Mariage et eucharistie 1

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Mariage et Eucharistie
Ce document donne une approche des liens entre mariage et Eucharistie. C'est une lecture spirituelle
de trois textes, qui n'engage que son auteur...
Le mariage à Cana (Jean 2, 1-10).
1 - Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était.
2 - Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples.
3 - Or il n'y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit : " Ils n'ont pas
de vin. "
4 - Jésus lui dit : " Que me veux-tu, femme ? Mon heure n'est pas encore arrivée. "
5 - Sa mère dit aux servants : " Tout ce qu'il vous dira, faites-le. "
6 - Or il y avait six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux
ou trois mesures.
7 - Jésus leur dit : " Remplissez d'eau ces jarres. " Ils les remplirent jusqu'au bord.
8 - Il leur dit : " Puisez maintenant et portez-en au maître du repas. " Ils lui en portèrent.
9 - Lorsque le maître du repas eut goûté l'eau changée en vin - et il ne savait pas d'où il venait, tandis
que les servants le savaient, eux qui avaient puisé l'eau - le maître du repas appelle le marié
10 - et lui dit : " Tout homme sert d'abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu
as gardé le bon vin jusqu'à présent ! "
11 - Tel fut le premier des signes de Jésus, il l'accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et
ses disciples crurent en lui.
La lecture de Jean 2, qui suit de près l'introduction si belle où le « verbe s'est fait chair » invite à une
double lecture. Prospective, parce qu'elle complète cette introduction du chapitre 1, par l'annonce
d'une alliance nouvelle, d'un vin nouveau, mais aussi réflexive, puisqu'elle se place au bout de 2.000
ans de tâtonnement entre l'attention fidèle d'un Dieu et les alliances balbutiantes d'une peuple qui se
cherche et reste marqué par l'infidélité. Une recherche où le vin ancien s'est tari «Ils n'ont plus de
vin».
L'intervention de Jésus dans un mariage, place donc, dès le premier abord, son arrivée, son heure,
dans cette dynamique de mariage. Les jarres remplies d'eau, symbolisent dans ce sens, le passé du
peuple, mais pour actualiser le texte dans nos vies, elles symbolisent notre passé à nous aussi, notre
vécu, nos balbutiements dans la foi. On peut avoir à l'esprit, en lisant ce texte, le très beau livre
d'Osée, où Dieu demande au prophète de ré-épouser la prostituée, celle qui comme son peuple s'est
livré aux idoles et qu'il veut sans cesse ré-épouser.
Jésus va transformer l'eau en vin. Les jarres sont une allusion claire à la transsubstantiation, c'est à
dire au changement du pain en corps du Christ et du vin en sang du Christ. Elles rejoignent la
symbolique eucharistique que nous revivons chaque dimanche, lorsque l'on présente ce pain et ce vin
: « fruit du travail des hommes ».
Il s'agit alors de ce que nous avons pu faire dans notre semaine, des talents reçus et que nous avons
fait fructifier; mais aussi de nos fatigues et de nos souffrances.
Tout cela, nous le présentons à Dieu. C'est le fruit de notre semaine. L'accent sur le travail des
hommes est d'ailleurs marqué par le transport des jarres (plus de 100 kg) , lourdes de notre vécu de la
semaine, ce transport est notre dernière tâche avant le miracle de Jésus.
Cana n'est donc pas une participation pure et simple du Christ à un mariage juif mais une première clé
dans la pédagogie que constitue l'ensemble du message évangélique de Jean. Dans la simplicité et la
complexité, paradoxe qui caractérise les Ecritures, le mariage de Cana est à la fois continuité et
rupture.
Continuité car il s'agit encore de mariage, d'alliance, la vieille symbolique de l'Ancien Testament est
reprise par Saint Jean (Dans l'Ancien Testament, le thème des épousailles et de l'Alliance fait toujours
un parallèle entre le mariage et l'Alliance de Dieu et de son Peuple) .
Rupture cependant, car le message du Christ est foncièrement différent. Au lieu d'introduire une loi
supplémentaire, un rituel comme peut l'être celui du mariage coutumier, la nouvelle Alliance va
s'inscrire dans la chair. La parole du prophète prend ici tout son sens : Ez 36:26 « Je vous donnerai
un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau; j'ôterai de votre corps le cœur de pierre, et
je vous donnerai un cœur de chair. »
Mais quel va être ce bon vin ? Comment le Christ va-t-il nous proposer d'entrer dans une nouvelle
alliance ? Que préfigure ce miracle de Cana ?
Etonnamment l'évangéliste Jean ne va pas raconter la Cène dans le récit de la passion, à la
différence des trois autres évangélistes. Il va substituer à ce passage le récit du lavement des pieds.
Relisons ce passage :
Le lavement des pieds, Jean 13 1,10
1 - Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers
le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin.
2 - Au cours d'un repas, alors que déjà le diable avait mis au cÏur de Judas Iscariote, fils de Simon, le
dessein de le livrer,
3 - sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains et qu'il était venu de Dieu et qu'il s'en allait
vers Dieu,
4 - il se lève de table, dépose ses vêtements, et prenant un linge, il s'en ceignit.
5 - Puis il met de l'eau dans un bassin et il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer
avec le linge dont il était ceint.
6 - Il vient donc à Simon-Pierre, qui lui dit : " Seigneur, toi, me laver les pieds ? "
7 - Jésus lui répondit : " Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent ; par la suite tu comprendras. "
8 - Pierre lui dit : " Non, tu ne me laveras pas les pieds, jamais ! " Jésus lui répondit : " Si je ne te lave
pas, tu n'as pas de part avec moi. "
9 - Simon-Pierre lui dit : " Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! "
10 - Jésus lui dit : " Qui s'est baigné n'a pas besoin de se laver ; il est pur tout entier. Vous aussi, vous
êtes purs ; mais pas tous. "
11 - Il connaissait en effet celui qui le livrait ; voilà pourquoi il dit : " Vous n'êtes pas tous purs. "
12 - Quand il leur eut lavé les pieds, qu'il eut repris ses vêtements et se fut remis à table, il leur dit : "
Comprenez-vous ce que je vous ai fait ?
13 - Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis.
14 - Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver
les pieds les uns aux autres.
15 - Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi comme moi j'ai fait
pour vous.
16 - En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni l'envoyé
plus grand que celui qui l'a envoyé.
17 - Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites.
Le lavement des pieds est comme une envolée, une hyperbole du don de soi. Le Maître y prend le
rôle du serviteur. L'Epître aux Philippiens dira que « Lui, qui est de condition divine, n'a pas considéré
comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu. Mais il s'est dépouillé, prenant la condition de
Serviteur»
C'est intéressant de chercher pourquoi Saint Jean ne reprend pas le récit de la Cène et choisit ce
passage. Peut être qu'il veut traduire plus fortement encore la logique du don du corps du Christ. Le «
Je me donne à mon Eglise » prend ici tout son sens. Je te reçois et je me donne à toi. Toi Pierre,
représentant déjà nommé de mon Eglise, je me mets à tes pieds. Alors même que tu me seras
infidèle, alors même que tu me renieras trois fois d'ici le chant du coq, je me mets à tes pieds.
J'agenouille à tes pieds toute ma divinité et toute mon humanité. Je mets devant toi tout mon amour et
par ce geste, je commémore par avance ce que va être mon don total sur la croix.
Essayons un instant, de voir ce que nous pourrions dire, en tant qu'hommes et femmes mariés. « Je
te reçois, tel(le) que tu es ou tel(le) que tu seras. Je me mets à tes pieds, quelle que sera ou a été
notre conduite passée et future. Je te reçois et je me donne à toi...
L'allusion au mariage est là encore présente à plusieurs niveaux. Il s'agit d'épousailles, celles du
Christ et de son Eglise. Il s'agit du bain et du lavement qui purifie et rend digne du mystère. Pour
nous, entrer dans la « logique du lavement des pieds, c'est « humaniser » notre relation. Ne plus voir
l'autre comme objet, mais entrer dans la logique d'un abaissement devant l'autre. Se mettre aux pieds
de l'autre comme sujet, le respecter, aller jusqu'à cette attitude du Christ où le maître se fait serviteur.
Certes, le geste du Christ est « hyperbole », il est chemin qui élève notre relation dans un autre ordre,
dans un regard différent sur l'autre comme sujet.
Il s'agit aussi de cet amour sans faille et fidèle d'un Dieu qui va jusqu'au bout de son amour pour
rappeler à Lui son peuple infidèle. On y retrouve le prophète Osée dans toute sa force. Dieu aime. Il
aime sans faille et est malheureux de ne pas être aimé. Notons au passage qu'avant le lavement des
pieds de Pierre, Jésus lave les pieds de tous ses disciples, y compris ceux de Juda, puisque le départ
de celui-ci n'intervient qu'après.
La « logique de l'amour jusqu'au bout », est donc à son paroxysme. C'est l'hyperbole de la toute
faiblesse de Dieu face au mal qui trouve son aboutissement dans la croix (dont le texte ne se fait que
la clé finale, comme Cana en était la clé première) . Pour Jean, le lavement des pieds, introduit plus
en profondeur cette Eucharistie que le simple récit de la Cène. L'Eucharistie est proclamation des
oeuvres de Dieu, annonce du don et signe d'une gloire très spéciale, celle de la mort du Christ.
Dieu nous révèle, par la mort de son Fils, son amour infini. « C'est pourquoi Dieu l'a souverainement
élevé et lui a conféré le Nom qui est au dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou
fléchisse (Philippiens 2 6-10)
Quel lien avec le mariage ? C'est le texte d'Ephésiens 5 qui donne a mon avis la clé de la
correspondance :
« Maris aimez vos femmes comme le Christ a aimé son Eglise. »
Ecoutons d'abord le texte :
Ephésiens 5
21 - Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ.
23 - ... les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leur maris.
25 - Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle,
26 - afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d'eau qu'une parole accompagne ;
27 - car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel,
mais sainte et immaculée.
28 - De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa
femme c'est s'aimer soi-même.
29 - Car nul n'a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C'est
justement ce que le Christ fait pour l'Église:
30 - ne sommes-nous pas les membres de son Corps ?
31 - Voici donc que l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne
feront qu'une seule chair [citation de Genèse 2,24]. en l'entourant d'attention comme le Christ fait pour
son Eglise .
32 - ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Église.
33 - Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme
révère son mari.
Ce texte ne peut être compris correctement que comme le couronnement des thèmes et vérités qui
ponctuent la Parole de Dieu révélée dans l'Ecriture Sainte, tels le flux et le reflux de larges vagues. Ce
sont des thèmes centraux et des vérités essentielles.
Le sacrement esy signe. Signe visible (le corps est visible) mais aussi signe visible d'une réalité
invisible. Le sacrement est un signe efficace : par le sacrement de mariage, les époux manifestent
pleinement l'amour que Dieu porte à son Eglise.
Dans le début de ce texte (Ep 5 v 21) qui insiste sur la crainte de Dieu (non pas dans le sens où on
l'entend mais dans le sens d'une piété, d'une vénération respectueuse) il y a une correspondance
entre la piété envers Dieu et la « piété » envers l'autre, le respect de l'autre dans son identité et son
humanité.
Le respect du corps de l'autre, l'attention respectueuse entre dans cette dimension de crainte .
Il ne s'agit nullement d'une soumission qui ferait de l'un ou de l'autre l'esclave du conjoint. Ce qui
compte dans ce texte c'est la notion de réciprocité (v 29). « La communauté ou unité que les époux
doivent constituer se réalise dans la donation réciproque et mutuelle de leur vie».
Le bain d'eau qu'une parole accompagne (ch 5 v 26) est expression de l'amour nuptial en ce sens que
le Christ prépare l'Epouse (l'Eglise) pour l'Epoux. On y retrouve donc une double allusion au baptême
et à la réconciliation, mais aussi au lavement des pieds que nous évoquions tout à l'heure.
Après ce bain d'eau, St Paul présente l'Epouse et l'Eglise comme toute belle, sans tâche dans la
métaphore d'une noce. C'est cette Epouse que l'Epoux (le Christ) va nourrir (cf verset 29) et cette
nourriture sera pour la tradition une allusion claire à l'Eucharistie. Dans son amour « conjugal » pour
l'Eglise, le Christ va prendre soin de celle-ci par l'intermédiaire de l'Eucharistie. Signe visible et
invisible de Son Amour. Présence sublime d'un Christ qui continue de recevoir et de donner, d'être
présent dans nos cÏurs, de diviniser ce que nous avions humanisé par notre démarche volontaire
d'attention et de réconciliation.
Et le mystère de ce que l'Eglise a institué comme sacrement va être en parfaite correspondance avec
le sacrement dérivé mais au combien évocateur du mariage.
Le sommet de cette correspondance sera l'évocation de la Genèse. Relisons cet extrait du Chapitre 2,
24. « Ils quitteront père et mère (les eaux du passé seront abandonnées / transformée pour le vin
nouveau) et ils feront une seule chair ». Le vin nouveau, la chair (Le sens hébreu du terme est
beaucoup plus vaste que ne veut le dire le français et exprime une communion de cœur et d'esprit) «
Faire une seule chair », c'est laisser Dieu diviniser ce que nous essayons d'humaniser. Dans l'union
des corps et des âmes des époux, le Christ peut ainsi être présent, de même que dans l'Eucharistie Il
s'incarne en nous. Il est au cœur de notre union, comme Il habite en nous, par le mystère de
l'Eucharistie.
Lorsque les époux s'inscrivent dans cette logique de la rencontre « humanisée » (par leur fécondité,
par la présence d'un au-delà qui leur échappe et les pousse en avant) ils se font disponible à un audelà de leur amour fusionnel. Alors Dieu peut venir habiter leur chair, s'incarner en eux.
Le lien entre Mariage et Eucharistie va jusque là. Le « je te reçois » s'exprime pleinement dans le
sens eucharistique où le corps de l'homme se fait le temple du Christ (cf Heb 3 ou 1 Cor 3) . Il
s'exprime aussi dans le sens conjugal lorsque l'époux et l'épouse se reçoivent mutuellement avec une
même crainte, une même attention respectueuse. La primauté du « je te reçois » sur le « je me donne
à toi » est d'ailleurs intéressante à noter. Le don s'inscrit ainsi dans la logique d'une seule chair si
l'autre (avec ou sans A) est craint, vénéré, accueilli avec une piété, une « crainte » équivalente à celle
de l'acte eucharistique.
Si l'union conjugale s'inscrit dans cette logique eucharistique (jusque dans la louange) elle devient
alors véritablement une liturgie (notons d'ailleurs que le sacrement de mariage n'est valide que
lorsqu'il est « consommé » dans l'union des corps en une seule chair. La joie trouvée dans l'union des
corps est un véritable cadeau de Dieu, don en retour d'un Dieu qui nous reçoit en son sein. « Dieu vit
que cela était bon » dit en cela la Genèse.
De même, le déroulement de la messe s'inscrit en parfaite harmonie avec cette conjugalité.
Distinguons-en les étapes avec cette symbolique : Jarre pleine d'eau (Jean 2) nous sommes invités
au bain purificateur (Jean 13 / Eph 5 v 26) , renouvelant ainsi notre baptême par la prière pénitentielle.
Ce baptême renouvelé est ensuite accompagné de la Parole (v 26) . Si nous accueillons en nous la
proclamation de la Parole, cette parole de vie (« je te reçois » Seigneur) et cette réception est suivie
du don des corps symbolisé par l'offrande (jarres, pain des hommes) . Alors Dieu va diviniser ce que
nous avons humanisé. Il a reçu, Il va se faire don et nous l'accueillerons en nos corps pour faire de
nos vies un Temple et à nouveau un don. Car l'Eucharistie n'a de sens que lorsqu'elle se termine par
l'envoi en mission .
De même, dans l'accueil réciproque des époux nous nous ouvrons au don et aux fécondités qui en
découlent (charnelle ou spirituelle), de même l'Eucharistie va fortifier nos cœurs et nos corps et
réactualiser notre baptême. La messe va renouveler notre engagement de réceptivité et d'offrande
dont notre sacrement de mariage nous a fait le signe visible et efficace.
Puisque cet aller et retour nous a permis de recevoir le Corps du Christ en nous, de nous faire Temple
de ce corps, le don en retour, la charité qui nous habite n'est plus de notre seule faite, elle prend son
sens théologal d'agapè (cet amour qui ne vient pas de nous mais qui est don de Dieu la Charité /
Agapè telle que définie dans 1 Cor 13) .
Si l'amour humain est chose impossible à l'homme (Mt 19,26), l'Amour revisité par l'Eucharistie
devient possible par l'incarnation de Dieu en nous.
Claude H, essai de lecture donné dans le cadre d'une formation des animateurs CPM de Paris...
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