Les essais comparatifs, Quels effets sur l’attitude envers la marque ? Le cas des téléphones mobiles chez les jeunes Christian DIANOUX Maître de Conférences IUT de Metz Centre Européen de REcherche en Management des Organisations (CEREMO) [email protected] 173 Les essais comparatifs, Quels effets sur l’attitude envers la marque ? Le cas des téléphones mobiles chez les jeunes Résumé : L’expérimentation menée a consisté à exposer un groupe d’individus à un test comparatif sur les mobiles et à comparer l’évolution de leurs intentions d’achat à l’égard de ces mobiles (mesure avant-après) à celles d’un groupe de contrôle. Les résultats montrent que les essais comparatifs ne semblent pas avoir de réelle influence sur les intentions des individus moyennement ou faiblement impliqués à l’égard du produit. Mots clés : tests comparatifs, attitudes envers la marque, intentions d’achat, téléphones mobiles. Comparison tests, Which effects on the attitude towards the brand ? The case of the mobile phones for the young people Abstract : The experiment consisted in exposing a group of persons to a comparative test on the mobiles and in comparing change in their purchase intentions towards these mobiles (measurement before - after) with reference to those of a control group. Results show that the comparison tests do not seem to have a real influence on the purchase intentions of persons, in moderate and low involvement situations. Mots clés : comparative tests, attitudes toward the brand, purchase intentions, mobile phones. 174 globalement acceptés par l’ensemble des acteurs du marché. Sur le plan juridique, il est admis que les associations sont tout à fait fondées à diffuser des critiques ou des essais comparatifs sans contrôle préalable dès lors qu’il n’y a pas diffamation ou critique abusive (Hermite, 1985). Le fondement de ce droit repose non pas sur la liberté de la critique mais sur l'absence d'objectif commercial censé amener l’association à réaliser des comparaisons a priori objectives dans l’intérêt du consommateur (Francq, 1979). INTRODUCTION Les premiers essais comparatifs sont apparus aux USA à l’initiative de la Consumer's Research créée en 1929 par Stuart Chase et J.F. Schlink. En France, il a fallu attendre les années 1960 (Ministère de l’Economie, 1980) pour que des associations de consommateurs publient les premiers essais dans leurs revues : - l’ORGECO (Organisation Générale des Consommateurs), en 1960, fut la première à publier dans le numéro 1 de sa revue « information-Consommation », un test comparatif sur les yaourts ; - 1961 voit la sortie du premier numéro de ‘’Que Choisir ?’’ de l’UFC (Union Fédérale des Consommateurs) qui publiera un an après, le premier « euro test » en collaboration avec plusieurs associations du marché commun ; - enfin, il faudra attendre février 1971 pour que l'Institut National de la Consommation (INC) fasse paraître son premier test (test sur les autocuiseurs). La motivation des pouvoirs publics à promouvoir les essais comparatifs notamment par l’intermédiaire de l’INC se base sur l’idée que ceux-ci renforcent la concurrence, donnent une information objective et utile aux consommateurs2, et traitement de litiges ou à l’information. Par exemple, à la question : en pratique, avant d’effectuer un achat, quelles sont les informations que vous utilisez le plus (citez en premier celles que vous utilisez le plus) ? L’avis de l’entourage arrive en première position avec 26% puis on trouve les enquêtes et les tests comparatifs réalisés par les associations de consommateurs avec 23%, puis les caractéristiques des produits communiqués par les fabricants 17% et toutes les autres réponses n’atteignent pas 10%. Un autre sondage réalisé un peu plus tôt par l’Institut Louis Harris en 1988 fait apparaître des chiffres encore plus positifs puisque 84% des français d’après cette enquête accordent leur confiance aux informations diffusées par la presse consumériste et 68% peuvent citer au moins une organisation et une de leur publication. Aujourd’hui, les essais comparatifs occupent une place centrale dans les deux principales revues consuméristes françaises (« Que Choisir ? » et « 60 Millions de consommateurs ») qui leur consacrent un budget conséquent, car ils semblent répondre à une réelle demande des consommateurs1. Ils sont d’autre part 1 Selon le sondage AC Nielsen réalisé en aoûtseptembre 99 auprès de 1.200 foyers, 58,3% des français mettent en tête des services qu’ils souhaiteraient trouver en plus pour leur qualité de vie, en hypermarché ou en distribution spécialisée, l’affichage de tests comparatifs type « Que Choisir ». Il semblerait si l’on en juge les résultats d’enquêtes postérieures, que ce jugement positif à l’égard des associations de consommateurs soit une tendance pérenne. Un sondage effectué à la demande du Secrétariat d’Etat à la Consommation paru en 1989 (INC-Hebdo, 633, 7/04/1989) faisait déjà ressortir l’association de consommateurs comme étant un des organismes les plus fiables et efficaces quant au 2- Sur ce point, il semblerait que les recherches menées à partir des tables d’information (les tests comparatifs présentent l’information sur ce modèle) tendent à confirmer cette analyse. Le tableau d’information associé à la symétrie de présentation permet d’acquérir un plus grand nombre d’informations dans un temps moindre (Lentrein et Jolibert, 1983, 1984). De plus, Dubois (1984) a mis en évidence à partir d’une expérimentation utilisant les tables d’information, la valeur aux yeux du consommateur d’une information comparative (par exemple l’affichage des prix à l’unité de poids) par 175 les aident dans leurs choix. La question qui se pose alors, lorsque l’on se place dans une perspective d’étude du comportement du consommateur, est de savoir si les essais comparatifs influencent réellement les consommateurs dans leurs choix. Plusieurs recherches menées sur le sujet ont tenté de donner une réponse à cette question en observant l’évolution des ventes des produits testés suite à la parution de l’essai (Biguet, 1977 ; Biguet, 1978 ; Garrigou, 1981), ou en demandant directement au consommateur s’il pensait que la lecture d’un essai avait une influence sur son comportement (Thoury, 1973 ; Fabregues, 1991). Par contre à notre connaissance, aucune investigation n’a été menée pour déterminer l’influence des essais comparatifs sur une variable fréquemment prise en compte pour mesurer l’impact d’une publicité : l’attitude envers la marque. L’objet de cette recherche est de tenter d’apporter un début de réponse à cette question. Pour cela, après avoir rappelé ce qu’est un essai comparatif, nous présenterons les différentes études empiriques menées afin d’évaluer l’influence des essais comparatifs sur le consommateur, et à partir desquelles nous poserons notre hypothèse de recherche (§.1). Nous détaillerons ensuite l’expérimentation mise en œuvre pour vérifier cette hypothèse (§.2), puis présenterons et commenterons nos résultats (§.3). Enfin, nous conclurons en résumant les principaux résultats qui ressortent de notre étude tout en soulignant ses limites. 1- LES ESSAIS COMPARATIFS ET LE COMPORTEMENT CONSOMMATEUR 1.1. Les France essais DU comparatifs en Les essais comparatifs en France sont définis par la norme AFNOR référencée X 50.005 (08.75) : « Les essais comparatifs sont des essais auxquels sont soumis différents produits remplissant des fonctions d'usage analogues et dont les résultats permettent de fournir au consommateur une information objective sur les prestations qu'il peut attendre de ces produits ». Cette norme non obligatoire mais acceptée par les deux acteurs principaux en matière d’essai, l'UFC (Union Fédérale des Consommateurs) et l'INC (Institut National de la Consommation), peut être résumée autour des trois points clés suivants : - l'organisme responsable doit être financièrement indépendant des producteurs et distributeurs ; s'entourer des compétences nécessaires pour la bonne conduite des essais ; s'interdire toute publicité commerciale dans la revue où les essais sont publiés ; veiller à ce que les tiers qui pourront ensuite reprendre les résultats des tests, le fassent sans modification de sens et avec objectivité ; prendre toute les mesures pour éviter une exploitation commerciale abusive des résultats. - les produits présentés doivent être représentatifs du marché du point de vue de la zone géographique, de la répartition par marques, des modèles et des prix. Les échantillons devront être achetés anonymement et l'on veillera à respecter les conditions de prélèvement et de stockage. Les caractéristiques mesurées doivent être en rapport avec l'utilisation normale d'un consommateur. - les résultats avec la liste des caractéristiques soumises à l'essai et les opposition au mode traditionnel de juxtaposition des marques dans les linéaires. 176 méthodes utilisées doivent être communiqués avec une présentation suffisamment claire avant publication au producteur dans un délai suffisant pour lui permettre de présenter ses éventuelles observations. Les contestations éventuelles doivent être prises en compte sans pour autant lier l'organisme au producteur. 1984 de la Cour d'Appel de Paris (Rothmann, 1991) a condamné la FNAC à propos d'un banc d'essai autoradio arguant que l’entreprise ne pouvait qualifier d'objectifs des tests réalisés dans ses propres laboratoires sans contrôle extérieur et qu'elle ne pouvait en tant que distributeur se trouver dans une position de neutralité. De même, un distributeur de produits électroménagers engage sa responsabilité en publiant des tableaux comparatifs attribuant aux différentes marques vendues des étoiles de satisfaction, et les propriétaires ainsi dévalorisés sont fondés à lui réclamer des dommages et intérêts (Biolay, 1986, p. 60). Par contre le professionnel n’enfreindra aucun texte en reprenant un essai comparatif réalisé par l’INC dès lors qu’il respecte la norme NF X 50-006 (93-08) stipulant notamment : - l’annonceur ne peut utiliser que la synthèse des résultats élaborés et publiés par le centre d’essai ; - la reprise dans tout support (hors lieu de vente) « consiste en l’intégration au message publicitaire de tout ou partie de la fiche type sous réserve qu’elle comporte au minimum : le nom du centre d’essais, la mention ‘’essai comparatif’’, la marque et la référence, et l’appréciation globale » (article 7.2) ; - l’annonceur peut cependant utiliser d’autres arguments dans son annonce à condition que ceux-ci ne soient pas contraires aux appréciations contenues dans la fiche et qu’il distingue son argumentation de celle du centre d’essai. Nous voyons ainsi que parmi les nombreux tests comparatifs publiés par certaines revues ayant souhaité répondre à l’engouement des consommateurs pour ce type d’information, tous ne répondent pas automatiquement aux exigences de cette norme. On peut les scinder en trois groupes correspondant à trois types de revues : - les revues éditées par des organisations de consommateurs indépendantes dont les deux principales sont 60 millions de consommateur et Que choisir ?3 - les revues spécialisées pour amateurs ou professionnels (automobile, moto, informatique, services, sport, ...) comme l'Auto-Journal ou Gault et Millaut ; - les revues ou dépliants de grands distributeurs, souvent spécialisés (FNAC, Au Vieux Campeur, CAMIF, ...). Parmi ces différentes revues, seules celles émanant du premier groupe peuvent réellement prétendre réaliser des essais comparatifs conformes à la norme AFNOR. Les autres ne répondent pas à une des conditions de base : l'indépendance commerciale et l'absence de publicité. Ce principe communément admis, est par ailleurs retenu par le juge lorsqu’il doit statuer sur ce type de problème. Par exemple, l'arrêt du 3 juillet Au moment de sa sortie, cette nouvelle possibilité offerte aux professionnels semblait promise à un bel avenir si l’on en juge les positions prises en sa faveur, que ce soit de la part des distributeurs (Leclerc, Carrefour, Trois Suisses, …), ou des fabricants (Thomson, Calor, Panasonic, Magimix, Moulinex, Brandt, Airlux, Hydro Frisquet, Rhonelec, Atlantic, Nivéa, Manix, Pabacrème, Minolta,…). Citons par exemple Michel-Edouard Leclerc qui, lors du lancement de la norme expérimentale, 3- Rappelons que ces deux revues par comparaison avec celles des autres pays européens ont une diffusion assez faible. Que Choisir ? et 60 Millions ont une diffusion d’un peu moins de 400.000 exemplaires alors que le magazine belge Test-Achat vend 400.000 exemplaires, Which (magazine anglais) et Stiftungwarentest (Allemand) vendent chacun un million d’exemplaires (Le Monde, 19/10/95, p .32). 177 remarquait que « cette démarche est fondamentale pour les distributeurs car elle permet de dédramatiser l’approche des produits et oblige industriels et distributeurs à collaborer plus étroitement » et il ajoutait plus loin qu’il ne fallait pas « percevoir cette fiche comme un outil de soviétisation de la qualité » (INC Hebdo, 16/06/1989, p.14). Les plus petites entreprises voyaient par contre cette possibilité d’un mauvais oeil, non pas par rapport au principe mais par rapport au risque de ne pas apparaître dans un essai. Des auteurs comme Wieviorka (1977) avaient d’ailleurs pointé ce risque bien avant en soulignant que les 20 ou 30% du marché qui n’apparaissent pas dans la publication des essais (petites marques, produits régionaux) se trouvent « mis à l’écart, disqualifiés. Les tests jouent ainsi un rôle secondaire mais non négligeable dans l’orientation de la demande au profit des grandes entreprises ». En 1992, trois ans après la mise en place de la norme expérimentale, Marleix, Président de l'Autorité des Essais Comparatifs (ADEC), remarquait que la reprise des essais comparatifs sur les lieux de vente n'avait pas rencontré le succès escompté (32 reprises en 19924),et espérait que la nouvelle version moins contraignante de la norme (homologuée définitivement le 20/08/93) faciliterait l’utilisation commerciale des essais (INCHebdo, 5/06/92, p. 3). Il semblerait aujourd’hui, d’après nos modestes observations, que ce souhait ne se soit pas concrétisé aussi bien en ce qui concerne la reprise des essais sur les lieux de vente que dans la publicité grands médias. Cela n’est apparemment pas le cas toutefois, lorsqu’il s’agit de communiquer vers les réseaux de vente. 1.2. L’influence des essais dans le processus de décision Les différentes recherches menées jusqu’à présent pour évaluer l’influence des essais comparatifs sur le comportement du consommateur peuvent être classées en deux groupes que nous présenterons successivement : les études portant sur la mesure de l’opinion personnelle du consommateur à propos de l’influence qu’il attribue aux essais comparatifs sur son comportement, et les études portant sur la mesure de l’évolution des ventes suite à la parution d’un essai comparatif. Fabregues (1991), suite à une étude auprès de 150 abonnés de la revue « 50 Millions de consommateurs » (essentiellement des retraités et des professions intermédiaires), a relevé que les personnes interrogées affirmaient pour la plupart se fier aux conclusions des essais (sauf pour l’habillement et l’ameublement), et que 90% se disaient influencées par les essais comparatifs dans leur acte d’achat principalement en ce qui concerne5 : - une plus grande attention accordée aux caractéristiques des produits (45%), - regard plus critique sur la publicité (24%), - moins d’achats impulsifs (10%), - achat d’un produit après lecture d’un essai comparatif (36%), - désintérêt vis+-à-vis des promotions (3%). 4- Le rapport Malbouche (p37-38), réalisé juste après la mise en place de la norme expérimentale, faisait apparaître des résultats encore plus insignifiants. Sur 250 produits classés « bon » ou « très bon » (dans le cadre de 60 essais) par l’INC entre octobre 89 et octobre 90, seuls deux distributeurs ont spontanément repris les résultats, alors que 60 reprises ont été comptabilisées à l’initiative des fabricants pour fournir des informations à leurs détaillants. Dans le même esprit, Thoury (1973) avait demandé à des lecteurs de « 50 Millions de consommateurs » quels étaient les essais qui avaient changé leurs habitudes 5- Le total est supérieur à 90% car plusieurs réponses étaient possibles. 178 d’achat. Il obtenait les résultats suivants : 74% des personnes interviewées affirmaient avoir changé leur comportement d’achat à propos des eaux minérales suite à la lecture de l’essai, 58% pour les shampooings, 47% pour les surgelés, 40% pour le lait, 37% pour les démaquillants et 25% pour les pellicules photos. Ces différentes conclusions doivent cependant être relativisées en raison de l’effet probable de deux effets conjugués : l’existence d’un décalage entre l’influence que l’individu attribue à un stimulus et l’influence réelle du stimulus, et le fait que ce décalage est sans doute renforcé positivement de par la tendance consumériste marquée des individus interrogés. Sur ce dernier point, une étude menée en Allemagne et aux USA (Thorelli, 1975) a montré des décalages très importants entre consuméristes et non consuméristes en ce qui concerne la prise en compte des essais dans leurs achats. Il est donc intéressant de se tourner maintenant vers une des rares études ayant tenté de mesurer l’impact d’un essai comparatif sur les ventes. En novembre 1990, Véronique Neiertz, secrétaire d’Etat chargée de la consommation, commandait une étude sur les essais comparatifs pour évaluer notamment l’impact des essais auprès du public et les moyens susceptibles d’améliorer la diffusion des résultats. Il semblerait selon le rapport qui lui fut remis (Malabouche, 1991) qu’une mention nettement défavorable a un effet sensible sur le comportement du consommateur alors que les autres mentions ont un impact non mesurable. A ce propos, le rapporteur cite une enquête effectuée en 1990 par l’association belge « test-achats » qui fait apparaître que : - 13% des lecteurs font confiance a priori à l’article sélectionné par la revue comme ayant le meilleur rapport qualité/prix ; - les lecteurs tendent à élargir les appréciations de la revue aux autres produits de la marque (lorsqu’un produit recommandé n’est pas disponible, les consommateurs se tournent fréquemment vers la référence voisine, sans tenir compte des mises en garde habituelles, selon lesquelles l’appréciation ne vaut que pour la référence testée) ; - d’après les distributeurs, les essais peuvent avoir une influence considérable sur les ventes. Pour illustrer ce propos, un distributeur mentionne l’exemple d’un vin qui, après avoir été classé comme le meilleur, a vu ses ventes multipliées par 12 ; - enfin, les distributeurs estiment que la parution d’un essai se traduit par une modification des parts de marché et provoque pour les produits nouveaux une augmentation générale des ventes, dans la catégorie de produits concernée. Biguet (1977, 1978) montre que suite à la diffusion d’un essai sur la fiabilité très douteuse de certaines marques de casques moto, le plus gros producteur français a vu ses ventes baisser de façon plus importante que les ventes totales de casques alors qu’il n’était aucunement mis en cause et avait obtenu une bonne note dans l’essai comparatif. Quatre mois plus tard, ce même fabricant a vu ses ventes augmenter significativement ainsi que l’ensemble des autres producteurs. Il analyse cela en expliquant que « la présentation d’un scandale peut avoir tendance à jeter le discrédit sur l’ensemble des produits incriminés plutôt que de canaliser efficacement la consommation vers les produits les plus fiables ». Par rapport aux draps housses, la situation est différente puisqu’il s’agit non pas d’un scandale mais d’un simple essai comparatif largement repris par l’ensemble de la presse en décembre 1974 : 500.000 exemplaires reprenant intégralement l’essai, 2.700.000 mentionnant simplement les conclusions concernant les meilleurs produits et 2.600.000 exemplaires donnant une information générale sur le type de produit sans citer les marques. Il a ensuite comparé cette importante médiatisation 179 autour de l’essai comparatif, à l’évolution des ventes de ce secteur durant trois ans sur la période de décembre à janvier et obtient les résultats suivants : - 73-74 : augmentation des ventes de +11% - 74-75 : augmentation des ventes de +22% - 75-76 : augmentation des ventes de +13% distinguent ensuite achats répétitifs et non répétitifs : - pour les achats répétitifs des éléments tels que la proximité du lieu de vente ou l’expérience personnelle l’emportent sur les informations fournies par les essais ; - pour les achats importants non répétitifs (électroménager, automobiles,…) les tests n’ont réellement d’action que pour les consommateurs qui au moment de leur phase de décision peuvent trouver une information d’actualité, car l’information apportée par les tests se périme assez vite et des sources telles que le bouche à oreille s’avèrent être souvent beaucoup plus puissantes. Après avoir remarqué qu’il n’y avait eu parallèlement aucun glissement significatif des ventes d’une marque sur une autre, il en déduit que la publicité qui a été faite autour de ces essais sur les draps a profité à toutes les marques confondues. Ainsi, si les essais ont une influence significative sur les ventes, ce ne serait pas par rapport à une marque particulière mais par rapport à l’ensemble des marques de la catégorie de produit testée. Ils concluent en expliquant que les « tests doivent la faveur du public à leur aspect spectaculaire et dénonciateur ainsi qu’à l’impression qu’ils donnent aux lecteurs d’être des consommateurs plus rationnels à partir du moment où ils s’abonnent à une revue de tests, quel que soit l’usage qu’ils en font ». Un autre constat qui ressort de l’étude de Biguet, souvent avancé par de nombreux auteurs comme étant l’origine déterminante de l’influence des essais comparatifs, est la forte médiatisation des essais (casques motos et draps), et la mise en cause substantielle de la qualité (casques motos). Pour Garrigou (1981), les essais ont un impact restreint uniquement décelable dans les cas exceptionnels où le produit représente un réel danger ou un défaut particulièrement important. Par contre, l’essai n’a aucune incidence sur le comportement du consommateur lorsque aucune défaillance majeure du produit n’est démontrée. Pour étayer son propos, l’auteur cite, sans autre précision, une étude comparative sur les chaussures de tennis qui n’a pas modifié dans le mois qui a suivi les ventes des rayons de sport des magasins. Lendrevie et Lindon (1989, p.475) vont également dans le même sens en affirmant que « l’impact réel des tests sur les processus de choix est généralement limité si l’on excepte les très rares produits sur lesquels les tests révèlent des informations scandaleuses ». Ils Pour résumer, nous constatons que tous ces résultats, en dehors de ceux obtenus à partir de l’interview de consuméristes, ont tendance à montrer que si les essais comparatifs sont susceptibles dans certains cas (battage médiatique, défaut important d’un produit) d’avoir une influence sur le comportement du consommateur, cette influence porte sur la catégorie de produit6, et non sur une marque déterminée. Ces conclusions restent toutefois limitées, car elles ne découlent que 6- Notons à ce propos que tout dépend du niveau auquel nous nous situons. Wickham soulignait par exemple que suite à un jeu d’essais comparatifs en 1973, faisant ressortir les mérites relativement notables de l’eau de ville, les ventes récentes des eaux minérales ont accusé l’effet en 1973 et surtout en 1974. Il est en effet possible que si le niveau marque est trop fin pour permettre au consommateur de retenir suffisamment d’information afin de distinguer les ‘’bonnes’’ des ‘’mauvaises’’ marques, la distinction ‘’eau du robinet’’ versus ‘’eau minérale’’ est peut-être plus facile à mémoriser, et de ce fait entraîne des effets substantiels. 180 d’études portant sur la mesure des ventes ou de la perception qu’ont les consuméristes de l’influence que les essais ont sur leurs comportements. Afin de mieux connaître le rôle que peuvent avoir les essais comparatifs sur le processus de décision du consommateur, il paraît alors intéressant de poursuivre les investigations en prenant en compte une variable considérée comme centrale dans les tests destinés à mesurer l’efficacité publicitaire : l’attitude envers la marque. En effet, bien que les objectifs d’un essai comparatif et d’une publicité soient radicalement différents, il serait paradoxal de chercher à étudier les effets de ces deux formes de communication (consumériste et commerciale) avec des outils différents. C’est pourquoi nous nous proposons ici d’étudier l’influence que peut avoir un test comparatif sur les attitudes à l’égard de la marque (et plus particulièrement la composante conative) avec des outils sensiblement identiques à ceux qui sont employés pour étudier l’efficacité publicitaire. En fonction des différents résultats empiriques que nous venons de présenter, il semblerait que nous puissions postuler que les essais ne devraient pas avoir d’influence sur les attitudes du consommateur à partir du moment où aucune défaillance particulièrement importante d’un modèle n’est mise en exergue. Notre hypothèse de recherche peut donc être ainsi formulée : comparatif sur les téléphones mobiles. Ce produit présente l’avantage d’être possédé par la grande majorité des interviewés (90%) et de faire l’objet d’un usage fréquent de leur part. Nous présenterons les principaux détails de la méthode employée à partir des deux étapes de la collecte d’information : avant l’exposition au test comparatif sur les mobiles (§.2.1), et après l’exposition (§2.2). Cette expérimentation ayant été accompagnée par la mesure d’un groupe de contrôle, nous préciserons dans un dernier sous-paragraphe (§.2.3) la démarche suivie à ce sujet. 2.1. La collecte d’information avant exposition La première étape a consisté, avant exposition, à interroger par questionnaire 159 individus sur leurs intentions d’acheter à terme chacune des marques de mobiles présentées dans le test comparatif. La mesure était réalisée à l’aide de la question : « Si vous deviez acheter un téléphone mobile prochainement, quelle serait la probabilité que vous choisissiez les marques suivantes7 » accompagnée d’une échelle en 7 points allant d’absolument certain à totalement exclu. D’autre part, nous avons profité de cette première phase de collecte allégée du fait de l’absence d’exposition, pour mesurer les caractéristiques individuelles du consommateur qui nous paraissaient les plus susceptibles d'exercer une influence sur le traitement de l’information dans le cadre de notre expérimentation : des variables socio-démographiques (sexe, âge, et profession des parents), l’implication (échelle de Kapferer et Laurent, 1983), les besoins cognitifs (échelle de Petty et Cacioppo, 1984 ; traduite par Falcy, 1997), la connaissance H1 : La lecture d’un essai comparatif n’affecte pas la composante conative de l’attitude à l’égard des marques testées dès lors qu’aucun défaut significatif n’est signalé. 2- LA METHODOLOGIE Nous avons mis en œuvre une expérimentation en deux étapes selon la méthode « avant-après » en exposant un échantillon de convenance composé de 159 étudiants en première année à un test 7- Ces marques étaient les suivantes : Alcatel, Ericsson, Motorola, Nokia, Panasonic, Philips, Sagem, Samsung, Siemens, Sony, et Trium. 181 de l’information consumériste et l’attitude envers cette information, et enfin la marque du mobile possédé ainsi que le délai envisagé pour l’achat d’un nouveau mobile. La mesure de ces différentes variables nous permet dans un premier temps de préciser le profil des 159 individus interviewés : - 90% possèdent un mobile, et 83% en sont soit très, soit assez satisfaits ; - la profession du père est la suivante : agriculteurs (6%), artisans, commerçant et chef d’entreprise (12%), cadre et profession intellectuelle supérieure (17%), profession intermédiaire (21%), employé (19%), ouvrier (17%), sans réponse (8%) ; et de la mère : agriculteurs (1%), artisans, commerçant et chef d’entreprise (3%), cadre et profession intellectuelle supérieure (9%), profession intermédiaire (15%), employé (43%), ouvrier (4%), sans profession (19%), sans réponse (8%) ; - l’âge des interviewés est très homogène avec une moyenne de 18,7 et un écart-type de 0,8 ; quant au sexe, il y a plus de filles (66%) que de garçons (32%). probabilité du risque (p.c. = 0,405), ou encore l’importance du risque (p.c. = 0,373). L’alpha de Cronbach a été calculé pour les échelles de l’implication et des besoins cognitifs. Il variait de 0,71 pour la facette « probabilité d’erreur » à 0,86 pour l’échelle des besoins cognitifs. Pour avoir un alpha acceptable sur la facette « signe », il a fallu retirer l’item « il y a des gens qui jugent les personnes à la marque de mobile qu’elles achètent » (l’échelle est ainsi passée de 3 à 2 items et l’alpha de 0,53 à 0,73). 2.2. La collecte d’information après exposition La deuxième étape a consisté à exposer une partie des mêmes individus (n=104) une semaine après, à un extrait de la revue « 60 Millions de consommateurs » présentant un test comparatif sur les mobiles. Outre la page de garde qui était une photocopie de la première de couverture de la revue, les 11 pages qui suivaient, reprenaient intégralement et de façon strictement identique l’article de la revue (n°355, novembre 2001, pp. 34-44) consacré au test. Lors de la remise du document, les individus étaient informés qu’ils avaient 10 minutes pour le consulter et qu’ensuite des questions leur seraient posées à son sujet, sans autre précision. A la fin des 10 minutes, il était demandé aux individus de fermer la revue de telle façon que seule la première de couverture soit visible. Un questionnaire en deux parties était ensuite distribué. Ils avaient pour instruction de répondre aux premières questions concernant la mémorisation (spontanée et assistée) des marques citées dans le test, puis de s’arrêter afin que tout le monde soit au même niveau. Ils pouvaient ensuite rouvrir la revue pour continuer à répondre aux autres questions qui portaient uniquement sur les variables dépendantes : - l’attitude envers le test comparatif qu’ils avaient sous les yeux (10 items) ; L’existence d’éventuelles différences entre les deux groupes (exposés et non exposés) a également été vérifiée. Aucune différence significative n’a été observée que ce soit en ce qui concerne la répartition par sexe (p.c. = 0,728), âge (p.c. = 0,185), besoin cognitif (p.c. = 0,972), possession d’un mobile (p.c. = 0,450), la satisfaction à l’égard du mobile (p.c. = 0,556), le temps depuis lequel le mobile est possédé (p.c. = 0,863), ou encore la durée prévue pour remplacer le mobile (p.c. = 0,272). Seule une différence concernant l’implication à l’égard du produit a été constatée en ce qui concerne la facette « signe » (p.c. = 0,0218), pour les autres facettes aucune différence ne peut être relevée que ce soit pour l’intérêt (p.c. = 0,374), le plaisir (p.c. = 0,813), la 8- Les individus exposés au test comparatif sont moins impliqués à l’égard d’un mobile sur la facette « signe » que le groupe de contrôle. 182 2.3. Le groupe de contrôle - la probabilité d’acheter prochainement les onze marques testées ainsi qu’une marque absente du test et une marque fictive (Saver), en reprenant la même question9 que celle posée lors de la première collecte (cf. supra) ; l’attitude relative10 envers trois modèles comparés les uns aux autres (Philips Xénium, Motorola V2288, et Sagem MC3000) en ce qui concerne le prix, les qualités acoustiques, l’appréciation globale, et l’intention d’achat. Ces trois modèles ont été choisis en fonction de leur classement dans l’essai comparatif (la meilleure note était décernée au Philips Xénium avec 16/20 qui bénéficiait en plus de la mention « le choix de 60 Millions », la plus mauvaise note était décernée au Sagem MC3000 avec 12/20, et une note intermédiaire était décernée au Motorola V2288 avec 14/20). De plus ces trois modèles étaient les seuls représentants des marques Philips, Motorola et Sagem dans le test, ce qui limitait les risques de confusion. L’utilisation d’un groupe de contrôle permet d’effectuer une comparaison avec les résultats obtenus auprès des individus exposés au test, et de s’assurer qu’aucun phénomène particulier susceptible de modifier l’attitude des interviewés à l’égard des mobiles ne s’est produit durant l’intervalle d’une semaine laissé entre le premier et le deuxième questionnaire. Pour cela, un questionnaire a été administré à un groupe de 57 individus tirés aléatoirement parmi les 159 personnes ayant fait l’objet de la première collecte. Les questions posées ont porté sur les points suivants : - la probabilité d’acheter prochainement les marques ayant fait l’objet d’une question auprès des individus exposés au test comparatif (cf. supra) ; - l’attitude relative à l’égard des trois modèles mentionnés précédemment (Philips Xénium, Motorola V2288, et Sagem MC3000). 3- RESULTATS 9- Nous noterons à ce propos que nous avons repris uniquement le nom des marques faisant l’objet du test et non des modèles pour plusieurs raisons : il s’agissait d’étudier l’influence de l’essai sur la marque et non sur un modèle déterminé. De plus, les modèles sont peu connus par les individus et une comparaison avant-après n’aurait pas été envisageable. Après avoir présenté les résultats concernant l’influence du test comparatif sur l’intention d’acheter les marques (§.3.1), nous chercherons si des traits personnels tels que le besoin cognitif ou l’implication à l’égard du produit peuvent jouer un rôle. 10- Nous avons repris ici une forme de mesure proposée par Miniard et al. (1998). Ces auteurs distinguent les mesures absolues de l’attitude (i.e. « la marque Y a un bon rapport qualité/prix ») des mesures relatives (i.e. « la marque Y a un meilleur rapport qualité/prix que la marque X). Ils ont montré que les mesures relatives sont mieux adaptées que les mesures non relatives pour appréhender l’influence attitudinale de la publicité comparative. Etant donné que la présentation des tests comparatifs a une problématique assez proche, il nous est apparu intéressant d’inclure ce type de mesure. Cette question ne sera cependant pas traitée ici, car ayant fait l’objet de très peu de réponses de la part du groupe de contrôle, les réponses entre les deux groupes ne peuvent être comparées. Il aurait à cet égard été plus intéressant de ne retenir que le nom de la marque. 3.1. L’influence du test comparatif sur l’intention d’acheter la marque Pour vérifier si le test comparatif avait eu une influence sur l’intention d’acheter la marque, nous avons calculé pour chaque individu la différence entre la réponse donnée lors du premier questionnaire et celle donnée lors du 183 second questionnaire (un score négatif indiquait que l’individu avait exprimé une intention d’acheter la marque moins élevée lors du deuxième questionnaire et un score positif dans le cas contraire). Nous avons ensuite comparé à l’aide du test non paramétrique de Mann-Whitney les différences observées entre les rangs des deux groupes (individus exposés à l’essai comparatif et individus non exposés). Tableau 1 : L’intention d’acheter une marque de mobile Evolution de l’intent. d’acheter les marques suivantes : Alcatel Ericsson Motorola Nokia Panasonic Philips Sagem Samsung Siemens Sony Trium Individus exposés à l’essai comparatif Individus non exposés à l’essai comparatif Nb. ind. Rang moy. Nb. ind. Rang moy. 92 92 92 92 92 92 92 92 92 92 92 71,8 71,1 67,5 73,8 71,5 76,2 68,1 70,6 74,5 74,5 67,6 50 50 50 50 50 50 50 50 50 50 50 70,9 72,2 78,8 67,3 71,5 62,8 77,8 73,2 66,0 65,9 78,7 Test U de MannWhitney Proba. Conclusio Critique n 0,893 n.s. 0,869 n.s. 0,099 s.* 0,284 n.s. 0,993 n.s. 0,051 s.* 0,155 n.s. 0,704 n.s. 0,202 n.s. 0,215 n.s. 0,107 n.s. * significatif au seuil de 10% Les résultats indiqués dans le tableau 1 ne montrent quasiment aucune différence entre les individus exposés à l’essai comparatif et le groupe de contrôle. S’il y a eu évolution de l’intention d’acheter une des onze marques de mobiles entre le premier questionnaire et le deuxième, l’essai comparatif n’a semble-t-il joué aucun rôle significatif, sauf pour les marques Motorola et Philips pour lesquelles des différences peuvent être observées au seuil de 10%. Pour la marque Philips, il semblerait que les individus soumis au test comparatif ait évolué plus positivement en sa faveur que les individus non soumis. Cela est cohérent avec les résultats de l’essai qui montraient une supériorité du modèle Philips Xénium que ce soit en terme de commodité d’emploi, de performances de la batterie, de performances radios ou encore d’appréciation globale puisque la meilleure note (16/20) était attribuée à ce modèle qui bénéficiait également de la mention « le choix de 60 Millions ». Pour Motorola, on peut relever un effet exactement inverse, mais moins significatif. Ce résultat semble également cohérent avec l’information donnée par la revue consumériste qui faisait apparaître quelques faiblesses du modèle en ce qui concerne la commodité d’emploi et les performances de la batterie. Quant à l’appréciation globale, elle situait l’appareil dans une zone médiane avec une note de 14/20 (rappelons que la note maximale était de 16/20 ; et la minimale de 12/20). Ces considérations restent cependant bien ténues dès lors que l’on prend en compte l’ensemble des autres marques. En effet, l’observation des autres résultats ne permet pas de retrouver l’effet constaté pour ces deux marques. Illustrons cela par trois exemples : - deux modèles de la marque Nokia ont obtenu une appréciation globale très proche de Philips (avec une note de 15,5/20, soit un demi point de moins). Or, 184 3.2. Le rôle des caractéristiques individuelles aucun effet n’est observé pour cette marque qui devrait pourtant capitaliser sur le fait que ses deux modèles testés étaient très bien placés (2ème et 3ème position), alors que Philips n’avait qu’un seul modèle testé dont le prix était largement supérieur au modèle de Nokia placé en 2ème position (800FF de moins) ; - Samsung a obtenu des appréciations similaires à celles de Motorola, et pourtant aucune différence à l’égard de cette marque n’est observée entre les deux groupes ; - enfin, le mobile Sagem MC 3000 classé dernier de la liste dans le test comparatif avec la plus mauvaise appréciation globale (12/20) n’est pas significativement plus rejeté par les individus soumis à l’essai que par le groupe de contrôle. Pour vérifier si le profil d’implication ou le besoin cognitif des individus était susceptible d’influer sur leurs intentions d’achat, nous avons réalisé nos tests (comparaison de l’évolution des intentions d’achat des individus exposés à celle des individus non exposés à l’essai comparatif) en ne prenant en compte lors de chaque traitement, qu’un seul groupe d’individus (très impliqués sur chacune des 5 facettes, puis faiblement impliqués, puis fort besoins cognitif, et enfin faible besoin cognitif). Ces groupes ont été construits en considérant qu’un individu était impliqué sur une facette dès lors que son score était supérieur ou égal à la médiane plus un demi écart-type, et qu’un individu était faiblement impliqué sur une facette dès lors que son score était inférieur ou égal à la médiane moins un demi écart-type. Très peu de relations statistiquement significatives (en dessous du seuil de 10%) ont pu être constatées. La seule tendance relevée (cf. tableau 2) concerne les intentions d’achat du mobile Sagem (plus mauvaise note dans le test) pour les seuls individus les plus impliqués (aucune différence pour les individus faiblement impliqués). Ces différents éléments nous montrent que l’effet constaté pour Philips et Motorola est atypique et doit être appréhendé avec beaucoup de prudence. Nous allons d’ailleurs voir dans le sousparagraphe suivant que ce résultat ne se retrouve plus quand les individus sont traités séparément en fonction de leur profil d’implication ou de leur besoin cognitif. Tableau 2 : Evolution de l’intention d’acheter le mobile Sagem pour les individus impliqués Individus impliqués sur les facettes : Intérêt Plaisir Signe Probabilité risque Importance risque Individus exposés à l’essai comparatif Individus non exposés à l’essai comparatif Nb. ind. Rang moy. Nb. Ind. Rang moy. du 26 34 23 29 18,8 22,2 16,7 26,0 13 15 16 21 22,2 31,3 24,7 24,8 du 38 26,5 19 33,9 * significatif au seuil de 10% ; ** au seuil de 5% 185 Test U de MannWhitney Proba. Conclusio Critique n 0,401 n.s. 0,031 s** 0,030 s** 0,755 n.s. 0,101 s* Nous constatons à la lecture du tableau 2 que lorsqu’on ne retient que les individus les plus impliqués sur les facettes « plaisir », « signe », et « importance du risque », l’essai comparatif a un effet négatif sur la composante conative de l’attitude à l’égard de la marque Sagem. Cet effet n’étant pas observé sur Philips la marque la mieux notée (si ce n’est dans le sens opposé pour la facette probabilité du risque), ni sur les autres marques, on peut avancer que l’implication d’un individu aurait tendance à l’amener à modifier son intention d’acheter dès lors que le produit obtient un mauvais score. Nous noterons également que cette tendance semble plus être le fait des femmes que des hommes. L’expérimentation a été menée dans le cadre d’une exposition forcée et artificielle qui a peu de chances de se reproduire dans la réalité avec le même type d’individus que ceux interviewés. En effet, bien que la lecture d’un essai telle qu’imposée dans notre expérimentation ne semble pas très éloignée de la réalité, elle reste très hypothétique avec ce type de public dont une minorité est lecteur de revue consumériste (97,5% n’ont jamais acheté la revue « 60 Millions de consommateurs », et 72% jamais lue). Nous n’avons retenu comme variables individuelles que celles qui nous paraissaient les plus susceptibles d’influer sur les réponses des individus. Il est possible que d’autres variables que nous n’avons pu tester ici, jouent un rôle comme certaines caractéristiques permettant d’identifier le consumériste (Jolibert et Baumgartner, 1981), ou d’autres plus contextuelles entraînant l’individu dans un traitement de l’information plus poussé. L’implication situationnelle par exemple, liée à la proximité d’un achat, est peut-être susceptible de modifier substantiellement l’attention portée au test et par contre coup son influence sur les intentions (dans notre échantillon seulement 11% des individus interviewés avaient l’intention d’acheter un mobile dans les 3 mois qui viennent). CONCLUSION Si globalement les résultats que nous venons de présenter confirment notre hypothèse (la lecture d’un essai comparatif n’affecte pas la composante conative de l’attitude à l’égard des marques testées dès lors qu’aucun défaut significatif n’est signalé), il semblerait qu’il faille toutefois la moduler en fonction de l’implication des individus. En effet, lorsque l’individu est fortement impliqué (au moins sur les facettes « plaisir », « signe », et « importance du risque »), il a tendance à modifier son intention d’achat en défaveur de la marque la plus mal notée. Une seule variable dépendante, la composante conative de l’attitude, a été étudiée. Il serait nécessaire d’élargir le champ d’investigation en prenant en compte les composantes affectives et cognitives de l’attitude à l’égard de la marque. De plus, même si nous avions pris en compte les trois composantes de l’attitude, il se serait toujours agi de voir en quoi l’essai comparatif peut agir dans l’immédiat sur le consommateur. N’y aurait-il pas aussi des effets mesurables à plus long terme concernant plus largement ce que Tixier (1983) dénommait l’augmentation de la « qualification » des Si ce premier constat se confirmait dans le cadre d’études plus poussées, on pourrait alors avancer que l’essai comparatif joue un rôle très faible mais utile de gendarme de la qualité, en détournant le consommateur impliqué des modèles les moins performants, fondant ainsi selon une expression de Wickham (1976, p.141) « l’assise technique du contrepouvoir consumériste, indispensable au projet concurrentiel avancé ». Relativisons toutefois ce propos en soulignant les principales limites de ce travail. 186 consommateurs ? De même, on peut aussi se demander, à l’instar de Kotler et Dubois (1999), si le consumérisme ne représente pas en définitive et « d’une manière très profonde, l’expression ultime de la démarche marketing » en obligeant le gestionnaire à se mettre à la place du consommateur et à concevoir des produits répondant à des besoins jusqu’alors négligés, les tests comparatifs pouvant alors sur ce plan servir d’aiguillon. mémoire réalisé dans le cadre du diplôme d’Etat de l’Institut de Formation des Cadres Supérieurs de la Vente, CNAM Paris, juin. Falcy S. (1997), Les processus d’influence publicitaire : un essai de modélisation intégrant implication vis-à-vis de la publicité, caractéristiques psychologiques et publicitaires, Thèse en sciences de gestion, Université Pierre Mendès-France de Grenoble, ESA, directeur : Pierre Valette-Florence. Enfin, pour terminer, nous noterons qu’il serait intéressant d’étudier les effets d’essais comparatifs plus discriminants entre les marques. Dans l’essai que nous avons retenu, les notes s’étalaient de 12 à 16 sur 20, et aucune marque n’était mise réellement en défaut, qu’en serait-il dans le cas contraire ? Francq B. (1979), Les tests comparatifs en droits belge et français : aperçus d'une problématique, Actes du colloque de Lausanne, Genève, Librairie Droz. Garrigou M. (1981), L'assaut consommateurs, Paris, Flammarion. des Graby F. (1989), Consumérisme, Encyclopédie de Gestion, sous la direction de Joffre Patrick et Simon Yves, Paris, Economica, 533-550. BIBLIOGRAPHIE Hermite D. (1985), Le consumérisme dévoyé, situation comparée des consommateurs en Europe et aux Etats-Unis, Paris, Institut Economique de Paris. Biguet R. (1977), Elaboration et impact des essais comparatifs de biens de consommation, FNEGE, Actes du séminaire de recherche en marketing à Sénanque. Jolibert A. et Baumgartner (1981), L’identification des consuméristes français, Revue Française du Marketing, 86, 3, 79-91. Biguet R. 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