Champs et méthodes de l'anthropologie Introduction Les champs d’études et d’applications de l’anthropologie sont beaucoup trop nombreux pour pouvoir être tous étudiés. Nous en avons donc choisis trois : Anthropologie économique (Godelier - sur les M'Buti) Anthropologie sociale et culturelle (Jeanne Favret Saada - Sur la sorcellerie) La mythologie (Et ritologie - Les Hopi en Amérique du Nord) Deux remarques liminaires : 1. L’ethnologie s’éloigne de plus en plus des Sciences Fondamentales et Expérimentales (SFE), au regard de la double notion d’objet d’étude et de méthode. En effet, dans les SFE, les chercheurs construisent un objet d’étude de manière consciente, qui doit ensuite être éprouvé sur le terrain, qui n’est alors qu’un outil pour démontrer son objet d’étude. En ethnologie, l'objet d’étude est aussi à construire, à travers nos regards, nos motivations. C'est ce que l’on peut appeler la « thématique ». Mais cet objet d'étude, confronté au terrain, évolue et fait ainsi évoluer la méthode. En effet, à la différence des SFE nous avons également un sujet d’étude à manier. Dans les années 1960-1970, apparaît ce sujet qui n’est autre que le terrain. Cette communauté avec laquelle, (et non pas sur laquelle) on va travailler, qui doit être comprise dans sa dynamique. Les sociétés sont en effet imprévisibles, difficilement prédictibles dans leurs actes. Les terrains actuels ont de plus en plus tendance à se fermer à l’ethnologue. Le terrain a un sens : les sociétés sont indépendantes du regard de l’ethnologue. Elles peuvent l'accepter sous conditions ou le rejeter. On essaye de traiter de sujet à sujet, parfois en laissant de côté l'objet d'étude. 2. Ces sciences se distinguent également par leur démarche. La démarche déductive pour les SFE : On part de théories, on émet hypothèses que l’on va éprouver sur le terrain. (qui n’est qu’un outil). Plusieurs chercheurs doivent expérimenter la même chose pour la confirmer : c’est le phénomène de vérification de preuves. La démarche inductive pour l'ethnologie : Le terrain est l’interlocuteur premier, il faut faire preuve de décentrement (Géographie, culturel, intellectuel). On met le corpus théorique en veille, l'hypothèse est émise à partir du terrain, qui peut lui-même remettre en question notre objet d’étude. Les notions de mesure et de preuve n'ont pas vraiment de valeur en anthropologie. À l'inverse des sciences dures, cette méthode ne conduit pas à des analyses quantitatives, mathématiques. Méthodes de l'anthropologie Bibliographie : Daniel Fabre et Gérard Lenclud, Vers une ethnologie du présent (1992) Jean Cuisenier, Martine Ségalen, Ethnologie de la France (Que sais-je?) Michel Agier, Aux bords du monde : les réfugiés (2002) Anthropologues en danger, l'engagement sur le terrain (1997) Pour une anthropologie des mondes contemporains, 1994 Alban Bensa, De la micro-histoire vers une anthropologie critique (1996) Jeanne Favret-Saada, Les Mots, la Mort, les Sorts (1977) Notions de mesure, de contrôle et de vérification Dans les SFE, l’observation est toujours soumise à répétition, par la notion de mesure, et de preuve d’une expérience qui va être reproduite d’une manière identique, quelque soit l’observateur, et qui va ainsi permettre de corroborer un phénomène et de l'inscrire dans une chaîne cumulative de connaissance. En ethnologie, où l'on traite de phénomènes socio-culturel, de l'Homme et de la société, on a pas d'instrument de mesure. L'ethnologie est l'observation et la description d'un fait, suivi de son analyse et de son interprétation. Mais ces faits là ne peuvent être ni mesurés, ni contrôlés, ni vérifiés. Cela n'empêche pas que cette discipline soit une science rigoureuse et analytique. même si il n’y a pas cette méthode du vérificateur. Les études sont non vérifiables. On ne peut pas observer deux fois la même culture, par exemple, si celle-ci a disparu : Le premier récit historiquement connu d'un peuple différent date de 1498. c'est le journal de Ramon Pané, qu'il ramène de la deuxième expédition de Christophe Colomb. Il y décrit les Taino (Caraïbes, Antilles). C’est une population qui a disparu en moins de 50 ans. Elle a été massacrée mais aussi victime de maladies et de l’esclavage, Sans ces écrits, on ne connaitrait pas l'existence de ce peuple. Les Fuégien, habitants de la Terre de Feu au XVIIIème siècle (Ona, Alakaluf, Yagahan). Les carnets de Bougainville nous indiquent les première rencontres avec eux. Il n'existe pas de preuve scientifique de leur existence, mais on fait confiance à ces hommes de l'ancien temps. Il n'y avait pas de raison de fraude, contrairement à aujourd'hui. Ces carnets, pré-anthropologiques, sont subjectifs, et non dénués de l’idéologie de l’époque. Ce sont des informations de première main. Selon Malinowski, dans ces cas, on ne peut que conjecturer le passé. Parfois, à la lecture de travaux de différents ethnologues sur le même terrain, on se trouve confronté à un doute tellement les discordances sont importantes : Y a-t-il eu erreur d’observation et/ou d’interprétation d'un des ethnologues? ou alors une dynamique singulière de la société observée, quelque chose qui fait qu’elle n’est plus la même aujourd’hui ? Une telle controverse, confrontant Margaret Mead et Derek Freeman est restée célèbre : Margaret Mead (courant culturaliste) mène son enquête sur les îles Samoa, de 1928 à 1969. Elle fut longtemps incontestée et un phare de l'anthropologie. Elle publie en 1955 Mœurs et sexualité en Océanie. Rappel historique : En 1899, le traité de Berlin partage respectivement les Samoa occidental et oriental, entre les Allemands et les Américains. Les Anglais ont eu les îles Tonga et les îles Salomon. Il y avait déjà des conflits et des tensions entre les deux Samoa. En 1963, l’indépendance du Samoa oriental est déclarée, ce qui entraine une crise économique. Margaret Mead, mène son enquête du côté américain, mais ne le précise pas. Elle s’intéressait au processus de socialisation des jeunes enfants et des adolescents, pour vérifier l’hypothèse émise par Franz Boas à propos de l'origine culturelle, et non biologique, de la vague de suicide chez les jeunes américains. Elle observe une société pacifique qui pratique la liberté sexuelle, même si codifiée par des règles, et la liberté de parole. Elle fonde le mythe d’une société idyllique. Aucun suicide n'y ait recensé. Ce thème de la sexualité libre aura un énorme écho, dans une société pudibonde comme la société américaine. Ses études font alors autorité au niveau international. Derek Freeman (courant biologiste), la remet en cause dans The making and unmaking on a anthropological myth (1983). Il critique son interprétation trop restrictive sur les Samoa. Il retourne sur ce terrain où il observe une société violente, très agressive, où il n’y a plus de liberté sexuelle mais des harcèlements et des viols. La discordance est énorme. Mead a -t-elle mal observé, mal interprété? Il va retrouver les informateurs de Mead, qui se souviennent de l’anthropologue et de ses nombreuses questions… Si, entre eux, ils parlaient en effet de la sexualité, ils n’avaient pas pour habitude d'en parler avec les étrangers. Ils sont donc entré dans un rapport de plaisanterie, et puisqu’elle voulait entendre parler de sexualité libre, ils l'ont servit, mais tout ne fut que pur mensonge… Freeman va donc entreprendre un travail de déconstruction du travail de Mead. Il pose deux principales causes à ses erreurs d’interprétation : - dû à son jeune âge, son inexpérience de terrain, elle ne parlait pas la langue, donc, elle passait par des informateurs, et se trouvait tributaire des transformations d’informations. - terrain mal mené car son travail est subjectif, elle partait avec l’idée de vouloir créditer l’hypothèse culturelle… Elle ne maîtrisait donc probablement pas le décentrement nécessaire. De plus, elle a mené son enquête sur 9 mois, ce qui paraissait trop court pour Freeman. On peut faire l’hypothèse que la société Samoa a évolué très rapidement. M. Mead, décédée en 1978, n'aura pas l'occasion d'on débattre. Suite à ces deux exemples, on constate que l’épreuve de vérification est difficilement concevable en ethnologie en raison de la dynamique des sociétés mais aussi parce qu’il ne peut exister sur le même terrain une simultanéité de recherche entre deux ethnologues. On a deux approches possibles : L’approche diachronique : étude interne d’une société dans une perspective dynamique et évolutive. L’approche synchronique : travaille sur une thématique transversale dans différentes sociétés. On est pas dans le cumul des connaissances, mais dans une compréhension. Marcel Mauss trouvait que l'étude diachronique était intéressante à mener sur un terrain par un ethnologue, mais appréciait aussi les études synchronique avec plusieurs anthropologues, notamment sur des termes différents qui signifient la même chose. Ainsi, la notion de « sacré », que l’on retrouve chez de nombreux peuples, et sous de nombreux termes, difficilement définissables (mana, manitou, wakan... , le manitou des Indiens a le même sens que le wakan des Givaro…) ont d’abord été traduit par « âme », mais la connotation religieuse était trop forte, d’où « sacré ». La perspective contextuelle fonde l’analyse et l’interprétation comparative va fonder une analyse trans-thématique et une interprétation générale. mais la perspective Il parle donc de « fait universel » ou de « fait général » : principes que tous les Hommes ont. Cela entraîne un travail sur la structure. La fiabilité et la crédibilité des études La travail de l'ethnologue doit être fiable pour la communauté de ses pairs, des anthropologues, mais aussi pour son terrain, pour le groupe qui l'accueil. Cette dernière interaction n'existait pas du temps de Malinowski mais est aujourd'hui quasi systématiquement présente. Le chercheur et ses pairs La méthode doit être rigoureuse, si elle l'est, l'étude est alors fiable. Mais certains anthropologues doutent de la crédibilité de certains de leurs collègues. Voici l'exemple d'un terrain qui paraît peu fiable, malgré d'autres études proches. Carlos Castaneda a une biographie assez floue, c'est un grand enseignant à l'université de Los Angeles, mort en avril 1998 dans des conditions inconnues. Il fait une thèse au Nouveau Mexique chez les Yaki mais on se demande quelle est la vrai nature de ces écrits : Il raconte son cheminement personnel dans cette société, ce qui le mène à faire les rites d'initiation chamanique avec un maître appelé Don Juan. L’initiation est très difficile. Il y a différentes phases. Il faut apprendre à se concentrer pour sortir de sa culture et même de son corps, parfois grâce à l’utilisation de plantes psychotropes. Le chemin initiatique lui-même doit rester secret. Il relate une expérience à la foi intime et scientifique. Mais cette expérience subjective, le « je » est acteur et témoin. Edward Spicer , expert de a culture Yaki, trouve cette étude curieuse : Castañeda nous parle de son maître Don Juan qui est Yaki mais présente des éléments qui sont éloignés de la culture Yaki : « Castaneda a un talent littéraire incontestable qui l'a conduit à une absorption complète » c'est de l'anthropologie intime, une nouvelle anthropologie dérivée de l'anthropologie interprétative. On ne sait rien du contexte dans lequel vit Don Juan, ce qui n'est pas accepté dans le milieu universitaire. Le contexte apporte une crédibilité. Le lieu ou vit les Yaki est gigantesque, avec une lumière très particulière, l'environnement joue énormément. Il est aussi possible que Don Juan n'existe pas, qu'il ait été composé à partir de plusieurs maîtres. Cela ne remet pas en cause son œuvre mais pour rester crédible, il faut expliquer ces étapes de rassemblement. Le chercheur et son terrain Depuis les années 1970/80, le chercheur a une responsabilité vis-à-vis de son terrain. Il doit essayer de coller au plus près du terrain, du témoignage des gens, ne pas déguiser, transformer. C’est toujours l’autre qui a raison, et dont la parole prime sur celle de l’anthropologue. Il y a souvent, notamment de la part de jeunes ethnologue, une inadéquation entre l'attente de l'ethnologue et l'attente du terrain. Il peut alors y avoir incompréhension voire conflits. Plusieurs terrains se sont ainsi fermés à nos études. C'est ici la notion de confiance qui est importante. Pour Yamo, un Papou de Nouvelle-Guinée, ni Mead ni Freeman n’avaient compris leur terrain. Il va à son tour déconstruire leurs travaux : Pour lui ils ne se sont pas décentrés, et ont pratiqué l’ethnocentrisme, ils ont mythifié le terrain, l'ont instrumentalisé en en faisant une classe sociale occidentale, et s'en sont servi dans le but d’une reconnaissance scientifique, ce qui semble normal pour l’époque. Ils ont construit un objet d’étude sans le contextualiser et sans prendre en compte les attentes économiques et politiques des Samoa, qui voulaient échanger des revendications indépendantistes avec les ethnologues, qui devaient leur servir de transmetteurs. Mais Mead et Freeman ne s’en sont pas rendu compte. Les Samoa n’ont donc pas été contents de leur passage. Exemple de l'archipel Trobriand : les Trobriandai ont l’impression d'être resté figé dans les année 1920, lorsqu’ils ont été visité par Malinowski. Il faut maintenant passer devant des commissions d'Anciens qui vont longuement réfléchir à la possibilité ou non, de mener une enquête, et toujours sous condition. Historiquement un peuple a été très méfiant vis à vis des ethnologues et des touristes, dès 1926 : les Hopi (en Arizona, au Nouveau Mexique). Ils ont été étudiés par Lowie. Ils vivent sur de grands plateaux, les Mesa. C'est une population sédentaire. Il vivent dans des villages. C’est une population sédentaire de pasteurs et surtout d’agriculteur. (Hopi = Gens convenables) souvent traduits par « pacifique ». Ce qu'ils refusent : ils sont accueillants mais pas pacifiques. C'est une société matrilinéaire et matrilocale : un jeune homme qui veut se marier demande à sa mère, puis à sa tante... Ils cultivent les haricots, la courge et le maïs. Le climat est rude (50 à l'ombre en été, 0 en hivers), il y très peu d'eau. Le maïs est la plante sacrée comme sur une large partie du continent. Quand un enfant naît, (religion syncrétique), il est présenté au soleil, et aspergé de poussière de maïs. Autrefois, ils possédaient un territoire très vaste, mais au XVIIIème siécle, le gouvernement a donné les ¾ de leurs terres aux Navaro. Les Hopi et les Navaro s’entendent relativement bien mais ils n’ont pas la même perception du temps et de l’espace. Les Navaro étaient nomades mais ont été acculturés par les Hopi. Il se sont sédentarisés. Les Navaro étant beaucoup plus nombreux que les Hopi, la question des terres ou de l'éducation a tout de même généré des tensions entre les deux groupes. Par exemple les moutons Navajo allaient paitre sur les terres sacrées des Hopi. Les Hopi doivent être élevés dans le mythe, doivent se mettre en accord avec lui et suivre les règles données, pour être un « bon Hopi ». Le mythe est très riche et explique la création du monde, l’arrivée de l’humanité, la création des clans, la pérégrination des peuples qui cherchent maintenant leurs origines, leur paradis perdu. Le mythe s'accomplit par les rites (abstrait, ésotérique, et très théâtralisé). Les anthropologues américains demandaient aux Hopi d’expliquer leur mythe, mais ceux-ci refusaient de répondre, par des rires ou en répondant à côté. Cela a posé un problème méthodologique et des hypothèses ont été faites au début du XXe siècle concernant ce refus : Les Hopi ont été acculturés par les Espagnols et ont perdu la signification de leur mythe. Seules les manifestations du mythe comptaient, plus le sens (c’est la survivance). Dans ces populations, il y a une forte consanguinité qui créer de la débilité et entraîne l’incapacité mentale pour les Hopi d’exprimer leur mythe.Ces deux hypothèses étaient fausses. Les Hopi connaissaient très bien le mythe mais pour eux, il ne pouvait être compris que par un Hopi où à la limite par un indien, mais surtout pas par un homme blanc qui n’a que cinq sens. Il lui manque le sixième sens : le sens mystique, qui permet de comprendre le lien entre la nature et le sacré. Le blanc ne peut pas comprendre le mythe car il faut y adhérer, y croire et il faut appartenir à la société qui développe le mythe. Les Hopi ont été très gênés par les questions et par les analyses qui ont été faites de leur culture. En 1930, ils interdisent aux blancs de rapporter des informations sur leurs coutumes. Dans les années 60, 70, des mouvements traditionalistes se développent refusant de parler aux anthropologues. Les hopi ont alors demandé à l'ONU un « droit au silence » qui est consigné dans la charte des droits autochtones de 2003. Ils y ont inscrit la parole réservée. Ce droit est constitutif de la culture Hopi. Depuis 2000, cette culture s'est de nouveau ouverte à l'ethnologie avec les Hopi à double culture (intégrés à l'économie américaine) et l'on peut de nouveau prendre des notes, faire des enregistrements, des dessins avec l’autorisation du conseil des anciens. Les Hopi qui réclament encore ce « droit au silence » sont qualifiés de traditionalistes. Trois remarques méthodologiques : L'observation et le recueil de témoignages ne sont pas la seule fin du travail de l'ethnologue, la collecte des données et leur analyse doivent permettre de reconstituer un ensemble qui est la compréhension du système social, son fonctionnement et son organisation. La méthode inductive est souple puisqu'elle peut permettre au terrain de mettre notre objet d'étude en question. C’est l’autre qui décide quand le temps est opportun. Le terrain fait sens, il construit du sens : il est un sujet et en tant que tel, il se pense. Cela implique que le terrain pense l'ethnologue, celui-ci a donc une fonction et un statut. Le terrain peut avoir des discours multiples, changer ou être insolite (Mead) Le terrain ne prête pas au romantisme. Le courant interprétatif (Gertz) parle de littérature et met en avant l'« ego », le « je » : le « je » témoin, le « je » acteur et le « je » auteur. Mais il ne faut pas faire de l’ethnologie enchantée. La distanciation et l’intégration sont importantes. Il faut se positionner comme si nous étions « l’un des leurs » même si nous ne pourrons jamais l’être. Il faut s’impliquer en tant que « je ». La distanciation est nécessaire pour analyser et reconstruire théoriquement ce que l’on a observé. Nous ne sommes pas des traducteurs, nous devons analyser. Castoriadis : « Il faut en faite essayer d'analyser et de comprendre l'univers naturel et social des cultures que l'on étudie, tel qu'il est vécu par celles-ci et tenter d'expliquer cet univers en se gardant d'y introduire des méthodes qui conviennent à une culture et pas à une autre. » Les notions d'objectivité et de subjectivité Cette notion d’objectivité, est difficile à manier sur le terrain. Il faut être objectif, et en même temps, on est subjectif dans le choix du terrain, mais aussi un peu dans l'analyse. Trop subjectif, on est dans l’engagement, politique, humanitaire… C'est un choix personnel : veut-on faire de l’ethnologie ou s'engager complètement pour tel ou tel cause? » Mais la discipline en mutation, il y a pluridisciplinarité, et on est amené à s’interroger sur ces notions. « L’ethnologue pour rester ds son domaine de connaissance est nécessairement amené aujourd’hui a tenir compte du terrain en tant que sujet et sujet agissant, se qui induit une relation de partenariat et qui amène a conduire une réflexion comme telle » Il n’y a jamais eu de méthodologie formelle et il y en a même de moins en moins. L’écoute est primordiale et il faut prendre en considération que la parole de l'autochtone prime sur celle de l'ethnologue. George Balandier explique que l'ethnologue doit être comme un enfant sur un terrain, se laisser enseigner par l'autre. Roger Bastide (1898-1974) explique qu'il faut « donner la parole non seulement aux hommes, mais également donner la parole aux choses ». Cela veut dire qu’il faut prendre en compte l’environnement qui nous entoure, son esthétique, le temps… qui ont un sens lorsqu’on leur donne la parole. Philippe Descola demandant à un chamane pourquoi il est assis sur un tabouret avec un Caïman, et pourquoi cette forme : il se voit répondre que son père était assis dessus, comme le père de son père etc... Descola se dit qu'il n'aurait pas du demander cela et se voit marquer une fin de non recevoir. Des mois plus tard, il lui raconte lors d'une promenade, qu'il est tombé amoureux d'une femme poisson, et qu'il ne pouvait pas le dire en présence de ses quatre femmes. Le mariage avec cette femme poisson s'est déroulé sous l'eau en présence d'anaconda et caïman. Il se retrouve donc marié avec une entité aquatique. Son hôte est en faite en train de lui révélé d'où vient sa capacité de chamane : sa femme, entité aquatique, lui a notamment enseigné la connaissance des plante. Cet homme demande en échange à Descola de devenir son disciple car il est vieux et que ses enfants sont trop jeunes. Il compte donc passer par un étranger qui fera le relais entre lui et ses enfants. Il finit par refuser car cela aurait entamer son objet d'étude. Quand on sait écouter les choses, alors le terrain peut déconstruire l’objet d’étude, une hypothèse, ou les interrogations que l’on se pose. Il faut l'accepter, pour mieux reconstruire après. Une telle déroute est arrivée à Jeanne Favret Saada. Jeanne Favret-Saada : Les Mots, la Mort, les Sorts (1977) Ce livre a remis en question l'approche traditionnelle du terrain. Elle est ethno-psychiatre et choisit un terrain de proximité : la Mayenne (France). Des paysans étaient internés car il avaient des délires liés à un ensorcellement (une peur d'ensorcellement pouvant provoquer ces délires). Elle se dit que ça n'est peut être pas pathologique et décide donc de travailler sur la sorcellerie avec pour principe que la sorcellerie est un système qui possède une cohérence. Elle envisage les conduites sorcellaires comme étant peut-être des conduites thérapeutiques. Elle lit des ouvrages folkloristes et après un temps de repérage (3-4 mois), elle formule une hypothèse : l’efficacité de la sorcellerie réside moins dans le rituel de désenvoûtement proprement dit que dans les procédures mises en place pour faire passer le patient d’un état à un autre : de l’état passif à l’état actif. Cette étude qui lui paraît correcte, mais elle estime ne rien avoir apporté aux études précédentes. Elle remarque que la sorcellerie ne peut pas se réduire à de vagues pratiques superstitieuses ni à des signes cliniques (délires à thème de sorcellerie). Elle décide donc d'y habiter (30 mois) et y amène sa famille et ses animaux. C’est un terrain très difficile. Elle devra concilier des termes : comprendre (relations logiques), s'impliquer (observation participante), objectiver (analyser, sortir du terrain, se désimpliquer). Ce qui est très important en sorcellerie, ce ne sont pas les aspects (percer des poupées, faire saigner des individus...) qui ne sont destinés qu'à faire peur. Le plus important est la parole qui n'est pas communicationnelle. La parole est ici le pouvoir : le pouvoir de guerre et le pouvoir de mort. Ceci remet en cause la démarche du recueil d'information, des entretiens ainsi que de l'observation participante. Il faut faire de l'observation implicative et elle finira même par abandonné le terme observation, ne parlant plus que d'implication. Il faut alors cautionner, justifier les stratégies de son terrain. Du point de vue du terrain (écoute de l’autre) le travail de l’ethnologue (le recueil d'informations, d'entretien) est remis en cause puisque la parole est un pouvoir. Même l’observation participante : « Si tu veux comprendre quelque chose, il faut en être ». L’auteure est une universitaire, elle sait parler. On lui dit qu’elle a une parole forte et est donc une désenvoûteuse. Elle n’a pas la parole faible de ceux qui sont malades, envoûtés. Elle est placée dans la classe de ceux qui désenvoûtent même si elle ne sait pas le faire. Elle rencontre une femme qui a une parole faible et qui lui explique qu'elle est malade depuis longtemps et que ça vient probablement de la sorcellerie, cette femme lui demande en faite de la désenvouter. Elle va jouer ce rôle. La parole a des places alternatives, en temps de parole faible (en étant fatigué ou malade), on peut être envouté. Elle croit longtemps qu'il n'y a que ces deux places. Elle finit par avoir de nombreux problèmes (accidents, problèmes de travail....) tout devient négatif. Ses deux amis les plus proches sont aussi touchés et meurent. Elle commence alors à penser qu'elle est peut être dans le même cas qu'eux, poussée vers la mort. La troisième place est donc celle de la mort. La mort de ces personnes justifie l'existence de la sorcellerie. Il sont des boucs-émissaires désignés par le groupe. Son objet d'étude initiale « conduite sorcellaire comme conduite thérapeutique » est vrai, mais la parole et le pouvoir ont vraiment un sens et sont nécessaires à la sorcellerie. Elle aura mis 7ans à avant d'écrire son livre, sachant que ses amis ont dû aller la chercher chez elle. Cette étude, en plus de revoir la méthodologie classique, et de nous en apprendre plus sur la sorcellerie, donne une ouverture sur l'effet placebo, positif ou négatif. Point méthodologique pour une autre ethnologie : Il est impossible de pratiquer une ethnologie objective dans certaines situations ou sur certains terrains Il est impossible de recueillir des témoignages émanant des deux partis (envouteurs et envoutés) car il y a une rupture de communication entre les deux groupes. L'ethnologue doit choisir son camp. Si elle arrivait à parler aux deux groupes et s'ils l'apprenaient, elle perdrait leur confiance et sa crédibilité. Elle touchera tout de même l'un et l'autre mais pas dans le même temps (il faut saisir les moments opportuns). Il est difficile d'avoir accès au discours du désenvouteur (qui peut aussi être un envouteur) car celui-ci a un discours caché, idéal « J'ai le don » « Je l'ai ramené » Le terrain d'action et d'influence de l'envouteur doit être différent du lieu de vie du chercheur. On ne peut enquêter là où l'on vit. La démarche classique de l'ethnologue (observer, contextualiser, analyser) n'est pas tenable sur ces terrains extrêmes. Elle va procéder avec une démarche qui se rapproche du courant interprétatif tel Geertz qui dit : "Voilà ce que j'ai compris au travers de ce que j'ai vécu". Ceci témoigne d'une expérience singulière, implicative et peu complaisante. L'objectif est de comprendre le mécanisme de fonctionnement de ce terrain. Il est difficile de se désimpliquer de terrain extrêmes et cela peut entraîner des études subjectives. L 'idéal de l'ethnologue serait d'être assez distancié pour comprendre le système étudié, tout en étant assez impliqué pour le vivre en tant qu'individu. Lévi-Strauss : « pour comprendre convenablement un fait social, il faut l’appréhender totalement, c'est à dire du dehors, comme une chose. Mais comme une chose dont fait cependant partie intégrante, l’approche subjective que nous en prendrions si inéluctablement, homme, nous vivions le fait comme indigène au lieu de l’observer comme ethnographe ». De l’implication sur le terrain à la question de la responsabilité De nouveaux terrains, de nouvelles approches, nous amènent à repenser les notions d’engagement et d'implication sur le terrain : engagement intellectuel implication et responsabilité quant à la conduite de l’étude quant à la diffusion des connaissances 1. L'engagement intellectuel Elle peut être collective ou individuelle : Collective : La communauté des anthropologues s'engage sur de grandes causes, classiques, parfois très anciennes : comme dans les années 1950 avec les notions d'acculturation et de déculturation (politique de sinisation du Tibet), la défense des cultures autochtones, la reconnaissance de l'indianité ou sur les représentations du SIDA. En revanche, concernant les mutilations sexuelles comme l'excision, tous les ethnologues qui ont vu cette mutilation sont d'accords pour la condamner, mais la communauté des ethnologues ne s'est pas engagée contre cette pratique. L'ethnologue ne peut pas, au nom d'une morale, dire qu'il est mal d'exciser, ce que les médecins ont fortement critiqué. On sait depuis la fin du XIXe que l'excision est un rite d'appartenance (aux femmes adultes) qui enseigne des rites sociaux à la jeune fille. L'absence d'excision entraine systématiquement une mort sociale. On ne peut faire une action directe, que si on nous le demande, l’action doit venir du terrain et non de l’ethnologue. Ainsi, des femmes sénégalaises se sont engagées dans les années 1990 à lutter contre l'excision avec le serment de Malicounda et ont demandé aux ethnologues de portes cette revendication à l'échelle internationale. Ce qui a été fait au milieu des années 90, et l'excision est interdite au Sénégal depuis 1999. À côté de cela, certaines femmes revendiquent l’excision. En Sierra Leone, une société secrète, de femmes à 90% (les Bundo), a instauré un rite initiatique pour toute femme voulant être accueillie : être exciser. Cette société va se porter contre l'ONU en 1997, et contre cette "propagande occidentale". Elles revendiquent le droit de se faire exciser. Le problème est que les parents pauvres donnent leurs filles à cette société qui s'en occupe, mais réclame une pension que les parents ne peuvent pas payer. Ils ne peuvent donc pas récupérer leur enfant. Individuelle : certains chercheurs s'engagent de manière beaucoup plus personnelle. L'un des premiers fut Maurice Leenhardt. Il était parti en Nouvelle Calédonie pour faire du prosélytisme religieux chez les aborigènes (les Kanak). Mais il s'est rendu compte que leur système religieux était très structuré et qu'il n'avait rien à leur apprendre. Il y a vécu toute sa vie, et à l aissé tomber ses missions pour devenir anthropologue. Il a prit position dans le conflit opposant les Kanak aux Caldoche (colons) à propos d'un problème de territoire (concernant des propriétés tribales, non enregistrées administrativement). Son engagement a entrainé sa mise à l'écart de la communauté scientifique et n'a pas été très bien vu par les autorités françaises. Marcel Mauss lui a donné une pension pour qu'il puisse survivre sur son terrain. Robert Jaulin, dans La paix blanche (1970), en tant qu'ethnologue singulier a pris parti pour une population amazonienne : les Bari qui vivent au sud du Venezuela, Dans cette société, il constate un très fort processus d'acculturation mais surtout de déculturation, notamment en raison des missions chrétiennes, Il y a alors perte de l'identité cultuelle, qui relève du collectif, pour passer à une culture personnelle (femmes qui font à manger toutes ensembles pour tous les hommes - femmes toutes seules avec leurs hommes dans le foyer). La vie en groupe n'est plus possible en perdant le sens de sa culture. Ils deviennent mendiants, les vieux se laissent mourir, les jeunes sont perdus (alcool, drogue), et cela finit avec la disparition totale de cette population. Pour cette situation, il invente le terme d'ethnocide : la disparition de l’ensemble des caractères sociaux et culturels d’un groupe d’humains, sans nécessairement détruire physiquement ce groupe ou agir avec violence physique contre lui. L'implication, voire l'engagement, n'existent pas en terme général pour l'ethnologue. On ne peut prétendre à une conduite globale pour l'ensemble de la communauté des ethnologues car il ne peut y avoir que difficilement une identité d'action en raison de la diversité des terrains, des champs d'étude et de la sensibilité propre à chaque ethnologue et à chaque culture étudiée. 2. L’implication quant à la conduite de l'étude et au recueille des données Jusque dans les années 1960, les ethnologues ne faisaient pas de retour d'information sur le terrain, mais on a une responsabilité dans la conduite de l'étude. En 1960, le terrain bouge (avec les indépendances), et demande des comptes à l’ethnologue qui doit parfois s’engager politiquement (courants dynamique puis marxiste), Il faut aussi faire un retour rigoureux des informations, sous forme filmique, de vidéos, de photos, auprès de la culture étudiée. Ils auront un droit de regard à posteriori de l'étude. Aujourd'hui, le retour d'information est plus complexe L’ethnoscience ou l’ethnobotanique, est l’étude des plantes et du rôle social et civilisateur de celles-ci. Très tôt, cette discipline a été confrontée à des problèmes financiers et de reconnaissance des droits. Les données ont étées utilisées par les laboratoires pharmaceutiques, les plantes et leurs préparations ont été brevetées , et ce sont donc les entreprises qui en récoltaient le bénéfice On parle de bio-piraterie ou de bio-pillage. Des ethno-biologistes essaient de faire reconnaître un droit à la propriété intellectuelle pour les populations autochtones. Mais il n’existe que partiellement, et sur certaines plantes. IKPS : Indigenous Knowledge Processing System. Le recueil des connaissances et la diffusion des connaissances, si on ne la maîtrise pas peut aboutir à la disparition d'une culture. Michel Agier, Anthropologue en danger Contrat oral ou écrit qui porte sur la manière dont les types d'informations vont être prises et diffusées Il travail au Brésil dans les années 1990 sur un carnaval. Ce groupe est a priori peu problématique. Il a noué des relations de complicité avec eux mais seulement après qu'ils aient exigé de lui faire accepter un contrat. En voici les termes : 1. Le groupe ou la communauté s'estime détenteur de ses pratiques 2. Il a donc l'envie ou non de livrer cette pratique. 3. Si le groupe livre ses pratique, il a un droit de regard sur l'étude ethnologique Il y donc risque de censure et d'auto-censure. On négocie maintenant le droit à étudier. Il faut donc tenir compte de l’émergence des nouvelles conditions de méthodologie dictées par le terrain lui-même. La configuration des terrains changent, notamment dans le besoin de reconnaissances que ceux-ci éprouvent, tant de l’intérieur que de l’extérieur. Ils vont donc demander à l’ethnologue une étude qui leur donne une certaine utilité. L'ethnologue se trouve aujourd'hui confronter à une situation qui, au delà de son confort scientifique, l'amène à prendre position dans sa recherche et en tant que chercheur. Michel Agier montre qu’autrefois on faisait le lien entre la culture étudiée et l’État nation du chercheur, parfois en portant le messages des peuples étudiés, Mais à partir des années 90, Internet peut concurrencer l'action de portes parole des ethnologues : l'ethnologue et son interprétation ne sont plus le seul moyen de diffusion : De plus en plus des sites internet peuvent être utilisés seulement avec des icônes (pas besoin du langage écrit). La population autochtone s’étudie donc elle-même. On est dans une circularité de la connaissance : elle revient d’où elle est partie mais additionnée. Agier parle « d'intertextualité », selon deux axes : Internet permet à ces cultures de contextualiser leurs problèmes identitaires (partage de problèmes avec d’autres cultures). Mais aussi une reconnaissance de processus identitaires singuliers (même si on partage des revendications identiques, il n’en reste pas moins que les problèmes restent singuliers à chaque culture). 3. Engagement quant à la diffusion des connaissances (répercussion du travail sur le terrain) De plus en plus souvent, l’acceptation du droit de regard va conditionner l’accès au terrain. Le terrain demande une utilité du travail de l’ethnologue. On entre dans une logique de don / contre-don. Exemple : Les Inuit du Groenland demandent à l’ethnologue de transcrire par écrit leur langue orale. Pour eux c’est fondamental car ils pensent que sinon leur culture va disparaître. L’ethnologue se prête à la stratégie du groupe : c’est interventionniste mais pas du fait de l’ethnologue mais de l’autochtone. Des sociétés indiennes demandent qu’il y ait une collecte de patrimoine (qui peut être de nature faunique, mythologique). Certaines sociétés ont connu des guerres et demandent à l’ethnologue de recueillir les récits de guerre. D'autres également veulent prendre la parole pour faire pression sur un autre groupe, ou sur une administration. On entre donc dans le domaine politique. Il y a une pluralité de figures possibles. L'implication doit être liée à la maturité professionnelle. Il y a trois problèmes : Le facteur d’observation est mis à mal par l'implication Le facteur de scientificité est aussi mis à mal puisqu’on peut créer une thématique en fonction d’un groupe. Le facteur de distanciation est aussi mis à mal parce que lorsqu’on est très impliqué sur un terrain, on peut se demander comment et au bout de combien de temps le théoriser. Maurice Godelier explique qu’il s’est engagé auprès des Baruya à ne pas livrer leur parole de façon inconsidérée (il leur demandait leur avis pour diffuser les savoirs). Godelier n’a pas tout noté dans ses ouvrages. C'est une protection de l'intimité culturelle. Il protège aussi des connaissances qui sont réservées uniquement aux membres. Il introduit la notion de confidentialité. Tout manquement à cette notion peut s’assimiler à une « prédation de la connaissance ». Hors l’ethnologue n’est pas un prédateur. En 2009, aucun procès d'une population autochtone contre un ethnologue n'a été recensé. Conclusion Il faut qu’il y ait acceptation et reconnaissance de l’autre comme étant différent (principe de l’altérité), c’est la condition indispensable au travail de l’ethnologue et ce doit être admis par les deux partis. On est dans un échange entre partenaires. Ceci fait que désormais, nous sommes dans des rapports de coopération, dans une coordination de la réflexion et que l'ethnologue s'inscrit dans un véritable processus d'échange d'actions et d'idées. Comme tout échange, on a un contrat. L’ethnologue doit contractualiser (de manière écrite ou tacite). Le terrain est aussi pour l’ethnologue la confrontation au choix de plusieurs possibles au sein d’une communauté, selon le parti adopté, et selon le regard porté. Marc Augé : Anthropologie des mondes contemporains « L'implication aujourd'hui, c'est de réussir le passage à l'engagement critique personnel et professionnel sans que cela ne signifie pour autant la fin de l'anthropologie. On peut et l’on doit parler d’une dynamique de profession. On ne peut pas encore parler de la mort de l’anthropologie mais d’une évolution. Les champs de l'anthropologie L'anthropologie économique Bibliographie : Francis Dupuy, Anthropologie économique Maurice Godelier, Un domaine contesté, l’anthropologie économique (1974) La production des grands hommes (1982) Raymond Firth, Nous, les gens de Tikopia (1936, réédité en 1976) Herskovits, L’Héritage du noir Introduction Pendant longtemps, le lien entre économie et anthropologie a été ténu parce que ce n’étais pas l’objet d’étude principal de l’ethnologue (au profit de la religion, les langues, la parenté…). Quelques anthropologues ont compris plus tôt que l’économie avait une incidence dans le fonctionnement des sociétés, comme Richard Thurnwald, (1869-1954), Allemand, fonctionnaliste (mais moins déterministe que Malinowski), qui a étudié l’Océanie ou encore Raymond Firth en Océanie aussi (Polynésie). Ils vont tous les deux avoir une analyse comparative. Ils vont s’apercevoir que l'économie est un point clef des sociétés étudiées mais qu'on ne peut pas l’analyser avec une vision d’économiste ethnocentrique. On ne peut pas, avec ce type de société, employer le terme « économie » comme on l’entend en occident. Leurs études vont intéresser les économistes occidentaux. Ces réflexion donnent trois apports : Dans les sociétés traditionnelles, les systèmes de représentation et les codes de valeurs qui les accompagnent sont différents des nôtres. Le développement d’une nouvelle méthodologie de recherche et d’analyse lorsqu'il s’agit d’un travail sur des sociétés traditionnelles. Il faut raisonné en terme de totalité des sociétés : l'économie ne peut être étudiée en dehors de son contexte social. (Fait Social Total (FST) de Mauss). Dans les années 1930, Raymond Firth explique le système économique des sociétés traditionnelles comme une accumulation d’expériences originales qui ont toute trait aux adaptations au milieu particulier : On peut le voir pour les populations qui doivent s’adapter à des environnements qui ont muté (mutations économiques mais aussi de toute la société). Les éléments que l’on emprunte à d’autres cultures (acculturation) peuvent être consentis ou forcés. Les Hopi (Arizona, Nouveau Mexique) sont des populations sédentaires et ont été un facteur d’acculturation vis à vis d’une autre population nomade : les Navaro (mythologie qui émane des nomades, proche du grand nord (les Kwakiutl d'Alaska). Ils vont accepter de se sédentariser, mais ne savent pas se nourrir, ni irriguer et ils vont apprendre des Hopi à irriguer, cultiver, tisser, parquer les animaux… C’est un phénomène d’acculturation consenti des Navaro. La société se modifie donc économiquement, mais très vite, ils adoptent aussi les divinités chtoniennes (de la terre) propres aux Hopi, comme la femme araignée (spider women). Il y a donc une modification culturelle. Une modification économique entraîne une société totalement différente. On peut voir l’exemple des Nanas Benz (Bénin, Togo…), des filles qui roulent en Mercedes Benz car elles ont réussi à acquérir un pouvoir économique grâce à la couture. Elles se sont rassemblées en coopératives pour monter des économies parallèles et autonomes, qui se sont ensuite internationalisées, C'est une forme de résistance face à leur société très patriarcale : elles détiennent les finances et on donc une position dominante par rapport à leurs maris. Elle mesure l’évolution de la condition de la femme par l’économie (elles sont indépendantes et prêteuses d’argent). Les Aztèques. (on ne sait pas de qui ils sont les descendants, peut-être des nomades qui auraient migré du nord de l'Amérique). Pour que des nomades s'installent, il leur faut un signe : qu'un prince guerrier et un chamane rêve d’un aigle se posant sur un cactus. Cette population nomade s’arrête dans les hauts plateaux du Mexique (où les marais, les moustiques et le paludisme rendent la culture impossible). Les Aztèques inventent alors un système de polder (terres que l’on gagne sur la mer) particulier : ils tressent d’immenses carrés d’osier flottants, qu'ils recouvrent de terre pour la culture du maïs. Le domaine économique se révèle en anthropologie, plus par le changement que par les composantes stables, mais les motivations économiques peuvent figurer directement ou indirectement parmi les motivations dominantes d’une culture notamment dans l’importance plus ou moins grande accordée à la richesse et au pouvoir. À partir des années 1960 (indépendances des colonies), le champ de l’anthropologie s’ouvre à l’économie (avec Coppens, Balandier ou Godelier) et étudie les « Pays en Voie de Développement » (PVD). Le vocabulaire change ensuite pour « Pays en Voie d'Industrialisation » (PVI) et maintenant pour « pays émergents » On y pratique le plus souvent une économie du don « S’intéresser à l’anthropologie économique, revient à se poser la question en terme d’économie traditionnelle et d'économie industrialisée, en reconnaissant l’importance de l’économie traditionnelle et en relativisant nos catégories de pensée occidentale pour penser le fait social comme un fait économique » Mauss avait théorisé le Fait social comme fait économique, Nous allons être amenés à travailler sur l’économie du don. Les économistes parlent « d'économie de subsistance » liées parfois à un « comportement économique irrationnel ». Il faut remplacer ce terme par celui de « société à économie traditionnelle ». En effet, Raymond Firth montre que les écrits des économistes parlent de sociétés simples, visant simplement la satisfaction des besoins simples, « primaires », d’ordre matériel comme la protection, la reproduction, et sans contact, sans échange avec d’autres cultures. Mais quelle crédibilité peut on accorder à cette économie de subsistance ? Au regard de l’approche anthropologique, l'idée de subsistance n’est pas valable parce que quand on regarde une société dans son organisation, on voit que la plupart des activités, ne sont pas dédiées à la fabrication de biens matériels directement utiles mais aussi à celle de biens immatériels. De plus, cette vision est très évolutionniste : des sociétés simple, visant uniquement à satisfaire leurs besoins matériels fasse à des sociétés complexes visant la production de biens immatériels comme la connaissance Or, toute société à des besoins symboliques, comme l’art, l’esthétique, le sacré, les institution religieuse … qui ne sont pas à proprement parler « utiles ». Les sociétés étudiées ne sont pas des sociétés « de subsistance » mais « traditionnelles », Firth montre dans « Nous les gens de Tikopia » la consommation ostentatoire de biens, matériels et immatériels qui ne servent souvent pas à grand chose. La notion de subsistance ne tient que dans un seul cas : l'isolat humain, un groupe qui a été coupé de sa relation avec les autres sociétés : en temps de guerre, de cataclysme ou d’épidémies. Godelier : L’économique n’occupe pas dans les sociétés et l’histoire, les même lieux et les même rapports sociaux. L’économique change de forme selon qu’il est ou non, imbriqué dans le fonctionnement des rapports de parenté ou politico-religieux. Les notions de pouvoirs et de richesse varient d'une société à l'autre. Ce qui fait que parenté, religion et politique ne peuvent dominer que s’ils fonctionnent en même temps comme rapports économiques. L'exemple du Potlach Le potlatch est devenu un terme générique quand on parle d’échange et de la notion de don / contre-don. Les sociétés occidentales auraient toutes un système de don / de contre-don semblable : Noël 1. Les Kwakiutl C'est un peuple de chasseurs, pêcheurs, sédentaire et plutôt aisée du Canada, en Colombie britannique (Vancouver). Le Potlatch des Kwakiutl, a été décrit par des missionnaire et des ethnologues Morgan et Boas : Deux caractéristiques : don « de rivalité de prestige » ou de provocation : Lorsque le chef d'un village A veut défier un village B voisin, qui n’a rien demandé, il lui fait un don, qu'il est obligé d’accepter (provocation), et demande en échange, un contre-don qui doit être effectué dans une période donnée. On parle de don de rivalité de prestige car si à la suite du délai, le contredon n’est pas égale ou supérieur, alors le chef du village A devient chef du village B (il y a donc domination politique à partir de l’économie). Souvent le contredon porte une survaleur (parfois multiplication par cinq) On est en temps différé entre le don et le contredon. Entre temps, il y a une dette le temps sert à faire des alliances. Échange et jeu économique , Lorsque le don est reçu, il est systématiquement et intégralement détruit : le chef du village receveur, les mets devant tout le monde et les brûlent. Ceci entraine une impossibilité d'être riche : il y a régulation économique de la surproduction. Tous les clan sont sensiblement au même niveau de richesses et dans un même circuit de don / contre-don, ce qui diminue le risque de conflits. Le terme « d'économie irrationnelle » ne vient probablement pas des économistes mais des missionnaires car il était impensable que des personnes qui aient si peu, puisse détruire leurs biens. À la fin du XIXe, les missionnaires ont demandé au Pape d'interdire cette pratique. Jusque dans les années 1960, il n'y a plus eu de potlatch officiel : les Kwakiutl ont reporté leur potlatch sur Noël. Elles ont cependant été de moins en moins importantes et il n'y a plus eu destruction des richesses. . Les aïda : Ce sont des gens aisés, au Potlatch différent : un don matériel implique un contre-don immatériel. Don de coopération (donner son aide), de compétition ou de pardon, pour un système d’entre-aide, ou don a un autre chef pour réparer une offense. C'est une autorégulation sociale et économique qui permet d'éviter la guerre. Le don de compensation se fait lorsqu'une personne insulte ou s'est mal comporté avec une autre. La personne qui pense avoir mal agit fait un don matériel et la personne qui le reçoit lui renvoi un don immatériel (pardon) Don positif et don négatif Le don positif appel le contre-don positif (accepter le pardon, le système d’entre aide, la collaboration… ), le don négatif appel un contre-négatif (dette de sang, d’honneur ou d’argent. Sang contre sang, c’est un système de vendetta. Tant que le contre-don n’est pas donné, il y a dette de sang et d’honneur pour la famille du meurtrier. Ceci peut parfois être lavé par la dette d’argent : si celui qui a prit le sang peut s'acquitter d'une forte amende, il sera pardonné. La peine de mort en Occident est aussi un exemple de contre-don négatif. Pour certains anthropologues, les échanges du potlatch sont un « langage culturel » un « jeu de communication » (Lévi-Strauss), présent dans toutes les strates de la société. Ce jeu dépasse largement la simple satisfaction des besoins élémentaires, on est dans l'économie du don. 3. Les Trobriandai Malinowski y étudie le chassé-croisé économique et dans Les lois relatives aux mariages : la relation de parenté est la première visible mais est conditionnée par des relations économiques sousjacentes. Exemple : Pour des enfants, la personne importante est l’oncle, le frère de la mère, et non le père biologique. L'oncle est l'homme qui va éduquer ses neveux et nièces, et assurer la transmission des connaissances : il fait un don immatériel, d’amour, d’aide et attend un contre-don, indirect qui sera fait par les enfants : contre-don immatériel pour les filles (reconnaissent de son autorité) et contredon matériel pour les garçons (assurer matériellement les vieux jours de l'oncle) : le neveu doit travailler pour cet oncle, la nièce va devoir se marier, et ses enfants devront travailler pour la famille de l'oncle. Il y a intrication du matériel et de l’immatériel. L'échange d’ignames : l’oncle doit nourrir ses neveux et nièces, il est le père nourricier et adopte un comportement de parade en exhibant ses plus beaux ignames, ses récoltes. Son comportement devient défi et provocation lorsqu’il va les montrer à son beau-frère qui, à son tour, va présenter des ignames, mais les plus petits et rachitiques, qu'il possède pour montrer que son beau frère détient l'autorité. Il garde les beaux ignames pour les donner au père des enfant de sa sœur. Différence de statut entre l’oncle, et le mari (père biologique). Union où compte le père nourricier et social, pas le couple. Le père n’a qu’un rôle de géniteur. Cette situation complexe empêche les guerres. C'est une société où l’individu ne prime pas sur la société. Dans les familles, on réaffirme toujours que c’est la femme et son frère qui sont importants. Le mari a tout de même une très grande importance en tant qu'oncle, mais pas du point de vue de sa femme. La parenté est le ciment de cette économie, même si l’économie co nditionne la parenté. Conclusion « Dans ce système de don / contre-don, le potlatch, on a à faire à un procédé de régulation automatique de l’économie, qui joue le rôle de stabilisateur en maintenant l’équilibre au sein du groupe » On pense qu'a l'origine, c'était un acte religieux qui a perdu son sens profond pour gagner un sens idéologique. Intérêts du don / contredon : maintenir un minimum d’homogénéité entre les Hommes, avec un principe de coopération très marqué : ceci est proche de l'idée de contrat social Quand on est dans une société « démographiquement restreintes », les règles et les normes sont très marquées : si quelque chose varie par rapport à cette norme, il faut le réintégrer à la communauté : Contraintes : La dynamique dans les techniques, l'économie ou la connaissance ne peut être acceptée par le groupe car cela risquerait de menacer son équilibre : on revient à la tradition. Quand un individu émerge par une prise d’initiative, souvent contraire a la règle sociale, on interdit cette initiative. On rejette toute notion d’individualité. Conclusion Godelier : « le fait que des valeurs soient accordées aux biens et aux objets matériels constitue ceux-ci en instrument de communication intragroupe, et intergroupe. La règle fondamentale de ce jeu de communication est la réciprocité sinon un acte de défi, dans cette réciprocité, c'est l’attente du contre-don qui est importante, car c’est dans cette attente qu’on va pouvoir nouer un certain nombre de relations. Ce qui fait qu’il est très difficile d’analyser les rapports économiques d’une manière indépendante des autres rapports sociaux ». Les limites entre relations économiques et relations d'autres sortes sont toujours malaisées à poser. Si parenté, religion ouprimitif politique dominent, c'est parce que de manière sous-jacente, ils sont des e communisme rapports économiques. Godelier invite à préciser certains termes : Le communisme primitif est un terme évolutionniste. souvent vu comme une absence de propriété nais ceci est faux : il y a propriété collective (tribale, clanique, lignagère…) mais pas individuelle. ? remplacé par « patrimoine, héritage ». Le travail : L'idée de travail nécessite un temps de nontravail (loisir) or, dans certaines sociétés il n'y a pas de mot pour travail, mais seulement des activités sociales qui rythment le temps, et qui ont un caractère immatériel, ex. : le tissage d’un vêtement : économique et spirituel car les ornements ont un sens symboliques. Nature et culture sont deux parties d'un tout en Occident mais sont imbriqués chez les autochtones, dans des systèmes de pensée globalisants, non séquencés. Le comportement économique irrationnel , à remplacer par « économie du don ». L’anthropologie économique est-elle possible ? Godelier s’interroge mais au final, la question n’a pas grande importance. Il faut plutôt s'intéresser à la nature et au lieu de l’économie, c’est-à-dire une interrogation méthodologiques. Il faut se détacher de l’empirisme fonctionnaliste, d'Alfred Radcliffe-Brown, qui part du principe que l’économie n’est qu’un agencement de relations invisibles, pour adopter une autre méthode. Godelier va préconiser une analyse structurale de type lévi-straussienne, tout en reconnaissant ses limites : Il va falloir chercher un agencement invisible, sous-jacent, travailler sur la notion de hiérarchie, les lieux de l'économie (comment est-elle imbriquée dans la parenté, le politique ou la religion). il rejoint Firth : le moteur de toute société est l’économie. Mais cela n'est pas suffisant : il faut essayer de comprendre le rapport économique dans l’histoire en travaillant sur les différents modes de production apparus. Il se tourne pour cela vers C. Turnbull qui a étudier la société M'Buti , des Pygmées de République démocratique du Congo, à partir de 1966, pour trouver les premiers rapports de production. Cette population est démographiquement très restreinte et semble avoir subit peu d'acculturation. Aujourd'hui, la guerre du Rwanda a déplacé et ainsi fragilisé les M'Buti, puisque la région qu'ils habitent est une zone de guerre pour des minerais (coltan, tantale...) : des cartes de géographes ou d'ethnologues des années 1960, notamment Belges, superposées à des cartes actuelles et des cartes satellites, ont permis de faire des recherches « raisonnées » et de fouiller là où se trouvent les métaux. Les M'Buti vivent dans un écosystème de type simple : une faune et une flore très riche, mais avec peu de représentants de chaque espèce, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas se permettre de le gérer de façon inconsidérée sous peine de le faire disparaître. Les M'Buti sont une population de chasseurs, pêcheurs, cueilleurs. Ils sont semi-nomades et se déplacent dans un territoire très vaste mais qui a des limites. Ils se déplacent tous les mois (quand il n’y a plus assez de nourriture). Il y a une répartition sexuelle des tâches. Il y a aussi une répartition de statuts (femmes et hommes mariés / enfants et femmes non mariées). Le système est patrilinéaire, dans lequel la femme n’acquiert un statut que quand elle est mariée et a des enfants. Le mariage conditionne l'existence sociale de la femme et on trouve un « échange généralisé » des femmes (Lévi-Strauss). Un homme qui souhaite se marier va chercher sa femme dans une famille ou un clan très éloigné : recherche de mariage exogamique hors matri-filiation des deux parents (un homme ne peut rechercher une femme qu’en dehors du clan de la mère de sa mère et de la mère de son père). Ce n’est pas évident : certains hommes déjà âgés n’ont pas pu trouver de femme. Cette société vit presque en osmose avec la nature. On parlait de société acéphale, avec partage d’autorité. On parle maintenant de sociétés sans chefferie. Il y a deux grandes cérémonies très importantes : la cérémonie Elima (puberté des filles?) et la cérémonie Molimo (à la mort d’un adulte important). Les M’Buti sont fils de la Forêt. C'est une pensée animiste (confère un principe sacré à un élément de la Nature), un système de pensée globalisant : l'Homme est un élément de la nature, la Forêt est la mère, ou divinité tutélaire des M’Buti. On fait des cérémonies à la Forêt dans une sorte de monothéisme : la Forêt est une entité divine : elle donne à manger et protège. Ils pratiquent la chasse avec des filets (on ne peut pas pêcher et chasser en dessous de sept filets et au-dessus de trente hommes). Godelier va faire l’analyse de cette description et tenter de comprendre comment et pourquoi existent des sociétés sans classes et sans castes et comment elles ont pu perdurer jusqu’à aujourd’hui. Pour Godelier, une des explications est le rapport qu’une population peut entretenir avec la nature. Il va dire qu’il est intéressant d’étudier les M’Buti sous le rapport économie et nature. Chez les M’buti, les conditions de production conditionnent un système de contraintes qu’il faut absolument respecter pour que la société survive. Les conditions de productions donnent les limites de la reproduction. La société M’Buti doit satisfaire trois contraintes pour survivre, elles doivent être entièrement satisfaite toutes les trois : La contrainte de dispersion : les bandes seminomades se répartissent sur de multiples petits territoires. Aucun groupe ou famille ne peut prétendre à la propriété d’une terre. La contrainte de coopération : La survie nécessite le partage des tâches, tout le monde doit travailler (sauf ceux qui ne peuvent plus). La contrainte de fluidité : la libre circulation des individus qui fait que tout homme ou couple peut décider de quitter la bande dans laquelle il vit pour choisir une autre bande. Une famille veut dire qu’on appartient au même mythe. Aucune famille ne peut prendre le pouvoir sur les autres, a La contrainte de fluidité : la libre circulation des individus qui fait que tout homme ou couple peut décider de quitter la bande dans laquelle il vit pour choisir une autre bande. Une famille veut dire qu’on appartient au même mythe. Aucune famille ne peut prendre le pouvoir sur les autres, a Si ces trois contraintes sont satisfaites, alors la société « fonctionne » bien, mais il est aussi possible de coupler (ou croiser) deux contraintes : Entre contraintes de dispersion et fluidité : aucun groupe ne peut prétendre à la propriété de la terre. C'est une sorte de contrat social, personne ne peut revendiquer une terre ni se considérer comme agressé si d'autres arrivent dessus. Les N’Boutie n’ont qu’un droit d’usage de la nature mais pas un droit de propriété. Entre contraintes de coopération et de fluidité : les rapports de production conditionnent les rapports de parenté : la répartition de la faible quantité de nourriture implique une limitation du nombre de membres. Le système d'alliance est donc très restrictif, un homme doit chercher une épouse dans un groupe éloigné géographiquement et familialement. Les alliances sont aussi variables (fluides) pour éviter qu'un rang prenne le pouvoir sur le reste de la communauté. Il ne peut y avoir d’hégémonie d’une bande sur une autre par le biais du mariage. les M'Buti ont peu d'enfants et, dans le meilleur des cas, le renouvellement est assuré. À partir du moment où l’on comprend ces articulations, on voit bien qu’il faut travailler sur toute la population M’Buti et pas seulement sur une tribu. C'est une société sans chefferie, avec une dilution de l’autorité : aucune personne ne concentre cette autorité. l y a une faible inégalité de statut entre les hommes et les femmes, ou entre les générations. Dans cette société il y a un refus systématique de la violence, par un système de régulation des tensions, généré par la société. Les conflits existent mais vont se régler par euxmêmes. Personne, de mémoire d'Homme, n'a connu une guerre. Ils ne pratiquent pas non-plus la sorcellerie. Il y a des systèmes de régulation, mais conflits et tensions existent quand même. Deux types de conflits mineurs, et deux types majeurs. Conflits mineurs (courants) : Dû à l’appropriation du gibier : comme il y a des tous petits groupes d’hommes, le territoire de la bande est petit et le gibier poursuivi peut aller sur le territoire d’un autre clan. Si on tue une bête sur le territoire d’une autre bande, la contrainte de coopération entre en action : 50% pour ceux qui ont tué, 50% pour ceux à qui appartient le territoire.Il n’y a pas de sorcellerie (magie noire, action à but malfaisant) puisqu’elle va faire émerger un individu contre la collectivité, qui va s’approprier des choses pour lui et qui ne va pas partager. Cela désactive la coopération. Cette société a banni la sorcellerie, c’est une règle sociale. Dû au rapt des femmes pour qu’il y ait des alliances : c’est un rapt qui produit une alliance contrainte. Il n’y a pas de rapt de femmes chez les M’Bouti par la contrainte de fluidité. La notion de famille est remise en question et la notion de couple peut l’être aussi, même si elle l’est très rarement. On évite la constitution de familles qui pourraient prendre le pouvoir. Le plus beau gibier que les M'Buti puissent chasser est l’éléphant. La chasse est collective mais un seul chasseur le tue, en le visant entre les deux yeux. grand chasseur, voire très grand chasseur. S’il y arrive il est très bien considéré momentanément mais il peut arriver que l’un d’eux veuille avoir une certaine forme d’autorité sur le groupe, mais immédiatement, les autres le dévalorisent par des quolibets et la dérision : les hommes ou femmes rient à son passage, disent qu’il n’est pas brillant au lit. Ils désamorcent un conflit par une relation de plaisanterie. Compromis, négociation ou diversion : quand deux individus ou deux familles se querellent, cela peut très vite dégénérer et impliquer un risque physique. Une négociation se met alors en place, mais quand ça ne marche pas, ils procèdent à une diversion : Tout le village se réunit, un individu (un boufon, conscient ou non de son rôle) se détache du groupe et va théâtraliser le conflit devant eux jusqu’à ce que le village se mettent à rire. Les individus se sentent ridicules et arrêtent leurs conflits. Il faut que les belligérants rient aussi, et là, on a eu une diversion… Turnbull s’est rendu compte à ses dépends que les bouffons pouvaient ne pas avoir conscience de leur rôle, car le groupe lui avait proposer le conflit, il a accepté, et était grotesque dans sa gestuelle de négociation, et il a bien réglé le conflit… Mais il y a au moins deux conflits majeurs chez les M’Buti parce qu’ils transgressent un interdit : quand un chasseur tend son filet de pêche en amont des filets collectifs, il va transformer en un avantage individuel l’effort d’un groupe. Il y a un refus de partage et un manquement à la contrainte de coopération. C’est inadmissible parce que l’homme va s’arroger le gibier qu’à donné la divinité suprême (la forêt). La punition est la mort sociale. La crmonie Molimo : quand quelqu’un meurt, c’est un savoir qui disparaît et un maillon qui s'en va. On doit se ressouder, redire l'unité du groupe : d’une manière physique, avec un très grand repas, en s'accordant le droit de chasser un peu plus, c’est le seul moment ou l'on boit et l'on mange, plus que nécessaire. Mais aussi d'une manière spirituelle : on va redire le mythe par les danses et les chants sacrés. On chante pendant des nuits entières. Il peut arriver que dans cette grande cérémonie, qu'un homme qui s’endorme, il y a donc un deuxième manque dans la circularité du mythe et la chaîne ne peut plus se ressouder. Si il ne chante pas et n’est pas capable d’entendre la Forêt qui répond par le biais des chants des flûtes sacrées. On ne peut que punir cet homme et il est voué à la mort sociale. La mort sociale c’est l’élimination sociale d’un individu : il n’est plus rien, on ne lui reconnaît plus son nom, sa famille. L'individu est banni et laissé seul en forêt, sans eau ni nourriture ni arme. Le groupe rentre au village et attend. S’il revient, c'est que la forêt l’a rendu et qu’elle l'a pardonné. S’il ne revient pas, c’est que la forêt l’a tué. Mais étant très peu nombreux, ils attendent trois ou quatre jours et vont le récupérer s’il est encore vivant. On peut quand même intervenir sur la Forêt. On a une construction symbolique de la Forêt qui joue sur un double registre : de percevoir la forêt comme un élément naturel et économique (fournit du gibier) et le registre idéologique parce qu’on l’a construit comme un système politique (la Forêt édicte les règles sociales et est à l’origine du mythe). On a construit un rapport économique en rapport mythologique. Godelier critique LéviStrauss parce qu’il s’est intéressé à la mythologie mais pas à l’économie, il a une vision idéaliste. Mais on peut quand même travailler sur la mythe en tant que tel. Godelier : « le sacré chez le M’Buti est inclut dans un système de représentations qui s’étend à la société entière et qui joue le rôle d’une pratique sociale contribuant à la reproduction de la société » « Le système de représentations qui est une force explicative et justificative, sublime le rapport de production » La forêt est une réalité écologique et idéologique : entité idéologique : investir cette entité de pouvoir et de devoirs, c’est la mort sociale ou physique. Conclusion : dans certaines sociétés, comme chez les M'Buti, le mode de production détermine la structure globale de toute la société, mais il est sublimé par le système symbolique, d’où l’importance de chercher et de comprendre le système de contrainte (le mécanisme explicatif du fonctionnement de la société). Cette structure globale, cette logique d’ensemble, dégagée par les contraintes, ne sont jamais des phénomènes directement observables comme tels, mais doivent être reconstruis par la pensée et la pratique scientifique. le système de contrainte est un système de règles sociales. L'anthropologie sociale et culturelle Bibliographie Barley Nigel, L’anthropologie n’est pas un sport dangereux (1997) G. Atlhabe , D. Fabre, G. Lenalad, Vers une ethnologie du présent (1992) N. Daniel, Ombres et lumières (1980) Introduction Le champs est trouble, on a un double qualificatif pour un même objet. « Tout dépend de la considération que l’on a pour l’une ou l’autre, c'est comme la face d’un même papier carbone. » Alfred Kroeber (1876-1960) « Social ou culturel, il s’agit des deux points de vue d’une même réalité ». Lévi-Strauss Kroeber a écrit sh Testament Du ernier Indien Sauvage De L'amérique Du Nord . Ishi était un indien qui appartenait à une tribu Yahi du nord de la Californie. A la fin du XIXe siècle, les fermiers n’aimaient pas les Indiens car ils chassaient sur leur terres. Il y a eu un massacre de quelques cultures indiennes dont celle des Yahi. Ishi aurait échappé au massacre des villages. Il avait environ 30 ans et a vécu tout seul pendant trois ou quatre années. C’est au cours d’une prospection que des fermiers blancs vont tomber sur un « sauvage ». Celui-ci cri alors « Ishi » qui veut dire « homme ». Il vont faire appel à Waterman, un ethnologue. Il fait un rapprochement entre deux langues indiennes. Il fait appel à Kroeber qui va essayer de comprendre Ishi. Cet homme a des choses à dire et va lui être utile d’un point de vue intellectuel pour ses thèses, puisqu'il travail sur la notion d’affiliation culturelle (l’homme sans culture est moralement mort) et sur les notions d’identité et de perte d’identité. Ishi va apprendre l’anglais et Kroeber va apprendre la langue de Ishi. Une amitié se créer entre les deux hommes et Ishi reste avec Kroeber et tente de reconstruir sa propre culture. Ishi se rend compte qu’il n’a pas de nom, pas de femme, qu’il ne peut pas transmettre sa culture, tombe en dépression et attrape la tuberculose. Il se laisse mourir et meurt en 1916. Kroeber entre à son tour dans une profonde dépression. Il se demande si en voulant démontrer ses thèses, il n’a pas considéré Ishi que comme un objet plutôt que comme un homme à qui il aurait pu offrir une autre vie. Ensuite, d’autres Yahi ont été découverts, le corps leur a été restitué. Kroeber tente de construire un dictionnaire des définitions de « culture ». Il en a trouve plus de 150. Il en ressort une thématique : la connaissance de l’environnement ou des relations sociales. Il ne terminera jamais ce dictionnaire. Pour lui, « le caractère approximatif de certains termes n’est pas un obstacle absolu à leur utilisation temporaire, à partir du moment ou elle est opératoire ». Il faut donc les utiliser en les définissants, pour qu'ils deviennent opératoires à un moment donné, quitte à s’en débarrasser après. Il penche plus pour le terme d’anthropologie culturelle. Y a-t-il pré-existence d’un terme sur l’autre ? La culture préexiste-elle la société ou l'inverse ? Est-ce que ces deux termes recouvrent la même réalité ? Ce débat qui a perdu de sa force aujourd’hui car beaucoup penchent pour la dimension complémentaire et bidimensionnelle de la société, alliant lien social et lien culturel. Il y a deux concepts qui, au milieu du Xxè siècle, vont donner une nouvelle dimension au champs social et culturel : celui de « structure » et celui de « dynamique » (ou changement social) Les concepts de l'anthropologie sociale et culturelle La structure, Alfred Radcliffe-Brown et Claude Lévi-Strauss La définition de la structure peut se faire par un dialogue entre différents anthropologues. Alfred Radcliffe-Brown est le premier à utiliser ce terme. Pour lui, c'est une sorte de morphologie sociale, dans laquelle on trouve des structures observables (concrètes, comme le mariage) et des structures équivalentes à des modèle (abstraits), qui pouvaient permettre de construire des schémas explicatifs. Pour Claude Lévi-Strauss, Radcliffe-Brown a confondu la structure concrète avec une relation, pour lui les structures ne se voient pas, et la structure est sous-jacente, donc abstraite : c'est un modèle que l'on déduit et construit théoriquement. « la structure ne concerne pas la réalité empirique mais correspond à un modèle déductif qui fait que la structure est sous-jacente, inobservable et inconsciente. » Pour lui, la structure est quelque chose que l’on ne peut que mécanismes sociaux. Il travaillera sur la parenté, puis sur sociétés en ont une). Il trouve des traits récurrents que l’on proviennent de l’esprit de l’homme et sont donc aussi des modèle déductif. déduire du comportement identique des la notion de mythologie (toutes les peut assimiler à des structures. Elles structures mentales. On est dans un Pour Edmund Leach « Il faut toujours utiliser avec précaution les modèles de sociétés élaborés par les anthropologues, car ils représentent en réalité l’hypothèse de l’anthropologue sur le fonctionnement du système social ». Si le modèle est un tout cohérent, la réalité est elle incohérente et n'est donc pas réductible au modèle. Maurice Godelier lui répond que l'on a besoin de construire des modèles, « les modèles structuraux sont en fait une abstraction servant de point de repère pour l’analyse des situations concrètes ». Ce ne sont pas des vérités, seulement des systèmes de références. Leach répond en disant que « pour l’anthropologue le modèle est un tout cohérent alors que la réalité sociale est au contraire pleines d’incohérences. » On s’aperçoit que la stabilité n’est qu’un masque. Les petites sociétés masquent plus ces tensions parce qu’elles ont des mécanismes d’autorégulation et on croit ainsi retrouver un état d’équilibre. Mais cela est faux : toutes les sociétés sont dynamiques. La dynamique Le diffusionnisme, a été réactualisé dans les année 1960, avec l'anthropologie dynamique de Georges Balandier. La première chose à faire est de tenter de comprendre ce qui est permanent. Puis on s’intéresse a ce qui est mouvant ou incohérent : la complexité de la société, à travers les changements sociaux, les phénomènes d'acculturation, de contacts… Il y a deux types de changements : endogènes ou exogènes. Quelques exemples : Changement social endogène : Rétro-dynamique, quasi disparition d’une petite tribu indienne qui appartenait à l’ère culturelle des mandan : Leur rite d’initiation masculin (permettant de devenir homme) était très violent (résistance à la torture) et pouvait même aller jusqu’à la mort des jeunes gens : Cette société, par une dynamique interne négative, a provoqué un appauvrissement des jeunes et une disparition de la tribu (rapts des femmes et des enfants, par les tribus voisines) Changement social endogène et exogène : L’ethnoarchéologie américaine dans le Colorado (Sud-ouest Américain) a trouvé la population Anasazi, qui est considérée comme étant le premier peuplement de l’ouest américain, vers 200 Av JC. Elle a disparue au XIIIème siècle. (Préhistoire américaine mais Haut Moyen-Ầ ge en Europe) Pourquoi ont-ils disparus ? C'était une population sédentaire et agricole qui cultivait, comme les Hopi considérés comme leurs descendants), maïs, courge, haricots… (d'ailleurs Leur habitat était constitué de villages à flanc de falaise dans les canyons, avec un vingtaine de tours de 4 à 5 étages, 1900 pièces, le tout pouvant accueillir 3500 habitants. Depuis le bas du canyon, on ne voit pas le village, Dans les années 1920-1930, les chercheurs ont donc pensé qu'ils se cachaient, ou se protégeaient, d'autres tribus avec lesquelles ils étaient en guerre. Les chercheurs se sont alors mis en quête de traces de confrontations violentes, de rapts et ont émis l'hypothèse que les Anasazi ont peut-être disparus au cours de guerre inter-tribales, certains pensent même au cannibalisme. Mais on ne retrouve aucune traumatologie de guerre, de destruction de bâtiments, ni de traces sur les squelettes, les inhumations se font par des rites ordinaires. Dans les années 1980, des anthropologues se penchent archéologues sont américains mais que les fouilleurs sont Hopi sont sacrés et dangereux, les Navajo ont sans doute recouvert Les Hopi ayant un très grand respect pour eux, ils ne voulaient pas sur la question et constatent que les et Navajo. Mais pour eux, les morts les squelettes et ne l’ont jamais dit. non-plus déterrer leurs ancêtres. On ne sait toujours pas exactement pourquoi ils ont disparus, mais diverses dynamiques endogènes et exogènes peuvent l'expliquer : il y a trois facteurs probables : Endogène : Au XIIIème siècle, la démographie galopante dans une grande période de prospérité aurait provoqué une raréfaction des ressources naturelles : l'écosystème n'aurait pas supporté cette exploitation plus intensive et les récoltes auraient été insuffisantes, provoquant des famines. De plus, pour la fabrication des toits, plusieurs milliers d'arbres ont dû être abattus, cette déforestation n'ayant ensuite pas facilité la retenue de l'eau de pluie. Mais cette hypothèse serait créditées par un abandon partiel du village, une partie de la population restant sur place, or, le village a été abandonné (et non détruit) en trois ans environ… Exogène : En 1995, la palynologie et la dendrochronologie permettent de montrer que le climat à subitement changé, avec un assèchement rapide. En moins de cinq ans, le climat tempéré est devenu semi-aride, ne permettant plus de vivre correctement. La dynamique exogène entraine une dynamique endogène : La population se serait fondue aux tribus voisines des plateaux, par métissage et assimilation et acculturation des Anasazi. On trouve des modes de vies qui semblent proches, il y aurait eu une assimilation totale. Les Anasazi ont probablement survécus en tant qu'individu, mais pas en termes de culture. Certains archéologues émettent l’idée qu’ils auraient migré vers le sud Mexique et que certaines populations aztèques seraient d’origine Anasazi. Déclinaison des termes classiques : Assimilation, volontaire ou contrainte : perte de l’identité originelle et adoption des traits de la société d'accueil. Intégration : vivre avec une société d’accueil et obéir à ses lois, sans perte de l’identité originelle Syncrétisme : fusion d’éléments de cultures diverses Transculturalité : le métissage culturel (Fernando Ortiz) Confrontation et complémentarité d’éléments de plusieurs cultures, dans un processus continue qui n’est jamais achevé. Cette idée a été reprise par les universitaires québécois. Déculturation : perte totale d’identité culturelle mais sans en intégrer une autre : Cela aboutit à un ethnocide culturel (Robert Jaulin : disparition d'une culture) Exemple d'ethnocide : le Tibet Tsering Shakya université de Londres : il voit que le Tibet n’a pas connu historiquement parlant jusqu’au milieu du XXème, de bouleversement important, les seuls changements observés sont des modifications ou des redéfinitions dans le modèle religieux. En 1959 Pékin s’empare du pouvoir au Tibet, Tsering Shakya estime qu’il y a un couvercle culturel sur le Tibet, et que jusqu’en 1979 les conditions économiques y sont épouvantables : sous alimentation chronique, défaut de soins… En 1980, la situation s’améliore avec le changement de Premier Secrétaire à Pékin, ouvrant une nouvelle tendance. Pékin essaye de gommer les effets de cette trop dure politique et ne s’attaque plus au droits fondamentaux des Tibétains. Cette stratégie d’évitement dure jusqu’en 1990. Cette annéelà, Pékin lance une politique permettant de contrôler la région du Tibet et le ressentiment Tibétain par une politique « intelligente » de sinisation, sinisé en cinq points principaux : Flux migratoires : Pékin nomme des fonctionnaires chinois au Tibet. Migration d’une population chinoise parfois contrainte. Interdiction officieuse de tous les dialectes tibétains . Tous les papiers administratifs et l'enseignement sont en chinois, donc quelqu'un qui ne parle pas chinois ne peut s’en sortir. Introduction du tourisme occidental : Le Tibet s’ouvre grâce à des touristes fascinés, nécessitant des infrastructure de restauration, médicales, d'hébergement… Le gouvernement montre ce qu’il veut bien montrer et impose ses règles : les touristes participent indirectement à la sinisation du Tibet. Développement urbain : les villes se développent. Auparavant, des lieux neutres séparaient les lieux sacrés des lieux profanes, pour se concentrer, se préparer à la vie spirituelle. Ces espaces ont été investis par de nombreuses activités (échopes) : et empiètent sur les espaces sacrés des Tibétains. Choisir le Panchen-lama : le suiveur du Dalaï-lama est habituellement choisi par le peuple. Il existe une école de Panchen-lamas, réunissant les enfant susceptibles d'être choisis. Pékin veut inventé, construire un Panchen-lama. Aujourd’hui il y en a donc deux : un choisis par Pékin et un autre par le peuple, reconnue comme étant le suiveur. Cette situation provoque des mouvements insurrectionnel. Pékin a comprit que s’il contrôlait le pouvoir religieux, il contrôlait le pouvoir politique : le Tibet, a un statut de théocratie : le chef de l’état est le maître spirituel. Le « vrai » Panchen-lama se trouve en Inde, Pékin ne peut pas le contrôler. Le processus d'acculturation Pour Kroeber, dire que l’invention est fille de la nécessité est une idée utilitariste qui ne correspond pas aux observations des phénomènes d’acculturation. Un trait culturel peut être accepté, refusé, ou réinterprété. Kroeber va donner trois points. Un trait technique est plus facilement objet d’acculturation et plus facilement incorporé qu’une institution. Une technique ou un outil que l’on estime supérieur à celui que l’on possède, n’est pas nécessairement adopté immédiatement. Des problèmes sociaux, religieux, politiques ou culturels sont parfois posé par ce nouvel outil et entrainent une utilisation différée, ou une non-utilisation. ◦ Margaret Lock , anthropologue du fait médical, canadienne étudie la transplantation d’organe : le don d’organe a amené les Occidentaux à repenser leur vision de la mort. La mort cérébrale est maintenant la seule acceptée, pour permettre le don d’organes. Premier implant en 1967. L'ancienne définition légale de la mort (mort cardiaque) se transforme dans les années 1980 et Europe et aux États-Unis. ◦ Mais le Japon interdit le don et la transplantation d’organes, considérés comme un meurtre. Dans la pensée confucéenne, pour qu’un mort devienne un ancêtre, il doit conserver son intégrité physique. Ce n'est qu'à partir de 1997 que le Japon s’aligne pour donner une nouvelle définition de la mort légale. Elle fait deux remarques : ▪ « L’important est toujours de comprendre la relation entre technique et culture, plutôt que de considérer la technique comme une entité indépendante. ▪ « Il faut être honnête avec ce que l’on a fait : on a incité les gens à croire que la mort était cérébrale. On a transformé un concept biomédical en définition légale » Quand deux groupes entrent en contact, tous deux jouent un rôle actif dans le phénomène d’acculturation, tous deux s'en trouvent modifiés, à des degrés différents. Situation d’alternance, Balandier. Deux exemples : ◦ En 1997 l'Australie reconnait le doit à l’auto-détermination des peuples autochtones Mais en 1998, un jeune aborigène de 28 ans écope de 4 ans de prison pour avoir tué son neveu lors d’une nuit alcoolisée. Cette condamnation du droit civil australien, ne correspond pas à celle que souhaite lui infligé sa communauté, les Walpiri. À son retour, il est donc jugé de nouveau, mais par le droit coutumier. Yawana : « sang contre sang ». Pour qu’il puisse être réintégré dans sa société, il doit verser son sang : il reçoit des coups et est emmené à l’hôpital. Ce fait est médiatisé, et la société entière, l’opinion publique, se rend compte qu’il y a deux droits, et demande à revenir sur le droit à l’autodétermination des peuples : le droit coutumier est redevenu illégal. On aboutit donc à la non reconnaissance d’une société minoritaire. ◦ En 2000, l'Afrique du Sud reconnaît la pluralité médicale et rembourse les frais médicaux, que ce soit pour un médecin ou un guérisseur : reconnaissance des deux sociétés avec un bénéfice des deux cotés. Qu’est ce qui différencie l’anthropologie sociale et culturelle de l'opinion publique, des questions spontanément posées par les Hommes en général : qu’elle est la nature de cette pratique? Pour Malinowski, « c’est vrai, nous ne faisons qu’étudier des faits ordinaires » et l’étude ne peut se comprendre que dans son contexte culturel. On étudie le fait banal en interaction avec le contexte culturel. L’anthropologie doit problématiser et théoriser, Elle cherche à comprendre les fonctionnements internes des sociétés par une réflexion abstraite sur des faits observés, permettant des généralisations. Pour ça, elle a besoin d’utiliser la méthode comparative. (Mauss, Lévi-Strauss) ◦ Marcel Mauss , Esquisse d’une théorie de la magie, 1929, Toutes les sociétés ont une manière de nommer ce que nous appelons « âme ». à l'encontre de la méthodologie classique, il entame une étude comparative de différents termes (âme, mana, manitou…) Pour ses contemporains, la magie ressort de la religion, lui montre que la magie ressort de la science car comme celle-ci, la magie est une méthode explicative. On y trouve une analyse causale et un système classificatoire comme dans la science. Mais en science, cette notion de sacré n’existe pas, ce qui fait qu’elle est aussi un peu dans la religion. La méthode comparative et l'analyse montrent que c'est un fait universel et fondamental pour l’Homme en société. Le champ du folklore : ethnographie systématique du domaine français Bibliographie : Arnold Van Gennep, Manuel de Folklore contemporain (1934) Germaine Tillion, Il était une fois, l’ethnographie, Seuil (2000) Revue du CREA, Parcours anthropologique Revue Monde Alpin et Rhodanien (Musée Dauphinois de Grenoble) Le folklore est un vieux terme signifiant « connaissance du peuple ». Arnold Van Gennep est le premier grand folklorique français, et peut être le seul. Il se rend compte que ce pays est sujets à de grands bouleversements et s’intéresse aux faits qui vont disparaître, à leurs modifications, à la question des frontières, des marges, il veut être étranger dans son propre pays. On a toujours considéré qu’il n’appartenait pas à la grande ethnologie, à la règle des trois D : Dépaysement, Décentrement, Distanciation. Cette loi qui n’est plus pertinente depuis les années 1980, impliquant que l'on repense l’anthropologie, sous un autre vocable, celui de patrimoine, évolution contemporaine et dynamique du folklore, beaucoup plus porté sur l’analyse. Les anthropologues suisses et anglais ne l’ont pas oublié car pour eux les ethnologues pouvaient déjà aussi bien étudier chez eux qu’ailleurs. La notion de patrimoine a beaucoup été développée à Lyon 2 dans les années 1980 : l'histoire revendiquée par un groupe, son identité. Le CREA lui donne une définition plus précise : « le patrimoine se présente comme l’instrument de reconstruction des mémoires collectives et identitaires en lien avec le temps et l’espace. » Quand on invente un terme, il faut le définir et lui donner des propriétés. L’objet patrimonial en a trois : prendre en compte ses rapports avec le temps et la tradition prendre en compte la légitimité que lui confère le temps, le temps de sédimentation sa capacité à jouer le rôle d’ancêtre, à partir duquel on peut reconstituer une généalogie. Cette notion est-elle toujours pertinente et opératoire ? Oui, mais à un autre niveau, il ne s’agit plus de s’intéresser aux lavoirs des petits villages, mais d’exporter cette notion de patrimoine (mondialisation oblige). Le terme doit prendre du sens et en générer. Ainsi, certaines communautés autochtones vont revendiquer leur patrimoine environnemental, linguistique, artistique… (Inuit demandent à des ethnologues de transcrire leur patrimoine linguistique), Quels sont les objets patrimonialisables? Tous les objets de l’anthropologie sociale et culturelle ne sont pas axés sur la thématique du patrimoine. Tous ces termes de patrimoine sont positifs (mémoire, histoire, pratiques). Existe-t-il, dans ces objets culturels, certains qui ressortent d’un patrimoine non revendiqué ou nié ? Il faut réfléchir sur certains champs comme la sorcellerie en France (Favret-Saada). Est-ce un objet patrimonial ? Revoyons les trois propriétés : Estelle en lien avec la tradition? (oui mais on voit apparaître des conduites sorcellaires tout à fait nouvelles et qui n’ont rien à voir avec la tradition) Légitimité conférée par le temps ? (on pourrait penser qu’il y a sédimentation, mais personne ne se revendique de la sorcellerie, ce n’est pas une mémoire légitime) Capacité à jouer le rôle d’ancêtre? (non car on ne revendique pas cette pratique qui est cachée) Donc aucun des trois critères n’est satisfait : la sorcellerie n'est donc pas du domaine du patrimoine, mais fait partie de l’anthropologie sociale et culturelle. Revoir la partie concernant Les mots, la mort, les sorts, p 9. Par son travail sur les conduites sorcellaires, on peut trouver sept réflexions : Le terrain tient un double discours simultané, Elle se rend compte, de la double contrainte : les gens qui ont un lien avec les faits de sorcellerie ont des pratiques masquées. Ils tiennent un discours idéal devant les journalistes, et ont entre eux, un discours réel. La communauté est beaucoup plus soudée qu'elle n'y paraît, et répond à des règles de solidarité et à des systèmes d’adhésion. Par exemple, les journalistes font un amalgame entre paysan et crédulité, puis entre crédulité à sorcellerie, et donc entre paysan à sorcellerie. Ceux qui sont dans la mouvance sorcellaire laissent faire et ne sont pas du tout gêné que l'on parle de sorcellerie, peut-être parce que la communauté y trouve son compte ? La plupart du temps, le groupe accepte de mettre volontairement en exergue un cas original dans lequel les journalistes voient un sorcier : l'un d'eux est livré à la vindicte populaire, ce qui rend la pratique réelle d'autant plus discrète. On a là un bouc émissaire, une victime sacrificielle (souvent elle a une certaine fragilité psychologique) qui ne refuse pas ce rôle, quelques en soient les conséquences. En allant au cœur du terrain, elle se rend compte qu’elle doit participer et adhérer aux pratiques de sorcellerie : la parole a une grande importance, c'est le pouvoir et la guerre, elle détermine la place sociale car la parole peut être forte (désenvoûteur ou envoûteur) ou faible (envoûter). On peut être tantôt l’un, tantôt l’autre. Dans un espace court. Elle travaille sur la notion de communication : pour appartenir à ce groupe, il faut partager la même communication que lui et cautionner sa stratégie Elle travaille sur les travaux de F. Varela (linguistique) : « les interlocuteurs procèdent à un modelage mutuel d’un monde commun ». Le fait de discuter de la sorcellerie peut entraîner la création de quelque chose. Les mots sont des signes qui ont une valeur au sein du système linguistique et correspondent à une réalité qui excède les situations particulières. Varela : « Ces mots impliquent sens et référence à des unités culturelles auxquels ils sont attachés ». Si vous n’y croyez pas, ça ne marche pas. Si vous y croyez, ça marche parce que vous y accordez du sens. Favret-Saada décide de participer au groupe et de cautionner sa stratégie. Plus elle va à coeur, plus elle va comprendre que le noyau de la sorcellerie est une trilogie assez connue : mal, maladie, malheur. « L’attaque de sorcellerie est une explication et une mise en forme du malheur. » Dans son optique de sorcellerie comme pratique thérapeutique, elle s'intéresse au malheur, mais uniquement sous sa forme répétitive ou cumulative. Ce malheur peutêtre de deux ordres : ◦ ordinaire (ex : vous mangez trop, vous êtes malade, c’est dans l’ordre des choses, c’est naturel) ◦ extraordinaire ▪ positif (le mal ou la souffrance psychique ou physique vous fait expier un acte répréhensible ou vous fait atteindre un état extatique, il permet de vous surpasser) ▪ négatif (ordre de la malfaisance, surnaturel). On fait alors appel à deux figures emblématiques : le prêtre exorciseur et le désenvoûteur. Un personnage apparaît, qui jusque là était resté inconnu : l’annonciateur, un intermédiaire. Il fait l’annonce par un mot, une parole, face à quelqu'un qui souffre : « souffrir comme ça, c’est pas normal » ou « il n’y a pas quelqu’un qui t’en veut ». Cette phrase a une résonance particulière, c'est le temps de l'annonciation, qui doit être opportun : quelqu’un qui formalise ce qu’on pensait plus ou moins implicitement. Le patient va être pris dans une dynamique. Il faut faire appel à l’extraordinaire et donc à un désenvoûteur. Le désenvoûteur ne refuse aucun patient a priori, et se comporte d’une manière très rigoureuse, Il va procéder selon trois principes : ◦ Identifier la souffrance, l'authentifier ◦ Repérer les points de rupture, de vulnérabilité. (Le corps est comme une structure matricielle, il y a rupture de certaines lignes) ◦ Émettre un diagnostique, qui est pratiquement toujours le même, pour provoquer un état de choc : vous allez mourir si vous n'êtes pas désenvoûtés. Le désenvoûtement est assimilé à une conduite de soin. Une fois que le diagnostic est émis, le désenvoûteur va entrer dans la stratégie d’imputation : Il va demander à son patient de nommer le ou les sorciers qui l’ont envoûté. (Est-ce qu’il n’y a pas quelqu’un qui vous veut du mal dans votre milieu professionnel, amical, familial ?) Il s’agit, pour les patients, de passer d’un état passif à un état actif. Deux stratégies : accepter la thérapie physique (potions, onguents, prières, incantations…) pour tirer le mal d’où il vient, et son versant psychique : renvoyer le sort. La sorcellerie est toujours un moyen de diviser les groupes, elle est basée sur la violence, la jalousie, la haine, l’agression… Le passage de l’état passif à l’état actif se fait dans la formulation du vœu de mort. Le patient nomme la personne qui l'a ensorcelé et doit lui souhaiter la mort. La notion de mort vient des mots et pas forcément des actes. Le désenvoûteur n’est qu’un intermédiaire, il permet la compréhension, l’explication de la logique irrationnelle. Dans la sorcellerie, certains peuvent se penser du coté de la mort : deux facteurs : - cumulation des malheur et accidents. - le groupe fait pression et pense que l’individu n’est ni du coté fort, ni du coté faible, mais du coté mort. Jeanne Favret-Saada quitte ce mode faible/fort, et se voit elle-même du coté de la mort. Elle se rend compte qu’elle est de plus en plus dans une position faible (ces animaux domestiques meurent empoisonnés, elle a des accidents de voitures, le dernier assez grave, elle renvoie sa fille à Paris, ses amis sur ce terrain meurent, elle est prise dans les conduites sorcellaires, dans un phénomène d’auto-suggestion. Sa famille commence à s’inquiéter et la retire de son terrain alors qu'elle se trouve dans un état psychologique déstructuré, vers un milieu plus rationnel et scientifique pour tenter de la déconditionner. Elle mettra des années à s’en remettre. Objectivation des années après. Elle retournera sur son terrain, mais plus jamais, elle n’y habitera. Elle a modifié son objet d’étude pour travailler dans le sens des systèmes de régulation de la violence et du meurtre dans la société paysanne en France. « Il reste à accepter pour l’instant cette situation inconfortable, à savoir qu’il est peut-être possible qu’un phénomène social ou culturel soit irréductible à une seule théorie scientifique ». La sorcellerie n’est peut-être pas uniquement une conduite thérapeutique ni uniquement une régulation de la violence. L’étude est sortie du champ de la sorcellerie, et sert pour les mécanismes sectaires où il y a toujours des mécanismes de manipulation et d’autosuggestion. On s’en sert aussi du côté positif : pourquoi l’effet placebo fonctionne t-il ? L’étude de Jeanne Favret-Saada appartient à l’anthropologie culturelle mais ne ressort pas de la notion de patrimonialité, sauf à être une forme de patrimoine à contrario, en creux, caché, non revendiqué mais structurante (patrimoine en négatif) Conclusion L’anthropologie sociale et culturelle recouvre différents champs d’étude, mais surtout elle est capable d’en intégrer de nouveaux : des objets anthropologiques ne l’étaient pas il y a quelques années. Nécessité de faire de nombreuses études de terrain, qui va permettre la conceptualisation des connaissances sous forme de théories. L’anthropologie est très proche des questionnements ordinaires, il y a donc une nécessité méthodologique d’éviter le raccourcis brutal qui va de l’observation à l’interprétation, sans passer par l’analyse et l'objectivation, et qui induirait au mieux des interprétations fausses et au pire, participerait au mécanisme de génération de la rumeur. Dans l’évolution de ce champ, les concepts de « structure » et de « dynamique » ont permis de renouveler l’approche du terrain et sa conceptualisation. Concepts auxquels on pourrait ajouter celui de « non-lieu », au sens de Marc Augé : espace qui se situe entre deux ou plusieurs lieux, qui sont des marges : ce sont de nouveaux objets qui sont définis. Il ne faut pas confondre objet empirique (terrain) et objet intellectuel (celui que l’on construit, que l’on va théoriser, avec une analyse et une méthode comparative). La mythologie Bibliographie Marcel Griaule (1898 - 1956), Dieu d'eau, entretiens avec Ogotemmêlli (1948) Germaine Dieterlen (1903 - 1999), Le Renard pâle (1965) Paul Ricœur (1913 - 2005) : Autour de la Pensée Sauvage (1963) Fonction, nature et définition du mythe Depuis le début du XXème siècle, les historiens, ethnologues et philosophes se sont penchés sur la mythologie pour comprendre la genèse des mythes. Cette tâche s'est révélée impossible et vaine. Ils travaillent donc maintenant plus sur la nature des mythes : leurs caractères, leurs fonctions et leurs structures. Il y a de nombreuses définitions du mythe, plus complémentaires que contradictoires 1. La définition de Marcel Mauss : Manuel d'ethnographie sociologie et anthropologie : « Le mythe fait partie du système obligatoire des représentations religieuses. On est obligé de croire au mythe ». « Le mythe, même lorsqu’il raconte des événements précis, se place toujours dans une époque qui est différente de celle des Hommes, tandis que la légende se place toujours à une époque, qui a quelques degrés, est celles des Hommes. » Le mythe (divin) est dans un temps situé en dehors de celui de l’Homme, donc il est différent de la légende (héros civilisateur) et de la saga. Ça fait qu’il dira que la différence entre le mythe, la légende et la saga, c’est la même question que « qu’est ce qui sépare la divinité, le héros et l’Homme » ? C'est une différence de temporalité. au temps du mythe, la divinité, la légende, le héros totémique ou civilisateur la saga c’est le temps de l’homme. Un temps qu’il peut saisir mentalement. Le mythe parle des origines et de la connaissance de l’Homme, et en générale, de la fin de l'humanité, Le mythe est une richesse, une conciliation de connaissances acquises depuis des millénaires. Il n'est donc pas immuable, et peut varier faiblement et sur le long terme, avec l’intégration de nouvelles connaissances. Le mythe est toujours un récit, mais n’est pas forcément lié au verbe, et pas forcément oral. Il peut prendre d’autres formes, sur des supports variés (graphique (peinture), gestuel (danse, pratique artisanale), musical (instrument, chant), …) Deux exemples de supports Les Navajo, peuple de l’Arizona. Ils ont des mythes très complexes, et toujours vivants. Les Navajo utilisent dans certaines circonstances des peintures de sable (sand painting), on les appelle peintures thérapeutique. Elles sont composées de motifs ornementaux, tous issus de la culture. Le dessin doit être conforme à celui du mythe, aucune liberté artistique n’est laissée. Aucun Homme ne peut connaître le mythe en entier, donc un individu, par la partie du mythe qu’il connaît, peu entrer en contact avec les divinités concernées par cette partie du mythe. On parle de guérisseur, de « chanteur », que l'on peut assimiler à un chamane. Quand quelqu’un est malade, cela constitue un déséquilibre qui a une incidence sur tout le reste de la communauté, c’est pourquoi cet individu accepte de se soigner, Les soins sont toujours collectifs, avec la famille et le guérisseur. Le collectif est plus important que l’individuel. Les chants sont complexes et le chanteur doit avoir une longue formation, de 5 à 10 ans. Il y a des guérisseurs spécialisés pour certaines maladies. Ils doivent donc apprendre le diagnostic et la thérapie, qui se fait par des soins physiques, le dessin, les chants, des voix… Le mythe doit être dit, et cela peut durer une semaine, nuit et jour. Ces cérémonie sont devenues payantes. Le champ du fantôme est très complexe et dramatique, c'est actuellement le plus cher. Le chanteur, outre les chants et les manipulations gestuelles, doit produire les dessins issus du mythe, qu’il ne peut en rien modifier : il trace sur le sol, une série de dessins symboliques et géométriques riches en couleurs. Le mythe est le temps de la divinité, c’est un temps parfait. Or l’humanité, à partir du moment ou elle a été créée, n’est qu’un sous ensemble et donc imparfaite. Ainsi, quand on reproduit un dessin, il faut toujours faire une erreur pour ne pas se prétendre être l’égale des dieux. Cela dit que l’on est Homme. Une fois fait avec cette erreur, on fait asseoir le malade et là, commence les chants, paroles, prières et théoriquement il y a un soin physique (réel) et psychique. Une fois le chant terminé, quand le malade sera en rémission. La réintégration de l’individu dans son groupe d'appartenance se fait par le mythe et dans le mythe : le chanteur va détruire tous les pigments, qui sont considérés comme étant chargés de la maladie. Il les met contre sa hutte et les dissimule. On a une partie du récit qui se fera uniquement par l’ornementation de ces peintures, que seul le chanteur peut reproduire, mais dont tous les membres en connaissent le sens. Étrangement, c'est un des rares peuples qui a des rites funéraires « pauvres », uniquement par la pensée. Les Papunya, aborigènes d'Australie Par Barbara Glowczewski, qui travaille sur la peinture : Celle-ci est chargée d'incarner la mémoire des ancêtres éternels. Cela commémore la mémoire des Hommes, et rappel la fusion entre l’Homme et la nature, et sert à transmettre un certain nombre de connaissances. Les ancêtres éternels appartiennent au « temps du rêve », période mythique sans temps ni espace, c'est le néant. Les ancêtres ou divinités ont créé le temps et l’espace en marchant sur des centaines de kilomètres. Les paysages, les rivières, les Hommes, les animaux, sont nés de cette pérégrination. L’Homme est donc une composante de la nature, sans hiérarchisation, d’où un sentiment de filiation forte entre la nature et soi. Ces itinéraires dessinent un réseau complexe de chemins, de relations familiales et sociales. Puisqu’ils ont un lien direct, et que, de plus, l'écosystème est particulièrement fragile, ils vont avoir une gestion de leur environnement physique raisonnée, à minima, et sous-exploitent les ressources de leur environnement, avec des règles de conduites d’évitement, de prohibition et d’obligation. Exemple . La fourmi à miel et considérée comme étant issue des ancêtres éternel, on ne peut pas la manger parce que l’on commettrait un endo-cannibalisme symbolique : on ne peut pas manger son père. Le miel est très important dans la mythologie aborigène, c’est une clef de voûte. Chez eux, au moment de la récolte du miel, la consommation ne se fait pas par celui qui le récolte. Le don est fait de manière évidente et habituelle, parce que les abeilles sont nos pères et nos frères, on ne peut pas manger le miel que son propre frère (ses propres abeille) à donné, pour éviter les incestes conclure des alliances avec d’autres familles ou d’autres clans. Ces dessins, sur écorces, carton ou rochers. Elle émet l'hypothèse que « les codes graphiques de ces peintures suivraient le principe des traces ou des empruntes, qui fait que l’on pourrait les lire à la manière d’une carte. » On a probablement une cartographie, dans le temps et dans l’espace. Ces peintures sont appelées « les chemin du rêves », que seuls les initiés peuvent comprendre. On ne peut pas reproduire les voix du rêve exactement, donc on le fait différemment. Les motifs géométrique restent au sein de la communauté des initiés. Mais pourquoi les retrouve-t-on dans les musées ? Les membres de la communauté Papunya ont ressenti l’intérêt des occidentaux pour leurs peintures. En 1971, pour la première fois ils ont décidé de transférer leurs dessins de l’écorce à la toile, pour les diffuser en Australie, à l’étranger. Ils montrent ainsi leur connaissance de l’univers, du milieu physique en espérant une certaine reconnaissance. Ce sont des peintures abstraites, très géométriques. Les aborigènes font valoir depuis 1993 les liens matrilinéaires qui les unissent avec le plateau de Timbarra, qui est un ancêtre éternel. 2. La définition de Lucien Lévy-Bruhl : Le mythe n’est pas une explication de la nature, mais est une description du surnaturel (supranaturel) car il n’existe pas de frontière entre matériel et immatériel, dans les sociétés exotiques. « surnaturel » est ici employé dans le sens actuel en philosophie de « supranaturel » : qui transcende l'ordre de l'humanité. Pour lui, le mythe n’appartient à au domaine de l’imaginaire mais à celui du réel, dans la mesure ou il est vécu comme constitutif de la société réelle et qu’il définit des conduites réelles. Il fait une comparaison entre la pensée occidentale et la pensée exotique : La pensée occidentale est cloisonnée, basée sur des règles logiques et non variables, elle est objective, analytique, rigoureuse. La pensée exotique est indifférenciée, amalgamante, c'est à dire basée sur cette nondissociation homme/nature, plante/animaux et sur le fait que les éléments de la nature peuvent revêtir des formes qui ne sont pas stables, il y a donc une référence aux relations totémiques. On préfère maintenant le terme de « pensée globalisante » à celui de « pensée indifférenciée ». La pensée occidentale, rationnelle, à catégorie stable. Sa conclusion, est que « La pensée mythique ressort d’une mentalité primitive, pré-logique, c’est-àdire d’une pensée pré-religieuse ». Il est donc évolutionniste, le mythe préfigure la religion. Lévi-Strauss va casser cette analyse dans les années 1960 en montrant que la mythologie est un mode de connaissance semblable au mode de connaissance scientifique, que c'est une pensée logique, qui sert à transmettre de la connaissance. 3. La définition de Maurice Leenhardt. C'est un pasteur qui a pour mission d'évangéliser les Kanak, mais prend finalement fait et cause pour leur culture face aux Caldoche. Il utilise l'ethnologie pour favoriser la compréhension des Kanak. Il constate que la mythologie permet de connaître l'histoire d'un peuple et sa façon de voir les origines du monde : Définition : Le mythe est en fait l’intuition de l’unité de l’Homme et du monde, et cette intuition n’est pas formulée, mais vécue par toutes les fibres de l’être. On retrouve l'aspect fusionnel entre l'Homme et l'univers, que certains peuples nomment. En occident, on va appeler cela l'harmonie, la transcendance. Chez de nombreux peuples, il y a un mot pour ce sentiment de faire corps avec l'univers (qui peut ne durer qu'une fraction de seconde). Il considère qu'il y a une opposition entre ce monde de connaissances affectives (émotionnelle, sensorielle) et notre mode de connaissances objectives, développées par le méthode. Il y a maintenant une filiation avec l'ouverture du champ de l'anthropologie de l'émotion dans les années 1990. 4. La définition d'André-George Haudricourt : Il est d' instigateur de l'ethno-science en France, notamment l'ethnozoologie et l'ethnobotanique. Ce qui l'intéresse, c'est la réalité sociale, économique, culturelle. Il émet une hypothèse : « il peut exister une correspondance entre le traitement de la nature et le traitement d'autrui, c'est à dire une interdépendance entre l'attitude d'une société face à son milieu et son attitude face au comportement social » Il a donc lié le fait que l'on ait une représentation positive de la nature, donc un traitement positif, raisonné de celle-ci, à l'inverse, si l'on exploite la nature, on est plus susceptible d'exploiter l'Homme. Il montre que ce qui est intéressant est moins la manière dont l'Homme conçoit la nature, que la manière dont il conceptualise (se représente) la nature et le mythe. L'étude de la mythologie devient ainsi l'étude des systèmes de représentation. Le mythe est l’histoire de la création du monde, et la place de l’Homme dans l’Univers. Tous les peuples ont des mythes, Il s’agit aussi de la naissance des clans qui ont conditionné les liens matrimoniaux. Le mythe participe aussi de la construction et de la transmission des connaissances. On a besoin en tant qu’humains, de rites pour comprendre le mythe. Lévi-Strauss, dans La pensée sauvage travail aussi sur l'Homme et la représentation qu'il se fait de son environnement et par le mythe. Les mythes racontent en général l'histoire du ou des mondes, mais quelques soient les sociétés dont on parle, le dernier monde avant le néant est celui de l'humanité. On pense la disparition du monde en même temps que celle des Hommes. Le mythe raconte aussi l'inscription de l'humanité dans ces mondes. Il y a souvent aussi une période de pérégrination des peuples à partir d'un paradis perdu. On essai alors de se remémorer, ou de retrouver ce paradis perdu. Rite et mythe sont indissociables mais ne sont pas réductibles l’un à l’autre. Le mythe est en dehors du temps de l'humanité, il transcende toujours le rite et s’accomplit dans ce rite, qui permet aux Hommes de redire l’unité, l’équilibre, de l’homme et de la nature. Le rite est une pratique qui peut être cérémonielle ou quotidienne, toujours répétitive, notion de répétition plutôt que sacralisation. Le rite ne peut exister que s'il a un sens. Marcel Griaule (1898 - 1956), ieu d'eau ntretie s avec Ogotemmêli Au Mali, chez les Dogon, au pied des falaises de Bandiagara. Ethnologue qui a consacré sa vie et sa carrière aux Dogon. Dans les années 1930, 1940, il part pour étudier la parenté et le domaine du sacré chez. Il va rencontré un vieux sage Dogon (an guerrier aveugle) : Ogotemmêli. Il va lui transmettre une grande partie du mythe Dogon. Pourquoi Ogotemmêli avait accepté de transmettre le mythe à un étranger. Il était très âgé et n'avait probablement personne a qui transmettre ses connaissances. Besoin. De plus, il lui paraissait nécessaire de faire connaître la société Dogon au monde, sinon celle-ci allait disparaître. Un blanc pouvait donc transmettre cela au niveau international. Il s'est donc servit de Griaule pour diffuser cette connaissance. On ne peut pas dire qu’il a été instrumentalisé : il est un passeur. Lorsque Griaule est mort, les Dogon ont demandé son corps, et ont réalisé un enterrement symbolique. Son petit-fils y a assisté, Calame Griaule, désabusé par ce passé. Il faut aussi noté que Griaule a importé une partie de l'art statuaire pour le musée de l'Homme, même s'il n'en avait pas le droit, au moins moralement. C'est un exemple de pillage des cultures autochtones. Le premier entretient dure 93 jours. Il remarque trois éléments : la très grande importance de la pensée symbolique (le besoin d'immatériel) le rôle métaphysique et social de la parole Dogon, qui dit le mythe la dualité de l'être humain : opposition et complémentarité entre l'homme et la femme, comme si on avait une unité sécable, mais qui se manifeste de la manière la plus extrême par la gémellité (pas, 1 + 1 mais 1 seul individu avec 2 moitiés). 1965, Le renard pâle, est supposé être l'ensemble des mythes Dogon. Les rites quotidiens Exemple : Une femme potière, dans sa fabrication d'un pot (activité banale et quotidienne), reproduit un geste archétypal : le premier geste, originel, de la création de l'humanité, il reproduite le mythe. En façonnant la glaise, elle reproduit la formation de l'humanité. L’humanité n’est pas issu directement des divinités, qui créent des jumeaux (presque toujours un homme et une femme) qui eux, donnent naissance à l’humanité dans l’union de ce frère et de cette sœur. C'est un grand inceste cosmique. Au moment de l’union le garçon a laissé échapper une partie de sa semence qui a créé la voie lactée (tradition amérindienne). On a très souvent la gémellité comme clé de voûte des mythes. Le mythe est la cosmogonie d’un peuple, c’est l’origine et l’évolution de l’humanité, il est toujours très complexe. Griaule montre qu'en pays Dogon, au Mali : Toutes les activités sociales sont conditionnés par l’enseignement du mythe. Chez les Dogons, l’activité archétypale des femmes est le tissage, celle des hommes est l’agriculture. Il y a une opposition et une complémentarité entre l'activité féminine et l'activité masculine. Le tissage se fait dans un cadre, qui comporte deux fils, l'un vertical, le fil de chaine, et l'autre horizontal, le fil de trame. Le cadre peut symboliser la brousse : espace, mâchoire non codifiée le fil de chaîne représente la nature sauvage et une mâchoire, le fil de trame est la part domestiquée de la nature, il donne la parole. Le vêtement à donc une grande importance pour cette raison, une femme qui sait dire le mythe par le tissage, sera bien acceptée dans la sphère féminine ou masculine, si elle ne sait pas tisser elle est « nue » et « muette » : elle ne sait pas raconter le mythe et ne pourra pas se marier. Dans beaucoup de sociétés la femme est une passeuse entre l’ancêtre et l’enfant (passage du lignage). Les hommes ont les mêmes contraintes que les femmes en creusant les sillons. Tout enfant doit avoir cet enseignement par ses parents. Pour Griaule, quelles que soient les interprétations et les représentations que se font les sociétés de l’action de l’Homme sur la nature, il existe les mêmes schémas conceptuels à des niveaux culturels différents. On n'est donc plus dans le registre de l’émotion mais dans un schéma mental, pensé et construit. Tout Homme, toute culture, a besoin d'interpréter le monde, de savoir pourquoi il est sur terre. On travail beaucoup sur les Dogon pour l’art divinatoire (basé sur le calcul avec quelques milliers de signes, notion d’abstraction, de calcul, ils font des calculs astronomiques, ils quantifient le temps). C’est un peuple qui est capable de penser conceptuellement son environnement sous forme de catégories. On est dans une logique hypothéticodéductive. Griaule a été critiqué (pas par les Dogons) pour deux raisons : Il a érigé un fait particulier en fait général parce qu’il ne s’est intéressé qu’au village de Sandra (il n’a pas vu tous les villages). Il aurait du avoir une vision synchronique (comparer les différents villages, manière comparative). Ils sont devenus les « Dogon de Griaule », puis « Les Dogon » Il a construit une oeuvre cohérente. Certains trouvent cela trop cohérent : quelque chose de parfait, que l’on peut modéliser. On ne tient pas compte de la dynamique, du changement et l'étude ne laisse pas la place au doute Georges Balandier reproche à Griaule le caractère spéculatif se son étude (quasi absence de mise en perspective historique dans les analyses, ce qui aboutit à une idéalisation de la société Dogon dans laquelle se confondent l’univers des mythes et la réalité sociale). On parle donc d'objet ethnologique ou d'ethnologisation de la culture. Ethnologiser une société ; il y a un jeu d’échange entre l’ethnologue et son interlocuteur ou l’interlocuteur se construit au travers du regard de l’ethnologue et où l’ethnologue va interpréter au travers de l’intérêt qu’il porte à certaines pratiques ou situations. Leenhardt , en Nouvelle Calédonie s’inscrit dans l’expérience vécue, l’émotion et la sensibilité. Alors que Griaule se penche sur les systèmes logiques et les structures. Ils, ont finalement approché le mythe d’une manière complémentaire, mais opposée. Claude Lévi-Strauss Il essayait de trouver les structures mentales, notamment au travers de la parenté, mais ce fut un échec, car probablement qu’on ne pouvait pas, à cause des facteurs exogènes. Sous l’apparente diversité des formes du mythe, on peut formuler des invariants culturels. Il a beaucoup travaillé sur les mythes où il pense trouver les invariants culturels (après avoir essayé avec la parenté, soumise à des conditions exogènes). Il va travailler sur les mythes du continent américain. Il écrit deux ouvrages sur ce thème : Histoire de Linx (1991) et La potière jalouse (1985) Il va comparer tous les mythes qui traitent du lynx sur le continent américain pour en faire apparaître les constante. Il en arrive à la conclusion que la pensée dans les mythes indiens procède en opposant les termes (homme/femme, sec/humide…), c'est une pensée duale, dualisme. Elle s’incarne dans un couple premier, un frère et une sœur, des frères, des jumeaux, qui sont le plus proches possible mais toujours différenciés. Pour Lévi-Strauss, le mythe a quatre caractéristiques : Les symétries internes aux mythes : opposition d'animaux à d'autres animaux, d'animaux aux hommes, d'animaux aux pouvoirs surnaturels et d'hommes aux pouvoirs surnaturels : il y a opposition et complémentarité, l’un ne peut se concevoir sans l’autre. (manifestation de la pensée duale). Les correspondances ou les analogies entre des mythes appartenant à des aires culturelles différentes (pour trouver les invariants) Il faut toujours travailler avec les emprunts ou les glissements de sens des éléments d'un mythe avec les cultures proches. (acculturation et glissement de sens) Exemple : Les Hopi vont avoir des représentations mythologiques qui vont glisser sur celles des Navarro : spiderwoman : divinité qui sort du sol, a été intégré dans le panthéon des divinités Navarro. La dialectique entre le mythe et la réalité sociale. Le mythe n’est pas immanent mais construit par l’homme, il peut être modifié par les structures sociales. Voici une séquence du mythe Hopi : Un jeune homme parcours la terre, accompagné de spiderwoman, il est initié par le maître serpent. Il peut repartir s'il se marie avec un serpent, ce qu'il fait. Tous les serpents sont nés de cette union. Après, il y a une sécheresse, spiderwoman donne alors le pouvoir de faire la pluie à … antilope. (assimilation serpent - eau) Il pense qu'il ne faut pas raconter de séquences de mythes, car cela n’a aucune signification : Les mythes, s’ils ont un sens, ne peuvent pas s’expliquer par des éléments isolés, comme les séquences d’histoire. Mais doivent s'expliquer par la combinaison complexe de tous ses éléments, de l'ensemble des versions d'un même mythe. Les mythes relèvent de l’ordre du langage, mais d'un langage spécifique qu'il va nommer métalangage (ordre du symbolique). Ces propriétés spécifiques ne ressortent pas de l’expression linguistiques ordinaire. On peut comprendre un mot sans comprendre les symboles qui lui sont liés. On est là dans l’ordre de la polysémie (un signe, plusieurs sens). On peut faire une analogie entre linguistique (morphème / phonème) et physique (atomes),. Donc il veut construire une unité constitutive du mythe, la plus petite unité constitutive du mythe est le mythème. D’un point de vue méthodologique cela implique d'étudier toutes les variantes possibles d’un même mythe car elles offrent des écarts et des corrélations entre elles qui permettent de soumettre l’ensemble à des opérations logiques pour aboutir à la loi structurale du mythe étudié. Les mythes offrent une possibilité de pénétrer les sociétés, de comprendre l’origine de certains conflits ou de certaines tensions sociales et la réalité complexe sous-jacente Ils ont une double fonction, idéologique et sociologique : Idéologique : Assurer l’unité ethnique à partir d’un système de représentation, auquel chaque membre de la société adhère. Sociologique : il assure l’unité ethnique, en donnant un sens et une histoire à tout activité sociale. Le rite cérémoniel Le mythe a des conséquences matérielles (activités domestiques et artisanales). Quand on prive une société de sa mythologie, on la fait disparaître. Comme il est difficile de faire disparaître un mythe, on supprime les rites (plus de transmission). Tant le mythe est complexe, il ne peut être retenu par les personnes, le rite permet de faire revivre et vivre le mythe par : La mnémotechnique : travail sur la mémoire par des objets, des situations et des pratiques Le traumatisme : Marquer la mémoire en lui laissant presque une emprunte au fer rouge. C’est pourquoi bien des rites comportent une certaine dramaturgie, théâtralisation, simulation de la mort, qui sont destinés à faire peur pour mieux retenir. Ils vont enseigner le mythe et agréger la société autour du rite. Pour les Hopi, l’eau est une préoccupation majeure. Le mythe est si complexe, qu’il est enseigné dès l’enfance, il se transmet par le rite kasina aux enfants. C’est l’esprit qui enseigne le mythe aux enfants et adolescents, c’est un intercesseur entre divinité et humain. Il a un double rôle : éducation et enseignement du mythe ordinaire et répression. Il est lié au cycle des saisons, apparaît au solstice d’hiver et reste jusqu’au solstice d’été. Il y a quelques 300 figures kasina, dont 30 sont utilisées, les autres étant misent en sommeil : ex : kasina ogre : pour les enfants, l’esprit peut aller partout sauf la kiva qui est un lieu de refuge Les kasina sont des Hommes qui ont du mérite et qui portent les attributs des esprits, quand il meurt, on l'inhume L’objectif du rite kasina est d'enseigner la mythologie Hopi dès la prime enfance, se conduire bien avec les autres et soi-même : c’est respecter le rite Hopi. Le rite de la snakedance est destiné à de jeunes garçons. Il a été photographié pour la première fois en 1888. C’est un rite d’initiation pour les hommes qui veulent entrer dans le clan des serpents Le rite du serpent est aujourd’hui toujours pratiqué mais seulement dans quelques villages. Il était autrefois pratiqué le long du Rio Grande. Il est pratiqué à partir du 15 aout et dure sept jour. Des jeunes gens veulent être initié dans la connaissance de grand serpent (essentiellement des garçons). Ils vont manifester leur souhait auprès du conseil des anciens. À la tête des anciens, pour la snake dance, il s’agit d’un guerrier et pas d’un sorcier. On demande à tous les jeunes gens de se retrouver dans la kiva (lieu sacré, circulaire, couvert, on rentre par une échelle et on sort par une échelle, il y a un banc circulaire, un petit trou pour laisser passer la femme araignée, spiderwoman et un foyer). Chaque futur initié a un parrain qui va lui dire que la chasse prend un certain temps (quatre jours et quatre nuits). La chasse va commencer quand tu verras le signe : petite bourse de cuire avec un plumeau et deux plumes de buses, et qui contient de la terre sacrée, du pollen de maïs et des plantes qui repoussent les serpents. Pendant l’attente, il va être dans une ascèse physique et mentale (mange et bois peu, il doit guetter). Le conseil envoie le signe quand il pense que le jeune homme est assez mature. Il n’a droit qu’à une gourde d’eau, un bout de pain et un peu de viande séchée. Il vont être dans un état d’hypersensibilité à ce qui se passe dans la nature. Ils doivent chasser le maximum de serpents et les maîtres veulent qu’ils tuent un crotale (serpent à sonnette) qui est le seul dangereux. La chasse se déroule selon une cardinalité (points cardinaux), on doit ramasser beaucoup serpents au nord, au sud, à l’est et à l’ouest mais pas au centre. Le plumeau est très utile car on dans un désert, il fait très chaud le jour et très froid la nuit. Le jour les serpents dorment et on doit pas les tuer lorsqu’ils dorment car ils sont enroulés, le plumeau sert à les réveiller. Lorsqu’il détendu on essaie de le prendre vers la tête. Il ne faut pas avoir peur. L’autre moment délicat quand on met le serpent dans le sac. Une fois que la chasse a a un très grand panier tressé où pollen sacré. Il reste quatre jours enseigner le mythe. La nuit ultime que s’il y a eu enseignement. de est ne est est été importante, les jeunes gens retournent à la kiva, à l’extérieur il y les jeunes gens déversent leurs serpents que l’on va nourrir avec du que les jeunes gens vont passer avec leurs maîtres où on va leur de la clôture du rituel est la danse du serpent qui ne peut se faire On va rentrer tous les serpents dans la kiva et les libérer au centre. Tous les hommes sont torse nu. Les serpents qui n’ont pas mangé depuis longtemps se répandent partout. Comme un mouvement brusque, les phéromones de peur sont aussi une agression pour le serpent qui pique. Un serpent qui monte sur un homme et qui va rester sur sa peau et surtout au creux de l’estomac et qui va s’endormir, c’est un très grand sage, ce n’est pas une face double, le serpent sent celui qui est bon et sage. Quand on arrive à la quatrième nuit, c’est là qu’on effectue la danse du serpent en étant dans un état paranormal, la flute va jouer des mélopées très sinueuses comme le serpent. La clôture de l’initiation est que l’initié va au centre de la kiva et danse à la façon des serpents, par ondulations. Quand le jour réapparaît, la cérémonie est terminée, on doit rentrer les serpents dans la nasse et on les relâche dans la nature. C’est pour ça qu’on ne doit jamais tuer un serpent. Des ethnologues américains ont commencé à le décrire vers 1920. Certains ont voulu y participer. Pour une fois, la danse a été faîte sur la place du village et les américains y assistaient. Mais certains avaient peur et criaient, il y a donc eu des piqués et des décès. Cette danse a été interdite de manière publique. Dans ce rite il y a des éléments symboliques marqués : 16 jours : le chiffre mythique chez les Hopi est le 4 (4 points cardinaux), le 5 c’est le chaos, la fin de tout. Chez les Azthèques il y a aussi le cinq qui est le centre des carrefours : l’endroit du mal, de la malfaisance, aucun Homme ne doit s’y trouver car il sera happer par le chaos. Il y avait chez eux une nuit d’épouvante : aucun Homme ne pouvait se trouver dans un carrefour car les femmes mortes en couche revenaient et tuaient Le serpent était assimilé à la pluie. La culture Hopi se trouve sur un plateau désertique, l’eau est rare et très précieuse. Il y a une profonde liaison entre homme paysage et homme serpent qui prend son sens dans le récit mythologique. Pour les Hopi, un homme bon est un homme qui connaît le mythe, qui est dans ce cas là un système de représentation. Le mythe a bien souvent une fonction idéologique et sociologique. Le mythe fédère l’unité ethnique et confère un sens et une histoire à toutes les activités sociales. Les sociétés occidentales raisonnent dans une optique de fragmentation et de fractionnement, de reconnaissance des objets (intellectuels ou non) basée sur la décomposition des éléments d’un tout, en vue d’être analysés. Les sociétés occidentales partent du principe que tout élément humain ou naturel produit des effets qui lui sont propres en ayant des causes qui lui sont également propres sans qu’il y ai de liens analogiques entre eux. Nous ne sommes pas dans un système de représentation basée sur l’identification analogique contrairement aux sociétés non occidentales qui se conçoivent comme étant une partie de l’univers ou chaque élément humain et naturel est une synergie. C’est une cosmologie englobante, une pensée mythologique. Pour les sociétés démographiquement restreintes, le fait de connaître l’environnement est beaucoup moins intrusif. C’est une logique d’accompagnement de l’environnement et d’équilibre avec l’environnement. Ce sont des systèmes de représentations en apparence différentes. Puisque le mythe est un système de représentation : Trois remarques générales de méthodologie Les ethnologues de la fin du XIXème voulaient comprendre le mythe en s’intéressant au récite, cela est trop restrictif et doit être enrichie en prennent en compte le fait que le mythe se trouve partout (pratiques domestiques et artisanales). Dans les villages Dogon, au seuil des cases, il y a un quadrillage qui n’est pas que ornemental mais qui a un lien avec le mythe (affiliation totémique avec tel ancêtre ou telle divinité). On les trouvent aussi dans les activités quotidiennes, dans les couleurs, le tissage, les soins médicaux. C’est pourquoi l’anthropologie doit observer et tout voir car il y a réactivation des supports du mythe. Roger Bastide : le mythe est aussi bien dans les gens que dans les choses. Les récits mythiques ne sont pas un succédané (remplaçants) de l’histoire d’une culture, qui permettrait d’expliquer la disparition d’un Empire, les mythes ne sont pas l’histoire. Mauss et Lévi-Strauss vont remarquer que s’il est vrai que l’histoire peut entrer dans le mythe,pour comprendre sa totalité. Le mythe traduit avant tout une structure de l'esprit et un mode de connaissance mais le mythe n’est pas l’histoire d’une culture de manière systématique. Rien ne démontre que le mythe est lié à l’organisation sociale, le mythe n’est pas la sublimation de l’organisation sociale mais permet d'en comprendre certaines composantes. Il entretient un rapport intime avec les structures de l’esprit de l’homme. Qu’est-ce qui fait un mythe ? Les mythes sont toujours d’origine anonyme mais de nature collective et ils visent à inscrire les façons de penser de ce groupe. Comment un récit devient-il un mythe. Pour qu’un récit tribal originel devienne un mythe il faut que la collectivité accepte d’en retenir le récit, de s’y référer, de le transmettre. Les mythes entretiennent un rapport privilégié avec la mémoire d’un groupe. Quand on parle de mythe, on a l’impression de quelque chose qui ne varie pas, qui ne bouge pas. Lévi-Strauss : « On ne discute pas les mythes du groupe mais en les répétant on les transforme en croyant les répéter ». Le mythe n’est pas permanent ni immuable. Le mythe est lié à la mémoire (toponymie des paysages, généalogie). Un groupe qui perd les noms, la construction logique et symbolique du mythe est un groupe qui va devenir amnésique, déraciné, en perte d’identité, c’est un groupe d'Hommes nus, qui ne sait plus qui il est, d’où il vient, ce qu’il va faire, déraciné et qui n’a plus de référence identitaire et plus de mémoire. Il y a au moins deux préconisations : LéviStrauss : Il faut nécessairement compiler toutes les versions d’un même mythe pour comprendre sa totalité, il faut donc travailler d’une manière synchronique et comparative. Quand il recueil un mythe, la tâche de l’ethnologue est avant tout théorique. L’analyse des mythes est extrêmement importante car c’est comme ça qu’on peut les comprendre dans leur totalité. C’est l’analyse qui prime et pas le recueil. La patience car il faut attendre le temps opportun pour qu’on vous raconte le mythe. Le mythe touche à l’intime de la culture. Il faut un espace opportun comme le décrit P. Descola (Les lances du crépuscule). Il faut une attitude d’humilité (accepter de se laisser enseigner). Il faut un partage des connaissances. Si on vous livre le mythe, c’est qu’on attend quelque chose en retour de vous. L’implication c’est souvent la reconnaissance de la culture. Pour Descola, son maître chaman lui demande de s’initier. Il se rend compte que son maître est très âgé (il a quatre femmes terrestres avec des enfants en bas âge, ses garçons sont trop petits). Il demande qu’il y ai un passeur qui transmette aux enfants. Descola se demande s’il doit accepter ou non, il refuse. Ce n’était pas son objet d’étude. Conclusion : On peut comprendre que pensée mythique et pensée scientifique ont en fait, beaucoup de choses en commun, elles sont moins divergentes qu'on pouvait le penser initialement car toutes les deux cherchent avec des logiques, des outils, des modes opératoires et des logiques explicatives différentes, à comprendre des rapports au delà du perceptible, à comprendre la place de l'Homme dans l'univers, à comprendre la relation Homme-Nature. En faite, les mythes cherchent à comprendre des principes d'organisation : ceux du monde et ceux de l'Homme. La mythologie, les mythes ressortent à la foi d'un questionnement métaphysique et de la connaissance. Tous les Hommes se posent les mêmes questions métaphysiques. Godelier se demande quel est le moteur du fonctionnement des sociétés, et reproche à LéviStrauss de ne pas percevoir sous les récits mythiques, l'origine de l’économie. C’est l’économie qui conditionne le mythe et notamment dans l’appropriation de la nature. Mais il a écrit un livre en 2008 où il réintroduit la notion de sens et de sacré, il est beaucoup moins économiste. Paul Ricœur va remarquer (grand débat en 1963) que le mythe n’est pas immuable et permanent et critique la prise de position de Lévi-Strauss parce qu’il tient compte d’une vision évolutive du mythe qui est beaucoup trop longue et ferme. Ricœur dit « la conception structurale privilégie la synchronie mais on a à faire à une machine à abolir le temps et on à une prégnance de ces enceintes mentales que sont ces mythologies qui commanderaient les individus ». Si les mythes sont des enceintes mentales, la pensée sauvage est mal nommée. Il critique la pensée sauvage. Ce sont les discours qui sont important pour lui et pas les formes. Il faut s’intéresser au sens du discours. Si on est pas sur un temps long, l’histoire peut interférer dans le mythe. Alban Bensa (De l’autre côté du mythe) travaille en Nouvelle Calédonie avec les Kanak. Pour comprendre le mythe il faut travailler la généalogie et la toponymie. Il s’est rendu compte que les noms qu’on lui donnaient ne correspondait pas aux noms qu’ils ont donné à l’administration française. Ils ont donné des noms qui leur venaient à l’esprit, des noms très prestigieux relayés à des terres claniques. Bensa comprend que dans le relevé généalogique il y a une revendication qui permet pour certains de reprendre leur nouveau nom et d’autres pour se relier au contemporain (JM Djibaou : recréer un récit qui tient compte du passé mais aussi du présent, pour dépasser les mouvements colonisateurs). Conclusion Les mythes peuvent se restructurer partiellement avec de nouveaux éléments générés par un processus d’adaptation à une situation nouvelle. Cela ne signifie pas que la recherche de structure dans le mythe soit infondée mais le problème est le fait que cette recherche soit liée à la notion de modélisation. L’analyse structurale des mythes de Lévi-Strauss ne s’érige pas, comme on le croit trop souvent, en vérité mais permet seulement d’avoir des modèles de compréhension pour ceux-ci. Le problème du modèle est souvent sa trop grande cohérence. On ne peut plus faire rentrer l’aléatoire.