La Décision médicale : ses objectifs et ses moyens par Bernard Grenier Tout médecin qui pense qu’il pourrait être remplacé par un ordinateur, devra l’être. Formuler et prendre des décisions est le rôle de tout acte médical, que ce soit à l’échelle d’un patient singulier comme à celle d’un problème de santé publique. La qualité de la décision et sa justification sont les fondements même de l’action du médecin. L’évaluation de la décision médicale est une étape inéluctable dans le projet à la fois d’une meilleure qualité des soins, et d’une utilisation optimale des ressources techniques, humaines, économiques, pour une décision d’action qui soit économe du temps, des risques et des souffrances, et plus conforme à l’attente des patients et des contribuables. L’objectif d’une telle réflexion est d’acquérir le vocabulaire, les concepts et les méthodes nécessaires à l’analyse et l’évaluation des décisions médicales dans un contexte de contraintes économiques et d’exigences « sociétales » nouvelles. L’analyse décisionnelle offre arguments et moyens pour conjurer le risque d’une seule maîtrise comptable au profit d’une maîtrise réellement médicalisée des dépenses de santé. Elle offre une approche rationnelle aux exigences multiples de justification que les contraintes économiques, sociales, éthiques et philosophiques ne manqueront pas de soulever à propos des décisions d’actions médicales et de leurs résultats. Justification devant qui ? Justification rationnelle au nom de quelle logique ? En référence à quels critères, individuels, rationnels, subjectifs, économiques ? Raisonnable au nom de quelle morale ? Acceptable, au nom de quelle légitimité ? Ce sont les questions qui sont posées avec une acuité nouvelle, à chaque institution de soin et à chaque médecin qu’il soit praticien, enseignant ou ordonnateur d’une politique de santé. Ce sont à ces questions qu’il faut donner réponse. La formation des médecins au vocabulaire et aux méthodes de la décision et le bon usage de ses règles sont ainsi les facteurs indispensables : - 1- de la réponse à l’exigence d’information et de justification des propositions d’investigation et de traitement. - 2- de la maîtrise médicalisée réelle et consensuelle des dépenses de santé - 3- de l’information individuelle, professionnelle et collective sur les modalités et les résultats des actions médicales mises en œuvre. - 4- de la création des informations nécessaires à l’évaluation des actions médicales individuelles et des politiques de santé, curatives comme préventives. - 5- enfin, dans le respect de l’attente et des besoins de santé de la collectivité, d’offrir les arguments qui seront jugés nécessaires et acceptables d’une mise en oeuvre vraisemblablement inéluctable d’un rationnement des actions de santé dans le respect de la justice et de l’équité … En outre, par la mise en lumière de ses inconnues et de ses incertitudes, l’analyse de la décision médicale est un puissant stimulant de la créativité et de la genèse des informations, c’est-à-dire un facteur du développement, par chaque praticien, de la recherche clinique et épidémiologique.