Chapitre VIII : Les mécanismes théoriques du marché

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Les défaillances du marché
I. Rappel du modèle du marché autorégulateur
- Techniques de production
- Goûts des consommateurs
- Nombre de consommateurs
- Revenus des consommateurs
- Prix des autres biens (élasticité)
- Prix des facteurs de production
- Nombre d’entreprises
Fonction d’offre
Fonction de demande
MARCHÉ
Prix d’équilibre
Niveau de production et
conditions d’accès au bien
Concurrence pure et
parfaite
Modèle théorique
Concurrence
imparfaite
Structure du marché
Optimalité de l’équilibre
Différenciation des
produits
Barrières à l’entrée
Défaillances du
marché
Tous les biens ne se
prêtent pas à l’échange
marchand (biens
collectifs)
Droits de propriétés non
spécifiés (externalités)
II. Les défaillances du marché
Il y a défaillance du marché quand les décisions individuelles des agents aboutissent à un résultat
« non optimal ».
On peut effectivement lister toute une série de défaillances de la « main invisible » d’Adam Smith
(qui voulait que des comportements égoïstes et à courte vue produisent généralement du bien-être
collectif…
Or c’est faux dans beaucoup de cas, et A. Smith lui-même en avait déjà repéré plusieurs, à
commencer par un cas qu’il considérait comme particulier : celui des « biens collectifs »…
A) Les biens collectifs :
Pour A. Smith, c’est l’ensemble des biens qu’aucun particulier n’a un intérêt privé à fabriquer car
ça coûte mais, une fois fait, ça profite à tous sans qu’il soit possible de faire payer chaque usager. A.
Smith, à son époque, donnait l’exemple du phare pour la navigation. Dans un tel cas, ces biens doivent
être produits comme « biens collectifs », autrement dit, leur nature justifie leur prise en charge dans le
cadre de « l’Etat minimum ».
Depuis lors, les économistes ont appris à faire une typologie beaucoup plus fine des biens,
depuis les plus privatisables jusqu’aux plus collectivisables, selon qu'ils se prêtent plus ou moins à une
propriété « exclusive » et/ou que leur utilisation par les uns est plus ou moins « rivale » de l’utilisation
par d’autres …
Ils parlent de :
Bien non exclusif : lorsque personne ne peut être écarté de l’usage du bien ; (ex : éclairage public)
Bien non rival : lorsque l’usage du bien par un agent n’empêche pas les autres agents de l’utiliser. (ex :
lecture d’une revue en ligne).
Plus systématiquement, ils repèrent…
Quatre types de biens
Exclusif
Non exclusif
Biens privés
Ressources communes
Rival
Cornet de glace
Poissons marins
Vêtement
Environnement sain
Equipement local à accès
Equipement local à accès incontrôlable et à
contrôlable et à faible capacité
faible capacité d’accueil
d’accueil
Monopoles naturels
Biens publics (Biens collectifs purs)
Non rival
Voies ferrées
Défense nationale
TV par câble
Connaissances scientifiques du domaine
Equipement territorial à accès
public
contrôlable et à forte capacité
Equipement territorial à accès incontrôlable
d’accueil
et à forte capacité d’accueil
On voit, dans ce tableau, que le phare d’A. Smith fait partie des « bien collectifs purs », mais on
voit aussi que l’Etat peut être amené à intervenir dans deux autres cas s’il veut que les conditions de vie
des agents restent équitables et que le milieu dans lequel ils évoluent reste renouvelable : celui des
« monopoles naturels » et celui des « ressources communes »…
B) les externalités :
Ce sont les conséquences, généralement involontaires, de l’activité d’un agent sur d’autres
agents. Donc, a priori, les autres en profitent ou en pâtissent sans que cela ne donne lieu à aucune
transaction de marché. Certaines activités de consommation ou de production ont des effets néfastes
(ou bénéfiques) pour des tierces personnes qui ne peuvent pas se faire dédommager (ou qui ne doivent
pas payer) pour le dommage subi (ou le bénéfice obtenu).
Or, de nos jours, les occasions de nuisances (externalités négatives) se multiplient sur une
planète qui montre de plus en plus ses limites d’utilisation. Inversement, on gaspille trop d’énergie à ne
pas vouloir créer des externalités positives chaque fois que ce serait possible à moindre coût. Il faudrait
donc bien trouver des moyens d’intervention complémentaires aux marchés pour limiter les unes et
encourager les autres...
Typologie des externalités
Externalité de
production privée
Externalité de
consommation privée
Externalité de
production publique
Cas particulier
Externalité +
Externalité Marchand de journaux à côté d’une
Usine polluante à côté d’un
boulangerie
hôtel
Usage partagé d’une « fête des voisins »,
Randonnée en forêt en quad
d’un talent musical, voire d’une encyclopédie
coopérative en ligne gratuite…
Construction d’une infrastructure par l’Etat ou ___
une collectivité territoriale.
Campagne de vaccination contre la grippe
(…)
Pas de recherche d’externalité a priori mais possibilité d’externalités positive
ou négatives à posteriori : cas d’une Mairie attaquée en justice par un
particulier pour l’obliger à refaire une portion de voirie.
En résumé, on va observer une défaillance du marché chaque fois que les droits de propriétés
sur les biens ne sont pas suffisamment définis (qui a le droit d’utiliser l’air, et de quelle façon) dans une
perspective de « développement durable »...
Cela justifierait donc de plus en plus d’interventions de l’Etat, à un niveau national, ou d’une
institution supranationale chaque fois que la nuisance potentielle est « globale ».
L’intervention la plus élémentaire se conçoit sous la forme de taxes ou/et de subventions.
D’après Pigou, la taxe permet d’internaliser l’effet externe en obligeant l’agent responsable à tenir
compte de tous les coûts. Il l’illustrait déjà de la façon suivante :
Offre incluant tous
les coûts
p
Offre négligeant les
coûts externes
Equilibre
optimal
Taxe
Equilibre
négligeant les
coûts externes
Demande
Q
C) Les jeux non coopératifs : le paradigme du dilemme du prisonnier et ses conséquences
à prendre en compte
L’équilibre auquel peuvent aboutir des joueurs en concurrence, n'est pas nécessairement une
situation optimale pour le groupe !
Telle est la morale d'un ensemble de jeux de rôles non coopératifs devenu célèbre sous
l’appellation générique de « dilemme du prisonnier ». En effet, le modèle original mettait en présence
deux individus suspectés (à juste titre) de délit et interrogés séparément, avec plusieurs choix (allant de
l’aveu à la dénonciation de l’autre) et plusieurs sanctions possibles (allant de la relaxe à la peine
maximale). Or chaque « joueur » ignore ce que va être la stratégie de l’autre, et il doit prendre des
précautions vis-à-vis d’une certaine probabilité du pire… Dans le modèle initial, on voit que le « librechoix non coopératif » aboutit toujours à une peine globalement bien plus lourde que celle qu’aurait
permis un « choix coopératif ».
Ce dispositif étant transposable à une multitude de situations de concurrence, il a donné
naissance à une multitude d’expériences « de laboratoire » dans le cadre d’une nouvelle « microéconomie expérimentale ». Le schéma général est simple : deux agents sont placés en situation
adverse ; ils doivent adopter un comportement stratégique, c’est à dire que chacun doit prendre en
compte les différentes réactions possibles de l’autre pour faire le meilleur choix pour lui-même.
Ex : « Deux entreprises se disputent un marché et chacune redoute que l'autre lance une
campagne de publicité pour lui prendre sa part. Du coup, pour éviter ce risque, toutes deux se
payent de la publicité. À l'arrivée, les deux firmes conservent leurs parts de marché initiales, mais
en supportant de coûteux frais publicitaires, d'où un profit moindre. [...] La théorie des jeux
montre ainsi que, par la seule concurrence même pure et parfaite, l'intérêt individuel ne mène
pas automatiquement à l'intérêt général ».
J.-P. Chanteau, Alternatives économiques, n°144, janvier 1997.
Ces conclusions ne sont pas surprenantes pour les praticiens de l’économie. D’ailleurs
l’entreprise elle-même n’est pas organisée selon le modèle du marché non-coopératif. En ce sens on a
même pu dire que l’organisation interne d’une entreprise constituait un exemple de négation du marché.
Si elle suivait le modèle marchand, le contrat de travail ne serait pas un contrat de subordination durable
et rien ne serait fait pour développer « l’esprit d’entreprise » et la « mobilisation des intelligences et des
loyautés » au service de la « qualité globale ». Il y aurait autant de contrats de collaborations ponctuelles
que de tâches à accomplir, chaque travailleur serait son propre chef d’entreprise qui louerait ses
services au jour le jour, et tous les coups seraient permis en matière d’espionnage industriel par
exemple. Certes le néolibéralisme a été tenté par des politiques de flexibilisation de la main d’œuvre qui
vont un peu dans ce sens mais pas au point de remettre en cause le principe du salariat et les principes
qui permettent d’espérer la loyauté à moyen terme de la partie la plus stratégique de la main d’œuvre.
Donc, la non-optimalité du « tout marché » est admise, cependant il convient d’en bien mesurer
tous les effets néfastes si l’on souhaite tenter de les réduire. De fait, ces expériences prouvent
abondamment le caractère « sous-optimal » d’une régulation entièrement basée sur une « pure
concurrence » (adverse) de tous les agents, et elles peuvent mettre sur la voie de jeux plus coopératifs.
Voila un grand chantier ouvert, avec la perspective de réduire la part de la régulation purement
marchande et d’augmenter la part d’autres formes de régulation, existantes ou à inventer…
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