réintroduisent fort opportunément l’Etat dans le
jeu économique par la fonction de production agrégée de biens et services non exclusifs
(infrastructures de base, éducation, santé, nutrition etc.) et pour lesquels le rendement privé
pourrait être inférieur au rendement social et de surcroît ces biens et services sont producteurs
d’externalités positives. C’est une toute autre question de la possibilité ouverte de leur
commercialisation privée (autoroutes ou simples routes à péage). ROMER comme LUCAS
envisage montrent que l’écart entre les taux de croissance d’équilibre et l’optimum social peut
être résorber par des subventions à l’investissement ou au système éducatif. Dés lors, il est admis
un impact très important de la dépense publique dans les secteurs de l’investissement en capital
physique, en capital humain et en recherche développement.
On peut souligner toute l’originalité du Plan Oméga au regard des modes de financement
de caractère carrément exogène. Si les ressources sont essentiellement d’origine à la fois internes
et publiques, elles ne peuvent provenir que de la fiscalité. Or, une augmentation du taux
d’imposition aurait un double effet : l’arbitrage des agents entre consommation et épargne va se
faire au détriment de la seconde(mauvais donc pour la croissance) et ensuite le rendement de
l’investissement risque de baisser. En conséquence l’Etat étant l’agent le plus habilité à valoriser
le capital physique et le capital humain, il faut lui trouver des ressources financières spéciales.
Le plan Oméga à la lumière de la théorie de la croissance endogène préconise
l’intégration économique qui présente un triple avantage : l’élargissement des marchés qui
permet la réalisation des économies d’échelle et l’élimination de la contrainte des débouchés ; la
rentabilisation des infrastructures qui du reste permettent la formation des marchés et une
répartition optimale des ressources.
Cette logique de croissance du Plan Oméga explique sans nul doute sa complémentarité
avec le Millennium Paretenership for the African recovery Program(MAP) a plutôt des
préoccupations développementalistes comme en témoigne sa structure

La place de l’Afrique dans la communauté mondiale

L’Afrique et la révolution mondiale

Le cas de l’Association mondiale

Les priorités clefs

Pour un nouveau partenariat avec les institutions
multinationales.
En définitive, les deux Plans s’ils ont les mêmes objectifs d’élaboration de nouvelles
stratégies de développement et d’insertion du Continent dans la mondialisation, procèdent
cependant de démarches différentes qui apparaissent tout aussi bien dans les orientations, les
domaines d’action et les instruments de réalisation. Ainsi, le Chapitre du MAP traitant des
priorités clefs comporte les éléments qui suivent: la paix, la sécurité et la gouvernance, la
diversification de la production, l’accès aux marchés, les investissements dans les TIC, le
développement des mécanismes de financement, la dette et les mouvements des capitaux.
Certaines de ces questions comportent des paramètres extra-économiques qui donnent un peu
plus de lisibilité aux variables du Plan Oméga. Cela a rendu possible l’élaboration d’une
initiative commune à partir d’une restructuration du MAP autour de cinq axes principaux :
introduction, l’Afrique dans le temps mondial :entre pauvreté et prospérité, une nouvelle volonté
politique pour en sortir, les domaines d’action prioritaire ou le programme d’action, l’impératif
d’un nouveau partenariat et conclusion.
Dans le fond, la nouvelle initiative appelle l’accélération des réformes politiques,
économiques, sociales et institutionnelles avec de nouvelles règles de bonne gouvernance, de
10
gestion publique transparente et de lutte contre la corruption. Revenant sur les idées maîtresses
du Plan Oméga, elle fonde son Programme d’Action sur les secteurs prioritaires Oméga car dans
une économie en croissance, les arbitrages en faveur du bien être sont mieux réalisés. En effet,
la croissance permet de favoriser le développement des infrastructures sociales, de réduire la
pauvreté par un plus grand accès aux services de base, d’accroître l’emploi, de réformer l’Etat
afin de permettre la réduction des dépenses publiques meilleur moyen d’alléger les impôts et les
charges qui pèsent sur les personnes physiques et morales, d’encourager et de financer les
créations d’entreprises et les initiatives locales qui fondent la richesse d’un pays, de réformer le
système éducatif et de formation afin de mieux l’adapter aux exigences de l’entrée des jeunes
dans la vie active, de révolutionner l’agriculture pour en faire le moteur du développement, de
maîtriser les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication afin de les mettre
au service d’un système industriel dynamique et compétitif et d’assurer une meilleure ouverture
du Continent dans le temps mondial.
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