l`uemoa et les criteres traditionnels des zones monetaires optimales

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La théorie des Zones Monétaires Optimales et le secteur
informel, amortisseur des chocs asymétriques dans les
pays d’Afrique subsaharienne : le cas de l’UEMOA et de la Mauritanie.
Par BA MAMOUDOU OUSMANE
INTRODUCTION :
La théorie des zones monétaires optimales a été proposée pour servir de cadre le plus
efficace pour l’organisation d’une armature monétaire entre Etats partenaires (A). Les premiers
théoriciens des ZMO se sont intéressés aux économies développées et ont tenté de proposer des
solutions appropriées aux questions monétaires auxquelles les pays peuvent faire face. Pour les
pays d’Afrique où les économies sont peu développées, les questions monétaires se posent
aussi, mais dans de façon différente. Cependant, l’on serait tenter de voir si la théorie des ZMO
peut servir de piste de réflexion pour le cas de ces pays. La critique de cette théorie se justifie
par la nécessité de la prise en considération du cadre particulier des pays de notre étude qui
sont loin, sur le plan structurel, des pays pour lesquels la théorie de ZMO a été proposée (B).
En effet, les pays de l’Afrique de l’Ouest, caractérisé par des économies défaillantes,
s’inscrire dans l’optique de l’union économique peut inciter, du fait des exigences de
l’interdépendance, à une plus grande attention dans les politiques nationales à incidences
régionales. Les contrôles réciproques garantis par les réglementations communautaires obligent
à la bonne gouvernance et en particulier dans le respect des critères de convergences. La
Mauritanie appréciée dans le cadre d’une intégration dans l’UEMOA, s’inscrit dans une
analyse en termes des transformations macro économiques et de la conduite de politiques
économiques qui feront suite à sa participation.
Dans le cadre des ZMO, il a été relevé des chocs asymétriques auxquels des réponses
spécifiques ont été apportées. Mais, ces dernières offrent peu d’intérêts dans le cadre des pays
de notre étude. La particularité des économies en question rend d’autant la réponse aux chocs
spécifique. En effet, le secteur informel dans ces pays est souvent important en terme d’effectif
de l’emploi et en temps de crise, il joue le rôle d’amortisseur social (C) en permettant aux
licenciés, des secteurs public et privé, de s’y recycler.
A - CADRE THEORIQUE DE BASE DE LA PROBLEMATIQUE DE LA THEORIE DES
ZONES MONETAIRES OPTIMALES (ZMO)
Les travaux pionniers remontent à ceux de Mundell, qui analyse la zone monétaire
américaine. Ces travaux visaient à monter si certains Etats américains n’avaient pas plus intérêt
à avoir leurs propres monnaies. Au centre du débat, se trouve la question du choix des bases
optimales d’une zone monétaire, selon les taux de changes fixes ou flottants. Les résultats
analytiques sont globalement au nombre de quatre : le coût macro-économique, conséquence
d’un abandon de l’instrument du taux nominal, les inévitables chocs asymétriques que
subissent les pays participants, la synchronisation des cycles entre ces mêmes régions, et enfin
le rôle à assigner aux transferts budgétaires1 dans le cadre du processus d’ajustement macro
économique. Intéressons-nous au modèle traditionnel des ZMO.
Lors de la perte de sa monnaie, un pays renonce, de fait, à un instrument de politique
économique souveraine. Les coûts d’une union monétaire sont le pendant de cette perte
d’influence. Par conséquent, la banque centrale nationale perd toute raison d’exister ou tout
pouvoir réel d’infléchir la politique monétaire d’une zone monétaire intégrée. La nation
participante, perd toute possibilité de modifier la valeur de sa devise.
Les mesures de dévaluation ou de réévaluation n’étant plus opérationnelles. La nation
perdant sa capacité de déterminer le volume de monnaie en circulation, se pose alors la
question de savoir si un pays à intérêt d’avoir une politique monétaire indépendante qui lui
permet dans plusieurs cas d’en tirer des bénéfices. La possibilité de manipuler les taux de
change, entre autre, reste un moyen efficace, dans certains cas, pour une nation qui veut mener
une politique volontariste de soutien, par exemple des exportations. Mundell (1961) est le
premier à proposer une analyse cohérente sur ce qui, depuis, est connu sous le nom de la
théorie des zones monétaires optimales (ZMO). Deux ans plus tard, Mc Kinnon (1963)
prolonge l’analyse précédente, puis Kenen (1969) se concentrera sur l’analyse des ZMO en
terme de coûts avantages.
1
Nous pensons que dans les nouvelles formes de coopération entre les pays du Sud au sein des communautés
économiques, l’aide au développement peut aussi être orientée dans le cadre de ses transferts budgétaires, afin de
réduire les conséquences que d’importants transferts financiers peuvent porter à des économies caractérisées par
de faibles moyens budgétaires.
- LE CHOIX D’UNE MONNAIE
Les travaux pionniers remontent à ceux de Mundell, qui analyse la zone monétaire
américaine. Ces travaux visaient à monter si certains Etats américains n’avaient pas plus intérêt
à avoir leurs propres monnaies. Au centre du débat, se trouve la question du choix des bases
optimales d’une zone monétaire, selon les taux de changes fixes ou flottants. Les résultats
analytiques sont globalement au nombre de quatre : le coût macro-économique, conséquence
d’un abandon de l’instrument du taux nominal, les inévitables chocs asymétriques que
subissent les pays participants, la synchronisation des cycles entre ces mêmes régions, et enfin
le rôle à assigner aux transferts budgétaires2 dans le cadre du processus d’ajustement macro
économique.
Lors de la perte de sa monnaie, un pays renonce, de fait, à un instrument de politique
économique souveraine. Les coûts d’une union monétaire sont le pendant de cette perte
d’influence. Par conséquent, la banque centrale nationale perd toute raison d’exister ou tout
pouvoir réel d’infléchir la politique monétaire d’une zone monétaire intégrée. La nation
participante, perd toute possibilité de modifier la valeur de sa devise.
Les mesures de dévaluation ou de réévaluation n’étant plus opérationnelles. La nation
perdant sa capacité de déterminer la volume de monnaie en circulation, se pose alors la
question de savoir si un pays à intérêt à avoir une politique monétaire indépendante qui lui
permet dans plusieurs cas d’en tirer des bénéfices. La possibilité de manipuler les taux de
change, entre autre, reste un moyen efficace, dans certains cas, pour une nation qui veut mener
une politique volontariste de soutien, par exemple des exportations.
Dans l’approche de Mundell, les mouvements du facteur travail sont un point central et
un élément décisif pour rétablir les équilibres dans le marché du travail entre pays partenaires.
Or ce critère est très peu fonctionnel dans le cadre de l’UEMOA, ou les mouvements des
personnes sont assez limités même si on constate des déplacements importants de personnes du
Burkina Faso vers la Côte d’Ivoire. La récente crise ivoirienne a sans doute perturbé davantage
ces flux de personnes.
2
Nous pensons que dans les nouvelles formes de coopération entre les pays du Sud au sein des communautés
économiques, l’aide au développement peut aussi être orientée dans le cadre de ses transferts budgétaires, afin de
réduire les conséquences que d’importants transferts financiers peuvent porter à des économies caractérisées par
de faibles moyens budgétaires.
- LE DEGRE D’OUVERTURE DES ECONOMIES
Ce critère, qui peut être aussi analysé en terme d’interdépendance des économies, est le
troisième développé dans le cadre de la théorie des ZMO. Mc Kinnon (1963) fut le premier à
analyser les ZMO, à travers ce critère selon que le choix se porte sur des régimes des taux de
change fixes ou un régime de taux de change flexibles. Cette idée à priori intuitive mérite une
analyse approfondie.
Selon Mc Kinnon, l’interdépendance des économies doit s’apprécier à l’aune des coûts et
des bénéfices liés à une union monétaire. Il est un constat clair, dans une union économique où
le commerce intra régional est important, les réductions des coûts de transaction sont aussi
élevées. Cet avantage est la principale justification de l’intérêt lié aux ZMO. De Grauwe a
montré que les gains augmentent à mesure que l’interdépendance entre les économies se
renforce. Une analyse graphique peut éclairé ce résultat.
L’application pratique de ce critère va nous éclairer dans l’optique de l’optimalité ou non
de l’UEMOA. Après analyse, il apparaît qu’en pratique, le critère du degré d’ouverture des
économies d’une union monétaire n’offre pas une valeur de référence à partir de la quelle le
gain net de l’union est positif3. Finalement, ce critère souffre de sa capacité forte à justifier les
conditions optimales pour la création des ZMO. Mais observons l’application de ce critère dans
le cas de l’UEMOA (tableau 1).
Tableau 1 : les taux d’ouverture [en %] des pays de l’UEMOA et de la Mauritanie
1980/85
1986/89
1990/93
1994/98
2000
2001
2002
2003
20004
C. ivoire
40
72
77
74
59
59
66
66
66
Sénégal
37
66
64
61
51
52
53
52
50
Mali
19
46
53
55
43
49
49
45
46
B. Faso
36
46
48
50
27
26
24
23
25
Benin
34
62
65
60
38
37
40
36
37
Togo
48
95
93
80
63
65
69
86
88
Niger
27
52
44
32
36
34
31
33
32
G. Bissau
51
62
55
57
59
UEMOA
29.71
62.71
62.71
58.85
46
48
48.37
49.75
50.37
Mauritanie
68
73
61
63
54
Source : à partir des données de la BCEAO (1998), de l’UEMOA (2005 - ) et Banque Mondiale (2005).
3
Gros (1996) et Pisani-Ferry (1997), dans le cadre de leurs études empiriques, utilisent les indicateurs
d’ouverture que pour classifier les économie européennes. Par ailleurs, ces auteurs trouvent des niveaux de taux
d’ouverture divergeant qui par conséquent biaisent considérablement la pertinence des résultats. Voire à ce sujet
l’article « intégration monétaire et géométrie variable », Revue Economique, volume 48 N°3.
L’observation des données (tableau 2) montre que les pays de l’UEMOA et la Mauritanie
sont assez ouverts sur l’extérieur. Cependant, le critère de l’ouverture des économies
[(importation+exportation)/PIB] n’est pas approprié pour justifier l’optimalité dans le cas
d’espèce, même si le commerce extérieur représente plus de 60% du PIB de l’union. En effet,
ces pays exportent des produits de base très peu transformés et dont les prix leur sont imposés
par le marché international. Par ailleurs, leurs importations sont dominées par quelques bien
essentiels (pétrole, riz, etc.).
Tableau 2 : les taux d’ouverture [en %] des pays de l’UEMOA et de la Mauritanie
1980/85
1986/89
1990/93
1994/98
2000
2001
2002
2003
20004
40
72
77
74
59
59
66
66
66
C. ivoire
37
66
64
61
51
52
53
52
50
Sénégal
19
46
53
55
43
49
49
45
46
Mali
36
46
48
50
27
26
24
23
25
B. Faso
34
62
65
60
38
37
40
36
37
Benin
48
95
93
80
63
65
69
86
88
Togo
27
52
44
32
36
34
31
33
32
Niger
51
62
55
57
59
G. Bissau
29.71
62.71
62.71
58.85
46
48
48.37
49.75
50.37
UEMOA
68
73
61
63
54
Mauritanie
Source : à partir des données de la BCEAO (1998), de l’UEMOA (2005 - ) et Banque Mondiale (2005).
- LE CRITERE DE LA DIVERSIFICATION DE LA STRUCTURE DE PRODUCTION
Dans un cadre élargi des critères des ZMO, Kenen (1969) a proposé ce critère comme un
nouveau critère des ZMO. Pour lui, l’explication est simple, car dans la situation d’une
économie diversifiée au niveau de sa structure de production, si un choc négatif touche la
demande d’un bien ou d’un secteur, l’effet direct restera circonscrit. Partant du constat d’une
immobilité du facteur travail à l’échelle internationale, pour Kenen, une diversification peut
compenser les effets négatifs de cet état. Conséquence : des économies très diversifiées ont un
intérêt à constituer une union monétaire.
Les chocs asymétriques intrinsèques à ces unions ont peu d’incidences au niveau des
économies en question. Sur le plan conceptuel, ce critère a un rôle direct sur le degré de
symétrie des chocs. Plus un pays est ouvert, plus ce degré est important. La diversification
économique est donc une assurance contre les risques de fluctuations économiques. Une
observation de la structure économique de la Mauritanie et des pays de l’UEMOA, nous
permettra d’apprécier la pertinence de ce critère pour le cas d’espèce.
Les pays de l’UEMOA et la Mauritanie sont exportateurs de produits de base très limités.
D’où leur vulnérabilité par rapport aux chocs extérieurs causés par les marchés internationaux
caractérisés par une très grande volatilité des prix des matières premières. Donc, nous pouvons
conclure que le critère de la diversification de la structure de production n’est pas du tout
opérationnel dans le cas de l’UEMOA.
Rappelons que l’absence de diversification structurelle est l’une des causes de ces
insuffisances d’échanges commerciaux. Pour l’essentiel de leurs besoins, ces pays importent de
l’extérieur, généralement en provenance de l’union européenne. Pendant qu’ils y exportent
l’essentiel de leurs productions (tableau 3) composées généralement de produits de base. Au
de-là de l’union, les exportations agrégées des pays membres vers l’ensemble de l’Afrique sont
à peine de 20% du total. En Mauritanie, ce taux est de 16,8 pour l’ensemble de l’Afrique.
Tableau 3 : exportations agrégées des pays de l’UEMOA et de la Mauritanie vers leurs
principaux partenaires
C. ivoire
Sénégal
Mali
B. Faso
Benin
Togo
Niger
G. Bissau
UEMOA
Mauritanie
Economies développées
[en %]
1990
1995
2000
62.0
68.9
48.5
49.8
34.8
48.3
44.9
38.6
45.1
53.9
47.9
39.2
47.6
34.0
20.0
58.6
41.6
21.8
84.8
80.2
51.0
56.1
56.4
4.2
57 .21
50.3
34.76
79.8
87.0
69.8
2004
58.4
28.1
23.7
16.3
11.0
19.2
66.4
28.6
31.46
67.5
Economies en développement
(sauf Europe du Sud-Est) [en %]
1990
1995
2000
2004
35.6
28.1
40.5
37.0
32.9
56.6
43.7
57.0
40.5
60.1
52.3
72.9
38.2
51.9
57.2
81.0
51.9
60.8
79.2
88.4
36.1
56.5
75.9
79.8
14.2
19.7
48.9
33.5
41.9
43.1
95.8
71.4
36.41
47.1
61.68
65.12
6.8
12.3
26.4
25.5
(dont) Afrique
UEMOA
Mauritanie
1990
1995
2000
20.62
18.27
18.8
5.6
11.6
21.5
Source : manuel des statistiques de la CNUCED – 2005.
2004
20.08
16.8
En 1969, Ingram (1969) va ajouter la dimension financière. Pour cet auteur, dans une
ZMO, les transferts financiers compensent les rééquilibres qui peuvent survenir dans les
balances des paiement. Cette zone est donc une zone financière intégrée. Par conséquent, dans
une ZMO, ces compensations permettent de combler les déficits importants, sans avoir à
toucher les taux de change ou les taux d’intérêt. Ce critère est totalement inopérationnel dans
l’espace de l’UEMOA. Les marchés financiers sont quasi-inexistants. L’exemple de la bourse
des valeurs mobilières d’Abidjan en Côte d’Ivoire est édifiant. Elle peine à fonctionner dans un
climat d’instabilité permanente qui favorise les incertitudes défavorables aux investissements.
Le secteur financier reste certainement l’enfant pauvre du processus d’intégration ouest
africain.
B - LIMITES DE LA THEORIE DES ZMO ET LEURS INSUFFISANCES A CERNER LES
PARTICULARITES DE L’UEMOA
L’analyse de l’UEMOA, grâce aux critères des ZMO, relevait d’une démarche
constructive au plan théorique, afin de justifier la cohérence ou pas de cette zone. Malgré la
pertinence théorique des critères des ZMO, leurs applications dans la réalité souffrent de
capacités explicatives sur la création et le maintien de zones monétaires qui ne remplissent pas
ces critères. Tel est le cas de l’UEMOA. Par conséquent, au-delà des aspects purement
économiques, d’autres raisons peuvent motiver la création d’union économique entre pays.
Dans le cas de l’UEMOA, le phénomène de la construction communautaire s’insère dans un
processus historique singulier dans le destin de la formation des Etats nations. Ces pays, tous
anciennes colonies françaises, évoluent dans un schéma politico-économique né de la période
coloniale. Les organisations sous régionales actuelles, même restructurées, restent néanmoins
très marquées par le poids de l’histoire.
L’appartenance à la zone CFA a été un catalyseur pour l’approfondissement de
l’intégration économique. Ces pays, en gardant les liens historiques cristallisés dans le partage
d’une même monnaie, ont de facto entériné l’originalité de leur union, qui au demeurant, est
une finalité, à la lumière de ce que nous apprend la théorie de l’intégration régionale. Le
schéma inversé suivi par l’UEMOA, loin d’apparaître comme une aberration, reste un puissant
vecteur de renforcement mutuel de la coopération sous régionale. L’UEMOA semble être, en
fait, un cadre organisationnel de la construction d’Etats en progrès. Les critères des ZMO ont
des limites dans la pratique constructive. En effet, selon Kenen, l’argument de Mundell, sur la
stabilisation de l’inflation et du chômage, ne tient que si l’hypothèse d’une homogénéité des
fonctions de production est acquise. Ce qui, dans la démonstration de Mundell est implicite.
En effet, dans le processus des termes de l’échange qui induit le mécanisme d’ajustement,
des changements apparaissent au niveau de la productivité. La similitude de la technologie et la
compétence des travailleurs sont un trait partagé par les producteurs. Par ailleurs, ces derniers
ont une même fonction de demande. Par conséquent, le mouvement des travailleurs en est
facilité et favorise une meilleure allocation de l’emploi. Si nous passons à une situation
dynamique, alors implicitement, le niveau de technologie utilisé évolue à l’identique dans
toutes les régions. Donc, les divergences structurelles qui peuvent exister entre pays ne sont
pas prises en compte. Aussi, la spatialisation économique au plan théorique au sens de
Mundell, est homogène. Pendant que dans la réalité, les régions se différencient par la structure
de leurs produits en dotations factorielles.
Dans le cas d’une intensification du facteur travail pour produire des biens au niveau
d’une région, la balance des paiements ne s’ajustera que partiellement. Concrètement, un choc
de demande favorisera le travail dans une des régions, pendant que dans l’autre, il restera
déficitaire et par conséquent, le chômage loin de se résorber, s’aggrave, car dans cette dernière,
les produits ont un faible contenu factoriel comparé à la première région. Kenen pense qu’une
union monétaire doit être limitée dans l’espace (au sens économique). La mobilité des facteurs
se renforce dans le cas d’un même produit. Par ailleurs, des pays connaissant des échanges
commerciaux croisés importants, en différenciation horizontale4, ont aussi une plus forte
mobilité des facteurs. En même temps, la réallocation de ces derniers est optimale. Pour ce qui
est du critère de MC Kinnon sur le taux d’ouverture, au niveau international, les échanges des
PED se font plus avec les pays développés.
Nous pouvons noter que dans le cas d’une union monétaire entre PED, cas de l’UEMOA,
les déséquilibres des balances des paiements sont plus importants à l’intérieur de la zone
qu’avec l’extérieur. Ce qui n’est pas tenable à long terme. Sur la diversification des échanges
au sens de Kenen, les biens non échangeables sont exclus. L’hypothèse du taux de change
considéré ne permet pas de mesurer le biais au niveau de la productivité entre pays dont les
degrés de développement sont différents.
4
En différenciation horizontale : quand deux produits sont vendus au même prix, il arrive que certains
consommateurs préfèrent le premier, pendant que d’autres préfèrent le second. Sur le plan subjectif, certains vont
préférer le thé au café ou la Porsche à la Ferreri. Pour la différenciation verticale, les consommateurs, même à un
prix identique choisissent le même bien (qualité supérieure). Ils peuvent cependant acheter un bien de moindre
qualité (fonction des prix et de la contrainte budgétaire.)
Dans l’analyse de Kenen, deux pays étaient considérés et deux biens. Supposons un pays
plus diversifié. Il peut exporter un bien et sur le marché local produire un bien concurrentiel du
produit similaire importé. Implicitement, Kenen fait coïncider diversification de l’économie et
exportation du fait de l’absence d’un secteur abrité (le secteur des services). Aussi, en
considérant une norme de change d’équilibre, concurrence et spécialisation se confondent. Les
termes de l’échange sont considérés invariables. Par ailleurs, plus les produits sont similaires,
plus la mobilité du facteur travail est aisé. Pour Kenen, en cas de choc asymétrique, un
important commerce croisé, en différenciation horizontale en particulier, se substitue à la
flexibilité des échanges. Aussi, la spécialisation n’est appréciée que du point de vue nationale.
Dans un but d’exposition analytique, Kenen utilise le concept « spécialisation » par opposition
à la diversification des exportations. Le phénomène de la spécialisation intrinsèque aux pays
est tout simplement évacué. Alors qu’il justifie la différence de prix.
L’hypothèse forte de Kenen, reste implicitement que les pays ont des structures
économiques semblables et invariables. Comme conclusion, les régimes de change fixe sont
préférables pour les pays développés selon Kenen. Dans le cas des PED, où les économies sont
faiblement diversifiées, l’adhésion à des arrangements monétaires flexibles est recommandée
(ce qui contredît même les fondements de l’UEMOA qui est fondée sur l’existence d’une
monnaie unique partagée par des pays aux économies faiblement diversifiées). Leurs termes de
l’échange ayant plus besoin de flexibilité.
Le bilan analytique de la théorie des ZMO semble militer en faveur de pays ayant des
structures de productions similaires. Les zones monétaires à structure homogène sont
conditionnées par une similitude des niveaux de vie, qui favorise l’augmentation du commerce
croisé. Consommation et production similaire renforce la mobilité de l’emploi. A l’inverse, un
très grand déséquilibre structurel entre économie risque de mener à un commerce univoque du
fait de la différence de l’intensité capitalistique. La mobilité du travail est donc limitée, quand
bien même l’économie est diversifiée. L’importance des échanges, à elle seule, est une
hypothèse insuffisante pour justifier la création d’une union monétaire. La diversification
économique doit aller de pair avec une spécialisation structurelle des pays. Pour les PED, leurs
échanges concernent des produits différents et se font avec les pays développés. La méthode
d’analyse par la distance économique5 est un intéressant moyen pour mettre en évidence
5
Cette distance est mesurée par la méthode BALASSA et BAUWENS (1987) :
proximité des niveaux de vie et des modes de production. L’intensité relative des échanges
induit un commerce intra-branche favorable dans le cas d’une mesure faible de cette distance.
Si cette dernière est au carrée, elle montre les échanges de produits différant en terme
d’intensité capitalistique. Elevée, les échanges se caractérisent par l’existence d’avantages
comparatifs.
Par ailleurs, la question des chocs économiques se pose avec singularité, contrairement à
ce qu’en dit la théorie de ZMO, en Afrique et dans la zone UEMOA, les « contre-chocs » sont
spécifiques. Dans le cadre de la théorie, la mise en commun des réserves de change est une
couverture contre les chocs défavorables et permet au pays qui en est victime de puiser dans les
réserves communes ses besoins conjoncturels, si bien sûr les autres pays n’en sont pas
victimes. Pour les pays d’Afrique, les structures économiques sont dissemblables. Par
conséquent, en cas de différence dans les recettes d’exportation, les réserves de change
communes varient et induisent des taux de couverture divergents. En outre, les gains portant
sur les réserves communes peuvent être asymétriques entre les pays. En même temps, une
spécialisation économique semblable entre pays risque de rendre l’accord d’une coopération
sur les réserves de change insoutenables. Si nous sommes dans une situation de choc partagé,
l’ensemble des pays ne peut accéder aux réserves de change en même temps. Hors, les pays de
l’UEMOA sont en dehors des postulats précédents. Effet, ces pays, tous membres de la zone
FCFA, ne risquent pas de faire face à un choc de change défavorable insoutenable. Car, les
pays peuvent accéder de façon illimitée aux réserves communes et non à concurrence de leurs
apports respectifs, le trésor français assurant le rôle de préteur en dernier ressort pour la zone
FCFA.
Le type de chocs devant lequel butent les pays de l’UEMOA est plus marqué dans les
autres sphères économiques que monétaires pour les raisons avancées plus haut. Les crises
économiques multiples dans lesquelles sont empêtrés les pays d’Afrique en général, et ceux de
l’UEMOA, en particulier créent des chocs économiques dont les premiers à les sentir sont les
populations. Et face à la défaillance des systèmes de couverture sociale et de prise en charge
par l’Etat des victimes des crises, les populations répondent par les techniques de survie
inédites. Ils restent d’émanation culturelle et le reflet de la « débrouillardise africaine. » En
DRPIBij = [zlnz+ (1-z) ln (1-z)]/ln2 avec z=PIB/PIB+PIB, PIB (j) est le PIB par tête, exprimé en PPA du pays
i(j)
effet, en cas de choc économique aux implications défavorables sur le climat économique,
notamment sur le niveau de l’emploi global et des revenus réels (en cas de dépréciation de la
monnaie), l’agent économique africain (salarié de la fonction publique ou du privé) devient un
acteur à part entière pour juguler les effets néfastes des crises. Ceux qui sont licenciés, par
exemple des suites des PAS, se font souvent recycler dans le circuit informel, puisque rares
sont les pays qui offrent une couverture sociale digne d’intérêt. Par conséquent, le secteur
informel est appelé à la rescousse et joue, par conséquent, un rôle d’amortisseur des crises, tant
conjoncturelles que structurelles. Au terme de cette logique de reconversion des victimes des
chocs, les effets globaux de ces derniers se voient atténuer par le truchement du circuit de
l’économie informel. Ce secteur se présente en Afrique comme une « sécurité sociale
informelle » en remplacement de la défaillance de l’Etat dans l’essentiel de ses fonctions
régaliennes.
C - LE SECTEUR INFORMEL COMME ELEMENT DE REPONSE AUX CHOCS ECONOMIQUES EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE : LE CAS DE L’UEMOA ET DE LA MAURITANIE
Les crises africaines ont démarré dans les années 1980 et ont mis le continent en proie à
une série de difficultés sans équivalents. Ces crises seront à la base de l’administration par la
Banque Mondiale et le FMI des économies de l’Afrique saharienne (réduction des salaires,
diminution des effectifs de la fonction publique, privatisation des entreprises). Les crises
économiques ont eu comme conséquence le gonflement du chômage, aggravé par les
compressions des effectifs de la fonction publique sur injonction des institutions financières
(Banque Mondiale et FMI) dans le cadre des programmes d’ajustement structurels. Ce
chômage a été par ailleurs aggravé par la dynamique démographique africaine. En effet, entre
les années 50 et 80, le continent noir connaîtra un boum démographique hors de proportion de
la croissance économique globale. Pendant cette période, le revenu moyen par habitant était
inférieur à 1000 $ US et en même temps, la population croissait de 2,4% par an.
Par ailleurs, la population urbaine gonflera à un rythme de 6% par an. Cependant,
l’accroissement de l’emploi dans le secteur formel ou « moderne » avoisinait les 2%. La
conséquence essentielle fut le déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi. La crise
s’aggravant, de gros effectifs de chômeurs venant de la fonction public rejoignent les grandes
masses de gens déjà au chômage. Face à cet état de fait, l’instinct de survie prend le relais,
alors, le secteur dit informel prend la relève et gonfle de même. Il joue alors le rôle
d’amortisseur de choc en adoptant les migrants et en accueillant les agents économiques exclus
du secteur formel, notamment public. En outre, les travailleurs de la fonction publique
africaine et du secteur privé moderne, où le pouvoir d’achat baisse drastiquement, trouvent
dans le secteur informel d’autres revenus complémentaires afin de « joindre les deux bouts ».
Tout se passe comme si le secteur formel s’était dédoublé en secteur informel en réponse à la
faillite des Etats. La difficulté de l’Etat à répondre aux besoins essentiels des populations dans
les secteurs de l’emploi, de la santé, du logement et de l’éducation, est la cause du
développement du secteur informel.
S’il y a un fait notable dans bon nombre de pays africains, c’est sans doute la déconfiture
et la désertion des pouvoirs publics. Ces dernières ont renforcé le secteur informel qui joue
alors le rôle de soutien au cadre légal ou formel défaillant. Mieux, la Banque Mondiale et le
FMI ont désormais intégré ce secteur dans les stratégies de leurs programmes de
développement (PAS) Au Burkina Faso et au Mali, ces institutions soutiennent des projets
paysans au sein de coopératives. L’objectif visé ici est d’encourager à terme, l’intégration du
secteur informel dans l’économie formelle. Le secteur informel est une réalité en Afrique noire.
Certains travaux font état de 40 à 60 % d’actifs travaillant dans le secteur informel. En 2000,
en Mauritanie, le secteur informel concernait plus de 55 % de la population active (tableau 4).
En 1990, 21 % des 227 millions de la population active africaine étaient dans l’informel. Il y a
une grande articulation entre le formel et l’informel, car le second est le réceptacle du premier.
Les flux de main-d’oeuvre entre ces deux secteurs sont importants. Beaucoup de
« déflatés » du secteur moderne, public ou privé, se reconvertissent dans l’informel. Par
ailleurs, il y a beaucoup de « laissés pour compte » du système conventionnel de l’éducation
publique qui rejoignent les rangs du circuit informel dès la fin de leur formation du fait du
blocage des recrutement dans les secteurs publics et privé moderne.
Dans les pays de l’UEMOA comme en Mauritanie, le développement d’activités
industrielles nouvelles, intensives en main-d’oeuvre, productives et compétitives au plan
mondial, ne se produit que très lentement en Afrique. La régression de l’emploi ou le blocage
de la demande de travail dans le secteur moderne incite les ménages à rechercher d’autres
sources de revenus d’appoint. Entre 1983 et 1993, l’emploi dans le secteur informel est passé
de 36 % de la population active à plus de 50 %. Cela démontre, si besoin était, qu’en cas de
crise, le secteur informel joue le rôle d’amortisseur de crise. Cependant, il s’accompagne de la
précarisation croissante des acteurs du secteur.
Tableau 4 : répartition et évolution de la population active urbaine en Mauritanie – 1980-2000
(milliers et %)
1980
Valeur
Population active
Emploi salarié moderne urbain
Chômage urbain
Emploi informel urbain
158.0
33.4
25.8
98.8
1990
%
Valeur
1995
%
Valeur
240.0
299.1
21.1
40.0
16.7
41.0
16.3
63.3
26.4
88.9
62.5
136.7 57.0
169.2
Source : Lachaud – 2001.
2000
%
Valeur
13.7
29.7
56.6
372.0
42.0
124.5
205.5
1990-2000
%
Variation
annuelle
4.4
11.3
1.2
33.5
8.2
55.2
3.7
Dans sept agglomération de l’espace UEMOA, le secteur informel emploi 2.3 millions de
personnes (tableau 5). Ce qui démontre la place prépondérante de ce secteur dans le marché du
travail.
Tableau 5 : le secteur informel dans certaines agglomérations des pays de l’UEMOA
Cotonou Ouagadougou Abidjan Bamako Niamey
Effectifs des unités de production
% industrie
% commerce
% service
Population
Nombre d’actif
% par rapport à la pop actives
206 200
21.9
49.5
28.6
809 000
360 000
57.27
151 100
34.2
49.6
16.2
856 000
368 000
41.05
Dakar
609 700 234 000 74 100 277 000
28.5
27.2
43.1
31.1
40.0
51.4
40.9
47.3
31.5
21.3
16.0
21.6
3046000 1134300 675 000 1906000
1517000 397 000 227 000 745 000
40.19
58.94
32.64
37.18
Source : UEMOA – 2004.
Lomé
Ensemble
209 800
23.0
48.7
28.3
784 000
404 000
51.93
1 762 100
28.4
45.6
26.0
9 219 000
4 026 000
43.76
CONCLUSION :
En conclusion, les critères des zones monétaires optimales ne s’appliquent pas dans le
contexte de l’UEMOA. Ils donnent des explications intéressantes au plan théorique, alors que
leur application dans la réalité souffre de réelles limites en terme d’opérationnalité. Donc,
l’UEMOA doit être appréciée sous d’autres angles. Pour notre part, notre analyse de cette
union s’apprécie comme un cadre organisationnel prioritaire fondé sur la consolidation des
institutions supranationales, bases du développement consensuel des Etats partenaires.
L’analyse de l’UEMOA sous l’angle des critères de la théorie des ZMO ne permet pas
d’apprécier la pertinence de cette union pour un pays candidat en l’occurrence la Mauritanie.
Au vu des résultats pratiques auxquels nous sommes arrivés par applications de ces critères aux
économies de l’UEMOA, si l’optimalité devait servir de raison pour participer à l’union, ces
critères ne sont pas des indicateurs pertinents pour l’appréciation de l’intérêt à adhérer ou pas
dans une union telle que l’UEMOA. D’autre part, comme nous l’avons vu, les réponses aux
chocs asymétrique sont originales dans les pays de l’UEMOA et de la Mauritanie. En effet, le
secteur informel africain joue un rôle de premier plan en servant de bouclier face aux effets des
crises économiques.
Quant à l’adhésion, les motivations peuvent être diverses. Elles peuvent être d’ordre
politique, géostratégique, etc. Les limites évidentes des critères traditionnels, proposés
originellement pour les économies occidentales industrialisées à expliquer l’optimalité de
l’UEMOA, nous conduisent à rechercher d’autres vecteurs d’optimalité pour l’union africaine,
sinon au moins une raison politique pertinente allant dans le sens de la justification de l’union.
Parmi toutes les approches pouvant offrir un cadre d’analyse au sens de l’optimalité monétaire
d’une zone économique, l’engagement solidaire peut servir de raison à l’adhésion.
BIBLIOGRAPHIE
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