LE NOC LOIC AIRR 2001 BAGNERES « La psychodynamique du travail des infirmières auprès de
patients tétraplégiques » 03052001
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LA PSYCHODYNAMIQUE DU TRAVAIL DES
INFIRMIERES AUPRES DE PATIENTS
TETRAPLEGIQUES
LE NOC LOIC
INFIRMIER
Diplômé des Hautes Etudes en Pratiques Sociales
CMRRF KERPAPE
PLAN DE LA COMMUNICATION
1 INTRODUCTION
2 LA PSYCHODYNAMIQUE DU TRAVAIL : ELEMENTS THEORIQUES
Rester normal
La Reconnaissance
3 ANALYSE DU TRAVAIL INFIRMIER PAR LA PSYCHODYNAMIQUE DU TRAVAIL
« Guérir quand même »
Proximité corporelle
Le collectif de travail
Une faible technicité
Pénibilité des soins
Elaborer un sens aux activités soignantes
La capacité thérapeutique de l’équipe infirmière
Transdisciplinarité
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INTRODUCTION
Le handicap génère pour tous ceux qui y sont confrontés un sentiment de malaise.
Les infirmières qui travaillent en centre de rééducation fonctionnelle auprès de
patients atteints de tétraplégie naviguent en permanence entre l’espoir utopique de
« tout vouloir réparer » et la souffrance engendrée par l’impossibilité d’atteindre leur
idéal soignant classiquement symbolisé par la « guérison » des patients.
Cette recherche présente le vécu subjectif de ces travailleurs du soin, confrontés au
réel du travail. Des entretiens compréhensifs et des éléments d’analyse de la
psychodynamique du travail montrent le vécu de leur rapport au travail de soin.
A partir d’une souffrance initiale liée à la première confrontation au « monde du
handicap » l’organisation du travail des infirmières permet l’élaboration d’un collectif
de métier.
L’analyse psychodynamique du travail étudie comment les travailleurs prennent soin
de leur fonctionnement psychique, de leur santé mentale dans un environnement pas
toujours favorable à son épanouissement : le travail, en analysant d’une part les
relations entre plaisir et souffrance et d’autre part l’organisation du travail. Je me suis
attaché à analyser à partir du discours des infirmières d’un service de blessés
médullaires les éléments qui contribuent à ce que le travail soit une source de plaisir
ou au contraire générateur de souffrances.
LA PSYCHODYNAMIQUE DU TRAVAIL
Le « travail » vaste sujet : l’étymologie du terme est latine « tripalium » : instrument
de torture. Le travail est originellement un instrument de torture donc par définition
générateur de souffrances. Jusqu’à l’époque classique le mot travail exprime des
idées de fatigue, peine, tourment, déplaisir et obligation pénible. Il y a une
cinquantaine d’années des chercheurs voulurent établir une clinique des maladies
mentales directement imputables au travail. En dépit de quelques résultats dont la
névrose des téléphonistes par Le Guillant il s’avéra que le travail provoquait peu de
pathologies mentales spécifiques. La question devint : comment font les travailleurs
pour rester normaux dans les conditions qu’ils vivent au travail ?
Ce changement est du à l’équipe du laboratoire de psychologie du travail du
Conservatoire National des Arts et Métiers dirigée par Christophe Dejours. Ce
champs théorique est issu de la rencontre de la psychiatrie, la psychanalyse,
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l’ergonomie et la sociologie compréhensive. Selon DEJOURS
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le travail ne doit pas
se confondre avec l’activité, la tâche et encore moins l’emploi : « Le travail, c’est
l’activité coordonnée déployée par les hommes et les femmes pour faire face à
ce qui, dans une tâche utilitaire, ne peut être obtenu par la stricte exécution de
l’organisation prescrite. » Travailler c’est donc faire face ensemble à ce qui n’est
pas prévu, c’est produire mais aussi vivre ensemble au sein d’une organisation de
travail qui est : «la division du travail, le contenu de la tâche ( …) le système
hiérarchique, les modalités du commandement, les relations de pouvoir, les
questions de responsabilité. »
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Il convient donc d’admettre que dans toute activité existe une part non gligeable
qui fait échec à l’organisation prescrite la plus élaborée soit elle. Le réel investit par la
créativité du psychisme des acteurs montre leur « patte » dans la réalisation du
procès de travail. Cet investissement subjectif est nécessaire voir vital à la réalisation
de la tâche demandée. L’absence de cet investissement limite le travail au strict
respect des consignes et se traduit par le phénomène de « grève du zèle » : le
travailleur exécute scrupuleusement le schéma prévu par l’organisation en y
investissant aucune ressource personnelle : le blocage se produit très rapidement.
Pour que le travailleur se mobilise dans ce qu’il convient malgré tout d’appeler une
transgression ou pour le moins un fonctionnement à la limite des règles prescrites il
doit recevoir en retour la reconnaissance de sa contribution effective au procès de
travail. L’attente de reconnaissance est d’ordre symbolique et non uniquement
financière.
RESTER NORMAL
Pour la psychodynamique la question est comment font les travailleurs pour rester
normaux dans les conditions de travail qu’ils vivent ? Cette normalité n’implique pas
l’absence de souffrance. La psychodynamique du travail dans une démarche
compréhensive s’intéresse aux processus psychiques mis en œuvre par un sujet
dans le cadre de sa rencontre avec le travail, processus débouchant sur le plaisir ou
la souffrance pathogène. « Le vécu subjectif de ce décalage, de cette
discontinuité peut prendre différentes formes telles que la douleur morale, les
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C. DEJOURS (1995) Le Facteur Humain Paris PUF QUE SAIS JE ? N° 2996 p 44
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C. DEJOURS (1993)Travail usure mentale , Paris Bayard éditions, p. 27
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sentiments d’incomplétude, de manque, de honte, de dépit, de jalousie,
d’ennui. »
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« La souffrance au travail, c’est le vécu qui surgit lorsque le sujet se heurte à
des obstacles insurmontables et durables, après avoir épuisé toutes ses
ressources pour améliorer l’organisation réelle de son travail vis-à-vis de la
qualité et de la sécurité. En d’autres termes la souffrance pathogène
commence lorsque le rapport du sujet à l’organisation du travail est bloqué. »
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Face à cette souffrance les travailleurs ne restent pas inactifs : interviennent alors
des processus de défense du psychisme que sont les stratégies collectives de
défense. Ces stratégies collectives de défense furent mises en évidence en premier
lieu dans les métiers dangereux tels que le secteur du bâtiment travaux publics, la
pétrochimie, le nucléaire. Plusieurs auteurs en identifièrent dans le secteur sanitaire
dans des équipes éducatives, aides soignantes et infirmières. Ces stratégies
collectives de défense se manifestent sous diverses formes : déni de la réalité,
silence sur le travail effectué, minimisation des risques voire leur déni, élaboration
de règles informelles en dehors du cadre du travail prescrit, tricherie permanente par
rapport aux procédures et désignation d’ennemis communs.
Ces stratégies permettent aux travailleurs de poursuivre leur activité en dépit des
contraintes sans pour autant les amoindrir. Pour que ces stratégies existent il faut
que le collectif de travail élabore un consensus de règles défensives ou chaque
individu apporte sa contribution.
Ce collectif de travail fonctionne sur la base d’un espace de discussion ou le groupe
définit des règles de métier. Ces « règles de tier » étudiées par Damien CRU ne
sont pas écrites elles ne s’érigent pas sous la forme d’un règlement, elles sont
implicites et appropriées voir intériorisées par les membres du collectif de travail.
Leur élaboration est permanente au fil de l’évolution du collectif de travail, leur
transmission est assurée des anciens vers les jeunes en terme de techniques
instrumentales, « langue » commune de métier, éthique du métier et relations
sociales propres au collectif de travail.
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D. LE BOUL, R. CANINO (1994) La souffrance au travail Paris, CNAM
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C. DEJOURS. P. MOLINIER (1994) Le travail comme énigme Revue Sociologie du travail 38,
n° hors série 94, p. 147
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LA RECONNAISSANCE
Le principal moteur de l’homme et de la femme au travail est la reconnaissance.
Reconnaissance de sa contribution à l’efficacité de l’organisation du travail, qui
donne un sens à la souffrance liée au travail : « La construction de l’identité est
largement tributaire de la reconnaissance du travail accompli
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La reconnaissance passe par l’émission de jugement portés sur le travail et non sur
la personne : jugements d’utilité, de beauté et de distinction.
Le jugement d’utilité peut se baser sur différents domaines : économique, technique
ou social, mais en premier lieu, ce jugement est qualitatif. Le jugement d’utilité
technique est émis par la hiérarchie, les pairs et parfois les clients. DEJOURS pose
un préalable en disant que dans le domaine du travail : « La confiance relève du
respect de la promesse d'un jugement équitable sur la façon dont ego gère son
rapport avec le réel de la tâche. Ce jugement est équitable si les arguments
pris en compte portent effectivement sur le faire (l'activité) et s'ils ne sont pas
distordus par des arguments hétéronomes relevant de la stratégie d'autrui
concernant le pouvoir et la domination. »
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« La véritable reconnaissance fait référence au témoignage explicite traduisant
un jugement favorable porté sur le travail el »
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pour « Rapatrier cette
conquête obtenue dans le registre du faire, du côté de l'accomplissement de
soi et de la construction de la personne ou de l'identité . »
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Le jugement de beauté est en général émis par les pairs, collègues. Il s’agit d’arriver
à : « La conformité du travail, de la production, de la fabrication ou du service
avec les règles de l'art. Ce jugement, qualitativement, confère à ego
l'appartenance au collectif ou à la communauté d'appartenance. »
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Pour la distinction, l’émetteur des jugements doit : « Apprécier ce qui fait la
distinction, la spécificité, l'originalité voire le style du travail. En contrepartie
ce jugement confère à ego la reconnaissance de son identité singulière ou de
son originalité, c'est-à-dire de ce par quoi ego n'est précisément identique à
5
P. MOLINIER (1996) « Féminité et entrée dans le monde du travail » in « Travailler », Sous la
direction de A. BIRRAUX et C. DEJOURS Revue Adolescence, n° 28, Paris Bayard
6
C. DEJOURS (1995) Le facteur humain, Paris, Presses Universitaires de France p. 60
7
M.C. CARPENTIER-ROY (1995) Corps et Ame. Psychopathologie du travail infirmier
Montréal Liber Editions
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C. DEJOURS (1995) Le facteur humain Ibid p. 62
9
C. DEJOURS (1995) Le facteur humain Ibid p. 61
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