Problèmes de fumier Le Québec produit sept millions de porcs par année. Attention! Un cochon, une tonne de lisier. Jusqu'à maintenant, la seule façon de s'en débarrasser, c'était l'épandage. 90% d'eau; le reste, c'est de la matière organique, pleine d'azote et de phosphore. Un excellent engrais! Mais il n'y a plus assez de terres agricoles, même dans toute la province, pour recevoir le fumier qu'on produit déjà! Mais plusieurs technologies alternatives voient le jour. D'après le ministère de l'Environnement, les épandages sont excessifs. Ils fournissent en moyenne trois fois plus d'engrais que ce dont les cultures ont besoin. Trop de phosphore, qui s'accumule dans le sol et les alluvions. Trop d'azote qui suinte jusqu'aux cours d'eau. Une pollution diffuse, invisible. La crise est surtout aiguë dans le bassin de la rivière Chaudière. Une région où les fermes porcines se suivent et se ressemblent. La pollution diffuse déverse dans la Chaudière l'équivalent de 450 000 tonnes de lisier par année. Au printemps dernier, tous les champs arboraient des réseaux d'ornières laissées par les épandeuses de lisier. L'odeur nous agressait jusque dans l'avion. Les dangers de l’odeur Une simple nuisance? Non ! L'odeur peut être dangereuse, selon le docteur Benoît Gingras, responsable du dossier des engrais animaux pour l'ensemble des départements de santé publique du Québec : « Les gens qui sont exposés à des odeurs provenant des élevages concentrés - et de façon fréquente - sont susceptibles de développer des problèmes de santé mentale, de détresse psychologique, de colère, etc. Et d'autre part, ce qui est relativement nouveau dans quelques études, possiblement des effets sur le système respiratoire. » Pollution diffuse et odeurs. Deux problèmes que veulent régler certaines technologies qui deviennent disponibles. Solution pour éliminer l’ammoniac Par exemple, au Centre d'excellence en production porcine de Saint-Anselme, dans la Beauce, on a d'abord éliminé l'ammoniac, un gaz nauséabond et irritant. C'est surtout lui qui dérange les voisins. Ce qu'on oublie, c'est qu'il cause aussi des problèmes respiratoires aux animaux. Leur trouvaille : retirer le lisier avant qu'il n'ait le temps de fermenter sous les lattes du plancher. On traite ce lisier dans la petite usine d'épuration qui est intégrée au bâtiment. Une usine complètement automatisée qui s'inspire du traitement traditionnel des eaux d'égouts. Le purin frais est d'abord filtré dans un tamis. Cela permet d'extraire toutes les fibres que les animaux n'ont pas digérées. Mais l'important, c'est de nettoyer l'eau. Elle est dirigée vers un bassin où des bactéries vont concentrer le phosphore et une partie de l'azote dans une boue épaisse. L'ammoniac et les autres composés azotés seront retirés dans un dernier module comme l'explique l'ingénieur Camille Dutil, de la firme de génie-conseil Envirogain : « L'eau percole à travers le filtre et les gaz sont aspirés à travers chacune des unités de traitement. » À la fin du traitement, les odeurs sont éliminées et l'eau peut servir à irriguer les terres ou être rejetée dans un cours d'eau. Épidémie de Walkerton Sauf qu'aujourd'hui, cela ne suffit plus à apaiser le public… Depuis l'épidémie qui a tué plusieurs personnes dans le village de Walkerton, en Ontario, le débat sur l'épandage a pris un virage. On a appris au procès que les bactéries E. coli de Walkerton provenaient du fumier rejeté par les élevages de la région. Elles avaient contaminé l'eau souterraine. En mai 2000, la paisible ville de Walkerton, en Ontario, est frappée par la pire épidémie à la bactérie E. coli de l’histoire du pays. Sept personnes meurent et 2300 des 5000 résidents tombent malades après avoir bu de l’eau contaminée. Le drame fait ressortir les failles du système de contrôle de l’eau potable, éclaboussant au passage les décisions du gouvernement Harris. Depuis, les citoyens ont appris à se méfier de l’eau du robinet qui les a empoisonnés. Cinq ans après la tragédie, le Canada est-il à l’abri d’un autre « Walkerton »? Responsabilité de l’État H. L. : L’État ne fait rien pour inverser la vapeur. Nos élus n’en ont que pour la croissance économique, dont ils pensent qu’elle va pouvoir régler tous les problèmes. Il faut en finir avec ce mythe. Dans certains villages de la Beauce, de Lanaudière et de la Montérégie, la puanteur à côté des mégaporcheries est telle qu’on ne peut plus faire sécher ses vêtements dehors! L’eau n’est plus potable, les rivières sont parfois dangereuses au simple contact tellement elles regorgent de micro-organismes pathogènes. Disons-le clairement : la croissance économique signifie désormais, dans bien des cas, la pollution des rivières, le rasage des forêts, la contamination des puits, la production de viande de mauvaise qualité, bourrée de médicaments et d’hormones. On ne dit pas assez que 50 % des travailleurs agricoles ont des problèmes respiratoires, dus en grande partie aux poussières d’excrément et de moulées médicamentées ainsi qu’à des concentrations élevées de gaz toxiques issus des fèces et de l’urine en suspension dans l’air. Partout où il y a des porcheries, les rivières sont contaminées. Mais le gouvernement refuse d’en attribuer la faute aux mégaporcheries, car il est difficile d’en fournir la preuve et il ne se donne pas les moyens d’établir cette preuve. Les fertilisants utilisés dans les champs de maïs servant à nourrir les porcs et le recours au lisier liquide contaminent nos rivières et nos nappes phréatiques. En fait, nous nous rendons malades pour élever plus de 14 millions de porcs au Québec qui sont destinés à l'exportation », a dit Jim Harris. Chaque année, les fermes porcines laissent dans la nature neuf millions et demi de mètres cubes de lisier : l'équivalent de quatre stades olympiques remplis. L’État ne joue donc pas son rôle. Que des consommateurs acceptent de payer plus cher du café équitable, c’est bien : mais ces gestes individuels ne peuvent suffire à inverser la tendance. Il faut que l’État s’en mêle, d’autant plus qu’à l’heure actuelle, la loi est du côté des producteurs : les municipalités n’ont pas le pouvoir d’empêcher la construction d’une porcherie Rel. : Ces mesures alternatives auxquelles vous faites allusion sont-elles de simples correctifs techniques ou supposent-elles une autre vision de société? H. L. : L’exportation rapporte beaucoup d’argent, mais il est suicidaire pour une société de tout réduire à l’économie. Un véritable projet de société ne peut ignorer la qualité de vie et l’environnement. La vision sociale de nos élus est pour le moins défaillante, sinon inexistante. Pourtant, de plus en plus de jeunes réclament une vision plus " circulaire ", qui place les humains et les écosystèmes – plutôt que les intérêts corporatifs – au centre du projet collectif. Mais pour l’instant, à cet égard, c’est comme si les élus souffraient d’une espèce d’entêtement à être ridicules. En Suisse, la population vient de décider par référendum, à 80 %, de ne pas être compétitive sur les marchés internationaux de l’agriculture. Voilà un projet de société! Arrêter de soumettre notre agriculture à la merci de la fluctuation des marchés internationaux, ce serait investir à long terme, en assumant dès maintenant les coûts environnementaux et sociaux. L’agriculture coûterait certes un peu plus cher, mais l’État pourrait alors subventionner davantage les petites fermes et imposer des plafonds aux plus grosses. Pourquoi ne pas développer des programmes de transition à l’agriculture biologique, comme c’est le cas dans certains pays d’Europe depuis plus de 20 ans? En Grande-Bretagne, 1 200 agriculteurs effectuent cette transition chaque année, parce que l’État juge que les coûts de cette transition en valent la peine. Au Québec, le soutien de l’État pour un tel changement est une vraie farce! * Voir le tableau #6 de la page 132 dans votre volume pour voir les obligations d’un propriétaire de porcherie et le témoignage oui aux mégaporcheries 7c. Croissance de la production porcine Les mégaporcheries sont en train de gagner du terrain au détriment des entreprises familiales. Faux. Au sens strict du terme, le préfixe « méga » signifie « un million de ». Or, au Québec, 90 % des fermes porcines comptent 2 500 porcs et moins. La production porcine québécoise est constituée principalement d'entreprises familiales, qui ont pu conserver une dimension humaine. À titre de comparaison, les fermes porcines du Québec comptent en moyenne 250 truies et 1 800 porcs à l'engraissement. En Caroline du Nord, une ferme porcine moyenne compte 2 000 truies et 15 000 porcs à l'engraissement, soit presque 10 fois plus de porcs qu'une ferme porcine québécoise. Il y a plus de porcs que d'êtres humains au Québec. Faux. Au Québec, en 2001, on a produit un total de sept millions de porcs. Cela ne veut pas dire qu'il y a plus de porcs que d'êtres humains au Québec. Au contraire, on compte environ 3,7 millions de porcs en inventaire. En d'autres mots, seulement 3,7 millions de porcs sont présents en permanence sur le territoire québécois. La production porcine croît à un rythme effréné. Depuis dix ans, la production porcine a augmenté en moyenne de 4 à 5 % par année au Québec, l'équivalent d'environ 200 000 porcs par année. Depuis 1999, le taux de croissance est passé à 3 %. Ce rythme permet de répondre à l'augmentation de la demande tout en restant concurrentiel. L'objectif de doubler la valeur des exportations de viande de porc équivaut à doubler la production. Faux. Doubler les exportations ne signifie pas doubler la production, puisque les exportations ne représentent que 50 % de l'ensemble de la production. Entre 1998 et 2000, la valeur des exportations est passée de 460 à 650 M$ environ, soit une hausse de 42 %. Protection de l'environnement Peu d'actions sont entreprises pour remédier au problème de surfertilisation des sols. Faux Par exemple, des modifications apportées à l'alimentation des porcs ont permis de réduire de 30 % les rejets en azote et de 40 % les rejets en phosphore. De plus, en 2001, la proportion des superficies cultivées avec un plan de fertilisation au Québec atteignait 95 %. Un plan de fertilisation permet de nourrir les sols en fonction du besoin des cultures. La production porcine engendre des risques de contamination de la nappe souterraine. De nos jours, 100 % du cheptel est relié à une structure étanche d'entreposage du lisier et 95 % des champs sont cultivés avec un plan agroenvironnemental de fertilisation. Les principales mesures sont donc prises afin d'éviter la contamination de la nappe souterraine. Il est impossible de réduire les odeurs associées à la production porcine. Faux. Il est possible de réduire les odeurs et les producteurs ont déjà mis en place plusieurs mesures en ce sens. L'utilisation d'une rampe basse d'épandage et l'incorporation du lisier dans les 24 heures suivant l'épandage figurent parmi les principales pratiques qui permettent de diminuer les odeurs incommodantes. Par ailleurs, la mise en place de certaines structures - comme une toiture sur la fosse à lisier ou un écran boisé autour de la ferme - constitue également un moyen de réduire les odeurs. Ces mesures sont prévues dans le Plan agroenvironnemental, et le nombre de fermes porcines qui les appliquent va en croissant. Santé publique et salubrité alimentaire La viande de porc doit se consommer très cuite. Vous l'aimez rosée ? Tant mieux, car il est inutile de cuire la viande de porc trop longtemps. Aujourd'hui, le porc du Québec - à l'exception de la viande hachée - peut sans aucun problème se consommer légèrement rosé, soit à une température interne de 70°C. La consigne de faire cuire longuement la viande de porc date d'une période révolue, du temps où les porcs étaient élevés au grand air, en contact avec des animaux sauvages et nourris de déchets de cuisine et d'abattoirs. L'amélioration de l'alimentation du porc et des conditions d'élevage fait en sorte que le cheptel québécois est de nos jours exempt de trichine, un parasite microscopique transmissible à l'homme. Les porcs québécois peuvent être porteurs de la bactérie E-Coli. Contrairement à certaines rumeurs alarmistes circulant dans les médias, la bactérie Escherichia coli 0157 : H7 ne semble pas constituer une source de préoccupation chez le porc. Cette bactérie responsable de la contamination à Walkerton en Ontario et de la maladie du hamburger est présente dans le système digestif des bovins, mais elle apparaît au contraire très rarement chez le porc dans les élevages spécialisés. Ainsi, des enquêtes menées en Amérique du Nord et en Europe n'ont permis d'identifer le germe chez les porcs ou dans la viande de porc que dans des cas exceptionnels. Plus particulièrement au Québec, une vaste enquête menée en 1999 dans 230 troupeaux et sur plus de 5 500 porcs n'a pas permis de mettre en évidence la bactérie. Il existe des risques de fièvre aphteuse au Québec dans le cheptel porcin. Faux. Le porc québécois est exempt de cette maladie, qui ne se transmet d'ailleurs pas à l'homme. Par ailleurs, avec la mise au point d'un système de traçabilité de la ferme à la table, il sera possible de prévenir la propagation de ce type de maladies. On administre trop d'antibiotiques aux porcs. Les antimicrobiens sont essentiels pour lutter contre les maladies infectieuses. Toutefois, des études sont en cours dans le but de déterminer s'il serait préférable de cesser de les utiliser pour prévenir les maladies ou pour favoriser la croissance. Les porcs sont sur-médicamentés. Non. Au Québec, il est obligatoire d'obtenir une prescription d'un vétérinaire avant d'administrer un médicament à un porc. Un registre des médicaments donnés à l'animal doit également être tenu de façon régulière. De plus, une période de retrait doit être respectée avant que l'animal ne soit abattu afin qu'il n'y ait plus de trace de résidu de m édicaments dans le corps de l'animal. Conditions d'élevage Les porcs sont castrés. Oui, c'est vrai. Si les porcs n'étaient pas castrés, leur viande aurait un goût d'urine. Les porcelets sont donc castrés quand ils sont âgés de trois jours environ. Peu de temps après l'intervention, qui prend quelques secondes, le porcelet retourne à la tétée et s'endort. On leur coupe également la queue, car les porcs se la mordillent entre eux, engendrant ainsi blessures et infections. On maltraite les animaux en les mettant dans des cages. Les cages empêchent la truie d'écraser les porcelets. Ces cages, par ailleurs, comportent une zone chauffée pour assurer le bien-être des porcelets. Les pratiques d'élevage modernes prennent soin de limiter le nombre de porcs dans un espace donné afin d'assurer le bien-être animal. Des cages sont aussi utilisées dans le cas de la gestation. Bien que cette pratique soit remise en question, ces cages ont pour but d'éviter les avortements, car les truies en groupe peuvent se blesser entre elles. On maltraite les porcs en les gardant à l'intérieur. C'est afin d'assurer la santé publique et la salubrité alimentaire que les porcs sont élevés à l'intérieur dans un environnement contrôlé. Élevés à l'extérieur, les porcs pourraient entrer en contact avec des animaux sauvages potentiellement porteurs de maladies transmissibles. Il est ainsi plus difficile de veiller à la bonne santé du cheptel et conséquemment à la santé publique. Du temps qu'ils étaient élevés au grand air, et qu'ils étaient nourris de déchets de cuisine et d'abattoirs, certains porcs pouvaient être infectés par la trichine, ce parasite microscopique transmissible à l'homme et responsable de maux divers : diarrhées, nausées, fièvres, douleurs musculaires, etc. D'où d'ailleurs, à l'époque, la consigne de faire cuire longuement la viande de porc. Aujourd'hui, avec l'amélioration de l'alimentation du porc et des conditions d'élevage, ce problème n'existe plus. Soutien gouvernemental La production porcine est fortement subventionnée par le gouvernement. Le soutien gouvernemental à la production porcine est minimal : le revenu des producteurs provient à 95 % du marché. Cependant, il existe un programme de sécurité des revenus qui entre en jeu lorsque le prix du porc baisse sur les marchés. Pour chaque dollar versé par les producteurs, le gouvernement en verse deux