Contribution du 90 Espaces naturels : paysages, patrimoines et mémoires Questionnement autour de l’élaboration du schéma départemental des espaces naturels et agricoles au regard des droits culturels La contribution ci-dessous vise à interroger sous l’angle des droits culturels le texte fondateur de l’élaboration du Schéma Départemental des Espaces Naturels et Agricoles (SDENA) du Conseil général du Territoire de Belfort. « Intervenir, bien souvent conserver mais par parfois aussi restaurer, les espaces naturels répond : - Essentiellement à des objectifs de protections de la biodiversité ; - Mais également à des fonctions sociales (aménités, détente, cadre de vie, loisirs,…) - Economiques (attractivité du territoire notamment en termes touristiques mais aussi en image de marque,…). » Dès le préambule il apparaît de manière, implicite mais claire, que les espaces naturels interagissent avec des droits humains fondamentaux et notamment ceux des droits culturels : - les espaces naturels entrent pleinement dans le champ du patrimoine culturel (cf. les journées européennes 2014 du Patrimoine intitulées « Patrimoine culturel – patrimoine naturel ») ; - les espaces naturels ont une fonction identitaire multiforme et complexe : résultats d’histoires (petites et grandes ; tels que par exemple des mouvements migratoires passés, d’anciens sites de guerre – anciens forts et les terrains liés) ; dans les territoires périurbanisés comme le 90 ils sont à la croisée de perceptions diverses, voire opposées, entre les cultures agrirurales (« concurrent » sur la terre, frein technique à la production) et tertio-urbaines (éléments paysagers structurants, refuges de biodiversité). « Les politiques en matière de biodiversité s’appuient sur des évaluations supra départementales notamment au travers de listes d’espèces et d’habitats menacés ou à protéger vues aux échelles européennes, nationales et régionales. Sur la base de ces évaluations, les Territoires ont des responsabilités en termes de conservation du patrimoine naturel. Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique relève de la même logique en identifiant des fonctionnalités de continuité écologique de logique nationale – régionale qui doivent se transcrire localement. » Il se pose peut être une question singulière en France, celle de l’appropriation du patrimoine naturel : il est à noter en ce sens que la culture naturaliste est absente de la formation initiale. Les composantes du patrimoine naturel (les espèces, les milieux, les fonctionnalités) sont déterminées par des experts non représentatifs de la population. En outre, dans le cas du Territoire de Belfort, ces derniers sont bien souvent déconnectés du contexte local du fait de la quasi absence de société savante dans le département. « Des outils règlementaires sont à disposition de l’Etat pour une mise en œuvre directe des impératifs de protection de la biodiversité (Réserves Naturelles, Arrêtés Préfectoraux de Protection de Biotope,…). Zoner l’espace par fonction est nécessaire mais insuffisant pour la conservation durable d’un grand nombre d’espèces. Bien souvent, la fonction « biodiversité » est liée à des activités (par exemple les pratiques agricoles). Sur un espace dense tel que celui du Territoire de Belfort, les fonctionnalités des espaces sont superposées, imbriquées les unes avec les autres : le Ballon d'Alsace sanctuaire de la nature est aussi un grand site touristique, le Château de Belfort accueille des nichées de rapaces des montagnes (le Faucon pèlerin). Il en résulte que la mise en œuvre efficace de politiques de conservation du patrimoine naturel doit se faire au plus près du terrain avec les acteurs locaux. Le Département, collectivité de proximité, est à même de conduire ce travail à la fois de synthèse (les règlementations et guides de protection de la nature sont nombreux) et d'animation (pour la recherche de solutions équilibrées). » Le patrimoine naturel est à la fois : un héritage (bien souvent le résultat d’un équilibre provisoire entre des activités et une vie sauvage ; tel est le cas par exemple des chaumes secondaires issues de défrichements puis utilisées comme pâturages et aujourd’hui recolonisées par la forêt du fait de la déprise agricole) ; un miroir de nos modes de vie actuels ; les relations positives (attraits) et négatives (dérangement, piétinement,…) avec le tourisme sont de plus en plus nombreuses. Le patrimoine naturel constitue une mémoire vivante de notre histoire ; selon les orientations sociétales certaines composantes seront davantage favorisées que d’autres. Néanmoins des éléments perdureront généralement dans des secteurs marginaux et pourront servir de témoins vivants (par exemple, les tourbières conservent un stock de pollens et de graines sur de longues chronologies des évolutions climatiques locales pouvant même révéler les évolutions de certains composants atmosphériques et donc témoigner de l’histoire des hommes). « Les espaces naturels ne sont pas que des sanctuaires d'un patrimoine biologique. Ils participent également de la qualité du cadre de vie à plusieurs titres : paysager, sociale (détente de proximité), support de loisirs (fort développement des « sports de pleine nature ». En écho à la mission de solidarité territoriale et de cohésion sociale dévolue aux Départements, ce Schéma Départemental des Espaces Naturels porte aussi sur la nature ordinaire. Par analogie, il peut être considéré que les espaces naturels sont des services publics à la population. A ce titre, la méthode développée se rapproche de celles du « droit d'accès ». Ainsi la question des espaces naturels est aussi abordée à la fois sous l'angle d'une répartition territoriale équilibrée et sous celui des infrastructures existantes pour y accéder et pour quels publics. L'objectif in fine étant de rechercher le développement d'un réseau d'espaces naturels de qualité accessibles au plus grand nombre d'habitants du département. » Ce parti pris en faveur du patrimoine naturel utilise la sémantique du droit, droit qui reste à identifier en tant que tel. L’ambition du CG90 est de considérer que les espaces naturels participent au respect des droits de l’homme et notamment aux droits culturels. L’élaboration du SDENA s’attachera à construire un projet de territoire partagé et largement approprié promouvant d’autres services, institutions, habitants que ceux habituellement consentis. Fabien DUBOCAGE 15/09/2014