Madame, Monsieur, Vous avez été victime d’une crise de goutte. Ce document vous donne quelques informations sur la nature de cette affection. La crise de goutte est due à la précipitation brutale de cristaux d’acide urique dans la cavité d’une articulation, chez un sujet dont le taux d’acide urique sanguin est supérieur à la normale. L’acide urique est un composant normal du sang, qui résulte de la dégradation de certains composants protéiques (les purines). Le taux d’acide urique est élevé chez certains patients. Dans la plupart des cas (goutte primitive), l’origine de cet excès est inconnue. Il existe des cas de goutte dite " secondaire ", où l’hyperproduction d’acide urique est liée à une autre maladie métabolique, mais ces situations sont rares. Enfin certains médicaments peuvent déclencher une hyperuricémie et éventuellement une crise de goutte. La goutte touche beaucoup plus fréquemment l’homme que la femme : 1,5 % des hommes de 35 à 44 ans feront une crise de goutte. L’obésité favorise la goutte. La crise de goutte survient le plus souvent spontanément. Elle est parfois déclenchée par : Un excès alimentaire ou alcoolique La consommation de certains aliments, propres à chaque goutteux (et donc à déterminer par l’expérience…) Un traumatisme articulaire local Une intervention chirurgicale Une maladie intercurrente La prise d’un médicament diurétique Et , paradoxalement, au début d’un traitement visant à réduire le taux d’acide urique sanguin. L’articulation la plus souvent touchée est, de très loin, l’articulation de la base du gros orteil, mais d’autres articulations peuvent être en cause : le cou de pied, la cheville, le genou, les doigts, le coude. Il est très rare que plusieurs articulations soient touchées en même temps. La crise est parfois précédée d’un malaise général, de troubles digestifs, de fourmillements de l’articulation touchée. Puis la crise se déclenche brutalement, souvent la nuit : le sujet est réveillée par un douleur intolérable, pulsatile, lancinante, à type de broiement, de l’articulation touchée. Celle-ci est tuméfiée, impossible à examiner ou à mobiliser, luisante, rouge. La fièvre, parfois élevée, est fréquente. Lorsque l’articulation touchée est le gros orteil, le diagnostic est facile. Le bilan biologique vient confirmer le diagnostic en montrant un taux d’acide urique supérieur à 70 mg par litre, mais le traitement peut être instauré dès l’inspection par votre médecin. Le diagnostic est plus difficile lorsque la goutte touche d’autres articulations. Le traitement de la crise de goutte aiguë repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, ou sur la colchicine. Ces deux traitements sont très efficaces et donnent une sédation rapide (en moins de 48 heures). Les principaux risques liés aux anti-inflammatoires non stéroïdiens sont les ulcérations gastro-duodénales. La colchicine a pour principal effet secondaire un risque de diarrhée, justifiant l’association d’un antidiarrhéique. Ces médicaments ont d’autres effets secondaires et des contre-indications particulières, qu’il n’est pas possible de développer ici. Ils ne doivent être pris qu’après avis de votre médecin, et sur sa prescription. Une fois le traitement instauré et le diagnostic confirmé par la biologie, un certain nombre de questions se posent : S’agit-il bien d’une goutte primitive ? La réponse à cette question suppose : De rechercher une affection causale éventuelle : Maladie rénale Certaines proliférations cellulaires sanguines ou lymphoïdes. Certaines maladies métaboliques (diabète, anomalie lipidique, hypothyroïdie, pathologie parathyroïdienne) Certaines circonstances particulières (alcoolisme aigu, jeûne complet, effort violent) De rechercher un médicament ou un toxique en cause : Aspirine à faible dose, chimiothérapie anticancéreuse, diurétique, certains antituberculeux Intoxication au plomb ou au bérylium. Faut-il craindre des complications ? La goutte non traitée évoluait autrefois vers la goutte chronique, avec développement à proximité des articulations, de dépôts d’acide urique parfois volumineux et handicapants (les tophus). La goutte chronique entraîne également une destruction articulaire progressive. Elle est aujourd’hui très rare, du fait de l’efficacité des traitements de fond. L’hyperuricémie entraîne une augmentation de l’élimination urinaire d’acide urique, qui peut dès lors précipiter dans les voies urinaires et déclencher une colique néphrétique. Le plus souvent, ces lithiases s’observent lors de la mise en place de chimiothérapies anticancéreuses. L’insuffisance rénale chronique peut compliquer la goutte chronique. Elle se traduit par une fuite urinaire d’albumine, une hypertension artérielle, et une élévation du taux sanguin de créatinine. Faut-il traiter une hyperuricémie asymptomatique ? Un consensus existe pour ne pas proposer de traitement de fond devant une hyperuricémie qui n’a été responsable d’aucune manifestation clinique. Une fois éliminée une hyperuricémie secondaire, on se borne à une simple surveillance : la grande majorité des hyperuricémies ne donnera jamais aucun symptôme, et peut être respectée. Qui doit bénéficier d’un traitement de fond ? Cinq situations justifient un traitement de fond : La goutte chronique La goutte aiguë avec crises fréquentes (plus de quatre par an) La lithiase uratique La goutte secondaire à l’insuffisance rénale La prévention des crises de goutte lors de certains traitements anticancéreux. Quelle est la place du régime ? Les recommandations diététiques dans la goutte et l’hyperuricémie font l’objet d’une autre fiche de cette série. Leur place, autrefois centrale, est devenue secondaire en raison de l’efficacité majeure des médicaments du traitement de fond. Elles peuvent néanmoins rester un complément logique au traitement de fond. Sur quoi repose le traitement de fond ? Dans l’immense majorité des cas, le traitement de fond repose sur l’allopurinol. Ce médicament réduit la production d’acide urique par l’organisme. Il provoque une baisse de la concentration sanguine et urinaire d’acide urique. Mais il peut paradoxalement, en entraînant une mobilisation des dépôts d’urate de l’organisme, déclencher une crise de goutte aiguë en début de traitement. L’association à l’allopurinol d’une faible dose de colchicine, au début d’un traitement de fond, peut éviter cette complication. La posologie optimale d’allopurinol varie d’un sujet à l’autre (l’objectif est d’obtenir une uricémie inférieure à 60 mg par litre), elle est en général comprise entre 100 et 300 mg par jour. Les posologies seront de toutes façons atteintes par paliers progressifs, pour limiter le risque de crise déclenchée par le traitement. L’allopurinol interagit avec certains antibiotiques (pénicillines du groupe A) et avec les anticoagulants de la famille des anti-vitamine K (certaines précautions d’emploi doivent être respectées : voir avec votre médecin). Les autres traitements de fond ont pour objectif d’augmenter l’élimination urinaire d’acide urique : ils baissent les taux sanguins, et augmentent les taux urinaires. Ils sont rarement nécessaires, saur en cas de goutte chronique sévère, ou des (très rares) intolérances à l’allopurinol.