Ouvrage 219/…bibliothèque CASAR - Moïra ! Veux-tu aller chercher mon chapeau de paille vert dans ma chambre ? Gena vient de s'adresser à sa cousine Moïra. Elle est bien plus âgée que Moïra : sept ans de plus. Elle a seize ans et Moïra neuf seulement. - Moïra ! Tu m'entends ? Aucune réponse. Moïra n'es,t•lus là. Mais si ! La voilà qui sort de la maison. Elle tient le chapeau de paille vert de Gena à la main. C'est quand même étrange. Elle est partie avant même que sa cousine ne le Iui demande, et elle revient justement avec le chapeau de paille vert. Pas le rose ni le bleu ni le blanc... le vert. - Merci, mon chou ! Mais comment as-tu su que je voulais mon chapeau vert ? - Je ne sais pas. J'ai deviné que tu allais me demander d'aller Ie chercher... C'est ainsi que Gena Bigelow et Moïra I-iarbell en viennent à se demander s'il n'existe pas entre elles deux une possibilité extraordinaire de communication : la télépathie. - On va voir : je vais penser très fort à quelque chose et tu vas essayer de deviner à quoi je pense. Moïra ferme les yeux pour mieux se concentrer. Gena fait de même pour projeter une image mentale vers sa petite cousine. - Tu penses à James Philips ! - Gagné ! Mais c'était trop facile. Nous en avons parlé ce matin ! On recommence ! 173 Nouvel essai. Les deux jeunes filles observént une nouvelle minute de concentration : Je vois le perroquet de tante I•:aryn. - Tout juste ! C'est formidable ! On va essayer dans l'autre sens. Cette fois, c'est Moïra la plus jeune qui se concentre pour lancer une image mentale vers l'esprit de sa cousine Gena. Gena qui, après un court instant, lance : Je vois les confitures de groseilles dans le placard . - Oui, c'est ça ! Ça me donne faim. Et les deux cousines décident d'aller voir si les confitures de groseilles sont toujours aussi bonnes. Bientôt, hélas, les deux cousines sont séparées. Gena est en âge d'aller poursuivre ses études à l'université. Mais elle est trop belle, trop blonde, ses yeux sont trop verts. À Melbourne, elle est vite la •• vedette •• du campus universitaire. Les compliments pleuvent : - Avec votre silhouette et votre allure vous devriez tenter votre chance comme mannequin ! Gena réfléchit quelque temps. Très peu de temps. Et elle se lance. Séances de poses, défilés de collections, prises de vue en maillot de bain sur les plages de sable immaculé. La vie de mannequin bien qu'un eu aléatoire, a du charme. Gena fréquentf milieu de ens c hes, bien éloigné de celui où sa mère, l• un g tante Karyn de Moïra, a vécu toute sa vie... - Moïra, tu en fais·r une tête ! Tu boudes ? Non je m'ennuie de Gena. Vivement que je puisse aller l; re'oindre à Melbourne. Elle a l'air de vraiment s'amuser là-bas • Mais le destin en décide autrement. Le père de Moïra s• méfie de la grande ville et de ses tentations. Pas question pou Moïra d'allex poser à moitié nue pour des magazines. D ailleur• il faut bien l'avouer, Moïra est beaucoup moins jolie que s cousine... Alors Moïra Harbell se contente de vivre la grande vi à travers ce que sa cousine lui en laisse apercevoir lors de se rares visites... 174 Moïra Harbell vient d'avoir vingt ans. Elle est en voiture et roule sur une petite route tranquille. Soudain, elle prend conscience qu'un véhicule jaune, une Rover, la suit de très près. Pourquoi si près sur cette route rectiligne et déserte ? Si le conducteur est pressé, il n'a qu,à la dépasser. Dans le rétroviseur, Moïra distingue deux visages dans l'autre véhicule. Deux hommes. Soudain le conducteur de la Rover se décide à accélérer. I1 double la petite Ford de Moïra et lui fait une queue de poisson, l'obligeant à stopper en catastrophe sur le bas-côté herbeux de la route. Moïra se demande ce qui lui arrive : deux policiers descendent de la voiture jaune. Ils s'approchent de la petite Ford : l'un d'eux ouvre la portière et saisit Moïra par le bras. I1 est jeune et a la peau basanée. Il arrache littéralement Moïra de son siège. Elle proteste : - Mais que me voulez-vous ? Je n'ai rien fait de mal ! Je ne roulais pas trop vite ! L'autre policier est descendu de la voiture. Une voiture toute banale. Sans aucun signe ni inscription. Il rejoint son collègue qui maintient Moïra fermement. - Vous étes bien Gena Bigelow ? - Mais non, je ne suis pas Gena Bigelow, je suis sa cousine Moïra Harbell. Que me voulez-vous ? On dirait que les deux hommes n'ont pas entendu ce que Moïra vient de leur crier. À présent, le second policier sort du cof•re de la voiture jaune une longue corde. Les deux hommes ligotent la pauvre Moïra. Puis ils la poussent à l'arrière de leur Rover et démarrent. Moïra, bâillonnée, gémit. Mais aucun mot n'est intelligible. Elle essaie de demander : - Mais qu'est-ce que vous me voulez ? La voiture jaune s'arrête enfin près d'un lac. Personne à l'horizon. Au loin, sur l'autre rive, une maison blanche qui semble déserte. Le soleil se couche. D'un rouge sinistre. Les deux policiers extraient brutalement Moïra de la voiture. Ils la poussent vers la rive du lac. Puis ils ouvrent le coffre et en sortent deux petites enclumes qu'ils fixent au cordage qui Iigote la malheureuse Moïra... Le premier policier passe son bras autour du cou de Moïra, la tire brutalement en arrière. Moïra 175 voudrait hurler mais le bâ.illon l'en empêche. Elle sent un obj métallique. C'est le canon d'un revolver que le deuxièn homme lui introduit dans la bouche. Moïra pousse un hurlement qui semble ne pas devoir s'arr ter. - Moïra, ma chérie ! Qu'est-ce qu'il se passe ? Moïra, je sL là. Moïra est blême. Elle met un moment à réaliser dans qu endroit elle se trouve. Le papier à fleurs, les photos au mL l'abat-jour de soie rose. Elle tremble et claque des dents. Pou tant elle comprend petit à petit qu'elle est dans sa chambre coucher et sa mère, Elisabeth Harbell, est là, en chemise nuit. Elle lui tient la main. •illiam Harbell, son pére, et Tim thy, son jeune frère, sont là aussi, en pyjama. Tous posent u• uestion muette : Qu'est-ce qui t'arrive ? q - i ns de faire un cauchemar. C'était horrible. J'étais • Je v e voiture sur une route déserte et j'allais je ne sais où. De• hommes en voiture ont bloqué mon véhicule... •Uilliam Harbell l'interrompt : - Tu vois bien que c'était un rêve : tu n'as pas de voiture même pas de permis de conduire... - Alors ces deux hommes m'ont saisie et m'ont ligotée. m'ont entraînée auprès d'un lac et ils m'ont tuée d'un coup revolver dans la bouche. - Tu parles d'un cauchemar ! Tu as dû trop manger soupe aux huîtres hier soir. C'est un problème de digestio• Maman Harbell fait taire son mari. Moïra a vraiment l'; choquêe. Elle se met • pleurer tout en continuant son récii Ses parents entendent vaguement : - ... Gena... Gena... c'est horrible ! - Quoi •• Gena •• ? Qu'est-ce qui est horrible ? Moïra a du mal à reprendre son soufEle. Dans un dernier sa glot, elle dit : - Mais, dans mon rêve, ces hommes me disaient que j ét Gena... Maman Harbell tient un verre d'eau fraîche à la main. Et petit cachet : 176 - Tiens, ma chérie, avale ça. Tu vas te rendormir jusqu'à demain. Et quand tu te réveilleras tout sera rentré dans l'ordre. C'est bien ce qui se passe. Le lendemain est un dimanche et la journée est calme. A part un coup de téléphone presque à la nuit tombante. Maman Harbell décroche. Toute la famille attend pour savoir qui a appelé : , •E , - C est tante Kary . lle est inquiéte parce qu elle essaie depuis ce matin de joindre Gena. Aucune réponse. Elle a même appelé des amis de Gena à Melbourne. Personne ne l'a vue... Deux jours plus tard, tante K;aryn Bigelow arrive chez les Harbell. De toute évidence elle a beaucoup pleuré : - J'ai appelé la police. Gena a disparu. Complètement. La police a visité son appartement. Elle n'est pas réapparue depuis deux jours. Je suis folle d'angoisse. Et le pire, c'est gu'on a retrouvé sa petite Ford sur une route déserte. Son sac à main, ses papiers, son argent étaient encore là et la clef de contact était encore en place... J'ai peur ! Moïra hésite à raconter son rêve à sa tante I•a.ryn. Ce serait trop cruel. Elisabeth Harbell essaye d'être rassurante. - Elle va revenir. Tu sais comme ta Gena est fantasque. C'est ce qui fait son charme, d'ailleurs. Mais plus personne n'entend parler de la jolie Gena. La police découvre alors, au cours de son enquête, que Gena la blonde menait grand train de vie. Avec quel argent ? La réponse arrive : Gena arrondissait ses fins de mois en rencontrant des messieurs fortunés qui venaient lui rendre visite. Uniquement du beau monde. En tout cas •• beau •• sur le plan financier... Pis encore : Gena avait un ami de coeur qui était un excellent photographe. Et qui savait prendre des clichés compromettants pour ceux qui se livraient aux joies de la débauche extraconjugale avec la belle Gena. Les policiers concluent sans aucun commentaire : - Gena Bigelow faisait chanter ses clients !... Karyn Bigelow et les Harbell sont effondrés... Qui aurait pu 177 penser ça ? Mais cela ne fait pas avancer l'enquêté. Qu'a-t-il pu arriver à la trop belle et trop gourmande cousine ? - Monsieur l'inspecteur. II faut que je vous raconte un cauchemar que j'ai fait le jour de la disparition de ma cousine... J'ai eu peur d'être ridicule. Alors, je n'ai rien dit. Mais sait-on jamais ? Gena et moi avons toujours fait de la transmission de pensée. Et Moïra, qui ne peut retenir ses larmes, raconte le •• film d'horreur ••. Avec prêcision : le rapt, le lac et la maison, les enclumes, le revolver dans la bouche. Les policiers sont impressionnés. Quelqu'un dit : - À cinq miles de l'endroit où l'on a retrouvé la Ford de Gena Bigelow, il y a un lac qui correspond bien à la description. Moïra accompagne les policiers. On txouve le lac, on drague Ie fond. Gena Bigelow est là, ligotée, Iestée d'enclumes, la bouche éclatée. Moïra examine alors les fichiers de la police et • reconnaît •• les deux assassins. Deux tueurs à gages employés par un des gros clients de Gena Bigelow. Déguisés en policiers, ils ont exécutê la call-girl. Quand Moïra est confrontée à 1 un d'eux elle lui raconte en détail comment il l'a tuée et l'autre hurle d'horreur : - Oui, c'est moi qui vous ai tuée ! Emmenez-la ! C'est une sorcière !