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La marchandisation des biens, de la nature et du travail
dépend plus de la fétichisation que de la théorie de la valeur.
Par Thierry Brugvin
Marx affirmait que « la production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du
procès de production sociale qu'en épuisant simultanément les deux sources d'où jaillit toute richesse:
la terre et le travailleur »1. Dans son livre Le Capital, l’analyse de Marx précise ce processus illusoire
relevant du besoin de consommer et commercer. Dans les débuts de son ouvrage le capital, Karl Marx
explique que « la richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste
s’annonce comme une ‘immense accumulation de marchandises’ » La valeur d’usage est définit comme
ainsi : « les choses ont une vertu intrinsèque (…) qui en tout lieu ont la même qualité comme l’aimant,
par exemple, attire le fer » 2. Il s’agit de l’utilité pratique pour un individu ou pour la société. Tandis que la
valeur d’échange relève de sa rareté sur le marché dans le cadre de la loi de l’offre et de la demande et
correspond à sa valeur monétaire dans le cadre des échanges sur le marché. La marchandisation, tend
donc à réduire la valeur d’usage à la valeur d’échange, à son prix. La force de travail d’un travailleur est
marchandisée lorsqu’elle se réduit à prix de son salaire horaire. La valeur travail résulte de la valeur du
travail incorporé (temps de travail abstrait effectué par un individu et incorporé dans un objet) et de la
valeur d’échange de ce travail incorporé. La théorie de la valeur s’appuie donc sur la valeur d’usage, la
valeur d’échange et la valeur travail.
Dans son ouvrage, Misère de la philosophie (1847), Marx critique l’approche socialiste de Proudhon
(que l’on peut qualifier à présent de socialisme autogestionnaire). Il estime que dans la future société
communiste il n’y aura plus d’échanges liés au marché, il n’y aura donc plus de marchandisation :
« Dans une société à venir, où l’antagonisme des classes aura cessé, où il n’y aura plus de classes,
l’usage ne sera plus déterminé par le minimum du temps de production ; mais le temps de production
qu’on consacrerait aux différents objets serait déterminé par leur degré d’utilité sociale »3. A la suite de
Marx, certains communistes (staliniens, trotskystes, conseillistes, mais aussi libertaires…) « que dans
cette société, le travail lui-même aura complètement changé de nature : le temps consacré à la création
des besoins de subsistance étant réduit au minimum, le travail deviendra pour la première fois une
activité vraiment libre »4. Ces communistes estiment donc qu’il faut supprimer la valeur d’échange et
pour cela ils prônent le remplacement du marché, par la planification de la production (démocratique ou
non). Ils critiquent le socialisme autogestionnaire de Proudhon, qui conjugue la planification et marché,
au prétexte que tant qu’il y aura un marché, il y aura exploitation du travail, par la création de plus value,
lié à la valeur d’échange. Mais cette approche communiste de la valeur est erronée car même dans une
société ou le prix du salaire horaire n’est plus fixé, par le marché, il faut néanmoins en fixer le prix, afin
de pouvoir fixer un temps de travail et une rémunération. Ce qui fait que même dans un système de
fixation des prix et des salaires réalisées par la planification démocratique et non par le marché, cela
conduit à une forme de marchandisation du travail ou des objets par la planification. C’est pourquoi, ce
qui parait fondamentale, dans le capitalisme, c’est sans doute moins, la valeur d’échange de la
marchandisation, que la fétichisation de la marchandise. Marx peut être considéré dans l’analyse du
capitalisme, cependant en ce qui concerne la prospective, il faut bien reconnaître qu’il sait lourdement
trompé. Les anarchistes, tels Proudhon et Bakounine avaient bien observés les risques de dérives
centralisatrices, bureaucratiques et anti-démocratiques des solutions proposées par le communisme de
Marx. Elles ont d’ailleurs tragiquement été mises en évidence par le léninisme et surtout le stalinisme,
au plan politique par la dimension totalitaire et au plan économique avec la faiblesse des capacités
productives et de réponses aux besoins essentiels de la population.
1 MARX, 1963, Le capital, Livre I, (fin du 13e chapitre), Oeuvres/Economie, I, Gallimard.
2 MARX Karl, Le Capital, Chap I, Lachâtre, 1872.
3 MARX Karl, Misère de la philosophie, Œuvres, Économie I, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Chapitre premier, 1963, p. 37.
4 REVUE INTERNATIONALE, Le communisme signifie l'élimination de la loi de la valeur et du cadre de l'entreprise, 12 July, 2006,
http://fr.internationalism.org/rint126/voronezh.html#sdfootnote2sym.
Cette marchandisation s’explique en effet, aussi par la fétichisation de notre relation aux objets.
Marx explique que lorsque nous achetons une marchandise, nous oublions que ce n’est qu’un objet
matériel et nous en faisons une idole, un fétiche, nous sommes victimes du mécanisme de
« fétichisation de la marchandise » (Marx, 1948 I,1,4 : 57)5. « Pour trouver une analogie à ce
phénomène, il faut la chercher dans la région nuageuse du monde religieux » souligne Marx (1948 : 1,
1 : 83)6. Il est d’ailleurs assez révélateur de voir que ces dernières années, la marchandisation de la
société ne cesse de s’accroître. Ce que l’on qualifiait de légumes, d’animaux ou d’activités de loisirs
sont devenues des « produits », or ce terme n’était autrefois attribué qu’aux seuls produits fabriqués à
partir de la chimie.
Marx pousse ensuite plus loin son analyse avec le concept de réification, qui concerne la
substitution des rapports entre les choses, aux rapports entre les hommes. C’est la transformation
symbolique, du produit du travail et de la force de travail en marchandise qui le rend possible. C'est-àdire que les relations sociales et humaines entre les hommes ne sont plus perçues, que comme des
relations marchandes. Dans « Misère de la philosophie », Marx pousse, dans sa logique extrême, la
logique de certains économistes pour qui seul compte le temps de travail, « le temps est tout, l’homme
n’est plus rien ; il est tout au plus la carcasse du temps » (Marx Karl, 1862: 47)7.
MARX Karl, Le capital. Critique de l'économie politique, Livre I, section 1, chapitre 4, Paris: Éditions sociales, 1948 (1867).
MARX Karl, Le capital. Critique de l'économie politique, Livre I, section 1, chapitre 1, Paris: Éditions sociales, 1948 (1867).
7 MARX Karl, 1962 (1847), Misère de la philosophie, Paris, Editions sociales.
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