Document 1

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Ce sujet a été proposé par Mme Stéphanie PETRONE, agrégée de
Lettres Classiques pour ses étudiants du Lycée Langevin à
Martigues
BTS BLANC
Culture Générale et Expression
Aucun matériel n’est autorisé
Première partie : SYNTHESE (40 points).
Le détour
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents
suivants :
Document 1 : Nicolas Millet, « Comprendre la nécessité du détour par les
Idées », Le Monde (24 janvier 2008).
Document 2 : Jean de La Fontaine, « Le Pouvoir des fables », Fables (1693).
Document 3 : Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses (1782)
Document 4 : Si j’étais séropositive ? , campagne de sensibilisation réalisée par
l’association AIDES (fin 2006-2007).
Document 5 : Publicité pour une crème anti-âge Reversa.
Deuxième partie : ECRITURE PERSONNELLE (20 points).
Selon vous, pour atteindre le public, faut-il préférer des moyens directs ou des
voies détournées ?
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Document 1.
« Comprendre la nécessité du détour par les Idées »
Notre langue nous l’apprend : les amours non charnelles et les discours sans effets sont
« platoniques ». Platon s’avance – à jamais figé dans la posture même du philosophe : cet être
qui se tient à bonne distance du monde réel empêtré dans de belles – ou moins belles – paroles
qu’il énonce en vain. « Philosophie platonique », une espèce de pléonasme pour beaucoup.
Platon aurait, le premier et définitivement, scellé le sort de la philosophie. Et nous le voyons,
errant dans le ciel des Idées, telle une ombre, fidèle en cela à nos idées reçues – du langage.
Enseigner Platon, c’est alors lui redonner corps – et par là redonner corps à toute la
philosophie : refuser de le faire errer parmi nous drapé dans cette pseudo-figure du
philosophe, homme étrange et bavard à la fois, à jamais éloigné du réel, ou plutôt : des
réalités. Car, justement, il n’est pas sûr que ces réalités si pressantes – et sur lesquelles on
nous presse d’agir – soient bien le plus réel et le plus pressant. Platon idéalement nous
l’apprend : ce qui est réel ce sont les Idées. Faire lire Platon aux élèves, c’est leur faire
comprendre la nécessité du détour par les Idées, et la patience qui lui est propre : savoir
prendre le temps de séjourner – et non plus « errer » - des heures durant au ciel des Idées pour
pouvoir parer au plus pressé le moment venu.
C’est cette patience-là que nous voulons apprendre en lisant certains de ses dialogues en
classe. Car à travers notre lecture et les interrogations communes qu’elle suscite, Platon
lentement prend corps. Et nous avec : dans ces dialogues socratiques nous avons nous-mêmes
notre place, nous y sommes, avançant en pensée comme avance le dialogue. Nous
comprenons mieux : le savoir n’est bien souvent que l’apparence du savoir. Et nous-mêmes
qui croyons savoir au fond ne savons pas. Nous voilà arrivés, en même temps que les élèves,
au moment décisif : celui du savoir de notre propre ignorance. Nous pouvons commencer à
penser.
Chaque fois, Platon nous amène à ce commencement de pensée. Les élèves et moi. Et puis
du commencement de la pensée, il nous mène, mieux que quiconque sans doute car le
premier, à cette vérité qui donne sens à la philosophie : que l’idée est au fondement de tout –
connaissance et action. Pour le dire autrement et peut-être plus mal, car loin de Platon comme
pour montrer sa postérité : l’idéaliste est plus réaliste que le réaliste lui-même. Ou : s’il y a
bien un idéaliste parmi nous c’est le soi-disant réaliste qui croit pouvoir s’affronter aux
réalités « concrètes », comme il dit, sans en passer par l’abstraction, réelle, des idées. Détour
par les idées, qui n’est pas idéologie bien sûr, et qui suppose patience et temps libre : le temps
de l’école proprement dit où l’on apprend et fait apprendre avec Platon aux élèves que les
idées ont du corps : elles peuvent changer le monde. Une idée qui peut, justement, être
caressée.
Nicolas Millet, Le Monde, 24 janvier 2008.
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Document 2.
Le Pouvoir des fables
A M.de Barillon
La qualité d’Ambassadeur
Peut-elle s’abaisser à des contes vulgaires ?
Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ?
S’ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traités par vous de téméraires ?
Vous avez bien d’autres affaires
A démêler que les débats
Du Lapin et de la Belette.
Lisez-les, ne les lisez pas ;
Mais empêchez qu’on ne nous mette
Toute l’Europe sur les bras.
Que de mille endroits de la terre
Il nous vienne des ennemis,
J’y consens ; mais que l’Angleterre
Veuille que nos deux rois se lassent d’être amis,
J’ai peine à digérer la chose.
N’est-il point encor temps que Louis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las
De combattre cette Hydre1 ?et faut-il qu’elle oppose
Une nouvelle tête aux efforts de son bras ?
Si votre esprit plein de souplesse,
Par éloquence, et par adresse,
Peut adoucir les cœurs, et détourner ce coup,
Je vous sacrifierai cent moutons ; c’est beaucoup
Pour un habitant du Parnasse2.
Cependant faites-moi la grâce
De prendre en don ce peu d’encens.
Prenez en gré mes vœux ardents,
Et le récit en vers qu’ici je vous dédie.
Son sujet vous convient ; je n’en dirai pas plus :
Sur les éloges que l’envie
Doit avouer qui vous sont dus,
Vous ne voulez pas qu’on appuie.
Allusion à l’un des travaux d’Hercule qui devait tuer l’hydre de Lerne, serpent à sept têtes qui repoussaient
chaque fois qu’on les tranchait. Ce combat symbolise ici la lutte de Louis XIV (Hercule) contre la Triple
Alliance (l’hydre).
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Habitant du Parnasse : périphrase qui désigne le poète ; dans l’Antiquité, le Parnasse est la résidence des
Muses (divinités) dont celle de la poésie.
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Dans Athène autrefois peuple vain et léger,
Un orateur voyant sa patrie en danger,
Courut à la tribune ; et d’un art tyrannique,
Voulant forcer les cœurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l’écoutait pas : l’orateur recourut
A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes.
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu’il put.
Le vent emporta tout ; personne ne s’émut.
L’animal aux têtes frivoles
Etant fait à ces traits, ne daignait l’écouter.
Tous regardaient ailleurs : il en vit s’arrêter
A des combats d’enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
Cérès1, commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l’anguille et l’hirondelle :
Un fleuve les arrête ; et l’anguille en nageant,
Comme l’hirondelle en volant,
Le traversa bientôt. L’assemblée à l’instant
Cria tout d’une voix : Et Cérès, que fit-elle ?
- Ce qu’elle fit ? un prompt courroux
L’anima d’abord contre vous.
Quoi, de contes d’enfants son peuple s’embarrasse !
Et du péril qui le menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l’effet !
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?
A ce reproche l’assemblée,
Par l’apologue réveillée,
Se donne entière à l’orateur :
Un trait de fable en eut l’honneur.
Nous sommes tous d’Athène en ce point ; et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d’âne2 m’était conté,
J’y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.
Jean de La Fontaine, Fables, 1693.
1
2
Dans la mythologie romaine, déesse de l’agriculture.
Conte de Charles Perrault.
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Document 3
Les Liaisons dangereuses, roman par lettres, ont pour héros principaux le vicomte de
Valmont et la marquise de Merteuil. Pour reconquérir cette dernière, qui fut antérieurement sa
maîtresse, le libertin Valmont s’est engagé à séduire une femme vertueuse, madame de
Tourvel. Il raconte ici à la marquise, destinataire de la lettre, comment il a mené l’ultime
phase de sa campagne de séduction.
[Extrait de la lettre 125, « Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil »]
Jusque-là, ma belle amie, vous me trouverez, je crois, une pureté de méthode qui vous fera
plaisir ; et vous verrez que je ne me suis écarté en rien des vrais principes de cette guerre, que
nous avons remarquée souvent être si semblable à l’autre. Jugez-moi donc comme Turenne1
ou Frédéric2. J’ai forcé à combattre l’ennemi qui ne voulait que temporiser ; je me suis donné,
par de savantes manœuvres, le choix du terrain et celui des dispositions ; j’ai su inspirer la
sécurité à l’ennemi, pour le joindre plus facilement dans sa retraite ; j’ai su y faire succéder la
terreur, avant d’en venir au combat ; je n’ai rien mis au hasard, que par la considération d’un
grand avantage en cas de succès, et la certitude des ressources en cas de défaite ; enfin, je n’ai
engagé l’action qu’avec une retraite assurée, par où je pusse couvrir et conserver tout ce que
j’avais conquis précédemment. C’est, je crois, tout ce qu’on peut faire ; mais je crains, à
présent, de m’être amolli comme Annibal dans les délices de Capoue3. Voilà ce qui s’est
passé depuis.
Je m’attendais bien qu’un si grand événement ne se passerait pas sans les larmes et le
désespoir d’usage ; et si je remarquai d’abord un peu plus de confusion, et une sorte de
recueillement, j’attribuai l’un et l’autre à l’état de Prude : aussi, sans m’occuper de ces légères
différences que je croyais purement locales, je suivais simplement la grande route des
consolations, bien persuadé que, comme il arrive d’ordinaire, les sensations aideraient le
sentiment et qu’une seule action ferait plus que tous les discours, que pourtant je ne négligeais
pas. Mais je trouvai une résistance vraiment effrayante, moins encore par son excès que par la
forme sous laquelle elle se montrait.
Figurez-vous une femme assise, d’une raideur immobile, et d’une figure invariable ; n’ayant
ni l’air de penser, ni d’écouter, ni d’entendre ; dont les yeux fixes laissent échapper des larmes
assez continues, mais qui coulent sans effort. Telle était Mme de Tourvel, pendant mes
discours ; mais si j’essayais de ramener son attention vers moi par une caresse, par le geste
même le plus innocent, à cette apparente apathie succédaient aussitôt la terreur, la suffocation,
les convulsions, les sanglots, et quelques cris par intervalles, mais sans un mot articulé.
Ces crises revinrent plusieurs fois, et toujours plus fortes ; la dernière même fut si violente
que j’en fus entièrement découragé et craignis un moment d’avoir remporté une victoire
inutile. Je me rabattis sur les lieux communs d’usage ; et dans le nombre se trouva celui-ci :
« Et vous êtes dans le désespoir, parce que vous avez fait mon bonheur ? » A ce mot,
1
Maréchal de France (1611-1675), vainqueur de nombreuses batailles et connu pour ses analyses précises et
rapides des situations sur le terrain.
2
Le roi Frédéric II de Prusse (1712-1786). Il forma une armée devenue la meilleure d’Europe.
3
Après avoir vaincu les Romains à Cannes (216 avant J.-C.), le général et homme d’Etat carthaginois Hannibal
(247-183 avant J.-C.) s’arrêta dans la ville de Capoue où son armée s’amollit, sans qu’il puisse tirer profit de sa
victoire.
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l’adorable femme se tourna vers moi ; et sa figure, quoique encore un peu égarée, avait
pourtant déjà repris son expression céleste. « Votre bonheur », me dit-elle. Vous devinez ma
réponse. « Vous êtes donc heureux ? » Je redoublai les protestations. « Et heureux par moi ! »
J’ajoutai les louanges et les tendres propos. Tandis que je parlais, tous ses membres
s’assouplirent ; elle retomba avec mollesse, appuyée sur son fauteuil ; et m’abandonnant une
main que j’avais osé prendre : « Je sens, dit-elle, que cette idée me console et me soulage. »
Vous jugez qu’ainsi remis sur la voie, je ne la quittai plus ; c’était réellement la bonne, et
peut-être la seule. Aussi quand je voulus tenter un second succès, j’éprouvai d’abord quelque
résistance, et ce qui s’était passé auparavant me rendait circonspect : mais ayant appelé à mon
secours cette même idée de mon bonheur, j’en ressentis bientôt les favorables effets : « Vous
avez raison, me dit la tendre personne ; je ne puis plus supporter mon existence qu’autant
qu’elle servira à vous rendre heureux. Je m’y consacre tout entière : dès ce moment je me
donne à vous, et vous n’éprouverez de ma part ni refus, ni regrets. » Ce fut avec cette candeur
naïve ou sublime qu’elle me livra sa personne et ses charmes, et qu’elle augmenta mon
bonheur en le partageant.
Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, 1782.
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Document 4
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Document 5
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