104 La formation : un chantier à entreprendre au plus vite Le domaine de l'architecture et de l'urbanisme est très professionnalisé. Il faut non seulement tenir compte de cette caractéristique mais s'appuyer sur elle pour organiser la formation, à quelque niveau qu'elle se situe. Or, la formation intéresse tous les intervenants, directs ou indirects, impliqués dans l'opération. Les enseignants et les étudiants en architecture en sont les destinataires au premier chef, mais il ne faut en écarter ni les personnels des CAUE, architectes, urbanistes ou paysagistes, ni les enseignants des Écoles d'architecture, ni les personnels de l'Action culturelle de l'Éducation nationale. Leur qualité de formateurs incite au contraire à organiser pour eux, avec eux, autour d'eux des échanges sur leurs expériences professionnelles respectives. La mise en chantier de politiques de formation, initiale et continue, pour toutes les professions concernées doit donc être accompagnée d'un dispositif de dialogue entre elles. Développer la formation professionnelle et favoriser la formation mutuelle Pour les enseignants, la mobilisation des IUFM est nécessaire autour d'un programme de formation initiale et continue qui, au-delà des savoirs disciplinaires, aborde la pluridisciplinarité et la dimension politique des apprentissages. La "rénovation de la formation des enseignants pour faire face aux défis de l'école" lancée par le ministère de l'Éducation nationale en mars 2001 prévoit la construction, sous l'autorité du recteur et celle du directeur de l'IUFM, d'un projet académique de formation. L'existence simultanée d'un groupe de pilotage académique de la politique artistique et culturelle dans laquelle s'inscrit la sensibilisation à l'architecture doit être l'occasion d'une coordination, à l'échelle académique, entre les deux domaines. La difficulté propre à la définition et à la mise en œuvre de chacune de ces politiques ne doit pas conduire à considérer comme secondaires les relations qu'elles doivent entretenir, en particulier pour la formation continue. Pour les architectes, c'est bien sûr aux Écoles que revient le choix de la formation initiale adaptée dans le cadre de leurs missions. Plusieurs pistes ont déjà été explorées par différentes Écoles soit à travers les enseignements optionnels, soit lors des stages de fin d'études ou des stages professionnalisant. Le groupe de réflexion spontané qui vient de se constituer entre quelques Écoles devrait parvenir, comme sur la répartition des tâches d'encadrement des étudiants engagés dans "Architecture au collège" entre Écoles et CAUE, à formuler des propositions répondant aux diverses missions concernées et adaptées aux exigences de la formation aujourd'hui. De la communication sur le projet, entre architectes ou face à des maîtres d'ouvrage variés, jusqu'à des activités de sensibilisation destinées au public, scolaire ou non scolaire, jeune ou adulte, le spectre est large des prestations demandées aux architectes. La diversification des métiers de l'architecture est souvent évoquée comme devant être davantage prise en compte dans la formation. La conjoncture de développement (amorcé et surtout espéré) du recrutement, dans les CAUE par exemple, d'architectes destinés au conseil et à l'intervention face à 105 des publics divers donne une consistance nouvelle à cette perspective. Il est certain que l'intégration dans le cursus, ordinaire, optionnel ou professionnalisant, d'activités comme celles que les étudiants ont menées dans "Architecture au collège" non seulement clarifierait la question de l'encadrement déjà évoquée mais élargirait le vivier des étudiants susceptibles d'intervenir en milieu scolaire tout en améliorant leur formation générale. Cette intégration dans un cadre conçu pour la formation répondrait aussi à la critique, apparemment justifiée, de l'insuffisance en soi d'une seule intervention en milieu scolaire pour former un étudiant en architecture à la communication. C'est dans cette optique que des étudiants en architecture font déjà des stages dans les CAUE. La nécessité d'une intégration claire à leur formation initiale vaudra aussi pour les étudiants d'autres domaines comme l'urbanisme ou les paysages si leurs interventions en milieu scolaire se développent. La formation continue, propre aux différents partenaires, est indispensable. Ainsi, l'effort entrepris par la Fédération nationale des CAUE autour des actions auprès des jeunes en milieu scolaire ou hors milieu scolaire doit être encouragé. L'organisation de sessions de formation largement ouvertes et donnant lieu à publications, la constitution d'un pôle de ressources et de compétences dans ce domaine ont déjà des conséquences positives. D'une part, elles servent d'appui pour les actions menées. D'autre part, elles contribuent à structurer le milieu, à le constituer en partenaire efficace aux différentes échelles territoriales concernées, en particulier académique et nationale. Cette activité de structuration du partenariat doit non seulement se poursuivre mais se doubler d'une capitalisation de l'expérience professionnelle dans ce domaine débouchant sur la production de ressources et sur des échanges de compétences à la fois entre CAUE et avec leurs partenaires. Ce pôle de ressources et de compétences pourrait, en accentuant sa politique d'ouverture, contribuer utilement à la définition d'une politique de formation continue pour tous les partenaires intéressés. La rencontre organisée à Montpellier en octobre 2000 a montré combien les échanges avec les partenaires sont fructueux lorsqu'ils permettent de confronter les points de vue des uns et des autres sur un type d'opération ou d'activité. C'est dans cette optique de confrontation libre des cultures des différentes administrations et instances partenaires, des expériences professionnelles des différentes professions engagées dans ces actions que doit être pensée une politique de formation continue commune qui donne progressivement des références à la coordination de l'action. Pour une opération du type "Architecture au collège" toutes les occasions de faire réfléchir ensemble des personnels de l'Action culturelle de l'Éducation nationale, des personnels enseignants du premier et du second degrés, des professeurs d'Écoles d'architecture, des architectes et ingénieurs des CAUE doivent être saisies et soutenues (Derouet, 2001). C'est le travail commun qui favorisera pour chacun d'eux la reproblématisation des savoirs qu'ils échangeront. Le problème est, comme dans la classe, de créer des situations où les savoirs circulent ! Se former, c'est dans le domaine de la sensibilisation à l'architecture se préparer, quel que soit son métier, enseignant, architecte, etc., à faire circuler des savoirs. C'est apprendre à enseigner ce qui n'est pas dans la forme scolaire classique. C'est aussi essayer de faire réellement circuler des savoirs entre le monde scolaire et le monde professionnel. Des ressources à rendre accessibles, parfois à créer 106 L'indispensable circulation des savoirs doit s'appuyer sur des ressources faciles d'accès, organisées, peu coûteuses et, bien sûr, répondant aux besoins des acteurs. Le développement, en milieu scolaire, de la sensibilisation à l'architecture et à la ville demande des sources et des ressources documentaires importantes mais de nature diverse. C'est une politique de documentation de grande ampleur qu'il faut concevoir car plusieurs chantiers sont à ouvrir et à traiter en convergence. L'appui apporté par le réseau spécialisé du Centre National de Documentation Pédagogique, des CRDP et des CDDP à la politique des arts et de la culture à l'école devrait permettre de parvenir rapidement à programmer la constitution d'un ensemble à la fois cohérent, évolutif et partenarial. Cette étude ne peut que faire une liste, incomplète, des lacunes rencontrées. Tout au presque parfois semble manquer tant les informations sont difficiles à réunir… Des documents de base : cartes, extraits cadastraux, plans, photographies, dossiers d'enquête d'intérêt public, etc., sont détenus par différents services, difficiles d'accès, souvent onéreux. Du cadastre, à la conservation régionale des monuments historiques, aux SDAP, à l'IGN, aux musées, aux CAUE, aux collectivités territoriales, aux archives municipales, départementales, parfois à la DDE, etc., autant de démarches et de conditions d'accès qu'il faudrait tenter de faciliter. La constitution dans chaque établissement, à l'initiative de l'inspection générale des enseignements artistiques, d'un dossier réunissant les principales pièces concernant ses bâtiments et son environnement immédiat devrait déjà fournir quelques éléments. De la documentation sur l'architecture patrimoniale et contemporaine, locale et internationale. Il va de soi qu'un recensement de l'existant est à mener, en particulier auprès des institutions ayant des centres de documentation spécialisés à l'échelle nationale, IFA ou Chaillot dans un avenir assez proche, ou à d'autres échelles, les Écoles d'architecture, les CAUE, les maisons de l'architecture, etc. Les films récents commandés par la DAPA et diffusés par Arte, les productions du réseau CNDP, les Textes et Documents pour la Classe consacrés à l'architecture, par exemple, il y a déjà beaucoup d'éléments de bonne qualité qui sont disponibles et un nombre grandissant est en ligne et peut devenir facilement d'accès aisé. Des informations sur les activités pédagogiques déjà menées, ici ou là, dans le premier et le second degrés, et les instruments qui ont été créés pour les accompagner. Là aussi le recensement de l'existant s'impose. De nombreux services éducatifs, les CAUE, l'édition privée ont produit des exercices, des instruments, des outils qui méritent une diffusion moins confidentielle. La constitution de repères, si souvent évoquée dans cette étude, passe par une stabilisation indispensable même si elle est sans cesse à reprendre. Au-delà du recensement de ce qui existe, il est nécessaire d'organiser la capitalisation de ce qui se fait et sa diffusion, après expertise. C'est dans ce domaine que le travail le plus urgent et le plus difficile reste à faire. 107 L'intervention dans les classes, en partenariat avec les enseignants, de professionnels de l'architecture et de l'urbanisme est intéressante pour tous les acteurs en présence : les élèves, les enseignants, les étudiants en architecture. Elle doit donc être poursuivie. La définition et la mise en œuvre d'un accompagnement des acteurs de terrain sont cependant indispensables pour permettre à un tel dispositif de tenir toutes ses promesses en évitant l'étiolement par la surcharge de travail. Les solutions aux problèmes rencontrés concernent les institutions partenaires et les forces dont elles disposent, l'articulation des différentes échelles de l'action, la définition des champs de compétences des uns et des autres mais elles dépendent surtout de l'intéressement et de la mobilisation des acteurs par les incitations ministérielles. Inciter au lieu d'enjoindre, accompagner au lieu de déléguer totalement, donner des principes, informer sur des pratiques, donner des repères, recueillir l'expérience des acteurs, évaluer pour que tout n'apparaisse pas égal à tout, autant de défis à relever.