FORMATION ET DECOMPOSITION DE L’UNION SOVIETIQUE ET DU BOC DE L’EST 1917-1991 SECTION 1 : Introduction 1917-1953 : fondations des bases du système 1953-1991 : phase de réformes du système jusqu’à l’effondrement Les trois conceptions du bloc : -la puissance (R. Aron) : une puissance construite sur des mythes, sur la perception qu’en a l’autre. Un certain impact géopolitique et une fragilité au sein du pays. Une puissance pauvre et paradoxale. -l’empire : passage d’un Empire impérialiste d’avant 1914 à la création des Etats- nations dans l’entre-deux guerres. Au même moment création d’une entité multinationale en URSS. Les identités nationales ont-elles affaibli ou renforcé l’URSS ? (prison des peuples) Y a-t’il eu réellement émergence d’une identité soviétique ? Une place des Russes peu importante au sein de la construction du bloc, développement aujourd’hui d’un fort sentiment national. Dans cet Empire colonial : qui a exploité qui ? -le totalitarisme : un système qui ne se revendique jamais comme tel. Le rôle idéologique de la terreur. Comparaison au nazisme : sous Hitler, une population qui adhère au régime. Sous Staline, un désaccord total. SECTION 2 : La Russie à l’épreuve de la guerre : du tsarisme au bolchevisme URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Fédération créée en 1922 issue idéologiquement des la révolution de 1917. La 1ère GM fut un élément fondamental dans le déclenchement de la révolution et la mise en place d’un nouveau système. Elle fut la matrice du Xxè siècle dans l’émergence des Etats- nations, nouveaux systèmes totalitaires. I. Le tsarisme et la guerre : un échec sur tous les fronts L’Empire russe autocratique, multinational, est dirigé par l’Empereur Nicolas II, de la dynastie Roumanov, sur le trône depuis 17ème s. Il est le représentant de Dieu sur terre. Suite à la révolution de 1905 le tsar concède une Assemblée législative au suffrage censitaire ; la Douma. Lors du déclenchement du conflit (assassinat de l’Archiduc F. Ferdinand à Sarajevo, héritier du trône autrichien), la Russie décide de venir en aide au petit frère slave, la Serbie, et déclare ainsi la guerre à l’Autriche Hongrie. Le but de guerre russe est d’accéder à Constantinople (Istanbul) et aux mers chaudes. 1. Désorganisation sur le front et à l’arrière L’immense armée russe dite de rouleau compresseur a perdu la guerre russo-japonaise de 1904 et la guerre contre la Prusse en 1914. L’offensive allemande de 1915 débouche rapidement sur une situation d’échec sur le front avec des pertes humaines et territoriales pour la Russie. La Pologne russe à l’ouest constitue une perte industrielle, et la fermeture du Detroit (Turquie est aux côtés de l’Allemagne) qui empêche le ravitaillement franco- britannique constitue un handicap économique. A l’arrière, le gouvernement tsariste n’a pas d’économie de guerre (rationnement, fixation des prix) ce qui entraîne des pénuries et bientôt des effervescences sociales. 2. Isolement du gouvernement tsariste L’ambiance à la cour de Nicolas II est sinistre, Alexandra l’Allemande est haïe, la valse des ministres, conservateurs est de plus en plus coupée du pays réel. En dehors du gouvernement s’organise une société à la Douma, la révolution de 1905 ayant nourri l’émergence de mouvements libéraux pour la mise en place d’une monarchie constitutionnelle. Cette société est représentée par deux partis qui jouent un rôle dans la planification de la production de la guerre ; les Octobristes (avec Goutchkov) et les Konstitutionel Démocrates (avec Milioukov). De nombreux industriels et chefs de pouvoir municipaux s’organisent en comités pour rationaliser l’effort de guerre. Dès la fin 1916, ils veulent l’abdication du tsar. 3. La révolution de 1917 C’est un mouvement populaire, spontané, contre les pénuries et le prix de la vie. 23-24 février 1914 : grève générale à Petrograd (capitale de la Russie tsariste, c’est à dire St P. en allemand). Accueil favorable de la population et la répression du mouvement le 25 échoue du fait de la fraternisation des soldats avec le mouvement. 26-27 février : le mouvement devient la remise en cause du régime, prise du Palais d’hiver, libération des prisonniers politiques. Quelques jours plus tard se créent deux organes de pouvoir, dans le contexte d’abdication du tsar le 3 mars 1917 : -un gouvernement provisoire qui réunit une assemblée constituante composée d’anciens membres de la Douma, des députés progressistes. Goutchkov est chef de guerre, Milioukov ministre des affaires étrangères et Kerenski, socialiste modéré, est ministre de la justice. Une fois la victoire acquise cette Assemblée statuera. Ces libéraux d’origine aristocratique ou bourgeoise ne sont pas pour une République immédiatement. Ils auraient pu fonctionner en monarchie constitutionnelle, c’est à dire à côté du tsar, mais lancent un mandat d’arrêt le 7 mars contre le tsar, qui finit assassiné avec sa famille. -un Soviet (=conseil), petite structure qui existait déjà en 1905 issue du soulèvement. Le Soviet de Petrograd élit des délégués ouvriers, auxquels viennent se joindre 200 militants. Il est composé de S.R : socialistes révolutionnaires, issus d’un mouvement populiste perpétrant des attentats. Et de marxistes, apparus avec la révolution industrielle, appartenant au parti social démocrate ouvrier, parti de la IIme internationale. (Les grosses usines de l’industrie centralisée facilite le blocage de la production, la petite classe ouvrière est la plus visible, dans un pays composé de 86% de paysans). En 1903 a eu lieu la scission des marxistes mencheviks (=majoritaires) et bolcheviks (=minoritaires). Les premiers sont plus modérés, ils refusent un parti discipliné et sont moins pour l’action directe. Les seconds sont plus radicaux. Dès mars 1917, le Soviet est composé de 850 délégués ouvriers et 2000 soldats. Il lance un mot d’ordre de création d’autres Soviets en tant qu’organismes locaux de pouvoir, avec la prise en charge du contrôle des routes, de la poste, des transports. Le Soviet de Petrograd ne revendique pas le pouvoir, il veut juste contrôler le gouvernement provisoire pour tenir compte de la population et lutter contre la désagrégation du pays. II. La montée des revendications dans le pays La population russe passe de l’autocratie à la liberté, le tout dans un contexte de guerre plutôt peu favorable à la démocratie. Le gouvernement provisoire abolit la peine de mort pour les déserteurs mais reste relativement modéré dans de nombreuses revendications ouvrières. 1. Les revendications ouvrières : La hausse des salaires, la journée de 8heures, des assurances sociales. La création de comités de quartier et de gardes rouges (= milice des quartiers). La création de comités d’usine, élus par les ouvriers en Assemblée générale, qui gèrent les usines aux côtés des chefs d’entreprises. Les tensions au sein des usines sont de plus en plus violents, les patrons abandonnent les lieux à l’autogestion ouvrière. Le gouvernement provisoire, qui lui veut gagner la guerre, trouve les limites dépassées, dans la mesure où les libéraux ne voulaient pas mettre en place le socialisme en Russie. 2. Les revendications paysannes : Le front étant constitué de soldats paysans , la réforme agraire est impossible dans l’immédiat. Des comités ruraux partagent et distribuent la terre, saisissent le matériel. Nombreux cas de violence contre les propriétaires fonciers. 3. Les revendications nationales : 6 mars : abolition des discriminations raciales et religieuses. La Pologne et la Finlande, occupées par l’Allemagne, sont reconnues indépendantes, dans l’espoir de s’en faire de futurs alliés. 25 avril : autonomie culturelle reconnue pour les minorités nationales. Se créent des centres autonomes de pouvoir, comme la Rada en Ukraine, idem en Lettonie, Lituanie. Mongols et Tatars de Crimée. 4. Le problème de la guerre : Le gouvernement provisoire rassure les Alliés sur sa volonté de maintenir le front et de nouvelles offensives. Au sein du Soviet, des mencheviks et S.R. défendent le camp de la démocratie. Ils soutiennent la révolution contre la Prusse, un régime autocratique, mais font la guerre pour se défendre et non pour d’étendre. Pour les Bolcheviks il vaut mieux la défaite mais la révolution doit avancer. Les soldats et la population, pour la paix et le retour du front, se rallient à eux. Avril : 1ère crise , Milioukov puis Goutchkov démissionnent. Le gouvernement provisoire devient un gouvernement de coalition entre libéraux et socialistes avec Kerenski. Un certain nombre de chefs des Soviets, mencheviks et S.R entrent dans le gouvernement et deviennent ministres. Tchernov, chef des S.R devient ministre de l’agriculture. Les socialistes modérés deviennent otages du gouvernement. La situation donne du poids aux Bolcheviks, les seuls à ne pas être membres du gouvernement. Lorsque Kerenski lance une grande offensive mi-juin, c’est l’échec total, la radicalisation de la question de la paix et la désertion. III. Vers un pouvoir soviétique et bolchevik 1. Le poids décisif de Lénine : Vladimir Illitch Oulianov, née en 1870 dans une ville provinciale sur la Volga. Milieu de la petite bourgeoisie provinciale, étudie le droit et adhère aux idées révolutionnaires. Il est marqué par l’exécution de son frère, membre des mouvances populistes, en 1893. En 1895 ; il est un des fondateur de la sociale démocratie russe (parti PSDOR) à côté de Plékhanov. En 1903, lors de la scission bolcheviks/mencheviks, il devient un personnage à part, à cause de sa différente vision du parti. Que faire ? est un ouvrage où il développe l’idée d’un parti révolutionnaire professionnel à l’avant- garde de la classe ouvrière (=volontarisme d’un petit groupe qui fait la révolution au nom des masses). Les professionnels n’ont pas d’autre métier que la révolution. Lénine synthétise la pensée marxiste et populiste, avec l’idée d’une révolution ouvrière et l’existence de groupes volontaristes sensés changer la société. En 1917 il est exilé en Suisse. Dans ce contexte de guerre, lui et d’autres révolutionnaires veulent rentrer en Russie, ils négocieront avec les Allemands qui ont tout intérêt à voir rentrer des défaitistes chez eux. De retour en Russie, il dresse un programme d’actions : les thèses d’avril. En dix points il dresse la prise de pouvoir et les premières mesures socialistes, les autres révolutionnaires le prennent pour un fou, estimant qu’il est nécessaire de passer par une phase transitoire pré-communiste. Lénine estime le moment venu pour passer tous les pouvoirs aux Soviets (paix, réforme agraire, contrôle ouvrier sur les entreprises, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Devant le succès de tels mots d’ordre auprès de la population, les Bolcheviks se rallient à cette prise de pouvoir. En juin se réunit le 1er Congrès panrusse des Soviets. 20 millions électeurs de classe populaire élisent des Soviets qui eux élisent des délégués pour le Congrès. (600 S.R et mencheviks, 150 bolcheviks). Le 25 octobre se réunit un 2ème Congrès où les bolcheviks sont 390/673. Nette montée du bolchevisme, Trotski devient le président du Soviet de Petrograd. 2. Les rapports entre le gouvernement provisoire et les bolcheviks Crise en juillet :l’offensive de Kerenski de relancer la guerre débouche sur le mécontentement des soldats, qui tentent avec les gardes rouges une insurrection et une prise de pouvoir. La forte répression des bolcheviks fait fuir Lénine en Finlande, le journal bolchevik Pravda est interdit, la peine de mort sur le front est rétablie. Kerenski devient P.M et nomme le Général Kornilov à la tête des armées. Fin août- début septembre, la tentative de putsch de Kornilov de remettre der l’ordre dans le pays est soutenue par les industriels et les propriétaires fonciers. Lorsque les troupes sont sur la capitale pour prendre le pouvoir la mobilisation populaire les met en échec. Le putsch échoue et entraîne un ras- de- marée bolchevik. 3. La prise de pouvoir d’octobre L’événement est ambigu. Pour certains, comme Martin Malia, La tragédie soviétique : histoire du socialisme en Russie, les bolcheviks ont eu des circonstances favorables mais ne se sont pas « enracinés » dans les terreau russe. L’insurrection d’octobre est un putsch, une rupture du totalitarisme comme idée politique. (l’histoire vue d’en haut) Pour d’autres historiens qui tiennent l’histoire par en bas et révisent l’aspect des choses (M. Ferro), on met en avant l’histoire sociale de l’URSS. La révolution populaire s’est déjà faite quand il y a la prise de pouvoir. Qui prend le pouvoir au nom de qui ? Linoviev et Kamenev étaient pour une victoire légale, lors d’une prochaine élection des soviets. Cette instance démocratique aurait pu se constituer en gouvernement, démocratie populaire ( par rapport au Congrès des soviets qui lui n’est représentatif que d’un certain nombre de classes). Lénine défend l’idée que l’on ne peut pas passer d’un mode bourgeois à un mode révolutionnaire sans une brutale rupture. Il est, avec Trotski, pour une insurrection au nom du Soviet. Celle-ci prend le pouvoir et le remet au Soviet. Les S.R. et le mencheviks sont mis devant le fait accompli. La vision de Lénine l’emporte, on prend le palais d’hiver sans résistance de la part du gouvernement provisoire qui est annulé. Le Congrès du Soviet entérine (=rendre valable, ratifier) l’insurrection, les S.R et les m. quittent la salle. Création d’un nouveau gouvernement : le Conseil des Commissaires du Peuple (Sovnarkom) Ce gouvernement exclusivement bolchevik émane t-il du soviet ou du parti bolchevique ? Ambiguïté de la révolution d’octobre qui met en place un gouvernement soviétique et bolchevique. Ce gouvernement est une démocratie populaire, ou dictature des classes populaires. L’assemblée constituante qui devait se réunir début janvier a été élue au suffrage universel masculin et féminin, mais la majorité est S.R, les bolcheviks ne sont que 25% Ils envoient des soldats pour dissoudre l’Assemblée, les bolcheviks refusent la démocratie représentative. La Constitution de juillet 1918 précise les catégories exclues du vote (oisifs, ecclésiastiques, bourgeois, nobles), elle est discriminante pour les anciennes classes dirigeantes. C’est un régime idéologique de lutte des classes, la Constitution en cherche pas à instaurer des lois universelles, elle reconnaît le rôle dirigeant du Parti communiste dans l’appareil d’Etat. Tout ceci n’est pas clairement perçu car les bolcheviks sont en accord, à court terme, avec les revendications populaires, ce qui donne l’impression d’une démocratie soviétique avec les bolcheviks comme représentants des soviets. Le peuple n’assimile pas les bolcheviks aux communistes, cette dissociation se dissipe en 1918 quand ils prendront des mesures de perquisition dans les campagnes. (Pour les communistes il est question de collectivisation des terres par l’abolition de la propriété privée. Pour Lénine, plus pragmatique, il est question de sentir les opinion publiques avec la défense de la patrie, de la nation, bien loin du communisme). En moins d’un an et sans véritable effusion de sang, le régime se met en place avec des révolutionnaires revenus d’exil. Dès octobre, les traits de l’idéologie s’esquissent sous la personne charismatique de Lénine. Pendant la guerre civile, l’ambiguïté se résout. SECTION 3 : Les Bolcheviks au pouvoir : l’expérience fondatrice de la guerre civile 1914-1921 est pour certains une période de troubles sans véritable rupture. Pour d’autre l’année 1917, et plus exactement le printemps 1918, marque le début de la guerre civile intestine entre paysans et pouvoir, gagnée militairement en 1920 par les Bolcheviks, et s’étendant au niveau des révoltes jusqu’en 1922. La « brutalisation » prend son sens durant cette période, étant pour certains une violence inhérente à la lutte des classes bolchevique, pour d’autres le résultat de circonstances intérieures et extérieures. ( la GM et ses méthodes de combat et d’espionnage, la multiplicité des années, la lutte des classes en elle-même et enfin l’héritage social et politique du tsarisme). I. Les mécanismes de violence : d’une Russie tsariste à une Russie rouge (Peter Holquist) 1. La Guerre totale Dès le printemps 1918 se forment des armées sur le pourtour de l’ancien Empire russe. Dans la région du Dor (cf. carte n°1) Dinikine et Krassnov sont soutenus par les Alliés pour maintenir un front en Ukraine contre l’Allemagne. En Sibérie (n°2) les S.R. lèvent une armée qui sera rapidement soumise à l’amiral Koltchak. Rapidement ces interventions contre l’Allemagne vont se transformer en intervention contre les Bolcheviks. En effet les emprunts russes, placements surs pour les petits épargnants français, sont annulés, et les entreprises dans lesquelles F. et A. avaient investi sont nationalisées. Ces pertes de capitaux sont à l’origine de nombreux lobby contre les bol. En 1919 les gouvernements démocratiques anti- bolcheviks n’ont pas réussi à se maintenir. Le conflit militaire se polarise entre les blancs, tsaristes, antisémites et voulant la restauration d’un Empire et les rouges, bolcheviks et contre les anciennes classes dirigeantes (bourgeois, clergé..) qui sont rapidement victorieux sur les fronts sud et est. Les méthodes employées sont identiques : camp de concentration des populations suspectes, villages incendiés, pillages, otages de chefs de famille pour fidéliser le village à un camp, exécutions sommaires et affiches de propagande. Les morts civils des années 1918 à 1920 furent bien plus nombreuses que durant la guerre 14-17. Les épidémies de typhus et choléra touchant aussi très fortement les populations. 2. La terreur rouge : la violence par en haut et par en bas La violence par en bas eu lieu par l’intermédiaire de la tchéka, commission de lutte contre la spéculation, le sabotage et la contre-révolution. Créée en 1917 elle est décentralisée et place ses commissions à proximité des Soviets. Ils luttent contre les suspects et mettent en œuvre la vengeance sociale. (règlements de comptes dans les tribunaux populaires envers les patrons, les propriétaires, les officiers). Dans quelle mesure les bol. Veulent-ils soutenir cette violence ? Lénine prend parti pour la tchéka à qui il veut laisser les pleins pouvoirs (texte n°2) alors que d’autres ( Zinoviev, Boukharine) ne veulent pas tâcher de sang la pureté révolutionnaire. En automne 1918, des attentats S.R. échouent contre Lénine mais réussissent sur des chefs de tchékas. Ils justifient le déclenchement de la terreur rouge (décret, texten°3), un regain de violence avec 15 000 exécutions sommaires en octobre. Lénine l’emporte et la tchéka devient une institution indispensable avec de nombreux fonctionnaires et des pouvoirs indépendants. 3. Une violence qui vient de loin : l’héritage tsariste Trouver des hommes ; les rouges auront eu durant toute la guerre civile environ 500 000 hommes, les blancs au maximum sur un même front 150 000 hommes. L’appel au volontariat ne rencontrant qu’un succès mitigé, Trotski, chef de l’armée rouge, instaure une conscription obligatoire au printemps 1918 et rétablit la peine de mort pour les déserteurs. Il décide également d’utiliser l’ancien appareil d’état tsariste en faisant appel aux officiers dont la culture militaire est de servir sans faire de politique. ( L’armée n’aura jamais pris le pouvoir en 1917, or il leur faut survivre aussi). Etrangement, les officiers des états majors se rallient en plus grand nombre aux rouges, associés à des commissaires politiques pour la pratique du front, qu’aux blancs. Au début, en effet, il était encore question de lutter contre l’Allemagne. Quand, plus tard, les officiers voudront rejoindre les blancs , ils seront soumis un purgatoire d’un an aux côtés des soldats suite à leur service dans l’armée rouge. (forte idéologie chez les blancs). Quand en 1918, 1919 la guerre civile se place véritablement entre les bol. & les paysans, les régiments sous les ordres des ces officiers auront moins de mal à tirer sur les paysans (Toukhatchevski) que des officiers formés par les bolcheviks. cette classe dirigeante aura été utilisée comme composante anti- populaire. II. D’une révolution populaire à un régime impopulaire 1. Les décrets populaires des bolcheviks (1917) -sur la terre : abolition de la propriété foncière et distribution des terres (chaque famille gagne 2-3 Ha.), multiplication de la micro- propriétés paysannes. -sur les entreprises : elles sont socialisées ( ! différent de nationalisées) avec une co-gestion dans l’entreprise et un rôle majeur au Comité d’usine. -sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : avec l’indépendance de la Finlande, de l’Ukraine, du pays de Caucase. -sur la paix : les Russes ne veulent plus se battre mais signer une paix avec les Allemands coûterait trop cher en territoires et renforcerait le pouvoir de Guillaume II (ce qui semble contre-révolutionnaire). L’offensive allemande reprend en février 18 et Trotski est obligé de signer un paix honteuse, le 3 mars 1918 à Brest- Litovsk, qui entérine la victoire allemande et cède 800 000 km2. (L’Allemagne ne perd véritablement qu’en mai 1918). Les Français et les Anglais deviennent anti-bolcheviks, suite au non respect de la clause les unissant. 2. Les réalisations confisquées par les Bolcheviks Le problème de ravitaillement des villes et du front se pose toujours et des mesures exceptionnelles sont mises en place dès le printemps 1918, avec un commissariat au ravitaillement. L’armée de ravitaillement créée en avril 1918 est composée d’ouvriers et d’anciens soldats, chargés de chercher du blé dans les campagnes chez les koulaks (texte n°1) On créée des comités de paysans pauvres dans les villages. Les paysans russes vivent mal les réquisitions. La résistance paysanne à l’égard de ceux des villes se développe, avec la guérilla des verts. Ils ne cultivent plus- baisse de la surface agricole durant la guerre civile de 35% à 60%- ce qui débouche sur la famine de 1921. SECTION 4 : La recomposition des espaces : Emergence des Etats- nations en Europe centrale et spécificité de la construction européenne Avec la guerre surgit à l’est le problème des Empires multinationaux. La multiplicité des peuples et leur imbrication se couple d’un découpage souvent différent de celui des nationalités (souvent issu de conquêtes impériales). Les nationalités majoritaires ont dessiné des aires culturelles à fort pouvoir d’assimilation (Russes, Allemands, Autrichiens, Italiens dans les Balkans). Dans le contexte de guerre balkanique contre l’Empire ottoman apparaissent de jeunes Etats nations conquérants (Roumanie, Bulgarie, Serbie). La continuité étatique peut être revendiquée lorsque l’indépendance d’un pays a déjà eue lieu (Pologne, Tchèques de Bohême, Croates, Lituaniens, Arméniens, Géorgiens) Un travail de construction identitaire autour de la langue (Slovènes, Slovaques, Lettons) Un nationalisme irrédentiste qui s’appuie sur un Etat extérieur (Ukrainiens de Pologne qui réclament un rattachement à l’Ukraine). I. Les modèles de construction nationale Modèle français : XIXème, texte de Renan « Qu’est-ce que la nation ? » La France est fondée sur son territoire, y vivre suffit à l’assimilation. Ce modèle se retrouve dans le modèle bolchevique qui refuse la définition ethnique. En 1913, Staline fait le point sur la conception révolutionnaire et s’éloigne de l’idéal républicain dans « le marxisme est la question nationale ». Les critères retenus sont la langue, le territoire, la cohésion économique et la formation psychique. Dans un second temps, le sentiment national doit dépérir au profit de la formation d’une grande communauté socialiste. Modèle autrichien : modèle socialiste, austro- marxiste. Karl Renner rédige en 1902, 1904 des thèses sur l’autonomie personnelle. L’état nation n’est pas un cadre opératoire en Europe centrale. Il propose des cadastres nationaux sur lesquels s’inscrivent les individus pour décider de la législation, du budget, de l’administration. L’ensemble des individus forme la nation (en Bucovine, proche Roumanie, des cadastres ruthènes, allemands, polonais et roumains). Cette solution suppose le maintien de grandes entités et permet notamment le maintien de l’Empire A- H. Modèle yougoslave : proche du modèle italien qui unifie l’Italie autour du Piémont (théorie du XIXème de Mazzini mise en place par Garibaldi). Ici l’idée est un état commun pour les Serbes, Croates, Slovènes avec comme Piémont la Serbie. Non pas une fédération de trois peuples, mais un état fort. Le fondement de cette vision est géographique, le terrain a créé une culture et des habitudes de vie communes, il n’y a pas de volonté de découpage. (géographe Cvijic). Les Croates auraient préféré un modèle à deux têtes (comme A- H) et les Croates de Dalmatie craignent le rattachement à l’Italie. Fondateur de la Yougoslavie : Nicola Pasic. II. Des frontières en devenir 1. Les leaders nationaux, interlocuteurs des grandes puissances - Masaryk, Benes, entité tchécoslovaque créatrice d’un Conseil qui siège à Paris dès 1916. Lobby en faveur de l’indépendance. - Pilsudski en Pologne, socialiste patriote qui a des antécédents révolutionnaires. Chef du parti socialiste polonais depuis 1894, commandant des légions servant aux côtés de l’Autriche, s’érige comme chef de l’indépendance et veut étendre la Pologne à l’est. - Nicola Pasic, membre du parti des vieux radicaux serbes, est à la tête de la délégation yougoslave lors de la conférence de paix à Paris. (octobre 1917 : droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) - Le sultan Galiev, un tatar qui crée un état pan musulman avec Kazan comme centre - Dans le Caucase, l’Arménie et la Géorgie sont indépendantes. 2. Les mouvements d’indépendance au gré des circonstances Les 5 étapes : - Sous l’occupation allemande de 1915 se développent les mouvements indépendantistes - La révolution de février 1917 offre la possibilité d’un printemps des peuples, les Géorgiens, Ukrainiens, Arméniens se déclarent indépendants. - La révolution d’octobre et le décret sur les nationalités (droit des peuples à disposer d’euxmêmes) multiplie les indépendances dans l’ancien Empire russe (Azerbaïdjan). - Les négociations de paix de Brest- Litovsk en mars 1918 débouchent sur un signature qui entérine l’occupation allemande. - Suite à la défaite allemande, les Alliés reconnaissent les indépendances dans les traités de 1919, 1920. les 3 états du Caucase deviennent véritablement indépendants en mai 1918, volonté de créer un Caucase tampon en Méditerranée. ? ? ? Les différentes maturations des indépendances : Personne ne dénie aux Polonais le droit d’avoir un Etat. Pour les peuples de l’Empire A-H, les Alliés ne se rallient qu’en 1918 à l’idée d’un démantèlement (dans les 14 points de Wilson il est question du maintien de l’Empire). En mai 1918, déclaration favorable à la libération des tchécoslovaques et des yougoslaves. 3. Le processus de conquête ou reconquête Idée de faire coïncider l’espace rêvé et l’espace national. La grande Serbie, la grande Roumanie (qui profite de la défaite russe pour s’emparer de la Bessarabie en janvier 1918), la Pologne qui va faire 3 guerres pour s’agrandir (1919 contre l’Allemagne pour la Poznanie, 1919 contre l’Ukraine et 1920 contre la Russie) et dont la frontière sera finalement délimitée à 150 km à l’est de la ligne Curzon. La conquête bolchevique se fait au nom de la révolution, et non pas du patriotisme. L’armée rouge veut aider les révolutionnaires dans le Caucase (comme le Géorgien Ordjonikidze) et va ainsi soutenir les petites insurrections régionales en Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, car le Caucase est hautement stratégique de par sa position entre l’Europe et l’Asie et ses ressources (matières premières). Le Caucase nord (nombreuses républiques de montagnards Tchétchènes et Daguestan) et le Caucase sud (Transcaucasie : GE, AR, AZ) seront dans un premier temps intégrés à la Russie, puis leur entité républicaine au sein de l’URSS sera reconnue. La menace turque dans la région du Caucase va faciliter l’acceptation de l’armée rouge (1915 : massacre des Arméniens pro- russes) par la population, tout comme les 2 minorités (abkhaze et adjar) en Géorgie qui soufrent depuis la déclaration d’indépendance du pays en 1918 et préfèrent la tutelle russe. En Asie centrale, riche région de l’Ouzbékistan, l’armée rouge reconquiert les états de Khira et Boukhara à la faveur de l’amiral Koltchak. Idée de colonialisme pour la Russie, qui vit mieux avec le Caucase et l’Asie centrale. III. La délimitation des frontières On retient des critères ethnographiques (partage entre 2 ethnies), économiques (prise en compte du terrain) et administratifs (tracés des districts, provinces). Les Alliés recherchent des entités fortes et viables, pouvant résister à la poussée bolchevique et à un éventuelle revanche allemande. Les bolcheviks veulent un espace différent de l’Empire russe (prison des peuples), qui respecte les sentiments nationaux (principe de Lénine) mais qui puisse aller vers le socialisme. 1. Les états récompensés après guerre La Pologne a le statut d’enfant terrible. La Tchécoslovaquie d’enfant sage. Lors du démembrement de l’A-H ces états profitent d’une réorganisation du territoire mais de nombreux endroits sont sujets à des contestations. Teschen sera finalement aux 2/3 tchécoslovaque. La Roumanie, qui a signé une paix séparée avec l’A-H en mars 1918, sera finalement bénéficiaire. Elle prend la Transylvanie sur l’A-H, la Bucovine aux Autrichiens et la Dobroudja à la Bulgarie. 2. Le problème des minorités Minorité : éléments de population qui diffèrent de la majorité de leurs concitoyens quant à la race, la religion, la langue et qui sont placés sous une souveraineté qui n’est pas celle de leur choix. (la définition retire ceux qui pourraient être assimilés). 80 M de personnes changent de nationalité et 20 M sont considérés comme des minorités. Les minorités peuvent ainsi être soutenues par le pays voisin (Hongrois de Transylvanie) : il s’agit de la revendication de l’irrédentisme. Sous pression de la SDN, les états d’Europe centrale acceptent les traités concernant les droits des minorités, qui peuvent s’adresser à elle en cas de non application. 325 demandes seront adressées, concernant le droit à la non discrimination, le droit de parler sa langue devant les tribunaux, droit d’apprendre sa langue, d’avoir une équité dans le budget (reconnaissance juridique qui peut parfois marginaliser les minorités). Les nouveaux états nations n’appliquent pas ces traités qui portent atteinte à leur souveraineté nationale. De plus les garanties des minorités empêchent leur assimilation. Le plus souvent il n’y a pas de procédure judiciaire, mais un compromis. 14 demandes arriveront au conseil des nations pour une solution politique et 3 demandes seront examinées devant la Cour permanente de justice (3cas allemands concernant la Poznanie). 3. La spécificité de la construction soviétique Le 30 novembre 1922 est créée l’union des républiques socialistes soviétiques (URSS) qui institue une construction fédérale de républiques et non pas un Empire centralisé comme l’était l’Empire russe. La République socialiste fédérale soviétique de Russie (RSFSR) est elle-même une structure fédérale multinationale, Lénine a compris l’enjeu des nations mais voit ce système comme une étape : le bolchevisme doit finir par unir ces Républiques. Ce système, favorable aux minorités nationales, (Terry Martin parle de « the affirmative action Empire »), combat les nationalismes dominants (contre la nation géorgienne et pour l’Ossétie). Au sein des élites politiques, les discussions concernent le découpage. Selon certains il devrait être plus ethnographique, ce qui implique un nouveau recensement ; pour d’autres (comme économistes et géographes) il doit suivre les grands ensembles géo- économiques. Comment découper les frontières ? Le but étant à terme de diminuer les nationalismes, on crée une grande République biélorusse pour faire contrepoids au nationalisme ukrainien par exemple. L’objectif est de créer un pôle d’irrédentisme pour les populations biélorusses d’autres pays. Mais la Biélorussie sert aussi d ‘état tampon entre la Russie et la Pologne. En janvier 1924 est adoptée la Constitution de l’URSS : les Républiques ont un droit de sécession, la structure étant ouverte à de nouvelles adhésions les autres Républiques ont le droit de s’intégrer. L’autorité fédérale de Moscou (Sovnarkom) a tout pouvoirs en matière de défense, de budget, de planification de l’économie. Les Républiques auront compétence en matière d’éducation, de justice, police, santé. Certaines prérogatives économiques et sociales sont partagées entre les deux niveaux de pouvoir. Cette Constitution est moins souple qu’il n’y partait : l’idéologie communiste est en fait très unitaire, centralisée. Le PC a Moscou a tous les pouvoirs, il n’y a pas non plus de liens horizontaux entre les Républiques, seulement un lien avec le centre. Quant au droit de sécession, il est rendu difficile par la subsistance des minorités qui pourraient s’opposer à un projet d’indépendance (l’Ossétie est soutenue par les Russes) Remarque :On ne peut pas parler de stratégie précise de la part des bolcheviks pour anéantir les nationalismes, les décisions politiques avancent au coup par coup, l’URSS va d’ailleurs contre son gré exacerber les sentiments nationaux. Point pour l’actualité : les Républiques fédérées devenues indépendantes en 1991 étaient 1) des zones conquises plus tardivement, 2) des zones avec certains droits dans le tsarisme (Géorgie, Ukraine), 3) des structures qui avaient déjà un état. Les Tchétchènes et le Daguestan eux sont des républiques de montagnards, considérés comme partie intégrante de la Russie, et qui ont toujours été indépendantistes depuis le temps des bolcheviks. A l’époque, leur indépendance aurait été comme une verrue au milieu du territoire, depuis 1991 ces deux régions se trouvent en périphérie et remettent en cause l’appartenance du Caucase à la Russie. Malgré la volonté de rationalité des bolcheviks en créant l’URSS, son instauration par le découpage des frontières a eu des effets induits : L’irrédentisme lié aux minorités nationales : la protection des minorités sert davantage les revendications révisionnistes allemandes, hongroises, que la pacification et la stabilisation (les Hongrois de Transylvanie exigent leur rattachement à la Hongrie et déposent des recours à la SDN). L’URSS va contribuer à développer les nationalismes. Les points communs de ces nations : - I. 1. la difficulté à instaurer une démocratie politique (sauf Tchécoslovaquie) les problèmes agraires et les problèmes nationaux des minorités la situation géopolitique d’espaces tampons qui définissent leur politique extérieure en fonction de leur positionnement diplomatique entre les deux grands voisins. l’impossible mise à l’écart lors du conflit mondial : ils sont pays envahis (Pologne, Slovaquie- Bohême- Moravie =Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Albanie, Grèce), alliés au camp de l’Axe (Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Finlande, Croatie, Slovaquie) ou annexés par l’union soviétique (Pays Baltes). Les difficultés d’instaurer une démocratie politique : des expériences très partielles Pologne : une expérience de démocratie avortée Le 7 novembre 1918 est proclamé le gouvernement provisoire qui évoque l’égalité totale entre tous les citoyens indépendamment de leur origine sociale, de leur confession, de leur nationalité. Avancées sociales ( assurance maladie, salaire minimum, école primaire gratuite et obligatoire). Pilsudski est reconnu comme chef suprême de l’état et une Constitution sur le modèle de 1789 est promulguée le 17 mars 1921. Le parti de Dmowski, national démocrate, qui regroupe les anciennes élites, est considéré comme libéral à la fin de la guerre. Nationaliste, il évolue dans les 30’ vers l’extrême droite. Le parti socialiste polonais de Pilsudski, nationaliste, populiste, et plus à gauche sur le plan social. Le parti paysan PSL, proche de Pilsudski, qui défend la réforme agraire. Trois problèmes pèsent sur la mise en place de la démocratie : - l’instabilité des frontières et les revendications nationales - l’ampleur de la crise économique - la division des partis qui place l’unité de la Pologne dans l’armée. D’où le rôle croissant des militaires qui font une marche sur Varsovie en mai 1926 à l’image de celle de Mussolini. En août 1926, un amendement à la Constitution renforce le pouvoir présidentiel, le régime du colonel glisse vers la dictature et fait face à des protestations démocrates en 1930 et paysannes. La répression s’accentue, les élections de 1930 sont falsifiées et 1935 marque l’achèvement d’un pouvoir autoritaire. La Pologne est emblématique de ce qui se passe dans beaucoup de pays. Le régime est trop peu moderne pour être qualifié de fasciste, il ne possède pas les dimensions d’un homme nouveau, dynamique et totalitaire. Mais il possède les aspects d’une dictature autoritaire, avec le culte du leader qui contrôle le pouvoir réel plus que constitutionnel et le poids des militaires. 2. L’exception tchèque de l’isolat démocratique (Antoine Marès) La Constitution démocratique de février 1920 instaure un système parlementaire avec représentation proportionnelle et suffrage universel. Cette Constitution ne sera modifiée qu’en 1938. Mais l’atomisation de la vie politique (nombreux partis à l’Assemblée) entraîne les prises de décisions par le président. Masaryk, président de 1918 à 1935, a le pouvoir d’un roi non couronné, on parle de dictature du respect. Une limite de cette démocratie est la non institutionnalisation de la question des minorités, les Slovaques et les Allemands (Sudètes) de Tchécoslovaquie réclament plus d’autonomie. 3. Les régimes conservateurs hongrois et roumains Les élites traditionnelles conservatrices (propriétaires fonciers) dominent la vie politique. Le rejet de la démocratie et le nationalisme virulent (Grande Roumanie, grande Hongrie révisionniste) se placent sur fond d’idéologie anti-judéo-bolchevique. Hongrie : suite à l’effondrement A-H, une 1ère révolution démocratique est menée par le comte Karolyi, puis une seconde par le révolutionnaire marxiste Béla Kun. (ces deux révolutions de 1918, 1919 sont à rapprocher des révolutions russes avec un prince au pouvoir puis les bolcheviks). L’expérience de ces deux révolutions fait perdre au pays 2/3 de son territoire par les traités de paix (55% de sa population), et un régime contre- révolutionnaire chrétien, nationaliste et antisémite se met en place, représenté par l’Amiral Horthy. Il poursuit Béla Kun avec l’aide des Roumains, alors en train d’envahir la Transylvanie qu’on vient de lui accorder. En 1920 est élue une Assemblée avec la droite conservatrice et les petits propriétaires terriens, avec une Constitution de type monarchique et une chambre haute composée de notables. La Hongrie espère la restauration des Habsbourg, garant d’une grande Hongrie. Mais le 6 nov. 1921, sous pression des Alliés qui refusent cette restauration, l’Assemblée vote la loi de détrônement renonçant ainsi à la monarchie. Le système s’oriente de plus en plus vers une droite conservatrice et ce fascise. Dans le milieu des années 30, le mouvement des croix fléchées nourri du révisionnisme hongrois et du judéo-bolchevisme prend de l’ampleur. Horthy rejoindra Hitler en 1938 en s’appuyant sur le fascisme. Roumanie : système monarchique nationaliste et antisémite avec Assemblée dominée par les propriétaires terriens. Le mouvement légionnaire de la garde de fer se rapproche du nazisme, en 1938 le roi Carol II instaure une dictature royale avec une forte influence des militaires. Le 14 septembre 1939, la guerre vient de commencer et le Général Antonescu instaure un Etat national légionnaire, le roi abdiquant en 1940 la fascisation des régimes s’explique par l’inadaptation des modèles occidentaux trop centralistes et ne tenant pas compte de la réalité des minorités. II. 1. Les problèmes auxquels sont confrontés les pays d’Europe centrale La tentation révolutionnaire et la contre- révolution Influencés par la révolution russe les pays d’Europe centrale sont confrontés à la question des réformes agraires, qui entraîne la présence de communisme en Bulgarie et en Hongrie. La République soviétique hongroise de Rakosi calquée sur le modèle soviétique dure 133j, avec tentatives de nationalisation des entreprises et confiscation des terres (la contre- révolution menée par Horthy y met fin). Durant l’entre-deux guerres les PC sont interdits en Pologne, Roumanie ; les leaders communistes partent en exil à Moscou, ce qui explique qu’ils sont peu connus de la population,( exception pour le PC de Tchécoslovaquie qui n’est pas considéré comme étranger à son pays car autorisé et acteur de la vie politique majeur). 2. La question nationale Le centralisme des constitutions dans les différents pays ne tient pas compte de la moitié de la population appartenant à une minorité avec le problème slovaque, allemand, polonais. La Roumanie ne respecte pas le tiers des minorités de son territoire, une organisation terroriste milite pour le rattachement de la Macédoine à la Bulgarie et procède à des attentats en Yougoslavie. La crise économique des 30’ touche en Europe en premier les banques allemandes et autrichiennes. La production industrielle chute et une crise sociale s’ensuit. 3. La question sociale Dès les années 19, 20, les mouvements paysans en Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie réclament la réforme agraire. En Hongrie elle est stoppée par le régime contre-révolutionnaire. La réforme se fait dans un contexte de nationalisme comme en Roumanie, où les terres de Transylvanie sont données aux paysans (expropriation des propriétaires hongrois). En Pologne la distribution des terres a lieu en Poznanie (expropriation des propriétaires allemands) mais de manière non accomplie à l’est, sur les territoires annexés à l’Ukraine et la Biélorussie (les propriétaires sont polonais). Une révolte paysanne a lieu en Galicie où 14 000 paysans réclament la réforme agraire. Dans ces pays, les partis paysans sont importants ; ils sont soit plus proches des propriétaires, soit proches des partis socialistes (parti paysan polonais), soit liés à des revendications nationales (parti paysan slovaque). Après guerre l’inflation est galopante en Europe centrale, la situation se stabilisera avec les plans de la SDN. Une amélioration de la situation dans les années 20 sera suivie de la crise dans les 30’ avec l’effondrement de l’agriculture. III. 1. Quelle marge de souveraineté en matière de politique extérieure La question des petits états Les états d’Europe centrale ont conscience d’être des petits états et sont donc hostiles envers les grandes puissances dont ils sont tenus à l’écart. ( le 7 juin 1933 Mussolini a l’initiative d’un pacte des 4 afin de rétablir le directoire européen pour aboutir à la révision négociée des frontières d’Europe centrale). Ils ont différents stratégies et perceptions, mais la SDN apparaît comme une chance pour ceux partisans du statut quo. En effet, pour Benes ou Titulescu il n’y a pas de sécurité sans cadre collectif. La Hongrie est constamment révisionniste, sauf sur la question des minorités qu’elle utilise pour la révision de ses frontières ; l’Allemagne, elle aussi puissance révisionniste, se rapproche entre 1924 et 1930 du statut quo avec Stresemann. Concernant la Pologne, elle revendique un siège permanent au Conseil de la SDN car elle se considère comme une moyenne puissance et après tout, l’Allemagne et l’URSS ont bien des sièges des 1934. Le ministre des affaires étrangères de Pilsudski, Beck mène une politique de balancier multilatéral dans l’orbite des grands voisins avec une alliance avec la France dans les années 20 et un pacte de 10 ans en 1934 avec l’Allemagne hitlérienne. Ses relations avec la Russie sont plus prudentes, le traité de Rapallo en 1922 entre la Russie et l’Allemagne est vu comme une menace. 2. L’anti-révisionnisme des puissances dans l’orbite de la France Jusqu’en 1936 (démilitarisation de la Rhénanie), les pays alliés à la France (Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Serbie) considèrent que celle-ci est capable d’empêcher la révision des frontières. Locarno a sécurisé la frontière franco-allemande et à l’est des pactes d’assistance bilatéraux ne suffisent pas à supprimer la crainte d’une invasion allemande ou de l’expansion soviétique. Mais dès lors la situation change, et en 1936-1939 les pays d’Europe centrale continuent à confondre le danger : pour eux la menace vient d’H-A, avec la restauration de la monarchie en Autriche (en 1937, pour éviter l’Anschluss). Il faudra attendre 1938, lorsque l’Allemagne annexe les Sudètes tchécoslovaques lors de la crise de Munich, pour comprendre le danger allemand. Durant la crise de Munich la Pologne s’empare de Teschen, occupe Vilnius et réclame Dantzig. Mais dès 1939 l’armée n’a pas les moyens de se défendre, le 31 mars 1939 elle obtient le soutien de la GB. SECTION 7 : Le système politique stalinien: De la dictature du Parti à celle d’un homme 1920 21 : Guerre civile 1922-32 : Grand tournant 1936-38 : Grande terreur Le régime en URSS a t-il été totalitaire ? A partir de quand ? Aujourd’hui les historiens sont face à une remise en perspective de la terreur stalinienne et de la coupure de 1934 (assassinat de Kirov). Elle apparaît en effet d’avantage comme un épisode que comme une coupure, suite logique de la collectivisation (1928-30) et politique qui s’attaque à la société en général. Cette période est caractérisée par un haut niveau de répression et un régime largement en guerre contre sa population (contrairement au nazisme, plus consensuel). I- D’une dictature du Parti à celle d’un homme 1- comprendre le fonctionnement du parti Le PC est fondé en 1903 et prend son nom en 1918, il se base sur des militants de la base vers le sommet et sur les entreprises (usines), selon une conception ouvriériste. Le Congrès du parti se réunit tous les ans, les deux ans, beaucoup moins dans les années 30. Du Congrès émane les organismes du parti. Il vote une liste du comité central, instance dirigeante (200 personnes). Le comité central coopte le bureau politique, instance décisionnelle au sein du parti. Son statut est affirmé en 1930 comme direction de l’ Etat parti. Il y a deux organigrammes parallèles : d’un côté le pouvoir exécutif dans les mains du Sovnarkom (conseil des commissaires du peuple), avec Lénine président. D’un autre le bureau politique, où il siège également. Après sa mort, les hommes prééminents ne sont pas les mêmes, il n’y a pas d’unité de fonctionnement. Mais dès décembre 1930 Staline, à la tête du bureau politique, obtient la nomination de Molotov, son bras droit, à la place de Rykov. A partir de là, le Sovnarkom ne va faire qu’entériner les décisions du bureau. Il y aura également la volonté d’unifier les tâches techniques (experts compétents) et les tâches du parti que sont les questions de nationalité, culture, propagande. 2- Staline héritier plus que chef charismatique Contrairement à Hitler qui, grâce à son charisme, va contre les institutions pour diriger, Staline n’est pas un homme populaire. Géorgien né en 1879 dans une famille pauvre, il étudie pour devenir Pop puis devient révolutionnaire, et membre du comité central du parti en 1912. Il n’a connu ni l’exil ni l’Europe, et en tant que militant de l’intérieur a toujours considéré les autres comme des « planqués ». Grâce à Lénine il est nommé en 1922 secrétaire général du parti, une structure aveugle, non politique, mais c’est un homme de réseau, qui sait diriger. Du secrétariat part une structure de nomination du haut vers le bas que Staline, animal politique, comprend très bien. Il va alors jouer un rôle dans la colonne vertébrale du PC et de nombreux hommes lui seront redevables de leur poste. Staline a compris le pouvoir de l’administration sur le politique, mais est sous-estimé à l’époque. Il utilisera ainsi cet outil pour lutter contre les oppositions de droite et de gauche (Zinoviev, Kamenev) ainsi que le GPU (police politique), qui remplace la Tcheka depuis 1922. Un système de liste de postes réservés à des membres du PC lui permet d’entériner des candidatures à travers le bureau politique, et ainsi développer un réseau de clientélisme auprès de la nomenklatura, classe dirigeante. Il faut aussi noter que Staline met en place le culte de Lénine (mausolée, iconographie, ouvrage sur la pensée de Lénine avec des préceptes simples à assimiler) comme garant de l’unité du parti. Il fait entrer 200 000 militants sans rituel de formation, une masse de main d’œuvre contre les autres successeurs de Lénine. A partir de là le parti a un faible niveau culturel, l’idée est de s’appuyer sur un peuple docile (populisme). 3- Le constructeur du socialisme et d’un nouveau parti Dès 1929 Staline tente de refonder le pouvoir sur une base qui lui est spécifique. Il met en place une collectivisation et accélère l’industrie, ainsi que de nombreuses réalisations pratiques qui auront lieu lors du grand tournant. La Constitution de 1936 est présentée comme la plus démocratique du monde autour de 3 catégories sociales : les kolkhoziens, les ouvriers, l’intelligentsia soviétique. Vers 1936-38 Staline réintroduit la patrie (images de mères de famille) et la réhabilite par écrit dans un ouvrage qui devient manuel scolaire. II- Pouvoir et société : un état de guerre Relais à la volonté totalitaire et répressive : des piliers aident à la mise en place socialiste (membres du parti, militants, jeunes communistes, délateurs payés par le MKVD police politique). De nombreux cadres, au départ ouvriers ou paysans (praktiki), sont formés par le régime dans des universités ouvrières. Techniciens ou ingénieurs, ils doivent leur ascension sociale au régime. L’émulation socialiste remplace le capitalisme : produire plus et être récompensé par l’accès à certaines choses (Stakhanov). Pour une minorité il y a véritable création d’une civilisation stalinienne, du stalinisme comme socialisation (Magnitogorsk), mais l’essentiel de la population reste hostile aux événements des années 30. 1- périodisation et grande terreur A la guerre contre la paysannerie (1918-22) succède la cible des cadres, bureaucrates et fonctionnaires. De nombreux procès ont lieu avec la volonté de trouver un bouc émissaire pour la mauvaise application des directives. Staline utilise la haine du peuple envers les bureaucrates pour renforcer son pouvoir (populisme anti-bureau). Ceux qui n’ont pas de place dans la société socialiste (élément socialement dangereux, élément déclassé, criminels, ex-pop) sont également victimes des aspirations à une pureté socialiste. La permanence de la répression est le mieux symbolisée par le goulag, administration principale des camps. Suite à l’occupation par des détenus d’une île au nord de la mer blanche, ancien monastère, on décide de développer le système des camps dans le cadre des grands chantiers des plans quinquennaux. On envoie toute peine de plus de 3 ans sur le grand chantier métallurgique de Magnitogorsk, dans l’Oural. Le GPU et le MKVD gèrent le goulag : 148 000 détenus en 1930, 300 000 en 1932, 965 000 en 1935. Un soviétique sur dix a connu de près ou de loin le goulag. Parallèlement est mis en place un système de colonies spéciales où les déportés sont assignés à résidence dans des zones insalubres d’Asie centrale et de Sibérie. Art. 58 du code pénal : toute personne suspectée de crime contre révolutionnaire. Il y a là de nombreux droits communs (peines de moins de 5 ans), des criminels, des voleurs, mais aussi des citoyens envoyés là à cause de la pénalisation de plus en plus forte. Les colons spéciaux sont plus nombreux que les travailleurs des goulags. La mortalité y est plus forte, entre 34 et 40, 300 000 personnes sont mortes dans les camps, le double dans les colonies. 2- guerre contre les paysans En 1929 commence la dékoulakisation avec un commission dirigée par Molotov. Il y a 3 catégories : les contre-révolutionnaire (600 000 familles), envoyés dans les goulags, les koulaks de 2ème catégorie, 1,8M de colons spéciaux en « déportation abandon », et tous les paysans des kolkhozes victimes de la répression contre l’ensemble de la paysannerie en 1932-33. La loi des épis de 1932 permet d’envoyer les paysans et paysannes en camps sur motif de vol de la propriété socialiste. 3- pénalisation globale des rapports sociaux En décembre 1932 chaque citadin reçoit un passeport afin de mieux contrôler l’identité sociale et politique des habitants. Dans le contexte d’exode rural de l’époque, les villes apparaissent comme des vitrines du socialisme et ne reçoivent le passeport que les citoyens socialistes. Sont expulsés les ex-koulaks (paysan enrichi) enfuis des zones d’assignation à résidence, les déclassés (anciens bourgeois….). Ces opérations de répression de sans- papiers sont menées par une troïka : un membre de la police politique, un fonctionnaire du parti, un fonctionnaire de l’ Etat. III- Resituer la grande terreur Depuis le 1er plan quinquennal (1928-30) se préparent les procès de Moscou, largement écran, qui s’inscrivent dans le cadre de la lutte contre les cadres et les spécialistes. Des dizaines d’affaires sont fabriquées par le GPU avec comme objectif politique de supprimer les générations de cadres pré-staliniens, Staline étant convaincu d’une menace terroriste en Russie. En 1934 sont éliminés 98/139 membres du comité central du parti, des généraux de l’armée rouge, des diplomates. La période de septembre 1936 à décembre 1938 est caractérisée par les années noires de Iejov, chef du MKVD. A partir de 1937 les ordres opérationnels sont dictés par Staline ; la grande terreur prend un caractère centralisé et planifié, avec une liste de 44 000 noms de dirigeants, écrivains, cadres, à arrêter ou à fusiller. En une année 1,5 M de personnes sont arrêtées, 85% condamnées, 682 000 personnes fusillées. Les régions ont un quota de répression à respecter (dans la lignée du plan quinquennal qui vise à tout quantifier) souvent dépassé par les fonctionnaires locaux. CONCLUSION : Le communisme aura eu un discours décalé avec la réalité, étant question en 1936 de la plus grande démocratie du monde et procédant les mêmes années à des actes de répression atroces. Dans le cas de la terreur nazie le racisme fait partie du discours, mais les actes de violence sont cachés, du fait de la culture administrative allemande de plus haut niveau. La répression russe a moins d’états d’âme, sous prétexte de lutte contre un pays infecté de saboteurs, de trotskistes, de classes non prolétariennes et la brutalité reste bien plus visible. Avec la 2nde guerre mondiale le régime acquiert une nouvelle légitimité, Staline établit un consensus en tant que chef du parti et chef de la patrie, qu’il a faite combattre contre l’envahisseur étranger.