CHAPITRE 13 : STRATEGIES INTERNATIONALES DES

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CHAPITRE 13 : STRATEGIES INTERNATIONALES DES ENTREPRISES
Intro :
Les firmes multinationales (FMN) connaissent une expansion sans précédent à partir du milieu des années 80. Les choix en matière de
localisation ne répondent pas à une logique unique. Les FMN sont devenues les architectes de la mondialisation car leurs décisions (avec
celles des Etats) déterminent en grande partie la division internationale du travail ou la DIPP (division internationale des processus
productifs) et par là-même jouent sur l’emploi et les échanges de chaque nation. De fait, elles mettent les pays en situation de concurrence,
chacun cherchant à favoriser une implantation nouvelle et redoutant le départ d’une filiale. Enfin, le poids des firmes multinationales dans
l’économie mondiale appelle l’émergence de nouvelles autorités de régulation ou du moins la transformation des anciennes jugées trop
libérales.
I) La montée des multinationales
1) Multinationales et investissements directs à l’étranger
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Définition de la firme multinationale : c'est une entreprise disposant d'au moins une filiale à l'étranger ; toute entreprise
étrangère possédée à plus de 10 % est une filiale.
La CNUCED calcule un taux de multinationalisation, qui est obtenu à partir de la moyenne de trois indicateurs : les actifs, le chiffre
d'affaires et le nombre d'employés.
La distinction investissements directs à l'étranger/investissements de portefeuille : une firme devient multinationale quand elle
investit à l'étranger. Les IDE correspondent à toutes les exportations de capitaux permettant soit de créer ou d'agrandir une
entreprise dans le reste du monde, soit d'entrer dans le capital d'une entreprise étrangère pour en prendre plus ou moins le
contrôle. On considère que l'acquisition d'un minimum de 10 % du capital social est nécessaire pour parler d'investissements
directs à l'étranger. Les achats d'actifs inférieurs à 10 % sont répertoriés comme des investissements de portefeuille. Ces derniers
correspondent à l'achat des titres privés ou d'État en vue de tirer un revenu de placement sans intention d'acquérir un contrôle
durable.
2) L'explosion des investissements directs à l'étranger
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Entre 1980 et 2000, les flux d’IDE ont été multipliés par 27.
Il y a boom des fusions/acquisitions : leur avantage est de profiter de suite des parts de marché de l'entreprise convoitée.
Les différentes logiques des IDE : implantation ou agrandissement de sites dans le reste du monde.
Délocalisation avec fermeture d'un site de production pour le transférer dans le reste du monde.
Joint-ventures qui permettent à des entreprises de s'associer pour créer une filiale commune (pratique fréquente en Chine où le
pays impose un partenaire local pour travailler dans le pays).
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Un contexte favorable aux IDE : la plupart des pays disposent d'une réglementation favorable aux IDE compte tenu de leur impact
sur l'emploi, l'investissement, les technologies et donc sur la croissance. La localisation à l'étranger est d'autant plus facile que les
échanges sont libéralisés et que les progrès en matière de communication permettent de relier à moindre coût les différents sites
de production.
La répartition géographique des IDE : les IDE profitent aux pays industrialisés. Les pays développés sont à l'origine de la quasitotalité des IDE sortants. Ils investissent principalement chez eux. L'union européenne assure 70 % des flux d'IDE et reçoit 54 %.
Les États-Unis constituent le premier pays d'accueil et d'origine. Au sein des pays en voie de développement, le groupe AsiePacifique recueille plus de la moitié des investissements et est à l'origine de 80 % des flux sortants. Malgré la forte domination des
pays développés, on peut constater un certain rattrapage des pays en voie de développement.
La mondialisation est surtout financière : la part des flux financiers correspondants à des flux commerciaux (échanges de biens et
services) et à des flux d'IDE ne représente que 5 % des flux financiers ce qui signifie que 95 % des flux financiers relèvent
d'opérations spéculatives. Les mouvements de capitaux présentent de nombreux avantages, la mondialisation du capital permet «
une meilleure allocation des ressources » car certains pays possèdent de l'épargne et d'autres ont des besoins de financement.
Mais ils présentent aussi des risques. La libéralisation financière présente des dangers pour l'économie mondiale et plus
particulièrement pour les économies émergentes (crise de 1997 en Asie). En France, ATTAC lutte pour le contrôle des mouvements
de capitaux et prône l'instauration de la taxe TOBIN afin de rendre rémunératrice la spéculation.
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II) Pourquoi des multinationales
1) les différentes stratégies des firmes multinationales
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L'histoire du développement des firmes multinationales décrit une succession de stratégie :
jusqu'au début du XXe siècle, les premières firmes multinationales avaient une stratégie d'approvisionnement : les implantations
étaient réalisées à l'étranger, près des ressources naturelles des pays en voie de développement, pour approvisionner la société
mère. Cette stratégie des firmes multinationales primaires existe encore dans les secteurs miniers et énergétiques.
Jusqu'aux années 60 sont apparues des firmes multinationales à stratégie de marché et permettent grâce à des les filiales relais
sur place d'accéder directement aux marchés étrangers : il s'agit de produire dans les pays étrangers plutôt que d'y exporter. Les
firmes multinationales cherchent à mieux connaître les marchés visés, à réduire les coûts par rapport aux exportations et à
contourner les mesures protectionnistes.
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Du milieu des années 60 jusqu'aux années 80 s'est imposée une troisième stratégie de rationalisation des productions avec la
création de filiales ateliers dont la vocation est de se spécialiser dans la réalisation d'une étape du processus de production. Il
s'agit de la mise en place d'une logique productive, c'est-à-dire que les firmes multinationales organisent leur exportation à
l'échelle de plusieurs pays afin de profiter des avantages relatifs de chacun. C'est l'amorce de la division internationale des
processus productifs (DIPP).
Depuis les années 80, on assiste à l'apparition de firmes multinationales globales, c'est-à-dire qu'elles développent une stratégie à
l'échelle planétaire. Ces firmes multinationales globales fabriquent des produits à vocation mondiale et rationalisent leur
production à l'échelle mondiale.
2) Les raisons de la mondialisation
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Il s'agit d'abord pour les entreprises d'accroître leur compétitivité. Les firmes sont à la recherche de coûts de production moindres
et d'un environnement fiscal avantageux. Elle délocalise ou s'installe vers des pays à forts avantages comparatifs. Dès que
l'avantage comparatif est renié (réévaluation de la monnaie, avancée sociale, moindre stabilité politique), les entreprises sont
prêtes à se délocaliser ou relocaliser.
Elles cherchent aussi à profiter des compétences spécifiques, en s'implantant là où elles se trouvent.
Elles recherchent à accéder à un plus grand marché (économies d'échelle) et elles cherchent aussi à produire plus près de leurs
clients (contourner les barrières protectionnistes, s'adapter à la demande locale).
La théorie du cycle de vie du produit de VERNON (1966) : les différentes étapes du cycle de vie du produit correspondent à des
stratégies particulières des firmes pour approvisionner les marchés. Dans une première phase, la production est réalisée dans le
pays qui a lancé le produit, en général un pays développé disposant d'un potentiel d'innovation, puis exportée vers des pays
d'égal niveau de développement. Pour lutter contre la concurrence qui menace leurs exportations, les firmes américaines ont
installé des filiales relais en Europe. Quand le produit a atteint la phase de déclin dans les pays développés, il est facile de trouver
des débouchés dans les pays en voie de développement, là où sera désormais produit le bien. C'est une théorie vieillie avec
l'apparition des firmes globales et de la DIPP.
En résumé, il y a deux grandes raisons : une logique de marché, c'est-à-dire de conquêtes commerciales, et une logique de baisse
des coûts. En outre, « travailler » sur des marchés mondiaux entraîne une réduction du risque. Une entreprise se mondialise aussi
parce que les entreprises de son secteur le font déjà ou vont le faire. Enfin, la recherche d'une efficience accrue et d'une meilleure
organisation pousse les entreprises à développer une stratégie mondiale de la production.
3) Le choix des localisations
Le lieu d'implantation est fonction de l'objectif poursuivi de marché ou de baisse des coûts. Mais d'autres éléments vont jouer dans la
localisation en particulier des effets d'agglomération générés par la présence sur un territoire d'autres entreprises. Ils se traduisent par des
externalités positives. D'autres facteurs interviennent aussi : avantages fiscaux, subventions, possibilité de profiter de sous-traitants locaux,
nature du régime politique, qualité de la main-d’œuvre.
III) Les effets de la montée des multinationales
1) Les firmes multinationales participent à la modification de la division internationale du travail et
mettent les états en concurrence
Les firmes multinationales sont devenues les architectes de la division internationale du travail, elles organisent de plus en plus la
production dans un cadre mondial. La DIPP est un moyen pour les firmes d'accroître leur compétitivité. Elle conduit à mettre en
concurrence les états et les régimes pour attirer les IDE et profiter des délocalisations. Compte-tenu des revenus et des emplois, les firmes
multinationales ont la capacité d'influer sur les États entre eux, qui, bien qu'amis politiques, deviennent concurrents quand il s'agit
d'obtenir la faveur des firmes multinationales. Les multinationales mettent des territoires en concurrence comme elles mettent en
concurrence les salariés. La concurrence a pour but d'attirer les IDE : plus grande attractivité, notamment via le réseau d'infrastructures
voire de capital humain.
2) Une nouvelle configuration des rapports Nord-Sud
Les multinationales sont devenues des acteurs majeurs de la DIT et participent, par leurs IDE, à l'industrialisation de nouvelles régions. La
diffusion du capitalisme dans ces régions est le produit de la rencontre de stratégies nationales de développement (rôle des Etats) et des
stratégies privées d'investissement des multinationales. Elle est à l'origine d'une recomposition de la géographie économique mondiale.
Aux rapports traditionnels de dépendance qui caractérise le Nord et le Sud, se superposent désormais des rapports de concurrence
susceptible de fragiliser les Etats du Nord, qui seraient incapables de promouvoir leur compétitivité à long terme.
3) L'impact sur les échanges : le développement du commerce intra firmes au sein des échanges
internationaux
Les firmes multinationales agissent sur le volume du commerce mondial en l’intensifiant et modifient la géographie des flux de commerce
en contribuant à l'instauration d'une nouvelle DIT et à la montée en puissance des économies émergentes. La DIPP provoque l'essor des
échanges intra firmes, c'est-à-dire l'échange de filiale à filiale ou d'une société mère à une filiale dans un même groupe. On évalue à 35 % la
part du commerce mondial constitué des échanges intra firmes.
Ces échanges offrent deux particularités : ils sont internationaux du point de vue douanier, mais sont internes à chaque multinationale. Les
pays dans lesquels s’effectuent ces échanges résultent du calcul d'optimisation à l'échelle des groupes : le prix de transfert. C'est un prix de
cession interne au groupe qui varie selon la fiscalité des différents pays et non en fonction des coûts de production. Il s'agit de majorer les
profits là où ils sont peu taxés et de minorer là où la fiscalité plus forte.
4) L'impact des délocalisations dans les pays d'origine et les pays d'accueil
A) Les craintes des pays du Nord
Si la mondialisation fait peur, ce n'est pas tant du fait de la libre circulation des marchandises dont nous bénéficions en tant que
consommateur, que du fait que la mobilité croissante du capital que nous subissons en tant que producteurs de biens ou salariés. Ce sont
ces mouvements des usines et derrière lui des emplois qui fait peur. La production des implantations de filiales dans des pays où la maind’œuvre est peu chère et/ou de législation du travail plus souple ou l'exonération du travail fait craindre les pertes d'emplois dans les
anciens pays industrialisés, ou du moins un manque à gagner de nouveaux emplois.
Les délocalisations sont présentées comme les principales sources de pertes d'emplois voire de la progression du chômage. En effet, à la
perte d'emploi liée à la délocalisation, s'ajoute celle consécutive à la réaction des firmes multinationales concurrentes. La chute de l'emploi
déprime la consommation intérieure. La montée du chômage et la menace de la délocalisation pèse sur les salaires. Les délocalisations
induisent surtout la montée du chômage des travailleurs les moins qualifiés, aggravant ainsi les inégalités sociales au Nord.
Or, ces craintes doivent être nuancées, car a contrario des idées reçues, les études empiriques cherchant à mesurer les emplois dans les
pays développés montrent qu'il y a des effets bénéfiques sur l'emploi en France. En effet, les firmes qui délocalisent bénéficient d'un
accroissement de la rentabilité, qui lui permet de financer des activités nouvelles, qui leur permet d'innover et d'embaucher. Le pays
d'accueil bénéficiant de l'implantation d'IDE verra sa croissance augmenter, ce qui permettra en retour une augmentation de celle des pays
d'origine. En outre, les filiales délocalisées importent des biens d'équipement de leur maison mère, en induisant des emplois dans les pays
d'origine.
Au-delà des problèmes évidents que peut provoquer la fermeture d'un site industriel, il faut chercher ce que la collectivité dans son
ensemble peut gagner. En fait, la DIT est une course vers la qualification, les délocalisations ne sont que le signe que l'économie française
continue à améliorer son niveau global de formation.
B) Les retombées attendues dans les pays d'accueil
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Création directe d'emploi sur le site : augmentation de l'emploi, des revenus, de la consommation...
Transfert de technologie qui pousse à une meilleure formation de la main-d’œuvre locale.
Multiplication des investissements publics.
L'effet vitrine : amélioration de l'image de la région, qui affirme sa compétitivité.
Les IDE représentent une source de financement stable, non génératrice de dettes.
Les IDE développent les exportations : les IDE affectent le volume et la structure des échanges des pays d'accueil, ils influencent
donc la spécialisation internationale les pays d'accueil : ils font évoluer les avantages comparatifs.
Les IDE sont sources de croissance, et les firmes multinationales sont aujourd'hui l'objet de tous les égards de la part des états qui
souhaitent attirer leurs investissements. Cependant, certains risques existent : en effet, les firmes multinationales peuvent décider de façon
à contrôler, de fermer leurs usines si la fiscalité devient plus avantageuse ailleurs. Certains entrepreneurs locaux risquent d'être éliminés
par l'aggravation de la concurrence. D'autre part, les profits peuvent être rapatriés au lieu d'être réinvestis. Enfin, les IDE ne correspondent
pas aux besoins des pays en voie de développement et ont tendance à exporter des industries polluantes.
IV) Firmes multinationales et régulation du commerce mondial
1) État et firme multinationale : une relation complexe
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Pour certains, ce sont de moins en moins des économies nationales qui s'affrontent sur le marché mondial, mais de plus en plus
de firmes multinationales. L'économie mondiale se transforme en une zone unique de production et d'échange. Les firmes sont
mondiales, elles sont déconnectées de leur propre nation. L'intérêt des entreprises ne se confond plus avec les nations dont elles
sont issues. Les firmes mettent en concurrence les états et fait peser des contraintes sur eux.
Ainsi, la rivalité entre les états pour que les firmes multinationales implantent sur leur territoire des unités de production
s’aggrave, et peut pousser au dumping fiscal et/ou social. Quand il s'agit d'attirer des investissements des firmes multinationales,
les pays ne sont plus amis mais concurrents et ils essaient de leur offrir les conditions d'accueil les plus favorables, car il faut
rappeler que ce sont les pays industrialisés qui sont destinataires des IDE.
La mondialisation engendre des tensions sur la stabilité sociale des pays industrialisés, car d'une part elle accentue les inégalités
entre ceux qui profitent de la mondialisation et les travailleurs les moins qualifiés et d'autre part, elle engendre une tendance à la
réduction du rôle de l'État (dumping fiscal et déréglementation).
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Pour d'autres, peu d'entreprises sont globales et multiculturelles. Les firmes multinationales restent fortement liées à leur État
national. Les états n'hésitent pas à voler au secours de leurs multinationales, comme le montrent les États-Unis (dénonciation des
accords de DOHA, cas de l’acier).
2) La recherche de nouvelles régulations
A) Le pouvoir de l'OMC
L’OMC définit des règles visant à réduire les obstacles au commerce : obstacles tarifaires, abaissement des mesures non tarifaires. Mais elle
n'a pas vocation à se préoccuper des multinationales, en particulier le dumping social reste en dehors des pratiques interdites par l'OMC. Il
est clair que ce choix laisse libre cours à des formes de concurrence déloyale (travail des enfants...) Mais qui peuvent être profitables à
certaines firmes du Nord dont les filiales utilisent une main-d’œuvre non protégée pour des exportations avantageuses vers les pays des
sociétés mères.
En outre, les échanges intra firmes permettent aux firmes multinationales de minimiser la fiscalité pour l'ensemble du groupe.
B) Le lobbying des firmes multinationales reste important
Pour certains, les multinationales seraient plus importantes que les états.
Mais il faut dépasser le 44e pays pour voir une firme multinationale dont la valeur ajoutée est équivalente au PIB. Cependant, il
est évident que les multinationales ont un poids de négociations sur les pays en voie de développement, qui comptent sur leur
présence pour pouvoir se développer.
C) Une régulation mondiale et nécessaire
Si la contrainte qui s'exerce sur les firmes multinationales n'aboutit pas, d'autres moyens apparaissent comme les O.N.G. (organisations
non gouvernementale) qui critiquent la gouvernance mondiale trop libérale pratiquée par l'OMC et le consensus de Washington.
Les États-nations ne sont plus aptes à réguler l'activité commerciale et financière. Ils légifèrent sur leur territoire. Or, l'orientation du
commerce et des flux financiers provoquent une extraterritorialité des flux économiques, et les états sont obligés de signer des accords
internationaux ou d'appartenir à des régions économiques pour maintenir l'activité économique.
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